CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 12 décembre 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8283
CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 12 décembre 2019 : RG n° 18/01576 ; arrêt n° 2019/505
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « En revanche, il est exact qu'aucune disposition des conditions générales applicables au contrat de maintenance ne prévoit un taux d'intérêt égal au taux de base bancaire majoré de six points en cas de non-paiement. Cette clause ne figure que dans les conditions générales de vente applicables à la vente du matériel. La SAS AITEC indique que ces conditions générales sont reproduites au verso des factures de consommables mais aucune des mentions de ses factures, produites aux débats, ne fait référence à ces conditions générales ni à leur acceptation par le débiteur, alors que cette clause constitue une stipulation contractuelle non prévue au contrat d'origine. Ce taux d'intérêt majoré n'est pas dû. »
2/ « Sur ce, cette clause stipule : la société AITEC liée par le présent contrat, tant par sa durée que par les logiciels et matériels entretenus, a été dans l'obligation d'engager du personnel hautement qualifié et de maintenir en stock des pièces détachées et des consommables afin de faire face à ses obligations contractuelles. De ce fait, en cas de dénonciation anticipée du contrat pour quelque motif que ce soit, AITEC, facturera au client à titre indemnitaire une somme égale à 130 % du montant des forfaits à échoir, à partir de la date de la prise d'effet de la dénonciation jusqu'à la fin de la période contractuelle en cours, avec un minimum de perception de 3 mois. Le tarif appliqué étant celui du dernier coût copie facturé. Cette indemnité se justifiant par le préjudice subi lorsqu'un contrat n'est pas conduit jusqu'à son terme.
À titre liminaire, les moyens des appelants fondés sur l'article L. 442-6 du code de commerce sont irrecevables devant la cour d'appel d'Aix en Provence, dépourvue du pouvoir juridictionnel d'en connaître conformément aux articles L. 442-6 dernier alinéa, D. 442-3 et D. 442-4 du code de commerce.
L'article 1170 du code civil, dans la rédaction invoquée par l'appelante, n'est pas applicable à l'espèce, le contrat ayant été conclu avant le 1er octobre 2016.
En tout état de cause, il n'est ainsi créé par cette clause aucun déséquilibre significatif entre les parties dès lors qu'elle ne vise qu'à réparer le préjudice subi du fait de la résiliation anticipée du contrat, précisément défini par la clause, et ne constitue donc pas une clause pénale susceptible de modération. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 3 - 3
ARRÊT DU 12 DÉCEMBRE 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/01576. Arrêt n° 2019/505. N° Portalis DBVB-V-B7C-BB3HT. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 20 décembre 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le R.G. n° 2017F00068.
APPELANTE :
SARL DH COMMUNICATION
prise en la personne de son liquidateur judiciaire, dont le siège social est [adresse], représentée par Maître Frédérique G., avocat au barreau de TOULON
INTIMÉE :
SAS AITEC BUREAUTIQUE
dont le siège social est [adresse], représentée par Maître Isabelle F. de la SELARL L. F. & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
PARTIE INTERVENANTE :
SCP BR ASSOCIES
en la personne de Maître Nicolas M., agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL DH COMMUNICATION selon jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Toulon le 15 novembre 2018, dont le siège social est [adresse], représentée par Maître Frédérique G., avocat au barreau de TOULON
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 octobre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie GERARD, Président de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Valérie GERARD, Président de chambre, Madame Françoise PETEL, Conseiller, Madame Anne DUBOIS, Conseiller.
Greffier lors des débats : Madame Lydie BERENGUIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe, après prorogation, le 12 décembre 2019.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2019. Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Lydie BERENGUIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon bon de commande du 19 février 2015, la SARL DH communication a acquis de la SAS AITEC bureautique un photocopieur multifonctions pour le prix de 2.500 euros HT déduction faite de la somme de 450 HT correspondant à la reprise de l'ancien matériel.
Selon acte sous seing privé du même jour un contrat de fourniture et d'entretien a été conclu entre les parties prévoyant un forfait mensuel de 500 copies noir et blanc moyennant le prix de 0,0059 euros HT la copie A4 et 2.000 copies couleur moyennant le prix de 0,059 euros HT la copie A4. Le contrat a été conclu pour une durée de 21 trimestres.
La SAS AITEC a émis trois factures les 15 septembre, 15 décembre 2015 et 30 mars 2016 qui n'ont pas été réglées, de même que celle du 15 juin 2016.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 novembre 2016, la SAS AITEC a notifié à la SARL DH communication la résiliation anticipée du contrat et réclamé outre les factures impayées, l'indemnité de résiliation prévue à l'article 7 des conditions générales du contrat.
