CA PAU (2e ch. 1), 15 janvier 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 7723
CA PAU (2e ch. 1), 15 janvier 2019 : RG n° 16/04176 ; arrêt n° 19/200
Publication : Jurica
Extrait : « Toutefois, selon l'article préliminaire du Code de la consommation dans sa rédaction applicable au contrat, est considérée comme un consommateur « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ».
Si, par dérogation, l'article L. 121-16-1 III du même Code a étendu les dispositions des sous-sections 2, 3, 6 et 7, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels, « dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq », cette exception ne vise pas les contrats à distance.
Le contrat ayant été conclu entre professionnels, la SARL Agence Franco Européenne qui qualifie elle-même la convention de contrat à distance, ne peut en conséquence se prévaloir d'un droit de rétractation. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PAU
DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 1
ARRÊT DU 15 JANVIER 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/04176. Arrêt n° 19/200. N° Portalis DBVV-V-B7A-GMUZ. Nature affaire : Demande en paiement du prix, ou des honoraires formée contre le client et/ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix, ou des honoraires.
ARRÊT : Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 15 janvier 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
APRES DÉBATS à l'audience publique tenue le 22 octobre 2018, devant : Marc MAGNON, magistrat chargé du rapport, assisté de Catherine SAYOUS, Greffière présente à l'appel des causes,
Marc MAGNON, en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Cécile MORILLON et en a rendu compte à la Cour composée de : Monsieur Marc MAGNON, Conseiller faisant fonction de Président, Madame Cécile MORILLON, Conseiller, Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller, qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
SARL AGENCE FRANCO EUROPÉENNE
Représentée par Maître Fatima K., avocat au barreau de DAX
INTIMÉE :
SARL DAX ADOUR NETTOYAGE
Représentée par Maître Jean michel P., avocat au barreau de PAU, Assistée par Maître Edwige H., avocat au barreau de BORDEAUX
sur appel de la décision en date du 18 OCTOBRE 2016 rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE DAX.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :
Le 4 mai 2015, la SARL Dax Adour Nettoyage (ci-après DA Nettoyage), ayant son siège à [ville D.], a conclu avec l'Agence Immobilière Franco Européenne, sise à [ville H.], un contrat d'abonnement de prestations de nettoyage de locaux professionnels et d'un appartement, pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction.
Suite aux premières prestations effectuées et dès le 6 mai 2015, la SARL Agence Franco Européenne a fait part de son mécontentement auquel le prestataire a répondu le même jour.
Le 19 mai 2015, la SARL Agence Franco Européenne a adressé à la société D.A Nettoyage une lettre recommandée avec accusé de réception demandant l’annulation du contrat et la facture de solde de tout compte.
Le 28 mai 2015, deux factures lui ont été envoyées, l'une de 430,12 euros reprenant le détail des prestations réalisées et l'autre, de 7.791,00 euros, reprenant le calcul des sommes dues, conformément aux dispositions contractuelles convenues, en cas de résiliation anticipée.
Par télécopie puis par lettre recommandée du 26 août 2015 la SARL Agence Franco Européenne a contesté la facture de 7.791 euros.
Le 7 septembre 2015, la SARL D.A Nettoyage, par lettre recommandée de la SCP Cédric D. et Stéphanie M., huissiers de justice à [ville L.], a mis en demeure l'Agence Franco Européenne d'avoir à lui régler les deux factures.
A la suite de quoi, n'ayant pas de réponse à cette lettre recommandée, par exploit d’huissier délivré le 22 septembre 2015, la SARL D.A. Nettoyage a fait assigner l'Agence immobilière Franco Européenne à comparaître devant le tribunal de commerce de Dax aux fins d'entendre cette dernière être condamnée à lui payer :
- la somme de 8.221.12 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 septembre 2015, qu’une somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, avec exécution provisoire, et la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- outre condamnation aux dépens.
