CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 29 janvier 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8026
CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 29 janvier 2019 : RG n° 17/20556 ; arrêt n° 2019/026
Publication : Jurica
Extrait (rappel des faits) : « Monsieur X et madame Y. ont conclu un contrat de crédit avec la CAIXA GENERAL DE DEPOSITOS le 11 juin 2010, assorti d'un contrat d'assurance DC/PTIA et ITT souscrit auprès de FIDELIDADE MUNDIAL.
Le 29 novembre 2012, madame Y. a été victime d'un accident du travail et depuis, elle souffre d'hypertension générant des malaises à répétition et ses arrêts de travail ont été renouvelés sans interruption. Elle est prise en charge à 100 % par l'assurance maladie pour affection de longue durée. La médecine du travail l'a déclarée inapte à reprendre un emploi, même à temps partiel.
La société FIDELIDADE a pris en charge des échéances du prêt du 28 février 2013 au 31 novembre 2013 puis a, par lettre en date du 10 juin 2014, informé l'assurée de la cessation de cette prise en charge.
Madame Y. ayant contesté les conclusions du médecin-conseil de la compagnie, le docteur D., la société FIDELIDADE a diligenté une « expertise médicale arbitrale » confiée au docteur M., qui a conclu que madame Y. n'était pas médicalement dans l'incapacité totale d'exercer une quelconque activité professionnelle. »
Extraits (motifs) : 1/ « Considérant qu'il résulte de l'article 2.3 des Conditions de la police, que l'appelante a reconnu le 5 juin 2010 avoir reçues et acceptées ce que suit : « qu'en en cas de contestation de la décision, le médecin de l'assuré et le médecin de l'assureur désignent un confrère chargé de procéder à un nouvel examen médical. A défaut d'accord des médecins sur cette désignation, la désignation est faite, à la requête de l'assureur, par le Président du Tribunal de grande instance du domicile de l'assuré. Les conclusions de ce troisième médecin s'imposent aux parties sans préjudice des recours qui pourront être exercées par voie de droit » ;
Considérant qu'en l'absence de désignation par l'assurée d'un médecin la représentant, l'assureur, par courrier du 11 septembre 2014, lui a proposé de choisir parmi trois médecins celui qui devra effectuer l'expertise arbitrale qu'elle avait sollicitée ; Que cette procédure n'est pas contraire aux dispositions contractuelles aux dépens de l'appelante dans la mesure où l'assureur a renoncé à participer au choix de l'expert arbitre, laissant l'assurée, parmi trois médecins libéraux indépendants, le soin de procéder seule à cette désignation, ce que Madame Y. a fait en lui répondant, dans une lettre manuscrite reçue le 29 septembre 2014, qu'elle désignait le Dr M., suite à quoi, par courrier du même jour, l'assureur lui a rappelé qu'elle pouvait se faire assister par un médecin de son choix lors de l'expertise ; Qu'en outre, il n'y avait pas lieu de saisir le tribunal pour obtenir la désignation judiciaire de l'expert, cette procédure n'étant prévue qu'en cas de défaut d'accord des parties sur le nom du médecin arbitre, ce qui n'est pas le cas, en l'espèce, puisque l'assureur a accepté le choix fait par son assurée, ce qui conduit la cour à ne pas retenir le défaut de validité de la procédure d'expertise arbitrale de ce chef ».
2/ « Sur la demande d'annulation du protocole d'accord d'expertise arbitrale : Considérant que l'appelante fait valoir que son consentement est entaché d'une erreur sur la substance provoquée par l'ambiguïté dolosive du courrier de la compagnie du 11 septembre 2014, proposant une expertise arbitrale, que Madame Y., de nationalité portugaise, maîtrisant mal la langue française et ignorante du sens juridique du mot arbitral n'a pas compris ; Que subsidiairement, rappelant qu'il résulte de l'article 1171 du Code civil que, dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite et que, dès lors, elle est bien fondée à demander à la Cour de déclarer non écrite la clause suivante du protocole d'accord d'expertise arbitrale du 7 octobre 2014 : - « Les parties déclarent que ce protocole sera considéré comme ayant la même valeur que si la désignation de l'expert avait été faire judiciairement et leur sera opposable réciproquement dans la même mesure » ;
Considérant que l'assureur réplique que les allégations quant à l'incapacité de l'appelante à comprendre la langue française, ne reposent sur aucune pièce justificative ; Qu'il en est de même de la preuve de quelconques manœuvres dolosives ; Qu'enfin, cette dernière n'explicite pas davantage quel « déséquilibre significatif » serait induit par la clause du contrat, se contentant d'en solliciter la nullité sans soulever le moindre argument à l'appui de sa demande ;
[*]
Considérant que les termes du protocole signé par les deux parties ne créent ni erreur sur la substance ni ambiguïté dolosive, dans la mesure où il n'est prévu aucune renonciation à recours en justice mais dispose seulement que la désignation ainsi faite de l'expert « sera considérée comme ayant la même valeur que si la désignation avait été faite judiciairement et sera opposable (aux parties) réciproquement dans la même mesure » ;
Qu'autrement dit, cette disposition signifie uniquement que l'expertise du médecin arbitre peut être opposée à chacune des parties, au sens procédural du respect du principe du contradictoire ;
Qu'en outre, Madame Y., qui a écrit à plusieurs reprises, de façon manuscrite à l'assureur et à la banque pour dans ses courriers, clairement exposer ses demandes, ne saurait ainsi démontrer qu'elle ne comprend pas le français ;
Qu'enfin, le grief de déséquilibre significatif du contrat aux dépens de Madame Y. ne saurait être retenu pour les mêmes raisons, étant au surplus observé que seule l'assureur a renoncé à son droit de participer à la désignation du tiers expert ».
3/ « Considérant que la définition contractuelle de l'incapacité totale temporaire de travail comme étant acquise lorsque : - « l'assuré..., à l'expiration d'une période d'interruption continue d'activité de 90 jours (appelée franchise), se trouve, par suite de maladie ou d'accident, dans l'impossibilité absolue de reprendre une quelconque activité professionnelle quelconque même à temps partiel » - ne saurait être qualifiée, par la généralité de ses termes utilisant des mots du langage commun, de confuse et d'inintelligible ;
Qu'elle ne constitue pas non plus une clause abusive dans la mesure où l'acquisition de cette garantie, bien que limitée contractuellement, n'exclut pas toute possibilité de mise en œuvre, qui lorsque les conditions en sont réunies impliquent une indemnisation par l'assureur en contrepartie du risque encouru et des primes versées ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 2 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 29 JANVIER 2019
- 6019 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Adéquation au prix
- 6021 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des contreparties : obligations secondaires
- 6041 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Contraintes d’exécution - Professionnel - Contraintes de gestion
- 6363 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances de groupe - Assurance-crédit - Obligations de l’assureur - Incapacité temporaire de travail
- 6368 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances de groupe - Assurance-crédit - Preuves et expertise