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CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 27 juin 2019

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 27 juin 2019
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 5
Demande : 15/18911
Date : 27/06/2019
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8047

CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 27 juin 2019 : RG n° 15/18911

Publication : Jurica

 

Extrait (rappel des faits) : « Monsieur X. a conclu, les 20 décembre 2010 (pour la saison 2011) et 1er août 2011 (pour la saison 2012), deux contrats relatifs à la mise à sa disposition, par la société Syndicat Linaro, du poney E. Diego SL, dit Diego. Le 9 juillet 2012, Monsieur Y., agissant au nom de la société Syndicat Linaro, a demandé que Monsieur X. procède à l'acquisition de Diego, pour un prix de 50.000 euros. Le même jour, a été conclu entre d'une part, Monsieur X., d'autre part Messieurs X. et Y., associés au sein de la société Syndicat Linaro, désignés comme vendeurs, un « contrat de vente du poney E. Diego SL ».

Monsieur X. ayant décidé de mettre Diego en location pour la saison 2015, la société Syndicat Linaro lui a indiqué, le 19 septembre 2014, que le contrat n'était pas un contrat d'exploitation de l'étalon, mais de monte, qu'il ne permettait donc pas l'exploitation sportive du poney, et l'a mis en demeure de renoncer à son projet de location.

Se prévalant de ce que Monsieur X. se refusait d'exécuter les obligations contractuelles issues de l'article 2 § 3 du contrat de vente, Messieurs Y. et Z. et la SARL Syndicat Linaro ont, par acte en date du 29 avril 2015, assigné Monsieur X. devant le tribunal de grande instance de Fontainebleau. Monsieur X. a demandé d'une part, en application du code de la consommation, que certaines des clauses du contrat du 9 juillet 2012 soient dites non écrites comme constituant des clauses abusives, d'autre part, que le contrat soit annulé pour vice de son consentement. »

Extrait (motifs) : « Considérant que Monsieur X. oppose le caractère non écrit des clauses de la convention du 9 juillet 2012 relatives à la mise du poney à la disposition des vendeurs :

- comme abusives au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation qui dispose : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. (...) Les clauses abusives sont réputées non écrites. » ;

- en application de l'article 1131 ancien du code civil, comme vidant de sa substance le droit de propriété de l'acheteur ;

Considérant que c'est à raison que le jugement entrepris, dont la cour adopte sur ce point les motifs, a retenu que les vendeurs du poney étaient Messieurs Y. et Z., lesquels n'avaient pas la qualité de professionnels, et a écarté l'application des dispositions des articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de la consommation ;

Considérant que Monsieur X. soutient par ailleurs, au visa de l'article 1131 ancien du code civil, que l'article 2 (alinéa 1er, tirets 1, 2, 3 et alinéas 3 et 4), l'article 3, alinéa 2, l'article 4, l'article 5, l'article 8, l'article 9 et l'article 10 se rapportant à la mise à la disposition des vendeurs de l'animal contredisent la portée du transfert de propriété du poney opérée par la convention du 9 juillet 2012 ;

Considérant qu'en application de l'article 1131 ancien du code civil, toute clause vidant l'obligation de sa substance est nulle et doit être réputée non écrite ;

Considérant que la convention du 9 juillet 2012 stipule en ses articles :

- 2 : « Les vendeurs se réservent de manière exclusive pour eux-mêmes et au profit de toute société de leur choix, avec tous les bénéfices y attenant, les fonctions de reproducteur de Diego selon les modalités suivantes :

- A partir de l'été 2013 jusqu'à la retraite sportive de Diego, l'acheteur conduira à ses frais tous les ans Diego dans un centre de congélation du choix des vendeurs pour que le poney y séjourne au maximum 8 semaines, entre la mi-juillet et la mi-novembre

- A partir de la retraite sportive de Diego, et au plus tard l'année de ses 18 ans, l'acheteur conduira à ses frais tous les ans Diego chez un étalonnier du choix des vendeurs afin que le Poney fasse la monte en naturel, en IAF et/ou IART (du choix des vendeurs), de début mars à fin août, puis, si les vendeurs le souhaitent, dans un centre de congélation au choix des vendeurs pour que le poney y séjourne au maximum huit semaines entre août et octobre.

- Dès la signature du contrat, l'acheteur conduira tous les ans à ses frais Diego aux parades et présentations d'étalon en vue de sa promotion pour la prochaine saison de monte.

- Les vendeurs jouiront du bénéfice de la présente clause pendant une durée minimale de quinze ans sauf cas de force majeure.

- A la mort de l'étalon, les vendeurs resteront propriétaires du stock de semences congelées.

- En cas d'impossibilité pour l'acheteur de conduire Diego au lieu-dit, il devra fournir aux vendeurs un certificat vétérinaire justificatif ; ce certificat sera établi par une clinique vétérinaire aux frais de l'acheteur.

