CA LYON (8e ch.), 14 mai 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 7715
CA LYON (8e ch.), 14 mai 2019 : RG n° 18/06030
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Attendu l'article L. 221-3 du code de la consommation dont l'application est requise par l'appelante dispose : « les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels, dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq ».
Qu'en l'espèce, l'acquisition et l'utilisation d'un logiciel de comptabilité ne relève pas, à l'évidence, de l'activité principale de la société Autotive qui est la commercialisation de véhicules automobiles ;
Que, par ailleurs, la société Autotive verse aux débats une copie d'écran du site Tese de l'Urssaf sur laquelle, pour une période d'emploi comprise entre avril 2016 et janvier 2019, sont mentionnés les noms de huit salariés avec leur date d'embauche, à savoir entre le 17 mars 2017 et le 6 décembre 2017 pour les six premiers, les 26 février 2018 et 1er septembre 2018 pour les deux derniers ;Qu'au vu de ce document et du fait que la société Autotive a été constituée et immatriculée au RCS le 11 mai 2016, soit un mois avant la conclusion du contrat liant les parties, il n'apparaît pas que cette société employait plus de cinq salariés à la date du contrat ;
Qu'il s'ensuit que la société Autotive peut se prévaloir de l'application des dispositions légales précitées ».
2/ « Attendu qu'il ne résulte ni des pièces contractuelles produites ni les écritures des parties que la société Cegid a respecté ses obligations concernant l'information de la société Autotive sur son droit de rétractation, ni que la société Autotive a renoncé à ce droit ; Que cette méconnaissance par l'intimée des dispositions d'ordre public du code de la consommation, en raison des sanctions encourues en vertu de la loi et de la jurisprudence, est de nature à remettre en cause l'obligation pour la société Autotive d'acquitter tout ou partie des sommes qui lui sont réclamées et qu'il existe, par conséquent, une contestation sérieuse à la demande en paiement formée par la société Cegid ; Que sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de contestation formulés par la société Autotive, il convient pour le juge des référés de débouter la société Cegid de sa demande de provision ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
HUITIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 14 MAI 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/06030. N° Portalis DBVX-V-B7C-L4L7. Décision du Président du T. com. de LYON, Référé, du 25 juin 2018 : R.G. n° 2018R00805.
APPELANTE :
SAS AUTOTIVE
représentée par ses dirigeants légaux, Représentée par la SELARL A. B. ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON (toque 11)
INTIMÉE :
SAS CEGID
représentée par ses dirigeants légaux, Représentée par la SELARL B. & ASSOCIES SPE D'AVOCATS ET D'EXPERTS-COMPTAB LES, avocat au barreau de LYON (toque 768)
Date de clôture de l'instruction : 13 mars 2019
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 20 mars 2019
Date de mise à disposition : 14 mai 2019
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Agnès CHAUVE, président - Dominique DEFRASNE, conseiller - Catherine ZAGALA, conseiller, assistés pendant les débats de Marion COUSTAL, greffier. A l'audience, Dominique DEFRASNE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Agnès CHAUVE, président, et par Marine DELPHIN-POULAT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société Autotive qui commercialise des véhicules automobiles a commandé le 22 juillet 2016 à la société Cegid, via son site internet, la fourniture et l'installation d'un logiciel comptable avec formation de son personnel et un service d'abonnement pour une durée initiale de 36 mois.
Le 24 avril 2017, la société Autotive a résilié unilatéralement l'abonnement et la société Cegid lui a fait savoir qu'elle procéderait à la résiliation des contrats à compter du 30 septembre 2019.
Par acte d'huissier du 30 mai 2018, qui faisait suite à une mise en demeure, la société Cegid a fait assigner la société Autotive devant le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon pour avoir paiement de la somme provisionnelle de 5.242,22 euros en principal, outre intérêts conventionnels et l'indemnité forfaitaire de recouvrement prévu par l'article L. 441-6 du code de commerce.
Par ordonnance réputée contradictoire du 25 juin 2018, la société Autotive n'ayant pas comparu, le juge des référés a condamné cette société à payer à titre provisionnel à la société Cegid la somme de 5.242,22 euros avec intérêts conventionnels au taux de 15 % conformément aux conditions générales de vente, outre frais et accessoires postérieurs à la date des factures, la somme de 400 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement et la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Le 17 août 2018, la société Autotive a interjeté appel de cette décision.
L'appelante demande à la cour :
- d'infirmer l'ordonnance querellée en raison de l'existence de contestations sérieuses,
- de déclarer irrecevables les demandes nouvelles formées par la société Cegid en cause d'appel relatives au paiement de nouvelles factures, en application de l'article 584 du code de procédure civile,
- de rejeter l'ensemble des demandes formées par la société Cegid,
- de condamner la société Cegid aux dépens ainsi qu'au paiement de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir principalement que la société Cegid n'a pas respecté certaines dispositions protectrices du code de la consommation, ce qui est de nature à entraîner la nullité du contrat, en expliquant :
- que ces dispositions sont bien applicables entre les parties, conformément à l'article L. 221-3, puisque l'objet du contrat ne rentre pas dans le champ de son activité principale et qu'elle n'emploie pas plus de cinq salariés,
- que les informations précontractuelles contenues aux articles L. 111-1 et L. 111-2, ne lui ont pas été fournies, en violation de l'article L. 221-5,
- que ces mêmes informations ne figurent pas sur le contrat et qu'il ne lui a pas été remis un formulaire type de rétractation, en violation de l'article L. 221-9.
