CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3 - 1), 24 janvier 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 7709
CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3 - 1), 24 janvier 2019 : RG n° 16/01795 ; arrêt n° 2019/16
Publication : Jurica
Extrait : « La commercialisation de vin qui constitue l'activité professionnelle de la société R. qui est une commerçante est distinct de la téléphonie ; mais la seconde a un rapport direct avec la première qu'elle permet de faire fonctionner, et par suite les prestations fournies par la SCT ne sont pas régies par le Code de la Consommation comme l'a justement retenu le Tribunal. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 3 – 1 (anciennement dénommée DEUXIÈME CHAMBRE)
ARRÊT DU 24 JANVIER 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/01795. Arrêt n° 2019/16. N° Portalis DBVB-V-B7A-6A7X. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 14 décembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 2015F01652.
APPELANTE :
SARL R. PERE ET FILS
dont le siège est [adresse], représentée par Maître Philippe R. de la SCP SCP P. / R., avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Maître Michaël C., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE :
SAS SOCIÉTÉ COMMERCIALE DE TÉLÉCOMMUNICATION
dont le siège est [...] [...], représentée par Maître Martine G., avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 décembre 2018 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine AIMAR, Présidente, et Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, chargés du rapport. Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Marie-Christine AIMAR, Présidente, Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller.
Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2019.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2019. Signé par Madame Marie-Christine AIMAR, Présidente et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS - PROCÉDURE - DEMANDES :
Le 22 avril 2014 la SARL R. PERE ET FILS a souscrit auprès de la SAS SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION [la SCT] sous le n° 02560 :
- un contrat de prestation installation / accès web,
- un contrat de services téléphonie fixe,
- un contrat de services téléphonie mobile,
- un contrat de location,
- et une annexe mandat portabilité - demande de résiliation,
avec le même jour signature d'un procès-verbal de réception et d'un mandat de prélèvement SEPA.
La première société a par lettres des 29 juillet, 27 août notifiant la résiliation du contrat, 27 septembre faisant de même pour le contrat n° 53241 […], et 15 décembre 2014, ainsi que 25 mars 2015, formulé auprès de la seconde des réclamations quant à la qualité des prestations.
La SCT a enregistré en 2014 la résiliation du service téléphonie mobile pour 4 lignes les 30 septembre ainsi que 7 et 28 octobre, et réclamé des indemnités pour les sommes HT de 3.933 euros 00, 2.184 euros 00, et 957 euros 60. Elle a fait de même le 3 novembre pour 2 lignes fixes en réclamant une indemnité de résiliation anticipée de 3.000 euros 00 HT.
Cette société a émis 4 factures de résiliation mobile pour ces sommes les 30 septembre, 31 octobre, ainsi que 2 fois le 30 novembre, outre des factures des 31 août pour 2.500 euros 10 HT, 30 septembre pour 1.253 euros 66 HT et 31 octobre pour 147 euros 77 HT.
Par ailleurs la même a émis des factures de téléphonie fixe, le 31 août pour la somme de 115 euros 67 HT, le 30 septembre pour 109 euros 77 HT, le 31 octobre pour 220 euros 91 HT.
Le 5 mai 2015 la SCT a fait assigner la société R. en résiliation et paiement devant le Tribunal de Commerce de MARSEILLE, qui par jugement du 14 décembre 2015 a :
* condamné la société R. à payer à la SCT les sommes de :
- 5.229 euros 44 TTC au titre des factures d'août, septembre et octobre 2014 ;
- 12.089 euros 52 TTC au titre des indemnités de résiliation ;
le tout avec exécution provisoire ;
* condamné la société R. à payer à la SCT la somme de 1.500 euros 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
* dit que les dépens seront supportés par la société R. ;
* rejeté pour le surplus toutes autres demandes contraires.
