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CA LYON (1re ch. civ.), 11 juin 2019

Nature : Décision
Titre : CA LYON (1re ch. civ.), 11 juin 2019
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 1er ch. civ.
Demande : 18/00546
Date : 11/06/2019
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 3 février 2021
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7993

CA LYON (1re ch. civ.), 11 juin 2019 : RG n° 18/00546

Publication : Jurica

 

Extrait : « Sur la demande de nullité de la clause de stipulation d'intérêts conventionnels : Les époux X. font valoir :

- que la clause d'intérêts conventionnels prévoyant que les intérêts courus entre deux échéances sont calculés sur la base de 360 jours doit être réputée non écrite s'agissant d'une clause réputée abusive au terme de la recommandation n° 2005-02 émise par la commission des clauses abusives,

- qu'en tout état de cause, l'inexactitude du taux nominal résultant de l'application d'un taux d'intérêt sur une base autre que l'année civile entraîne la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels par application des articles 1907 alinéa 2 du code civil et L. 313-1 du code de la consommation,

- qu'en l'espèce, les intérêts de la première mensualité ont été calculés sur une année de 360 jours de sorte que la banque a prélevé une somme de 2.741,26 euros au lieu de 2.703,71 euros pour la période courue entre le 12 juin 2013, date de déblocage des fonds et le 7 août 2013, de sorte que c'est tout le tableau d'amortissement qui est « impacté ».

Le CRÉDIT LYONNAIS soutient que l'action en déclaration de clause abusive est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel, s'agissant d'une action spécialement édictée par l'article L. 132-1 ancien du code de la consommation.

Selon les articles 564 et 565 du code de procédure civile, si les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées dans le dispositif

En l'espèce, le dispositif des conclusions des appelants ne tire aucune conséquence spéciale de l'action fondée sur l'article L. 132-1 ancien du code de la consommation puisque les seules demandes formulées à ce titre sont la restitution du trop versé d'intérêts et l'établissement d'un nouveau tableau d'amortissement prenant en compte la substitution au taux légal à l'intérêt conventionnel, identiques à celles formulées au titre de l'action en nullité de stipulation d'intérêts conventionnels fondée sur l'article 1907 alinéa 2 du code civil.

Il en résulte que la demande de voir déclarer non écrite comme abusive la clause de calcul des intérêts conventionnels n'est qu'un moyen au soutien de l'action en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels et qu'elle tend aux mêmes fins que la demande formulée devant le premier juge. Les moyens nouveaux étant recevables en cause d'appel en application de l'article 563 du code de procédure civile, la demande est recevable.

Le CRÉDIT LYONNAIS fait valoir au fond :

- que le calcul des intérêts mensuels par application de 1/12 (soit 30/360 ou 30,41666 correspondant au nombre de jours du mois normalisé divisé par 365) du taux conventionnel est régulier, que les intérêts sont bien calculés sur l'année civile et que les tableaux d'amortissement permettent de vérifier la régularité du calcul,

- que s'agissant des intérêts de la première échéance portant sur une période brisée, antérieure à tout amortissement, leur montant ne résulte pas de l'application de la clause 30/360, mais de la clause prévoyant qu'ils sont calculés en jours exacts, que leur calcul n'a eu aucune conséquence sur les autres échéances du prêt puisque l'amortissement n'aurait pas été modifié,

- que la recommandation invoquée par les appelants concerne non pas les prêts immobiliers remboursables par périodes mensuelles mais les découverts en compte, qu'en tout état de cause, la clause litigieuse ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties s'agissant d'une clause relative au calcul des intérêts courus entre deux échéances sans incidence sur le montant des intérêts annuels.

En application de l'article 1907 du code civil, le taux de l'intérêt conventionnel doit être fixé par écrit.

Le taux conventionnel ne résulte pas d'un calcul mais est librement négocié entre les parties au contrat de prêt de sorte qu'il ne peut être faux.

Le montant des intérêts contractuels dus est le résultat d'un calcul dont il appartient aux emprunteurs, qui ont la charge de la preuve, de démontrer qu'il est faux.

En l'espèce, l'offre de prêt prévoit que « les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an. »

S'agissant d'un prêt immobilier remboursable par fractions mensuelles, cette clause ne peut viser que le mode de calcul des intérêts courus entre deux échéances en permettant de lisser l'impact de la variabilité du nombre de jours dans le mois et non pas le calcul d'intérêts journaliers.

L'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation dispose que l'écart entre les dates utilisées pour le calcul est exprimé en années ou en fractions d'années. Une année compte 365 jours ou, pour les années bissextiles, 366 jours, 52 semaines ou 12 mois normalisés. Un mois normalisé compte 30,41666 jours (c'est à dire 365/12) que l'année soit bissextile ou non.