- Si l'inaptitude de Diego est temporaire, le poney sera cependant conduit au centre de congélation ou chez l'étalonnier pour une période qui sera déterminée par les vendeurs en accord avec le Docteur Vétérinaire A., spécialiste de la reproduction. » ;

- 3 : 'Toutes les recettes et les charges liées à l'activité de reproduction de Diego reviendront aux Vendeurs ou à une société de leur choix. A l'égard des vendeurs et de la SARL Syndicat Linaro, l'acheteur renonce à tout recours pour les dommages que pourrait subir le poney durant les périodes où il leur sera confié dans le cadre de son activité reproductrice. A l'égard de toute autre personne, l'Acheteur conserve l'ensemble de ses recours prévus par le droit commun. » ;

- 5 : « En cas de problème de santé de Diego qui retarderait ou empêcherait sa mise à disposition pour la reproduction, les vendeurs pourront solliciter une contre-expertise vétérinaire pour arbitrage par le docteur A., dont les frais seront partagés à 50 % entre les vendeurs et l'acheteur. » ;

- 6 : « Deux cartes de saillies seront mises gratuitement à la disposition de l'acheteur par les vendeurs chaque année ; Si les cartes sont utilisées en IAC, l'acheteur devra régler aux vendeurs ou une société de leur choix le coût de production de la semence congelée (à savoir 50 euros pour une dose de 8 paillettes, au barème 2012). » ;

- 8 : « L'acheteur a la garde de l'animal au sens du code civil et de la jurisprudence. Il s'engage par le présent contrat à prendre soin de l'animal désigné en bon père de famille et à tout mettre en œuvre selon les usages et les règles de la profession, pour la meilleure mise en valeur de sa carrière sportive, pour l'image du Syndicat Linaro dont Diego porte l'affixe.

L'acheteur s'engage à informer sans délai les vendeurs de tout incident qui pourrait affecter les fonctions reproductrices de Diego et à ne prendre aucune décision sans l'accord préalable écrit des vendeurs.

Il s'engage également à donner autant de nouvelles de l'animal que le désirent les vendeurs et notamment donner par téléphone le résultat des concours après chaque tour effectué.

Le transfert des risques à lieu à la signature du contrat. Cependant la propriété du poney sera transférée à la date du paiement complet du prix de vente et du contrat de partenariat : la carte d'immatriculation sera endossée à cette date. »

- 9 : « L'acheteur s'engage également à transmettre avant la mi-août de chaque année le palmarès de la saison passée de Diego, une dizaine de très belles photos de professionnels prises lors de concours et des championnats ainsi qu'une vidéo de ses plus beaux parcours et l'intégralité des tours des championnats. » ;

- 10 : « Dans l'hypothèse où l'acheteur revendrait le poney, il s'engage à assurer la conservation des droits reconnus aux vendeurs par le présent contrat concernant l'activité de reproducteur de l'animal. » ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la convention du 9 juillet 2012, le poney, destiné à l'usage de la compétition en concours de saut d'obstacles, est cédé en pleine propriété à Monsieur X. ; que le contrat a pour obligations essentielles à la fois l'attribution au propriétaire d'un droit de jouissance de l'animal pour son exploitation sportive et la concession à Messieurs Y. et Z. et à la société Syndicat Linaro de la carrière d'étalon du poney inscrit au catalogue de ce fournisseur de semence, dans la catégorie « élite » ;

Considérant que, si la convention, en son article 2, prescrit, à partir de l'été 2013, un séjour de l'animal en centre de congélation entre mi-juillet et mi-novembre, ce séjour demeure en tout état de cause limité à huit semaines, soit une durée compatible avec l'exploitation sportive du poney ; qu'il convient d'observer que cette mise à disposition, propre à permettre la gestion de la carrière d'étalon de l'animal, était déjà prévue dans les conventions d'exploitation des 20 décembre 2010 et 1er août 2011 sans que Monsieur X. ne soutienne qu'elle ait fait obstacle à la poursuite de la carrière sportive du poney ; que, si le contrat prévoit que, Diego étant en retraite sportive, il devra être, chaque année, à disposition de début mars à fin août pour faire la monte, et entre août et octobre pour un séjour en centre de congélation - cette dernière mise à disposition étant limitée à huit semaines - l'appelant ne saurait invoquer une quelconque atteinte à la liberté d'exploitation sportive du poney, dès lors que ce schéma n'est applicable qu'en cas de fin de la carrière de compétition de Diego ; qu'en conséquence, l'article 2 ne porte pas manifestement atteinte au droit de propriétaire de Monsieur X. ;

Que l'article 3, alinéa 2, par lequel l'acheteur se borne à renoncer à tout recours contre les vendeurs et le société Syndicat Linaro en cas d'accident survenu dans le cadre de l'activité de reproduction, tout en préservant l'ensemble des recours à l'encontre des tiers, ne fait pas peser sur le propriétaire une charge exorbitante ;

Que, si l'article 8, alinéa 2, prévoit que l'acheteur ne peut « prendre aucune décision sans l'accord préalable des vendeurs », cette disposition ne s'applique qu'en cas « d'incident qui pourrait affecter les fonctions reproductrices de Diego », de sorte qu'il ne peut être soutenu que cette disposition fait perdre à l'acheteur toute autonomie sur la gestion de son cheval ;

Que, de même, l'article 10, qui tend seulement à assurer l'effectivité des droits des vendeurs en cas de revente de l'animal, ne vide pas le droit de propriété de sa portée ;

Qu'en conséquence, la cour déboutera Monsieur X. de sa demande fondée sur l'article 1131 ancien du code civil et ajoutera en ce sens le jugement entrepris ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 5

ARRÊT DU 27 JUIN 2019