La SARL R. PERE ET FILS a régulièrement interjeté appel, et par conclusions du 27 avril 2016 soutient notamment que :
- la SCT n'a jamais installé le matériel (standard téléphonique, caméra vidéo, ...), tout en facturant en mai 2014 une somme de 175 euros 00 H.T. pour « début d'installation » ;
- elle-même s'est plainte de ne pas disposer de l'intégralité des prestations convenues, notamment la ligne fax et l'accès à internet ; la SCT n'a pas satisfait à son engagement de résilier les abonnement téléphonie, fax et internet dont elle-même disposait auprès de l'opérateur ORANGE, lequel a continué à adresser ses factures ;
- le gérant d'elle-même a été facturé de plus de 4.000 euros 00 à son retour d'un déplacement en Italie de seulement 4 jours ;
- elle a résilié les contrats le 27 septembre 2014, et a reçu de la SCT une réclamation pour les échéances jusqu'au terme du contrat, dont elle a appris la durée de 63 mois ;
- la SCT lui a délivré une information mensongère, cause de nullité des contrats litigieux : elle-même ne compte que 2 personnes dont son gérant, et dans ses locaux un poste téléphonique, un fax, et un ordinateur pour accéder notamment à l'internet, ainsi qu'une alarme ; la SCT lui a fourni un standard téléphonique Grandstream parfaitement inutile au demeurant jamais installé mais facturé 175 euros 00 HT, et n'a pas fourni d'accès internet ; la SCT a inscrit sur le contrat téléphonie fixe un coût actuel mensuel de 129 euros 14 HT pour ORANGE qui est en réalité de 33 euros 90 HT, et de 109 euros 77 HT pour elle ; le forfait téléphonie mobile était de 69 euros 00 HT par mois, mais les factures exorbitantes ; la signature de ce contrat a fait résilier celui de SFR avec des frais de 491 euros 06 TTC que le gérant d'elle-même ignorait ; il en résulte qu'aucune des sommes réclamées par la SCT n'est due ;
- les contrats sont nuls pour violation du Code de la Consommation : la prestation de services de téléphonie et d'internet n'a pas de rapport avec son activité professionnelle de commercialisation de vin ;
- la SCT a éludé les griefs exposés par elle-même ; elle a manqué à ses obligations en ne mettant pas en fonction le fax et internet, et n'en installant pas la caméra IP ;
- les conditions générales de la SCT sont inopposables à elle-même : aucun exemplaire des conditions générales des contrats de prestations, de téléphonie mobile et de téléphonie fixe ne lui a été laissé ; le contrat de location qu'elle a signé est vierge de toute mention ; le mandat de prélèvement SEPA est seul signé, à l'exception de ses conditions générales recto/verso, et ne lui a pas été laissé ; le mandat de portabilité est signé sans mention de ses conditions générales au verso et ne lui a pas été laissé, tout comme le procès-verbal de réception qui de plus est vierge ; toutes ces conditions générales ne sont ni claires ni dénuées d'ambiguïté, ce qui viole l'obligation d'information édictée par l'article L. 441-6-III alinéa 1 du Code de Commerce quant aux caractéristiques essentielles du service proposé par la SCT ;
- elle n'a pas signé les conditions générales du forfait mobile « full illimité » ni « ajustable » qui figurent sur le mandat de prélèvement SEPA ;
- elle ignorait que les contrats avaient une durée de 63 mois, ce qui exclut les indemnités de résiliation ;
- la SCT a prélevé indûment :
* 264 euros 36 TTC pour la facture mobile de mai 2014, au lieu des 149 euros 76 TTC du contrat, soit une différence de 114 euros 60 ;
* 366 euros 79 TTC pour la facture mobile de juin 2014, au lieu de 149 euros 76 TTC du contrat, soit une différence de 217 euros 03 ;
* 421 euros 25 TTC. pour la facture fixe de mai 2014, au lieu des 131 euros 72 TTC du contrat, soit une différence de 289 euros 53 ;
* 318 euros 38 TTC pour la facture fixe de juin 2014, au lieu des 131 euros 72 TTC du contrat, soit une différence de 186 euros 66 ;
d'où un trop prélevé par la SCT de 807 euros 82 ;
* et une indemnité de résiliation anticipée de 491 euros 06 TTC.
L'appelante demande à la Cour, vu les articles 1134 du Code Civil, L. 121-22 du Code de la Consommation et L. 441-6 du Code de Commerce, de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement ;
- dire et juger les contrats souscrits par la société R. nuls et de nul effet ;
- à titre subsidiaire, dire et juger que la rupture des contrats l'a été aux torts exclusifs de la SCT ;
- à titre infiniment subsidiaire, dire et juger les conditions générales de la SCT inopposables à la société R. ;
- par conséquent ;
- débouter la SCT de l'ensemble de ses prétentions ;
- la condamner reconventionnellement au paiement des sommes suivantes :
* 807 euros 62 au titre des sommes indûment prélevées ;
* 491 euros 06 TTC au titre du remboursement des frais de résiliation anticipée de l'opérateur SFR ;
* 10.000 euros 00 à titre de dommages-intérêts ;
- la condamner au paiement d'une somme de 3.000 euros 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par conclusions du 4 mai 2016 la SAS SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION [SCT] répond notamment que :
- le contrat est parfaitement valable ;
- il y a absence de dol : en souscrivant les 2 contrats de téléphonie fixe et mobile pour une période de 63 mois la société R. a reconnu avoir pris connaissance et a accepté les conditions générales et particulières, lesquelles lui sont donc opposables ; elle était par conséquence parfaitement éclairée sur le contenu du contrat ; la même ne démontre pas l'existence de manœuvres dolosives ; elle devait s'informer et ne s'est pas plainte sur ce point avant d'être assignée ;
- sont inapplicables les dispositions du Code de la Consommation, puisque la société R. a souscrit le contrat de téléphonie pour les besoins de son activité professionnelle ; ce Code ne s'applique qu'aux consommateurs ;
- la société R. n'a pas réglé les factures de téléphonie fixe et mobile d'août à octobre 2014 soit la somme de 5.229 euros 44 TTC ;
- le forfait « full illimité » pour les 2 premiers numéros mobiles ne comprend pas l'usage de la data à l'étranger ; le 3ème est un forfait ajustable d'1 h ;
- la société R. a reçu le matériel prévu au contrat, et a bénéficié du service puisque la SCT a repris et activé les lignes fixes et mobiles ; sa résiliation anticipée le 27 août 2014 la rend redevable de l'indemnité de résiliation ; sont dus pour les 3 mobiles la somme de 8.489 euros 52 TTC, et pour le fixe 1.200 euros 00 TTC pour chacun des 3 équipements, soit au total 12.089 euros 52 TTC ;
- la société R. ne peut être remboursée des droits prélevés, qui correspondent à un service dont elle a bénéficié ;
- la même devait supporter les frais et/ou indemnités de résiliation de son précédent opérateur ;
- à titre subsidiaire, si la nullité du contrat était prononcée, la société R. a bénéficié d'un service de téléphonie pendant plusieurs mois, et doit les factures correspondantes.
