CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 19 avril 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8109
CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 19 avril 2019 : RG n° 16/14293
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « La société SNIE, en défense à une demande en payement au titre de deux contrats de maintenance, a soutenu devant le tribunal de commerce de Melun l'existence d'un déséquilibre significatif à son préjudice dans le contrat souscrit le 21 décembre 2012, sur le fondement de l'article L. 442-6-I. Le tribunal de commerce de Melun a fait droit au moyen.
En cause d'appel, la société Foliateam excipe de ce que le tribunal de commerce de Melun n'est « pas cité comme juridiction compétente », et que cette règle de procédure impérative peut être soulevée à tout moment.
En réplique l'intimée soutient que l'appelant n'ayant pas contesté cette règle devant le premier juge se contredit. Elle ajoute que la fin de non-recevoir soulevée a disparu compte tenu de l'effet dévolutif du litige.
En application de l'article L. 442-6, III du code de commerce, les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du même code sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret ; l'article D. 442-3 du code de commerce, issu du décret du 11 novembre 2009, fixe la liste des juridictions de première instance appelées à connaître de ces litiges et désigne la cour d'appel de Paris pour connaître des décisions rendues par ces juridictions.
Les textes visés étant d'ordre public, la circonstance que la société Foliateam n'a pas soutenu l'absence de pouvoir juridictionnel du tribunal saisi est inopérante.
Les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 n'entrant pas dans les pouvoirs juridictionnels du tribunal de commerce saisi, le jugement est annulé en ce qu'il a statué sur ces demandes.
En revanche, le jugement n'est pas susceptible d'annulation du chef des demandes formées sur le fondement contractuel.
La cour d'appel de Paris étant la seule cour désignée pour connaître les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce et le tribunal de commerce de Melun étant une juridiction du ressort de cette cour d'appel, la cour d'appel de Paris est valablement saisie pour connaître de la demande formée sur le fondement de l'article précité, et conformément à l'effet dévolutif de l'appel prévu à l'article 562 du Code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-891 du 6 mai 2017. »
2/ « Le déséquilibre significatif : L'intimée soutient que la clause insérée aux Conditions Générales de maintenance (article 5 du contrat) stipulant une clause pénale disposant une indemnité de résiliation anticipée et une majoration de 20 %, qui n'est pas réciproque, crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au détriment de la SNIE.
L'article L. 442-6-I-2° du code de commerce prévoit qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, « le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au registre du commerce (...) de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
La mise en œuvre de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce suppose l'existence d'un rapport de force entre les cocontractants ayant permis à l'un d'eux de soumettre ou de tenter de soumettre son partenaire commercial, lors de la conclusion du contrat, à des obligations manifestement déséquilibrées.
Si les contrats d'adhésion qui ne donnent lieu à aucune négociation effective des clauses litigieuses ne permettent pas a priori de négociations entre les parties, il incombe néanmoins à la partie qui invoque l'existence d'un déséquilibre significatif de rapporter la preuve qu'elle a été soumise, du fait du rapport de force existant entre les cocontractants, à des obligations injustifiées et non réciproques.
L'intimée qui n'allègue pas un tel rapport de force, étant observé que la SNIE est une société anonyme au capital de 1.000.000 euros alors que la société Foliateam est une société au capital de 380.000 euros, et ne fait pas la preuve que la société Foliateam lui a imposé la conclusion du contrat du 1er avril 2010 de maintenance téléphonique d'une installation fixe, de sorte qu'il n'est pas justifié d'un déséquilibre significatif lors de la conclusion du contrat précité.
Aucun élément n'étant produit par l'intimée sur les conditions de la conclusion du contrat du 21 décembre 2012, il n'est pas justifié d'un déséquilibre significatif lors de la conclusion de ce contrat.
L'examen de la clause pénale au regard de la prétention à un déséquilibre significatif est dès lors sans objet. »
3/ « Sur l'application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation : En application de l'article précité en vigueur à la date des faits, « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »
L'appelant critique l'applicabilité de la notion de clauses abusives entre les sociétés commerciales soutenant que l'article L. 136-1 du code de la consommation ne s'applique pas à de telles sociétés et qu’un parallèle peut donc naturellement être fait avec l'article L. 132-1 du code de la consommation en ce que la société SNIE est un professionnel, et que le contrat porte sur la fourniture de biens ou de services ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle de la SNIE et dans un domaine ayant un lien direct avec son activité.
L'intimée soutient que la Cour de cassation considère que la notion de non-professionnel s'applique à des personnes morales, dès lors que les personnes agissent pour les besoins de leur activité, mais dans un domaine n'ayant aucun lien avec leur activité.
Les dispositions protectrices précitées trouvent à s'appliquer à une personne morale dès lors que le contrat est sans lien direct avec l'activité exercée par cette société.
En l'espèce l'objet du contrat est la fourniture de prestations de service de maintenance d'une installation téléphonique d'une société commerciale disposant de 34 postes téléphoniques fixes, outre l'installation d'une téléphonie mobile objet du deuxième contrat souscrit le 21 décembre 2012.
Dès lors que l'activité commerciale exercée, en l'espèce la conception et la réalisation d'installations électriques, est fortement en lien avec l'utilisation de l'installation téléphonique, le lien direct est caractérisé de sorte que la demande aux fins de voir juger du caractère abusif de l'article 5 des Conditions Générales du contrat est rejeté. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 11
ARRÊT DU 19 AVRIL 2019
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5870 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Activité globale ou spécifique
- 5945 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Téléphonie et télécopie
- 6170 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Domaine de la protection - Soumission ou tentative de soumission à un déséquilibre significatif