Il résulte de cette disposition que, lorsque les dates d'échéance sont fixées au même jour de chaque mois comme c'est le cas en l'espèce, le prêteur peut recourir à la notion de mois normalisé ou plus simplement à une fraction du taux annuel mentionné au contrat correspondant à la période et donc calculer les intérêts sur la base de 1/12ème de l'année civile sans tenir compte du nombre exact de jours ayant couru entre deux échéances et pouvant être de 28, 29, 30 ou 31 jours.

Le fait que la notion de mois normalisé soit visée à l'annexe à l'article R. 313-1 ancien du code de la consommation qui concerne le TAEG des prêts à la consommation non immobiliers n'interdit pas de considérer pour le calcul des intérêts des prêts immobiliers des mois d'une durée constante d'un douzième d'année, un tel calcul s'opérant selon la durée exacte de l'année civile qui compte douze mois que l'année soit bissextile ou pas.

La convention de calcul par mois normalisé ne se heurte à aucune législation ou réglementation contraire.

Le calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours rapportée à 30 jours soit un douzième d'année par mois revient arithmétiquement à un résultat équivalent au calcul des intérêts effectué sur la base d'une année civile rapportée au mois normalisé ou à 1/12ème d'année.

L'application de la formule contractuellement convenue aux échéances du prêt permet de vérifier que le calcul des intérêts aboutit à des résultats strictement équivalents qu'il soit utilisé un diviseur de 360 ou 365 jours :

- exemple intérêts de l'échéance n °7 du prêt :

* calcul par mois de 30 jours sur une année de 360 : 564.236,18 euros x 3,10 % x 30/360 = 1.457,61 euros

* calcul par mois normalisé : 564.236,18 euros x 3,10% x 30,41666 /365 = 1.457,61 euros

*calcul par un douzième d'année : 564.236,18 euros x 3,10 % /12 = 1.457,61 euros

Il est ainsi établi que le calcul des intérêts conventionnels durant la phase d'amortissement n'a pas été effectué par la Banque à partir du taux nominal annuel ramené à un taux journalier établi sur la base de l'année lombarde mais à partir du taux annuel rapporté à la période de versement mensuelle.

La stipulation du taux de l'intérêt conventionnel ne peut donc être annulée au motif que celui-ci aurait été calculé sur la base de 360 jours dès lors que tel n'est pas le cas.

S'agissant de la première échéance constituant une période brisée, par une clause distincte et indépendante de celle relative au mois normalisé, le contrat prévoit que les intérêts sont calculés sur la base du nombre jours exact.

Les clauses lombardes permettant de calculer les intérêts journaliers sur la base d'une année de 360 jours étant prohibées, cette clause ne pouvait s'interpréter que comme faisant référence à une base exact 365 et n'autorisait pas la Banque à calculer les intérêts de la période brisée sur une base exact 360.

Il est acquis néanmoins que la Banque a calculé les intérêts de la première échéance, d'une durée de 56 jours calendaires, sur cette base ce qui a abouti à un trop perçu d'intérêts de 37,54 euros par rapport à ceux qui auraient été dus s'ils avaient été calculés sur la base d'une année civile.

Si les époux X. n'ont pu valablement consentir au mode de calcul de l'intérêt conventionnel sur la base de l'année dite lombarde, celui-ci est distinct du taux de l'intérêt conventionnel qui doit être fixé par écrit selon l'alinéa 2 de l'article 907 du code civil et dont le seul défaut, ou ce qui lui est assimilé, ce qui n'est pas le cas du mode de calcul, est sanctionné par la nullité de stipulation d'intérêts.

Il en résulte que l'irrégularité du calcul des intérêts ne saurait justifier la nullité de la stipulation d'intérêts et qu'elle a pour seule conséquence l'obligation pour le prêteur de restituer les intérêts trop perçus, sans qu'il y ait lieu de substituer le taux d'intérêt légal au taux contractuel régulièrement fixé par écrit, soit la somme de 37,54 euros.

Il ne saurait être prétendu que cette inexactitude aurait eu une incidence sur l'exactitude du taux des intérêts des mois normalisés dès lors que le prêt aurait été amorti de la même façon si les intérêts des périodes brisées avaient été calculés sur l'année civile.

Les époux X., qui ont la charge de la preuve, ne démontrent pas que la clause d'intérêts conventionnels créerait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties

La recommandation de la commission des clauses abusives qu'ils invoquent concerne les conventions de comptes de dépôt en application desquelles les intérêts sont calculés quotidiennement et non pas les crédits immobiliers de sorte qu'elle ne saurait faire présumer le caractère abusif de la clause d'intérêts conventionnels du prêt litigieux.

Le jugement doit dès lors être confirmé en ce qu'il a débouté les époux X. de leur demande de nullité de la clause de stipulation d'intérêts. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LYON

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 11 JUIN 2019