CA MONTPELLIER (1re ch. B), 27 février 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 7924
CA MONTPELLIER (1re ch. B), 27 février 2019 : RG n° 16/03960
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que les clients X., en leur qualité de consommateurs, protestent de clauses abusives au sens des articles L. 132-1, R. 132-1 et R. 132-2 du code de la consommation ;
Attendu que le professionnel s'engage à livrer à la date indiquée sur le bon de commande et en tout état de cause dans les trente jours à compter de cette date ; Attendu qu'il ne s'agit pas d'une possibilité de modifier unilatéralement la date de livraison, mais bien de prendre en compte l'aléa évident de calendrier, dans ce type de transaction où il n'est pas contesté que le voilier commandé doit être construit à partir de la commande, soit en l'espèce à partir du 31 octobre 2011, avec livraison prévue en Mai/Juin 2012, ou donc un mois plus tard, le tout n'introduisant nul déséquilibre au détriment du client, qui garde la possibilité de protester d'une absence de livraison dans le délai ainsi rallongé d'un seul mois, ce qu'il a fait précisément dans son assignation ;
Attendu que la même analyse s'impose s'agissant de la faculté pour le vendeur de considérer que le contrat est résilié en cas de non-enlèvement du bien, puisqu'il s'agit en réalité de la mise en œuvre de la condition résolutoire, toujours sous entendue et dont le client ne s'est pas privé, considérant que la non livraison du bateau le déliait de son obligation à payer le prix ; que la cour ne discerne donc nul déséquilibre dans cette clause, pas plus que dans la clause pénale qu'elle instaure au profit du vendeur, qui est soumise au pouvoir de modération du juge et qui a pour objet de déterminer le sort des sommes laissées à la commande, une clause inverse n'ayant pas de sens puisque le vendeur n'avance aucune somme ;
Attendu qu'en toute hypothèse, ces clauses alléguées d'abusives ne sont pas de nature à diriger le débat dont la cour est saisie ; Attendu qu'en effet, la cour est saisie des demandes formulées au dispositif des conclusions (article 954 CPC) et les demandeurs initiaux sollicitent en appel la résolution de la vente, et la condamnation d'Evasion à leur payer 45.000 euros, montant de la reprise de leur ancien bateau, dont il n'est pas contesté qu'il a été revendu ».
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
PREMIÈRE CHAMBRE B
ARRÊT DU 27 FÉVRIER 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/03960. N° Portalis DBVK-V-B7A-MUWF. Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 MAI 2016, TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS : RG n° 13/02702.
APPELANTE :
SARL ÉVASION NAUTISME
société prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, ayant pour activité
Représentée et assistée par Me Laurent P. substituant Me.Xavier L. de la SCP L. P., avocat au barreau de BEZIERS
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française, Représenté par Maître Franck R., avocat au barreau de BEZIERS, avocat plaidant et assisté par Maître L. substituant Maître Yann G. de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER G., G., L., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
Madame X. épouse Y.
née le [date] à [ville], de nationalité Française, Représentée par Maître Franck R., avocat au barreau de BEZIERS, avocat plaidant et assisté par Maître L. substituant Me Yann G. de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER G., G., L., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 12 novembre 2018
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 JANVIER 2019,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, M. Christian COMBES, Conseiller, Madame Chantal RODIER, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Henriane MILOT
ARRÊT : - contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; - signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LES FAITS, LA PROCÉDURE ET LES PRÉTENTIONS :
Vu le jugement rendu le 2 mai 2016 par le tribunal de grande instance de Béziers ;
Vu l'appel relevé par la société Evasion Nautisme, en date du 18 mai 2016, dont la cour a vérifié la régularité ;
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions de l'appelante en date du 27 juillet 2016 ;
Vu les conclusions des époux X., en date du 24 août 2016 ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 22 novembre 2018 ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Attendu que les clients X., en leur qualité de consommateurs, protestent de clauses abusives au sens des articles L. 132-1, R. 132-1 et R. 132-2 du code de la consommation ;
Attendu que le professionnel s'engage à livrer à la date indiquée sur le bon de commande et en tout état de cause dans les trente jours à compter de cette date ;