L'intimée demande à la Cour, vu les articles 1134 et 1147 du Code Civil, de :
* à titre principal, confirmer le jugement ;
* à titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour prononçait la nullité des contrats, vu l'article 1371 du Code Civil :
- condamner la société R. au paiement de la somme de 5.229 euros 44 TTC au titre de ses factures ;
- débouter la société R. de sa demande de remboursement des factures prélevées et autres demandes ;
* en tout état de cause, condamner la société R. au paiement de la somme de 3.000 euros 00 par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 novembre 2018.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE L’ARRÊT :
La commercialisation de vin qui constitue l'activité professionnelle de la société R. qui est une commerçante est distinct de la téléphonie ; mais la seconde a un rapport direct avec la première qu'elle permet de faire fonctionner, et par suite les prestations fournies par la SCT ne sont pas régies par le Code de la Consommation comme l'a justement retenu le Tribunal.
Les contrats de web, de téléphonie fixe et de téléphonie mobile portent les signature et cachet de la société R. sous la mention imprimée « Le client déclare avoir pris connaissance et accepter les conditions générales et particulières », lesquels se trouvent au verso desdits contrats, avec l'indication d'une durée de 63 mois (respectivement articles 5, 9 et 15). Les conditions du 3ème contrat occupent plusieurs pages, dont la dernière se termine par le mandat de prélèvement SEPA qui est signé, et fait donc suite à la mention précitée. C'est par suite à tort que la société R. soutient qu'elle ignorait la durée de son engagement contractuel.
Cette société, entre la souscription des contrats le 22 avril 2014, et l'assignation par la SCT le 5 mai 2015, ne s'est jamais plainte d'avoir été mal informée quant au contenu de ceux-ci.
Elle ne peut donc reprocher une absence de clarté ni une ambiguïté à son adversaire. La même invoque des dysfonctionnements et une non-livraison des matériels, dont la preuve n'est cependant pas rapportée par ses seules affirmations, ni par les 2 attestations de ses relations professionnelles.
Il est sans intérêt que le contrat de location signé par la société R. soit vierge de toute mention, puisque la SCT ne réclame rien à ce titre.
Les 2 factures émises par la société ORANGE précédent opérateur de la société R. sont antérieures aux factures litigieuses de la SCT ; il importe peu que leurs tarifs respectifs soient différents au détriment de la SCT, puisque la société R. ne démontre pas que son consentement ait été vicié par son co-contractant.
La somme de 175 euros 00 facturée par la SCT pour le téléphone fixe fait partie des « frais de mise en service » stipulés à l'article 10.2 des conditions particulières, et ne peut être réclamée par la société R..
Enfin la société R. critique le montant des factures de téléphonie fixe et mobile émises par la SCT en mai et juin 2014, mais ces pièces ne sont communiquées par aucune des parties.
Les frais de résiliation anticipée de l'abonnement mobile de la société R. auprès de la société SFR sont à sa charge aux termes de l'article 5.1.3. des conditions particulières du contrat.
Les factures de la SCT retenues par le jugement, (fixe et mobile entre août et octobre 2014) pour la somme de 5.229 euros 44 T.T.C. sont justifiées par les services dont a bénéficié la société R.. Le forfait mobile « full illimité » n'inclut pas les communications à l'étranger (article 2.2 des conditions spécifiques).
Les indemnités de résiliation ont été établies compte tenu des mois contractuels restant à courir, soit 8.489 euros 52 TTC pour les mobiles, et 3.600 euros 00 TTC pour les équipements de téléphone fixe en vertu de l'article 14.6 des conditions particulières.
Le jugement est donc confirmé pour avoir à bon droit condamné la société R.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.
Confirme le jugement du 14 décembre 2015.
Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile condamne la SARL R. PERE ET FILS à payer à la SAS SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION une indemnité de 3.000 euros 00 au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens.
Condamne la SARL R. PERE ET FILS aux dépens d'appel, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Rejette toutes les autres demandes.
Le GREFFIER. P/ LA PRÉSIDENTE, empêchée.
Baudouin FOHLEN, Conseiller
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5870 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Activité globale ou spécifique
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