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CA CAEN (2e ch. civ. com.), 16 mai 2019

Nature : Décision
Titre : CA CAEN (2e ch. civ. com.), 16 mai 2019
Pays : France
Juridiction : Caen (CA), 2e ch.
Demande : 17/01884
Date : 16/05/2019
Nature de la décision : Annulation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 26/05/2017
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2019-008760
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7775

CA CAEN (2e ch. civ. com.), 16 mai 2019 : RG n° 17/01884

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2019-008760

 

Extrait : « En application des dispositions de l'article L. 132-1 alinéa 1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Dans le cas présent, l'article 1 du contrat liant les parties ne prévoit aucune possibilité pour l'amodiataire d'y mettre fin avant l'échéance de la concession en 2021. Le règlement de police du port dans son article 4-2 prévoit la possibilité d'un transfert de jouissance de la place concédée uniquement en cas de vente du navire et sous réserve de l'accord formel du concessionnaire.

A la suite d'un arrêt de la cour de cassation en date du 8 décembre 2009 (n° 08-20413), l'intimée fait valoir que le contrat d'amodiation a fait l'objet d'une modification de l'article 5, lequel stipule désormais que l'emplacement faisant l'objet de l'amodiation peut être vendu ou cédé. Elle soutient qu'elle a adressé à M. X. un avenant conforme à cette modification mais n'en justifie pas et l'appelant conteste formellement l'avoir reçu.

En toute hypothèse, le contrat litigieux a pour effet de maintenir l'amodiataire dans les liens contractuels sans lui réserver la faculté de résilier la convention pour un motif légitime, alors que la résolution de plein droit est acquise si bon semble à la SASU Port de Deauville en cas d'inexécution par M. X. des obligations mises à sa charge un mois après une simple sommation demeurée infructueuse (alinéa 2 de l'article 5). Il résulte de ces éléments un déséquilibre significatif des droits et obligations des parties de sorte que la clause interdisant à M. X. toute possibilité de résilier le contrat doit être déclarée abusive et partant, réputée non écrite, et que l'amodiataire doit être admis à invoquer un motif légitime pour résilier le contrat, sans être obligé de rechercher un successeur pour être dégagé du lien contractuel.

Il ressort de la pièce n° 10 produite par l'appelant que son conseil a confirmé par courrier en date du 4 avril 2014 sa volonté de résilier le contrat. Toutefois, cette volonté doit être étayée par un motif légitime, l'amodiataire ne pouvant mettre fin au contrat sans raison valable.

Aucun motif n'est invoqué par M. X. qui ne peut dans ces conditions être libéré de ses obligations contractuelles. »

 

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 16 MAI 2019

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/01884. N° Portalis DBVC-V-B7B-F3GX. ORIGINE : DECISION en date du 27 mars 2017 du Tribunal d'Instance de LISIEUX : R.G. n° 11-16-000677

 

APPELANT :

Monsieur X.

représenté et assisté de Maître Arnaud L., avocat au barreau de CAEN

 

INTIMÉE :

SASU PORT DEAUVILLE

N° SIRET : XXX, représentée et assistée de la SCP CALEX AVOCATS, avocat au barreau de LISIEUX

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Mme BRIAND, Président de chambre, Mme HEIJMEIJER, Conseiller, rédacteur, Mme GOUARIN, Conseiller.

DÉBATS : A l'audience publique du 14 mars 2019.

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier.

ARRÊT prononcé publiquement le 16 mai 2019 à 14 h. 00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour et signé par Mme BRIAND, président, et Mme LE GALL, greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SASU Port de Deauville, concessionnaire de l'exploitation du port de plaisance de Deauville depuis le 1er octobre 1971 et pour une durée de 50 années, a consenti le 16 juillet 2009 un contrat dit d'amodiation à M. X. pour la durée de la concession sur un poste d'amarrage et de mouillage de bateau identifié 7005 (rachat de l'emplacement à l'occupant précédent).

Elle s'est opposée à la demande de résiliation du contrat en l'absence d'une telle possibilité et a facturé les charges pour 2013 ainsi qu'un appel de charges pour 2014.

Faute de paiement elle obtenu une première ordonnance d'injonction de payer en date du 26 août 2015, qui a fait l'objet d'une opposition et d'une procédure devant le tribunal d'instance, radiée le 22 février 2016 faute de diligences de la demanderesse.

Une seconde ordonnance a été rendue le 19 septembre 2016 pour une somme de 7.176,56 euros.

Par jugement en date du 27 mars 2017, le tribunal d'instance de Lisieux a déclaré recevable mais non fondée l'opposition à injonction de payer formée par M. X. et l'a condamné à payer à la SASU Port de Deauville la somme de 7.176,56 euros au titre des charges et taxes exigibles selon le contrat d'amodiation signé le 16 juillet 2009, avec intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2016.

Par déclaration en date du 26 mai 2017, M. X. a relevé appel de la décision.

