CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 10 octobre 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8206
CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 10 octobre 2019 : RG n° 16/19663
Publication : Jurica
Extrait (rappel des faits) : « Le 19 juillet 2014, M. X était victime d'un vol dans sa résidence principale sis [adresse]. Il avait souscrit deux assurances habitation, l'une auprès de la société PACIFIA et l'autre auprès de la société ACM, pour le complément des pertes non indemnisées.
M. X était indemnisé par la société PACIFIA à hauteur de 70.116 euros, et par suite d'un désaccord avec la société ACM sur la proposition d'indemnisation complémentaire, il donnait mandat au cabinet SV EXPERTISES, le 2 février 2015, pour fixer cette indemnisation.
En juin 2015, la société SV EXPERTISES proposait à M. X un versement complémentaire par la société ACM de 25.440 euros, proposition jugée insatisfaisante et refusée par ce dernier.
Par actes en date des 16 octobre 2015 et 28 octobre 2015, la société SV EXPERTISES assignait M. X devant le tribunal d'instance du RAINCY, aux fins de le voir condamner à payer la somme de 6.739,42 euros au titre de ses honoraires avec intérêts au taux légal, et la somme de 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. »
Extrait (motifs) : « 1- L'article 1103 du code civil dispose que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».
L'article 1104 précise qu'ils doivent être exécutés de bonne foi.
La société SV EXPERTISES a reçu, selon mandat du 2 février 2015 produit aux débats, la mission d'évaluer les dommages aux matériels et mobiliers, après le vol qu'a subi M. X à son domicile, le 19 juillet 2014.
Il est rappelé qu'elle est intervenue suite au refus du second assureur de M. X, la société ACM, d'accorder une indemnisation complémentaire, selon une lettre du 18 décembre 2014, expliquant que : « au regard des garanties souscrites et du chiffrage de l'expert, il apparaît qu'aucun règlement complémentaire à l'indemnité versée par PACIFICA n'est justifié pour la compagnie ACM ».
Par un courrier de juin 2015, la société SV EXPERTISES a proposé à M. X, la somme de 25.440 euros au titre de l'indemnisation complémentaire versée par la société ACM, ce que l'intéressé a refusé, l'estimant insuffisante, puisque par courrier électronique du 30 juin 2015, il indiquait à la société SV EXPERTISES, que l'indemnisation complémentaire devait être portée à la somme de 45.310 euros.
Il résulte des débats que M. X a poursuivi seul les négociations avec la société ACM, qui ont abouti, en décembre 2015, à fixer l'indemnité complémentaire à la somme de 45.428 euros.
M. X soutient que la société SV EXPERTISES a manqué à ses obligations contractuelles puisqu'elle ne serait pas parvenue à un chiffrage des objets dérobés permettant l'indemnisation complémentaire, le chiffrage obtenu n'ayant en tout cas n'ayant pas été complet, puisque l'ensemble des bijoux à évaluer n'aurait pas été pris en compte, ce chiffrage complet de 111.310 euros, justifiant l'indemnisation complémentaire de 45.310 euros.
M. X fait grief à la société SV EXPERTISES d'avoir voulu lui imposer une indemnisation complémentaire de près de la moitié inférieure à celle qui était due, et qu'il a finalement obtenue sans elle.
Il est cependant constaté que la société ACM avait d'abord refusé toute indemnisation complémentaire à M. X, qui après avoir donné mandat à la société SV EXPERTISES, a tout de même obtenu une proposition de 25.440 euros.
L'intimée précise au demeurant, à juste titre au regard des termes du mandat, qu'elle avait pour mission d'expertiser les biens volés et non de négocier et de transiger avec la société d'assurances.
Aucune violation contractuelle ni mauvaise foi ne peuvent être retenues à l'encontre de la société SV EXPERTISES, puisqu'il résulte encore des débats qu'à la suite d'une réunion d'expertise du 11 juin 2015, dont l'objet fut de redéfinir la liste des objets volés et de parvenir à un chiffrage commun, l'intimée a procédé à un « arrêt technique des dommages », justifiant le chiffrage complet des objets, la répartition entre les deux sociétés d'assurances, et le détail de la production d'une quittance chiffrant l'indemnité complémentaire, qui a été refusée par son client.