À défaut de règlement elle a saisi le tribunal de commerce de Toulon lequel a statué en ces termes par jugement du 20 décembre 2017 :
- condamne la SARL DH communication ã payer la somme de mille neuf cent quarante-huit euros et dix centimes (1.948,10 €) à la SAS AITEC au titre des factures impayées suivantes :
- 15 septembre 2015 : 453,42 €
- 11 décembre 2015 : 453,42 €
- 30 mars 2016 : 553,44 €
- 15 juin 2016 : 487,82 €
- condamne la SARL DH communication à payer à la SAS AITEC la somme de neuf mille cent soixante et un euros et quarante-cinq centimes (9.161,45 €) au titre de l'indemnité de résiliation anticipée ;
- condamne la SARL DH communication à payer à la SAS AITEC la somme de deux cents euros (200,00 €) au titre de la clause pénale ;
- condamne la SARL DH communication à payer à la SAS AITEC la somme de cinq cents euros (500,00 €) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonne l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant toutes voies de recours et sans caution ;
- condamne la SARL DH communication à payer les entiers dépens de l'instance.
La SARL DH communication a interjeté appel le 29 janvier 2018.
La SARL DH communication a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Toulon du 15 novembre 2018 et la SCP BR Associés, prise en la personne de Me Nicolas M. est intervenue volontairement à l'instance.
La SAS AITEC bureautique a déclaré sa créance.
[*]
Par conclusions du 22 juillet 2019, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SCP BR Associés prise en la personne de Nicolas M., ès qualités de liquidateur de la SARL DH communication demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 20 décembre 2017 par le tribunal de commerce de Toulon,
- constater, dire et juger que la société AITEC bureautique a manqué à ses obligations contractuelles, le matériel vendu étant défectueux et débouter en conséquence la société AITEC bureautique de ses demandes, en application des dispositions de l'article 1186 du code civil,
- dire et juger abusive, non écrite et inopposable à la société DH communication la clause contenue à l'article 7 des conditions générales du contrat fourniture entretien signé le 19 février 2015 et débouter en conséquence la société AITEC bureautique de sa demande en paiement de la somme de 9 161,45 euros à titre d'indemnité de résiliation anticipée, en application des dispositions de l'article 1170 du code civil,
- condamner la société AITEC bureautique à payer à la société DH communication la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi en application des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce,
à titre subsidiaire, dire et juger que la clause contenue à l'article 7 des conditions générales du contrat fourniture entretien signé le 19 février 2015 est une clause pénale excessive et débouter en conséquence la société AITEC bureautique de sa demande en paiement de la somme de 9.161,45 euros à titre d'indemnité de résiliation anticipée qui ne saurait être supérieure à la somme de 1 euro,
- en toute hypothèse, débouter la société AITEC bureautique de sa demande d'intérêts au taux conventionnel de 12,60 %, totalement injustifiée, de sa demande de capitalisation des intérêts et de sa demande d'indemnité de 8 % infondée,
- débouter la société AITEC bureautique de toutes ses demandes, 'ns et conclusions,
- condamner la société AITEC bureautique au paiement de la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.
[*]
Par conclusions du 31 juillet 2019, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SAS AITEC bureautique demande à la cour de :
1°) constater la résiliation anticipée du contrat aux torts de la société DH communication,
2°) fixer la créance de la société AITEC au passif de la procédure collective dont fait l'objet la SARL DH communication de la manière suivante :
- 1.948,10 € au titre des factures impayées des 15 septembre 2015, 11 décembre 2015, 30 mars 2016 et 15 juin 2016
- 9.161,45 € au titre de l'indemnité de résiliation anticipée
- 889 € à l'indemnité majorée visée à l'article 5 à 3 des conditions générales au verso des factures,
- 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile résultant du jugement du 20 décembre 2017,
3°) condamner la SARL DH communication au paiement de la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile passée en frais privilégiés de la procédure,
4°) statuer ce que de droit sur les dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur les factures impayées :
La SARL DH communication expose qu'elle ne doit pas lesdites factures, le matériel livré n'ayant jamais fonctionné. Elle précise qu'elle a adressé des réclamations à la SAS AITEC bureautique laquelle n'y a jamais donné suite. Elle invoque les dispositions de l'article 1186 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et s'oppose à l'application d'une clause fixant les intérêts conventionnels à 12,60 % qui ne figure pas dans les conditions générales du contrat de maintenance ainsi qu'à la demande de capitalisation des intérêts.
Mais cette argumentation ne saurait être retenue dès lors que l'appelante se prévaut d'un unique courriel de la SAS AITEC Bureau du 26 avril 2016, précisant qu'elle avait bien pris en compte la demande de réparation « de ce jour » mais qu'il n'y aurait aucune intervention au regard des impayés antérieurs.
Aucune défectuosité du matériel n'est donc démontrée qui aurait pu empêcher le règlement des factures payables d'avance, conformément aux stipulations contractuelles.