Elle ajoute que le défaut des informations prévues aux articles L. 111-1 et 111-2 du code de la consommation contrevient aussi à l'article L. 441-6 du code de commerce.
Elle fait valoir que la société Cegid a méconnu également les exigences de l'article 1112-1 du code civil pour ne l'avoir pas informée d'une quelconque durée incompressible du contrat, ce qui constitue également une cause de nullité du contrat.
Et soutient par ailleurs que la demande de la société Cegid est injustifiée dès lors qu'il est réclamé des frais d'activation qui étaient offerts, le coût d'une intervention dont la réalité n'est pas démontrée, des frais de formation réalisée, non par la société Cegid mais par un tiers, le coût d'un scanner qui n'a jamais été commandé ni livré et surtout des factures d'abonnement du 1er octobre 2017 au 31 mars 2018, sans aucune contrepartie puisqu'elle n'a plus utilisé le logiciel à compter du 31 juillet 2017.
La société Cegid demande de son côté la cour :
- de confirmer l'ordonnance querellée et de débouter la société Autotive de l'intégralité de ses prétentions,
- y ajoutant, de lui donner acte de l'actualisation de sa créance et de condamner la société Autotive à lui payer par provision la somme principale de 7.272,76 euros
- de condamner la société Autotive aux dépens ainsi qu'au paiement de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle indique au préalable que la société Autotive ne lui a jamais adressé la moindre réclamation et n'a même pas réagi à sa mise en demeure de paiement du 24 novembre 2017.
Elle soutient que les dispositions invoquées du code de la consommation ne sont pas applicables dès lors que la société Autotive est une société commerciale et que l'acquisition d'un logiciel comptable rentre dans le champ de son activité principale.
Elle soutient également que toutes les mentions exigées par l'article L. 441-6 du code de commerce, au regard des textes du code de la consommation, figurent dans les conditions générales annexées au contrat ainsi que sur son site web et que la durée incompressible du contrat est bien indiquée dans ces conditions générales, de sorte qu'aucune dissimulation d'information ne peut lui être reprochée.
Au soutien de sa demande en paiement, elle indique que les frais d'activation n'étaient pas offerts, qu'une intervention à distance a bien été effectuée de même que la formation des salariés de la société Autotive, que le scanner a été commandé sur Internet, que l'abonnement été souscrit pour un engagement initial de 36 mois et que la société Autotive a bien utilisé le logiciel.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu que l'article 873, deuxième alinéa, du code de procédure civile permet au juge des référés du tribunal de commerce d'accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ;
Attendu l'article L. 221-3 du code de la consommation dont l'application est requise par l'appelante dispose :
« les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels, dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq ».
Qu'en l'espèce, l'acquisition et l'utilisation d'un logiciel de comptabilité ne relève pas, à l'évidence, de l'activité principale de la société Autotive qui est la commercialisation de véhicules automobiles ;
Que, par ailleurs, la société Autotive verse aux débats une copie d'écran du site Tese de l'Urssaf sur laquelle, pour une période d'emploi comprise entre avril 2016 et janvier 2019, sont mentionnés les noms de huit salariés avec leur date d'embauche, à savoir entre le 17 mars 2017 et le 6 décembre 2017 pour les six premiers, les 26 février 2018 et 1er septembre 2018 pour les deux derniers ;
Qu'au vu de ce document et du fait que la société Autotive a été constituée et immatriculée au RCS le 11 mai 2016, soit un mois avant la conclusion du contrat liant les parties, il n'apparaît pas que cette société employait plus de cinq salariés à la date du contrat ;
Qu'il s'ensuit que la société Autotive peut se prévaloir de l'application des dispositions légales précitées ;
Attendu que l'article L. 221-5 du code de la consommation qui figure à la section 2 prévoit que préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
2° lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en conseil d'État ;
Que l'article L. 221-9 qui figure à la section 3 précise que le contrat est accompagné du formulaire de rétractation et la section 6 régit l'exercice par le consommateur de son droit de rétractation ;
Attendu qu'il ne résulte ni des pièces contractuelles produites ni les écritures des parties que la société Cegid a respecté ses obligations concernant l'information de la société Autotive sur son droit de rétractation, ni que la société Autotive a renoncé à ce droit ;
Que cette méconnaissance par l'intimée des dispositions d'ordre public du code de la consommation, en raison des sanctions encourues en vertu de la loi et de la jurisprudence, est de nature à remettre en cause l'obligation pour la société Autotive d'acquitter tout ou partie des sommes qui lui sont réclamées et qu'il existe, par conséquent, une contestation sérieuse à la demande en paiement formée par la société Cegid ;
Que sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de contestation formulés par la société Autotive, il convient pour le juge des référés de débouter la société Cegid de sa demande de provision ;
Attendu que la société Cegid supportera les dépens de première instance et d'appel et devra régler à la société Autotive la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Infirme l'ordonnance querellée et statuant à nouveau,
Déboute la SAS Cegid de sa demande de provision, en raison d'une contestation sérieuse,
Condamne la SAS Cegid à payer à la SAS Autotive la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Cegid aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 3529 - Définition des clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Juge des référés : principe
- 3530 - Définition des clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Juge des référés : conséquences
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5946 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Informatique
- 5949 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Gestion et organisation de l’entreprise