Attendu qu'il ne s'agit pas d'une possibilité de modifier unilatéralement la date de livraison, mais bien de prendre en compte l'aléa évident de calendrier, dans ce type de transaction où il n'est pas contesté que le voilier commandé doit être construit à partir de la commande, soit en l'espèce à partir du 31 octobre 2011, avec livraison prévue en Mai/Juin 2012, ou donc un mois plus tard, le tout n'introduisant nul déséquilibre au détriment du client, qui garde la possibilité de protester d'une absence de livraison dans le délai ainsi rallongé d'un seul mois, ce qu'il a fait précisément dans son assignation ;
Attendu que la même analyse s'impose s'agissant de la faculté pour le vendeur de considérer que le contrat est résilié en cas de non-enlèvement du bien, puisqu'il s'agit en réalité de la mise en œuvre de la condition résolutoire, toujours sous entendue et dont le client ne s'est pas privé, considérant que la non livraison du bateau le déliait de son obligation à payer le prix ; que la cour ne discerne donc nul déséquilibre dans cette clause, pas plus que dans la clause pénale qu'elle instaure au profit du vendeur, qui est soumise au pouvoir de modération du juge et qui a pour objet de déterminer le sort des sommes laissées à la commande, une clause inverse n'ayant pas de sens puisque le vendeur n'avance aucune somme ;
Attendu qu'en toute hypothèse, ces clauses alléguées d'abusives ne sont pas de nature à diriger le débat dont la cour est saisie ;
Attendu qu'en effet, la cour est saisie des demandes formulées au dispositif des conclusions (article 954 CPC) et les demandeurs initiaux sollicitent en appel la résolution de la vente, et la condamnation d'Evasion à leur payer 45.000 euros, montant de la reprise de leur ancien bateau, dont il n'est pas contesté qu'il a été revendu ;
Attendu que ces deux demandes ne sont pas contestées, Evasion se reconnaissant débitrice de 45.000 euros ;
Attendu que s'agissant de l'acompte de 8.000 euros réclamé car « visé au bon de commande », Evasion soutient que le chèque visé au bon de commande n'a jamais été encaissé, et les époux X. ne soutiennent ni ne démontrent le contraire ;
Attendu que par ailleurs, Evasion ne demande pas l'application d'une clause pénale, mais l'allocation de dommages et intérêts ;
Attendu que le litige se réduit donc à la demande de dommages et intérêts du vendeur, tenant la mise à disposition du bateau dans les délais, et les divers frais, y compris financiers, engendrés par la conservation du bateau, jusqu'à sa revente à perte, en avril 2013 ;
Attendu qu'il n'est pas répondu à l'argumentation technique de bon sens, mais qui a échappé au premier juge, selon laquelle le bon de commande ne peut pas porter le numéro d'identification du voilier qui n'est pas encore construit, l'essentiel étant que nul ne conteste que le bateau construit et proposé à la livraison a correspondu à celui commandé ;
Attendu que ce voilier n° 266 a été transporté et livré à Evasion le 2 mai 2012, selon la facture Trans Nautic en pièce n°10 ;
Attendu que de façon parfaitement logique, le vendeur qui n'avait aucun intérêt à retarder la livraison, qui conditionnait le versement du reliquat du prix, indique qu'il a envoyé un courrier recommandé en date du 4 juin 2012, mentionnant que le bateau était à disposition depuis le 5 mai, trois jours après sa livraison par le constructeur ;
Attendu que l'envoi de ce courrier n'est pas justifié en recommandé et sa réception est contestée ;
Attendu que les clients n'auraient réagi qu'en octobre 2012, par courrier de leur conseil, ne réclamant que le montant de la reprise, dans la mesure où ils auraient été informés de la revente du bateau litigieux ;
Attendu que cette absence de réaction de juin (date contractuellement prévue de la livraison) à octobre est d'autant plus étonnante que le voilier s'utilise en saison estivale notamment, et que le vendeur démontre par attestations régulières et non contestées que le client savait que son voilier était à disposition, dès le mois de Mai ;
Attendu que certes, M. V. préparait les voiliers d'Evasion en qualité de sous-traitant, mais qu'il atteste cependant avoir monté sur le voilier 266 l'équipement électronique optionnel, sur instructions de M. X., début mai 2012 ;
Attendu que M. S., certes Commercial, atteste avoir prévenu les clients en mai 2012, alors que les options étaient en cours de montage, et fait état de plusieurs visites, avec promesse d'un règlement rapide, avec remise d'un acte de vente, le règlement du solde ne posant aucun problème, si ce n'est un petit souci temporaire de trésorerie, selon les acheteurs ;
Attendu que ce compromis est fourni en pièce 33 du vendeur, sans commentaire des clients sur cette pièce, qu'ils sont les seuls à avoir pu fournir, nécessairement pour rassurer le vendeur sur le paiement du solde ;