Par jugement du 18 octobre 2016, le tribunal de Commerce de DAX a :
> Déclaré recevable l'assignation délivrée le 22 septembre 2015 par la SARL D.A Nettoyage ;
> Débouté la SARL Agence Franco Européenne de sa demande de droit de rétractation ;
> Condamné la SARL Agence Franco Européenne à payer à la SARL Dax Adour Nettoyage la somme de 8.221.12 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date d'ouverture de la présente instance et celle de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
> Déclaré la SARL Dax Adour Nettoyage mal fondée en sa demande en paiement de dommages et intérêts ;
> Débouté la SARL Agence Franco Européenne de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
> Ordonné l’exécution provisoire du jugement à l'exception des condamnations portant sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens ;
> Débouté les parties de leurs autres chefs de demandes fins et conclusions ;
> Condamné la SARL AGENCE FRANCO EUROPÉENNE aux entiers dépens de l'instance dont les frais du présent jugement liquides à la somme de 81.12 euros TTC.
Le tribunal a notamment considéré que le délai de rétractation dont se prévaut la SARL Agence Franco Européenne en application de l'article L. 121-20-12 était inapplicable au cas d'espèce.
Par déclaration en date du 9 décembre 2016, la SARL Agence Franco Européenne a relevé appel de ce jugement.
La société Dax Adour Nettoyage a notifié des conclusions le 13 juin 2017, qui ont été déclarées irrecevables par le magistrat chargé de la mise en état, par ordonnance du 23 mars 2018, en application de l'article 909 du Code de procédure civile, faute pour l'intimée d'avoir conclu dans le délai de trois mois suivant la notification des conclusions de l'appelante.
La clôture est intervenue le 12 septembre 2018.
L'affaire a été fixée au 22 octobre 2018.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par conclusions notifiées le 7 mars 2017, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la SARL Agence Franco Européenne demande à la Cour, au visa des articles 1108, 1134, 1135, 1154, 1315 du Code civil et L. 111-1, L. 111-2, L. 121-16, L. 121-17, L. 121-20-12 du Code de la consommation, de :
- Infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
- Débouter la SARL D A Nettoyage de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Dire et juger que la SARL Agence Franco Européenne a valablement exercé son droit de rétractation conformément aux dispositions des articles L. 111-1, L. 111-2, L. 121-16, L. 121-17 et L. 121-20-12 du Code de la consommation,
- Dire et juger que la SARL D A Nettoyage a manqué à ses obligations contractuelles,
- Dire et juger que la rupture du contrat d'abonnement dont il s'agit en date du 04 mai 2015 est imputable à la SARL D A Nettoyage seule.
En conséquence,
- Dire et juger n'y avoir lieu au paiement d'une quelconque somme à la charge de la
SARL Agence Franco Européenne.
En tout état de cause,
- Condamner la SARL D A Nettoyage à verser à la SARL Agence Franco Européenne la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. :
Elle fait valoir que le contrat a été conclu à distance, de sorte que la SARL Agence Franco Européenne bénéficiait d'un droit de rétractation qui n'a pas été porté à sa connaissance par le contrat, mais qu'elle a pourtant exercé. Elle ajoute qu'en tout état de cause, la SA D.A Nettoyage a manqué à ses obligations contractuelles en ne fournissant pas à son préposé les produits et le matériel nécessaires à l'exécution des prestations objets du contrat.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION :
Sur le droit de rétractation invoqué par la SARL Agence Franco européenne :
La société Agence Franco Européenne soutient que le contrat ayant été conclu à distance, elle bénéficiait d'un droit de rétractation en application de l'article L. 121-20-12 du Code de la consommation, qu'elle a normalement exercé.
Selon l’article L. 121-16 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, est considéré comme contrat à distance « tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d'un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu'à la conclusion du contrat ».
Le même article définit le contrat hors établissement comme tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur :
« a) Dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur ;
b) Ou dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d'une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes ;
c) Ou pendant une excursion organisée par le professionnel ayant pour but ou pour effet de promouvoir et de vendre des biens ou des services au consommateur. »
Selon l'article L. 121-20-12 du Code de la consommation, en matière de contrat à distance ou de contrat conclu hors établissement :
« I. - Le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours calendaires révolus pour exercer son droit de rétractation, sans avoir à justifier de motif ni à supporter de pénalités.
