CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA COLMAR (3e ch. civ. A), 2 mars 2020

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (3e ch. civ. A), 2 mars 2020
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 3 ch. civ. sect. A
Demande : 18/03266
Décision : 20/130
Date : 2/03/2020
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 19/07/2018
Numéro de la décision : 130
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 8378

CA COLMAR (3e ch. civ. A), 2 mars 2020 : RG n° 18/03266 ; arrêt n° 20/130

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Bien que l'article 2 du contrat réserve la possibilité pour l'étudiant de solliciter la résiliation anticipée de la convention, à titre exceptionnel, s'il justifie d'un cas de force majeure ou d'un motif légitime et impérieux, il sera constaté que les articles 4 et 5 précités sont abusifs, en ce qu'ils créent au détriment de l'élève un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, puisque l'étudiant n'a pas de possibilité d'annuler la convention et d'être dispensé du paiement de la totalité des frais de scolarité, alors que l'établissement peut y mettre un terme sans verser aucun dédommagement. »

2/ « Il doit être tiré de ces éléments que Monsieur X. a fait part à la direction de l'établissement de sa volonté de mettre un terme au contrat, bien qu'il n'ait pas formalisé en bonne et due forme une demande d'annulation de son inscription et ce alors qu'il précise qu'il n'avait assisté qu'à quatre jours de cours avant de renoncer à sa scolarité. L'appelante ne verse aucune pièce au dossier et notamment les relevés de présence, qui viendraient contredire cette affirmation de l'intimé, quant au caractère très précoce de l'abandon de la scolarité.

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il ne peut être imposé à l'établissement d'enseignement de résilier le contrat pour absentéisme de Monsieur X., la convention ne prévoyant à cet égard, dans son article 2, qu'une faculté pour l'établissement et non une obligation.

Pour autant, en raison du caractère abusif de la clause ne permettant pas à l'étudiant d'annuler la convention sans se dispenser du paiement de la totalité des frais de scolarité, c'est à juste titre que le premier juge a débouté l'appelante de sa demande en paiement du solde des frais de scolarité, le montant déjà acquitté par l'intimé à hauteur de 1.120 € suffisant à indemniser l'établissement des conséquences de la rupture de la convention. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU 2 MARS 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/03266. Arrêt n° 20/130. N° Portalis DBVW-V-B7C-G2GM. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 5 juillet 2018 par le Tribunal d'Instance de STRASBOURG.

 

APPELANTE :

SARL CAMPUS PRIVÉ D'ALSACE

[adresse], Représentée par Maître Thierry C., avocat au barreau de COLMAR

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

[adresse], Représenté par Maître Christine B., avocat au barreau de COLMAR (Aide juridictionnelle Totale numéro 2018/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 novembre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme MARTINO, Présidente de chambre et Mme FABREGUETTES, Conseiller, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Mme MARTINO, Présidente de chambre, Mme FABREGUETTES, Conseiller, Mme DECOTTIGNIES, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme NEFF

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Annie MARTINO, Présidente et Mme Nathalie NEFF, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon contrat du 29 juillet 2016, Monsieur X. s'est inscrit auprès de la Sarl Campus Privé d'Alsace, exploitant sous le nom Estudia Centre Europe AMGE, pour préparer un BTS Banque en un cursus de deux ans d'études, moyennant versement d'une somme annuelle de 4.900 €, soit 9.800 euros au total.

À la même date, les parties ont signé un protocole amiable d'accord, prévoyant le paiement échelonné des frais de la première année, entre juillet 2016 et avril 2017 et les deux premières échéances, de 700 € le 25 août 2016 et de 420 € le 10 septembre 2016, ont été acquittées par Monsieur X.

Le 13 mars 2017, la Sarl Campus Privé d'Alsace a assigné Monsieur X. devant le tribunal d'instance de Strasbourg aux fins de le voir condamner à payer la somme de 8.680 euros au titre du solde des frais d'études, la somme de 868 euros au titre de l'indemnité forfaitaire contractuelle, les intérêts à compter de la demande ainsi que la somme de 1.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur X. a résisté à la demande et a subsidiairement demandé la réduction des montants sollicités, le report des sommes dues pendant un an à compter de la décision, l'application d'un taux d'intérêt réduit avec imputation des paiements en priorité sur le capital et plus subsidiairement, l'échelonnement des paiements sur deux ans.