En revanche, il est exact qu'aucune disposition des conditions générales applicables au contrat de maintenance ne prévoit un taux d'intérêt égal au taux de base bancaire majoré de six points en cas de non-paiement. Cette clause ne figure que dans les conditions générales de vente applicables à la vente du matériel.
La SAS AITEC indique que ces conditions générales sont reproduites au verso des factures de consommables mais aucune des mentions de ses factures, produites aux débats, ne fait référence à ces conditions générales ni à leur acceptation par le débiteur, alors que cette clause constitue une stipulation contractuelle non prévue au contrat d'origine.
Ce taux d'intérêt majoré n'est pas dû.
En revanche la capitalisation des intérêts au taux légal doit être appliquée dès lors qu'il s'agit d'intérêts dus pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil.
Sur l'indemnité de résiliation anticipée et la clause pénale :
L'appelante soutient que l'indemnité de résiliation anticipée, stipulée à l'article 7 des conditions générales du contrat, crée un déséquilibre significatif entre les parties puisqu'elle résulte du pouvoir unilatéral de la SA AITEC bureautique, lui crée un avantage disproportionné, non réciproque et un transfert de charges injustifié. Elle invoque également les dispositions des l'article L. 442-6 du code de commerce à l'appui de sa demande de dommages et intérêts et à titre subsidiaire, soutient qu'il s'agit d'une clause pénale qu'il convient de modérer.
Sur ce, cette clause stipule : la société AITEC liée par le présent contrat, tant par sa durée que par les logiciels et matériels entretenus, a été dans l'obligation d'engager du personnel hautement qualifié et de maintenir en stock des pièces détachées et des consommables afin de faire face à ses obligations contractuelles. De ce fait, en cas de dénonciation anticipée du contrat pour quelque motif que ce soit, AITEC, facturera au client à titre indemnitaire une somme égale à 130 % du montant des forfaits à échoir, à partir de la date de la prise d'effet de la dénonciation jusqu'à la fin de la période contractuelle en cours, avec un minimum de perception de 3 mois. Le tarif appliqué étant celui du dernier coût copie facturé. Cette indemnité se justifiant par le préjudice subi lorsqu'un contrat n'est pas conduit jusqu'à son terme.
À titre liminaire, les moyens des appelants fondés sur l'article L. 442-6 du code de commerce sont irrecevables devant la cour d'appel d'Aix en Provence, dépourvue du pouvoir juridictionnel d'en connaître conformément aux articles L. 442-6 dernier alinéa, D. 442-3 et D. 442-4 du code de commerce.
L'article 1170 du code civil, dans la rédaction invoquée par l'appelante, n'est pas applicable à l'espèce, le contrat ayant été conclu avant le 1er octobre 2016.
En tout état de cause, il n'est ainsi créé par cette clause aucun déséquilibre significatif entre les parties dès lors qu'elle ne vise qu'à réparer le préjudice subi du fait de la résiliation anticipée du contrat, précisément défini par la clause, et ne constitue donc pas une clause pénale susceptible de modération.
L'intimée réclame également une indemnité contractuelle de 8 % prévue à l'article l'article 5 à 3 des conditions générales de règlement figurant au verso de l'ensemble des factures, selon laquelle « le défaut de paiement d'une seule échéance ou le manquement quelconque à l'une des obligations mises à la charge de l'acheteur entraîne : au titre de clause pénale, le paiement d'une indemnité pour frais de recouvrement de 8 % sur le montant des sommes exigibles sous réserve de tout autre dû »
Toutefois, cette clause ne figure pas sur les conditions générales du contrat de fourniture et d'entretien et comme rappelé ci-dessus, aucune des mentions des factures ne permet de considérer que la SARL DH communication a eu connaissance de ces conditions figurant au seul verso des factures.
Cette demande est rejetée.
Le jugement est infirmé en toutes ses dispositions.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Toulon du 20 décembre 2017,
Statuant à nouveau,
Fixe la créance de la SAS AITEC bureautique au passif de la liquidation judiciaire de la SARL DH communication aux sommes suivantes, à titre chirographaire :
- 1.948,10 € au titre des factures impayées des 15 septembre 2015, 11 décembre 2015, 30 mars 2016 et 15 juin 2016,
- 9.161,45 € au titre de l'indemnité de résiliation anticipée,
avec intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2016,
Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
Déboute la SAS AITEC bureautique du surplus de ses demandes,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCP BR associés, en sa qualité de liquidateur de la SARL DH communication à payer à la SAS AITEC bureautique la somme de deux mille euros,
condamne la SCP BR associés, en sa qualité de liquidateur de la SARL DH communication aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 6151 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 et à la loi du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. - Application dans le temps
- 6216 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Prestation de services
- 6242 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Compétence territoriale
- 6389 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs - Acceptation et opposabilité des clauses