Le délai pendant lequel peut s'exercer le droit de rétractation commence à courir :
1° Soit à compter du jour où le contrat à distance est conclu ;
2° Soit à compter du jour où le consommateur reçoit les conditions contractuelles et les informations, conformément à l'article L. 121-20-11, si cette dernière date est postérieure à celle mentionnée au 1° ».
Toutefois, selon l'article préliminaire du Code de la consommation dans sa rédaction applicable au contrat, est considérée comme un consommateur « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ».
Si, par dérogation, l'article L. 121-16-1 III du même Code a étendu les dispositions des sous-sections 2, 3, 6 et 7, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels, « dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq », cette exception ne vise pas les contrats à distance.
Le contrat ayant été conclu entre professionnels, la SARL Agence Franco Européenne qui qualifie elle-même la convention de contrat à distance, ne peut en conséquence se prévaloir d'un droit de rétractation.
Sur le manquement de la société Dax Adour Nettoyage à ses obligations :
Selon l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
Pour s'opposer à la demande en paiement de la société D.A Nettoyage, la SARL Agence Franco Européenne pointe les manquements de son prestataire à ses engagements contractuels. Elle fait valoir qu'en réponse aux réclamations de la société appelante, dès le 6 mai 2015, sur la mauvaise qualité du nettoyage, la société prestataire a répondu dans un mail du même jour que sa préposée « a fait ce qu'elle a pu... surtout qu'il lui manquait du matériel ».
Toutefois cette réponse doit être replacée dans le contexte du démarrage d'une prestation de service à exécutions successives et ne caractérise pas, sur une première intervention, un manquement suffisamment grave du prestataire à ses obligations, de nature à justifier l'inexécution par la société Agence Franco européenne de ses propres obligations.
Il convient de relever, au demeurant, qu'hormis ce mail, dont elle a extrait une phrase, la société appelante ne fait état d'aucun constat objectif de nature à établir la non-conformité de la prestation de nettoyage réalisée au regard des engagements contractuels de le société D.A Nettoyage. Alors qu'elle se serait plainte à plusieurs reprises, elle ne fournit aucun mail de réclamation.
Il en résulte que la résiliation du contrat de prestation de service n’est justifiée par aucun manquement de la société intimée et demeure du seul fait de la société appelante.
Selon les conditions particulières du contrat, « en cas de cessation du contrat pour quelque raison que ce soit, toutes les sommes deviennent immédiatement exigibles à la date de cessation dudit contrat ; en outre, en cas d'action de la société D.A Nettoyage pour le recouvrement des sommes qui lui seraient dues, tous les frais et honoraires inhérents à cette procédure seront de plein droit à la charge du client sans préjudice de dommages et intérêts éventuel. En cas de non-respect sur la durée du contrat, pour n'importe quel motif que ce soit, l'indemnité sera égale au montant des sommes dues jusqu'au terme du contrat ».
En application de cette clause et prenant acte de la résiliation anticipée du contrat par la société Agence Franco Européenne, le société D.A Nettoyage a adressé à celle-ci une facture de 430,12 euros correspondant aux prestations de nettoyage réalisées et une facture de 7.791,00 euros correspondant au coût des prestations futures, jusqu'au terme du contrat, selon le tarif convenu.
Ces deux factures parfaitement causées fondent la créance de la société D.A Nettoyage et justifient que la société Agence Franco européenne soit condamnée à payer à la société intimée la somme de 8.221,12 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation
Le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les demandes annexes :
La société SARL Agence Franco Européenne, qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel. Elle ne peut de ce fait bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute la SARL Agence Franco Européenne de l'ensemble de ses demandes,
Condamne la société SARL Agence Franco Européenne aux dépens d'appel,
Arrêt signé par Monsieur Marc MAGNON, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Catherine SAYOUS, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5872 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Activité et objet social
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5923 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Immeubles - Contrats d’aménagement d’un immeuble