CA PAU (2e ch. sect. 1), 19 novembre 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8209
CA PAU (2e ch. sect. 1), 19 novembre 2019 : RG n° 17/04014
Publication : Jurica
Extrait (rappel des faits) : « Par acte sous seing privé du 15 octobre 2014, la SA CA Consumer Finance a consenti à M. X. un prêt affecté d'un montant de 23.267€, au taux nominal contractuel de 4,650 % (Taux effectif global de 5,975 %) remboursable en 60 échéances mensuelles de 450,01€, hors assurances, destiné à financer l'acquisition d'un véhicule automobile neuf Opel Mokka. M. X. ayant cessé le remboursement des échéances à compter du 5 novembre 2015, la SA CA Consumer Finance a prononcé la déchéance du terme le 8 juillet 2016 après avoir tenté en vain des démarches préalables de résolution amiable. »
Extrait (motifs) : « Sur le sort du véhicule financé : La SA CA Consumer Finance demande, ainsi qu'elle l'avait fait devant le premier juge, qui lui avait donné satisfaction à ce titre, que soit ordonnée la restitution du véhicule financé ainsi que de son certificat d'immatriculation, sous astreinte, et qu'à défaut, tout huissier soit autorisé à appréhender ce véhicule en quelque lieu et en quelques mains qu'il se trouve afin qu'il puisse être vendu aux enchères publiques, le produit de la vente venant en déduction du montant de sa créance. Pour autant, elle n'indique pas expressément le fondement précis de cette demande, se contentant d'énoncer, dans ses écritures, que le véhicule est «frappé d'une clause de réserve de propriété».
M. X., de son côté, sans davantage expliciter sa demande, sollicite que le véhicule reste en sa possession, s'opposant ainsi à la revendication de l'établissement financier.
Le contrat de crédit affecté en date du 15 octobre 2014 énonce, au titre de ses conditions particulières, que « l'emprunteur reconnaît que la vente faite à son profit est assortie d'une clause de réserve de propriété convenue dès avant la livraison » et que « le vendeur subroge le prêteur dans le bénéfice de cette réserve de propriété à l'instant même du paiement effectué à son profit par le prêteur. Le prêteur peut opter pour l'inscription d'un gage à la préfecture, ce qui implique renonciation au bénéfice de la réserve de propriété et donc transfert à la date de publication du gage de la propriété à l'emprunteur ». Ce même contrat, dans l'encadré réglementaire qui figure en sa première page mentionne « Garantie : réserve de propriété/gage matériel », sans que ne soit davantage précisé le choix susceptible d'être fait au titre de ces deux options différentes.
En l'état des énonciations du contrat, il n'est manifestement pas possible de déterminer quelles ont été les intentions précises du prêteur de deniers au titre des sûretés qu'il entendait se réserver.
En outre, il résulte des dispositions d'ordre public de l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur à la date de l'offre de prêt que, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et que de telles clauses sont réputées non écrites.
Il est clairement acquis, en droit, que le prêteur qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client pour financer l'acquisition du véhicule n'est pas l'auteur du paiement dès lors que l'emprunteur devient propriétaire des fonds dès la conclusion du contrat de crédit. Il s'ensuit que la subrogation consentie au bénéfice du prêteur est inopérante, le vendeur n'ayant reçu qu'en apparence son paiement d'une tierce personne puisque le véritable auteur du paiement n'est autre que le débiteur lui-même qui avait au surplus donné mandat à cet effet au prêteur.
Une clause de la nature de celle qui est insérée au contrat litigieux donne en réalité l'impression à l'emprunteur que la clause de réserve de propriété a pu être valablement transmise au prêteur alors qu'il n'en est rien, le consommateur étant dès lors trompé sur l'étendue exacte de ses droits, notamment dans l'exercice de son droit de propriété, ce qui est bien de nature à créer un déséquilibre significatif à son détriment. Une semblable clause doit donc être réputée non écrite.
En conséquence, dès lors que tel est bien le cas de la clause dont l'intimée revendique le bénéfice, il ne peut être fait droit à la demande présentée à ce titre par la SA CA Consumer Finance, sur la base d'une stipulation du contrat qui ne saurait manifestement recevoir application. Le jugement sera réformé à ce titre et la SA CA Consumer Finance déboutée de sa demande. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PAU
DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 1
ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2019
- 5742 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Droits et obligations du consommateur
- 6026 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre dans l’information - Informations connues du professionnel - Informations juridiques générales
- 6054 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Garanties d’exécution en faveur du professionnel
- 6060 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Respect des droits et libertés du consommateur - Droit de propriété
- 6629 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit affecté