CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 25 juin 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8152
CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 25 juin 2019 : RG n° 18/15349 ; arrêt n° 2019/189
Publication : Jurica
Extrait (rappel des faits) : « Monsieur X. est assuré en qualité de « conducteur » auprès de la MAAF ASSURANCES, par contrat d'assurance MOTO n° XXX du 28 avril 2010. Le 14 mars 2010, il a été victime d'un accident de la circulation après avoir perdu le contrôle de sa motocyclette dans un virage, alors qu'il se trouvait sur la commune de [ville B.].
Il ressort du certificat médical initial dressé par le docteur H., médecin anesthésiste réanimateur, que Monsieur X. présentait au jour de son admission : […] Monsieur X. a sollicité la prise en charge de son sinistre par la MAAF ASSURANCES ainsi que par l'AGPM VIE, auprès de laquelle un « contrat objectif prévoyance » avait été conclu. Par courrier du 15 juillet 2010, la MAAF ASSURANCES a refusé de prendre en charge le sinistre. »
Extrait (motifs) : 1/ « Considérant que la MAAF explique que les demandes présentées par monsieur X. sous les titres de : - déclarer abusive et réputée non écrite la clause d'exclusion de garantie du fait du renversement de la charge de la preuve au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la Consommation, ainsi que celles tendant à obtenir que ladite clause d'exclusion soit déclarée nulle et inopposable en raison de son caractère non formel et non limité, constituent des prétentions nouvelles présentées pour la première fois en cause d'appel qui doivent être déclarées irrecevables au sens des article 564 et 565 du code de procédure civile ;
Considérant que selon l'article 564 du code de procédure civile : A peine d'irrecevabilité relevée d'office les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; Que selon l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ;
Considérant que si en première instance devant le tribunal de grande instance d'EVRY, monsieur X. n’a pas soulevé les prétentions tirées du caractère abusif et non écrit de la clause d'exclusion en litige ni celles tirées de sa nullité, s'étant limité à soutenir et exposer que les conditions de fait de mise en œuvre de ladite clause d'exclusion n'étaient pas remplies, il n'en demeure pas moins que les moyens soutenus de la nullité de la clause litigieuse, de son inopposabilité et de son caractère abusif et non écrit, alors que la position de la MAAF repose sur son application et sa mise en œuvre, ne constituent qu'une défense au fond, reposant sur un fondement juridique différent, qui poursuit les mêmes fins que celles opposées en première instance, soit écarter les prétentions adverses, tendant à l'application de la disposition contractuelle contestée ;
Considérant dès lors qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu à déclarer irrecevables les demandes présentées par monsieur X. tendant à voir déclarer abusive, nulle et non écrite la clause d'exclusion de garantie opposée par la société MAAF à la demande d'indemnisation présentée par l'appelant. »
2/ « Considérant que la clause d'exclusion en cause se présente comme inscrite comme suit dans les conditions générales de la police applicable : - Chapitre : LES EXCLUSIONS COMMUNES A TOUTES LES GARANTIES DU CONTRAT. - Titre : votre contrat ne garantit jamais. - Exclusions. Les dommages subis par : - le véhicule, son conducteur et ses ayants droit lorsque le véhicule est conduit par une personne en état d'ivresse manifeste ou sous l'empire d'un état alcoolique ou ayant fait usage de stupéfiants (cf. pages 43 et 44) sauf si l'assuré établit que le sinistre est sans relation avec cet état ou cet usage ;
Considérant qu'il est constant qu'en matière de clause d'exclusion, il appartient au seul assureur de démontrer la réunion des conditions de fait de l'exclusion dont il se prévaut ; Considérant que selon les dispositions de l'article L. 132-1 alinéa 1er devenu l'article L. 212-1 du code de la Consommation il résulte ce que suit : « Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateur sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » ; Considérant que la cour doit constater qu'en l'espèce les parties au contrat ont bien la qualité de professionnel pour la MAAF et de consommateur - non professionnel - simple particulier pour monsieur X. ;
Que dans ces conditions, il est constant conformément au texte précité, que sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet dans les contrats conclus entre des professionnels et des non professionnels consommateurs d'imposer au non professionnel consommateur la charge de la preuve qui en vertu du droit applicable doit incomber normalement à l'autre partie au contrat, en ce que cette situation caractérise un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;
Considérant qu'en l'espèce, il est manifeste que la clause contestée met à la charge du consommateur le rapport de la preuve d'établir que l'accident a été sans relation avec son état alcoolique ou son usage de stupéfiant, soit une preuve négative, soit que l'accident dans sa réalisation est sans lien direct et certain avec l'usage de stupéfiant, et cela pour écarter l'application de la clause d'exclusion, alors qu'en vertu du droit commun en matière de telle clause, de cette nature, il appartient à l'assureur d'établir que l'accident était en relation avec l'usage de stupéfiant, pour démontrer que les conditions de l'exclusion sont remplies ;
Considérant dès lors qu'il résulte de tout ce qui précède, que la clause contestée modifiant radicalement la charge de la preuve, supportée par le consommateur et non pas par le professionnel, celle-ci doit être déclarée abusive et réputée non écrite, que la société MAAF ne peut donc pas s'en prévaloir, que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef, que l'assureur devra sa garantie et indemniser le sinistre, ne se prévalant pas d'une autre clause d'exclusion dont les conditions seraient réunies ;
Que ce moyen est par lui-même suffisant et qu'il n'y a pas lieu en conséquence d'examiner ceux en défense soutenus par monsieur X., ou par la MAAF, portant sur la nullité et l'inopposabilité de la clause contestée en raison de son caractère non formel et non limité, de même que tirés de l'absence de réunion des conditions de faits de la clause d'exclusion de garantie puisque celle-ci n'a pas à recevoir application. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 2 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 25 JUIN 2019
- 5740 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Changement des règles applicables
- 5730 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Voies de recours - Appel
- 5740 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Changement des règles applicables
- 5985 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Ordre logique des sanctions - Présentation générale
- 6141 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Preuve - Renversement de la charge de la preuve
- 6372 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances multirisques - Véhicule automobile - Obligations de l’assureur - Présentation générale