Attendu que l'attestation très circonstanciée et précise dans le temps de M. X. démontre de façon certaine qu'au mois de mai 2012, M. X. savait que son bateau était dans les locaux d'Evasion, au point d'échanger avec l'attestant qui avait acheté le même bateau, sur le choix des équipements et sur les programmes de navigation respectifs ;
Attendu qu'au surplus, le premier courrier des clients, par la voie de leur conseil en octobre 2012, fait état d'une revente du voilier commandé, ce qui est faux puisqu’un constat est produit en date du 10 octobre 2012, démontrant le contraire, et qu'il est justifié d'une revente à un tiers en date du 10 avril 2013 ;
Attendu que de façon parfaitement logique, par courrier recommandé non contesté en date du 9 octobre 2012, Evasion demandait de prendre livraison du bateau, contre paiement du solde, en se référant au 'courrier du 4 juin 2012 resté sans réponse ;
Attendu que la démonstration est donc suffisante de la parfaite connaissance qu'avait le client de la présence du bateau chez le vendeur en mai 2012, avec participation aux choix optionnels, de son absence de réaction jusqu’au 5 octobre, alors qu'il promettait un règlement résultant de l'achèvement d'une vente sous compromis, de sa réclamation des 45.000 euros de reprise sous un prétexte faux de revente du bateau commandé, sans même réclamer à ce stade la résolution de la vente, et de l'absence de protestation et de réaction au courrier recommandé du 9 octobre 2012 qui fait bien état du courrier du 4 juin 2012 ;
Attendu que l'absence de caractère plausible de l'attitude d'un vendeur, qui ne livrerait pas un bateau en stock, alors que la vente est parfaite et que l'essentiel du prix reste à percevoir, démontre au surplus des éléments précités la mauvaise foi du client, dont la volte-face à partir du courrier de son conseil ne s'explique que par la non disposition du reliquat du prix d'achat, pour pouvoir prendre livraison du bateau ;
Attendu que si le principe de la résolution n'est pas contestée par les parties, il n'en demeure pas moins que les conventions s'exécutent de bonne foi, et que la mauvaise foi du client interdit de prononcer cette résolution aux seuls torts du vendeur, ce dernier étant recevable dans sa demande de dommages et intérêts ;
Attendu que s'agissant du montant, il est tout d'abord certain que les frais liés à la fabrication sur mesure du bateau et à son transport étaient intégrés dans le prix d'achat ; qu'il n'est pas démontré en toute hypothèse que les factures d'avril à juillet 2012 auraient augmenté ce prix ;
Attendu que jusqu'à la revente, les frais financiers ne sont pas sérieusement contestables à tout le moins dans leur principe ;
Attendu que les frais sur le bateau repris ne sont pas à prendre en compte à hauteur de 5.940 euros, sauf à démontrer que le vendeur n'entendait pas les prendre en charge lorsqu'il a consenti au montant de cette reprise ;
Attendu qu'en référence à la pièce n° 5, et compte tenu d'un prix de revente de 199.000 euros, plusieurs mois après, avec les frais financiers d'un stock improductif sur la période, alors que le constructeur doit être payé, la cour estime que le préjudice certain justifié se monte à 45.000 euros ;
Attendu que le déséquilibre global des comptes de l'entreprise n'est pas justifié dans son lien direct avec le litige, en toute hypothèse ;
Attendu qu'une somme de 2.000 euros est justifiée au titre de l'article 700 du code de procédure ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR statuant contradictoirement :
Déclare l'appel fondé ;
Infirme le jugement de premier ressort dans toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Prononce la résolution de la vente aux torts partagés ;
Condamne en conséquence Evasion Nautisme à payer aux époux X. la somme de 45.000 euros, montant de la reprise ;
Condamne les époux X. à payer à Evasion Nautisme la somme de 45.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Ordonne la compensation judiciaire entre les deux condamnations ;
Condamne les intimés aux entiers dépens, à recouvrer au bénéfice de l'article 699 du code de procédure, outre le paiement à la société appelante d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du même code.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 6114 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du professionnel - Clauses limitatives et exonératoires - Droit postérieur au décret du 18 mars 2009 (R. 212-1-6° C. consom.)
- 5730 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Voies de recours - Appel
- 6114 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du professionnel - Clauses limitatives et exonératoires - Droit postérieur au décret du 18 mars 2009 (R. 212-1-6° C. consom.)
- 6472 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente en général (4) - Obligations de l’acheteur : retirement (obligation de prendre livraison)
- 6475 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente en général (7) - Obligations du vendeur - Obligation de délivrance : délai de livraison