L'article L. 121-4 alinéas 4 et 5 du code des assurances dispose que : « dans les rapports entre assureurs, la contribution de chacun est déterminée en appliquant au montant du dommage le rapport existant entre l'indemnité qu'il aurait versée s'il avait été seul et le montant cumulé des indemnités qui auraient été à la charge de chaque assureur s'il avait été seul ».
Il est démontré que la société SV EXPERTISES a effectué un calcul exact, même si M. X l'a jugé insuffisant, pour proposer l'indemnisation complémentaire à hauteur de 25.440 euros.
Il s'en déduit que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté M. X de ses demandes en résiliation et en annulation du contrat de mission signé entre les parties le 2 février 2015.
2 - En ce qui concerne le montant des honoraires, le contrat de mission prévoit que : « les honoraires de la SARL SV EXPERTISES pourront être pris en charge par la compagnie d'assurances dans le cas où le contrat le prévoirait. Ils seront payables aussitôt l'arrêt technique des dommages par nous-mêmes ou par cession de créance et seront calculés sur les sommes fixées comme perte, tout chef de préjudice confondu. En cas d'interruption de la mission par nos soins, les honoraires seront calculés suivants un taux horaire de 180 € / l'heure en fonction du travail exécuté. Les honoraires seront calculés d'après le barème UPEMEIC ».
L'appelante soutient que le tribunal a commis une erreur d'interprétation de la clause susvisée, et elle souligne que ses honoraires doivent être calculés sur les sommes fixées comme perte ou tout chef de préjudice confondu, en rappelant que les dommages ont été arrêtés suivant un état de pertes évaluées à la somme de 119.276 euros et que les honoraires ont été fixés sur la somme de 95.556 euros.
Le tribunal a considéré que les dispositions contractuelles susvisées sont imprécises quant au calcul des honoraires fixés sur le préjudice total, qui doit s'entendre sur celui qui reste à indemniser, et non sur celui qui a déjà été indemnisé à hauteur de 70.116 euros par la société PACIFICA.
Par ailleurs, l'appelante explique que la clause dont il est question, ne donne un pouvoir de résiliation qu'à M. X, et qu'elle est parfaitement claire sur le calcul des honoraires.
Elle produit aux débats sa facture du 23 juin 2015 portant montant de 6.739,42 euros au titre de ses honoraires.
Cependant, la société SV EXPERTISES ne peut prétendre fixer ses honoraires sur la totalité de l'évaluation du dommage subi, puisque la plus grande partie de celle-ci était déjà indemnisée par la société PACIFICA, et qu'elle n'a reçu mission que pour le complément d'indemnisation.
L'article L. 132-1 du code de la consommation dispose que : « dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
En l'espèce, une clause qui fixe les honoraires au pourcentage de l'évaluation totale d'un dommage alors qu'une partie de celui-ci a déjà été chiffrée et indemnisée, entraîne des conséquences financières disproportionnées et injustes pour le consommateur.
De même, la faculté de résiliation unilatérale par le professionnel, sans reconnaître ce droit au consommateur, créer un déséquilibre au détriment de ce dernier, et rend la clause abusive.
La société SV EXPERTISES ne peut pas convaincre la Cour que l'expression contenue dans la clause litigieuse « en cas d'interruption de la mission par nos soins », ne concerne pas sa prérogative, mais uniquement celle de son client, le consommateur.
Il convient par conséquent, d'une part de confirmer le solde de 789,60 euros, arrêté par le tribunal et reconnu à titre subsidiaire par M. X, que ce dernier doit à la société SV EXPERTISES, et d'autre part de confirmer le caractère non écrit de la clause relative à la fixation des honoraires et à la faculté d'interruption unilatérale de la mission du professionnel.
Le jugement sera donc confirmé. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 4 CHAMBRE 9
ARRÊT DU 10 OCTOBRE 2019
- 6019 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Adéquation au prix
- 6023 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des prérogatives - Asymétrie
- 6130 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Durée du contrat - Résolution ou résiliation sans manquement - Résiliation par le professionnel
- 6325 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Expertise et avis