CA NANCY (2e ch. civ.), 26 septembre 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8201
CA NANCY (2e ch. civ.), 26 septembre 2019 : RG n° 16/00176
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que suivant offre de prêt acceptée 4 mars 2009, la société Crédit Lyonnais a consenti à la société civile immobilière Les Tamarisses un prêt d'un montant de 440.000 euros remboursable sur une durée de 264 mois moyennant un taux d'intérêt fixe de 5,20 % l'an ;
Que par actes séparés datés du 5 mars 2009 M. C. Y., Mme F. Y., son épouse, alors cogérants de la société civile immobilière Les Tamarisses, ainsi que la société Crédit Logement se sont portés respectivement cautions solidaires de cet engagement ; que l'article 1er des actes de cautions donnés par les époux Y., intitulé « portée de l'engagement » stipule que la caution ne pourra « exiger de Crédit Logement, qui garantit également cette opération, aucune contribution dans le remboursement ou le paiement de la dette de l'emprunteur. En conséquence, la caution devra rembourser, à Crédit Logement, la totalité des sommes versées par lui au prêteur en exécution de son engagement de garantie, la caution renonçant aux dispositions de l'article 2310 du code civil » ;
Attendu que la société Crédit Logement justifie par la production d'une quittance subrogative délivrée le 28 décembre 2012 qu'elle a acquitté au prêteur pour le compte de la société civile immobilière les Tamarisses, actuellement en liquidation judiciaire, la somme de 463.053,65 euros correspondant aux échéances impayées entre septembre 2011 et janvier 2012, au capital restant dû, ainsi que des pénalités de retard, sur ledit prêt immobilier ;
Que faisant application des dispositions de l'article 2305 du code civil, aux termes de l'arrêt confirmatif en date du 23 février 2017, la cour a fixé la créance de la société Crédit Logement à la somme 464.191,62 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2015 sur la somme de 463.053,65 euros au passif de la société civile immobilière Les Tamarisses ;
Attendu qu'il est précisé aux termes de la quittance subrogative délivrée le 28 décembre 2012 que la somme sus visée est due par le débiteur, ainsi que par M. C. Y. et Mme F. Y., en leur qualité de caution, et que ce remboursement a été effectué « pour le compte du (des) codébiteur ( s) solidaire ( s) ci-dessus désigné(s) en vertu de l'acte sous seing privé en date du 8 décembre 2008 et aux termes duquel la société Crédit Logement s'est déclarée caution solidaire du remboursement du prêt souscrit auprès de CL Epinal » ;
Qu'il est également mentionné que « le présent reçu est délivré pour faire valoir ce que de droit et notamment la subrogation de la société crédit Logement dans les droits et actions du prêteur à l'encontre du (des) codébiteur ( s) solidiaire ( s), et ce, par application des articles 1251 (3ème), 2305 et 2306 du code civil » ;
Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 2310 alinéa 1er du code civil, lorsque plusieurs personnes ont cautionné un même débiteur pour une même dette, la caution qui a acquitté la dette, a recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et portion ;
Que cependant, ces dispositions ne sont pas d'ordre public et rien n'empêche une caution de renoncer expressément à leur bénéfice, en s'engageant à n'exercer aucun recours contre les autres cofidéjusseurs ;
Qu'en l'espèce, les actes de caution qui ont été respectivement signés par M. C. Y. et Mme F. Y., le 5 mars 2009, stipulent que la caution ne pourra « exiger de Crédit Logement, qui garantit également cette opération, aucune contribution dans le remboursement ou le paiement de la dette de l'emprunteur. En conséquence, la caution devra rembourser, à Crédit Logement, la totalité des sommes versées par lui au prêteur en exécution de son engagement de garantie, la caution renonçant aux dispositions de l'article 2310 du code civil » ;
Que les époux Y. ont ainsi renoncé expressément au bénéfice des dispositions de l'article 2310 du code civil, de sorte que la société Crédit Logement qui a désintéressé le créancier est autorisée à recouvrer l'intégralité de la somme due par la société civile immobilière Les Tamarisses auprès des deux autres cautions, en exécution des clauses du cautionnement donné par la société Le Crédit Lyonnais ;
Attendu que les appelants font néanmoins valoir que les dispositions des actes de cautionnement mentionnées ci-dessus constituent une clause abusive, conformément à la définition qui en est donnée par l'article L. 212-1 du code de la consommation ; qu'ils soutiennent que celle-ci a pour objet ou pour effet de créer, à leur détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, à savoir entre les trois cautions ;
Que toutefois, il a été précédemment rappelé que cette clause qui déroge aux règles régissant les rapports entre les cofidéjusseurs édictées par l'article 2310 du code civil est licite ; qu'elle ne peut au surplus constituer entre les cautions une clause abusive, au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation, dans la mesure où celles-ci ne sont pas liées entre elles par un contrat ;
Que la société Crédit Logement n'est pas en effet partie à l'acte de cautionnement donné respectivement par les époux Y. au Crédit Lyonnais, en garantie des engagements de la société civile immobilière les Tamarisses ; que la clause de renonciation au recours de l'article 2310 du code civil lie en effet uniquement la société Crédit Lyonnais et les appelants, et non ces derniers à la société Crédit Logement ;
Que le moyen tiré de l'application des dispositions de l'article L. 212-1 du code de la consommation à la clause de renonciation au recours de l'article 2310 du code civil convenue entre les époux Y. et le prêteur est donc inopérant ; qu' il convient par conséquent de débouter les appelants de leur demande, tendant à ce que l'application de la clause de renonciation par les époux Y. du bénéfice de l'article 2310 du code civil soit écartée ; que le recours exercé par la société Crédit Logement à l'encontre des cofidéjusseurs ne peut en conséquence être limité à seulement un tiers de la somme, qu'elle a acquittée au profit de la banque Crédit Mutuel, devant en effet porter sur son intégralité ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2019
- 5834 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Existence d’un contrat
- 5839 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Nature du contrat : contrat unilatéral
- 5853 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de consommateur - Particulier personne physique - Consommateur tiers au contrat
- 6296 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Cautionnement et sûretés personnelles