Par conclusions en date du 8 janvier 2019, il sollicite l'annulation et l'infirmation du jugement, le rejet des toutes les demandes de la SASU Port de Deauville, réclamant le paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions en date du 4 février 2019, la SASU Port de Deauville sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, et en tant que de besoin, la condamnation de M. X. à lui payer la somme de 7.176,56 euros au titre des charges et taxes dues au 4 juin 2016, outre la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé à la lecture des conclusions pour le plus ample exposé des moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 février 2019.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la nullité du jugement :

M. X. fait valoir que le premier juge n'a pas répondu au moyen par lui soulevé selon lequel le paiement des charges antérieures à 2016 ne pouvait être réclamé puisqu'elles faisaient l'objet de la procédure d'origine, toujours en cours malgré la radiation.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif, sanctionné par la nullité du jugement en vertu de l'article 458 du même code.

Il ressort de la note d'audience de première instance que l'appelant avait soulevé l'irrecevabilité des demandes antérieures à 2016 (la mention de 2013 résultant d'une erreur, aucune demande ne concernant 2012) en raison de la radiation prononcée le 22 février 2016 dans le cadre de l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 26 août 2015.

La lecture attentive du jugement déféré révèle l'absence de réponse du premier juge sur ce moyen de sorte que le jugement doit être annulé.

En raison de l'effet dévolutif de l'appel prévu par l'article 561 du code de procédure civile, il appartient à la cour de juger l'affaire dans son intégralité.

 

Sur l'irrecevabilité des demandes pour les années antérieures à 2016 :

L'appelant soutient que les sommes afférentes à cette période ont fait l'objet d'une première ordonnance d'injonction de payer le 26 août 2015 et qu'à la suite de son opposition, une procédure a été ouverte devant le tribunal d'instance de Lisieux qui a rendu le 22 février 2016 une décision de radiation, de sorte que l'affaire peut être réinscrite.

Il en déduit que cette affaire étant toujours en cours, aucune nouvelle demande afférente aux mêmes sommes ne peut être présentée.

Toutefois, l'ordonnance d'injonction de payer, qui constitue une décision seulement en l'absence d'opposition, ne peut plus produire d'effet en présence d'un tel recours.

Par ailleurs, aucun texte n'interdit à un créancier de reprendre la procédure d'injonction depuis l'origine, de sorte que les demandes fondant la nouvelle ordonnance en date du 19 septembre 2016 sont recevables

 

Sur le caractère abusif de l'article 1 du contrat :

En application des dispositions de l'article L. 132-1 alinéa 1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Dans le cas présent, l'article 1 du contrat liant les parties ne prévoit aucune possibilité pour l'amodiataire d'y mettre fin avant l'échéance de la concession en 2021.

Le règlement de police du port dans son article 4-2 prévoit la possibilité d'un transfert de jouissance de la place concédée uniquement en cas de vente du navire et sous réserve de l'accord formel du concessionnaire.

A la suite d'un arrêt de la cour de cassation en date du 8 décembre 2009 (n° 08-20413), l'intimée fait valoir que le contrat d'amodiation a fait l'objet d'une modification de l'article 5, lequel stipule désormais que l'emplacement faisant l'objet de l'amodiation peut être vendu ou cédé.

Elle soutient qu'elle a adressé à M. X. un avenant conforme à cette modification mais n'en justifie pas et l'appelant conteste formellement l'avoir reçu.

En toute hypothèse, le contrat litigieux a pour effet de maintenir l'amodiataire dans les liens contractuels sans lui réserver la faculté de résilier la convention pour un motif légitime, alors que la résolution de plein droit est acquise si bon semble à la SASU Port de Deauville en cas d'inexécution par M. X. des obligations mises à sa charge un mois après une simple sommation demeurée infructueuse (alinéa 2 de l'article 5)

Il résulte de ces éléments un déséquilibre significatif des droits et obligations des parties de sorte que la clause interdisant à M. X. toute possibilité de résilier le contrat doit être déclarée abusive et partant, réputée non écrite, et que l'amodiataire doit être admis à invoquer un motif légitime pour résilier le contrat, sans être obligé de rechercher un successeur pour être dégagé du lien contractuel.

Il ressort de la pièce n° 10 produite par l'appelant que son conseil a confirmé par courrier en date du 4 avril 2014 sa volonté de résilier le contrat.

Toutefois, cette volonté doit être étayée par un motif légitime, l'amodiataire ne pouvant mettre fin au contrat sans raison valable.

Aucun motif n'est invoqué par M. X. qui ne peut dans ces conditions être libéré de ses obligations contractuelles.

 

Sur la demande en paiement :

La SASU Port de Deauville est bien fondée à réclamer à M. X. le montant des charges portuaires afférentes aux années 2013 à 2016 dont le montant de 7.176,56 euros est justifié par les appels de fonds en date des 17 juin 2014, 1er avril 2015, et 7 avril 2016 ainsi que par la mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception en date du 31 mai 2016.

L'appelant sera condamné au paiement de cette somme, outre les intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2016.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à la SASU Port de Deauville une indemnité de 1.500 euros pour ses frais irrépétibles.

Partie succombante, M. X. supportera la charge des dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Prononce la nullité du jugement déféré pour défaut de réponse à conclusions.

Vu l'effet dévolutif de l'appel,

Rejette l'exception d'irrecevabilité de la demande en paiement pour la période antérieure à 2016.

Condamne M. X. à payer à la SASU Port de Deauville la somme de 7.176,56 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31-05-2016, représentant les charges portuaires échues à cette date.

Condamne M. X. à payer à la SASU Port de Deauville la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. X. aux dépens de l'appel.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT

N. LE GALL                         S. BRIAND