Il a fait valoir qu'il a rencontré des difficultés financières ; qu'il a cessé de venir en cours et a subi ensuite un état dépressif ; qu'il est fondé à se prévaloir d'un motif impérieux et légitime pour solliciter la résiliation du contrat au terme du mois de septembre 2016 ; que les clauses du contrat entraînent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, contraire aux dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

Par jugement du 5 juillet 2018, le tribunal d'instance de Strasbourg a :

- dit que les articles 4 et 5 du contrat conclu le 29 juillet 2016 constituent des clauses abusives,

- déclaré qu'elles sont réputées non écrites,

- dit le contrat du 29 juillet 2016 résilié le 28 octobre 2016 pour absentéisme de Monsieur X.,

- débouté la Sarl Campus Privé d'Alsace de toutes ses demandes,

- condamné la Sarl Campus Privé d'Alsace aux frais et dépens de l'instance.

[*]

La Sarl Campus Privé d'Alsace a interjeté appel de cette décision le 19 juillet 2018.

Par dernières écritures en date du 3 juillet 2019, elle conclut à l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et demande à la cour de :

- débouter Monsieur X. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 8.680 euros au titre du solde des deux années d'inscription, ainsi que la somme de 868 euros à titre d'indemnité forfaitaire contractuelle, le tout avec intérêts de droit à compter de la signification de l'assignation le 13 mars 2017,

- condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur X. aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Elle fait valoir que le contrat est conforme à la jurisprudence actuelle de la cour de cassation, en ce qu'il prévoit que l'étudiant peut en solliciter la résiliation anticipée s'il justifie d'un cas de force majeure ou d'un motif légitime et sérieux ; qu'en l'espèce, l'intimé ne peut pas se prévaloir d'un tel motif, qu'il n'a d'ailleurs jamais fait valoir par écrit ou verbalement ; qu'il n'est pas démontré en quoi l'article 5 de la convention crée un déséquilibre significatif dans les droits des parties.

Elle soutient que le premier juge a statué ultra petita en retenant qu'elle ne tirait pas les conséquences de l'absentéisme de Monsieur X., qui entraîne la résiliation du contrat en vertu de l'article 2 du contrat, alors que cet article ne prévoit qu'une possibilité pour elle, qu'elle n'avait pas demandé la résiliation judiciaire du contrat et entendait se prévaloir de l'article 5 de la convention, du fait du non-paiement par l'étudiant des sommes convenues.

[*]

Par dernières écritures du 25 avril 2019, Monsieur X. a conclu à l'irrecevabilité ou au mal fondé de l'appel et demande à la cour de :

- débouter la Sarl Campus Privé d'Alsace de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Subsidiairement, si le jugement devait être infirmé,

- réduire les montants sollicités par la Sarl Campus Privé d'Alsace,

- accorder à Monsieur X. le report de paiement des sommes dues accordées durant un an à compter de la décision à intervenir,

- dire et juger que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit,

- dire et juger que les paiements s'imputeront en premier sur le capital,

A défaut,

- accorder à Monsieur X. un échelonnement des sommes accordées sur deux ans,

En tout état de cause,

- condamner la Sarl Campus Privé d'Alsace aux entiers frais et dépens.

Il fait valoir qu'il a cessé d'aller en cours en raison des agissements de l'appelante, car la directrice n'a pas hésité à se rendre en cours et à l'humilier devant le professeur et les autres étudiants en raison du retard dans le règlement des frais de scolarité ; qu'il n'a assisté qu'à quatre jours de cours ; que l'humiliation subie a entraîné un état subdépressif ; que le contrat prévoit la résiliation du contrat pour absentéisme de l'élève, relevé par le premier juge.

Il maintient que les clauses 4 et 5 du contrat sont abusives, dans la mesure où il ne prévoit pas d'indemnisation pour l'élève en cas d'annulation du contrat pour effectif insuffisant ou raison pédagogique et d'organisation majeure.

Subsidiairement, il se prévaut de difficultés financières pour solliciter le report ou l'échelonnement des sommes qui viendraient à être mises à sa charge.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Vu l'ordonnance de clôture en date du 23 septembre 2019 ;

Vu les dernières écritures ci-dessus spécifiées et auxquelles il est référé en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les pièces régulièrement communiquées entre les parties ;

En vertu des dispositions de l'article L. 132-1 ancien, devenu L. 212-1 du code de la consommation, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Par ailleurs, dans sa recommandation n° 91-01 relative aux établissements d'enseignement, la Commission des Clauses Abusives préconise l'élimination des clauses suivantes :

- clause insérée dans un contrat de formation prévoyant que le montant du contrat est dû en totalité et ne retenant aucun motif pour une éventuelle annulation,

- clause d'un contrat d'inscription à une école privée prévoyant qu'à compter du huitième jour de la signature et après la date de la rentrée scolaire tout désistement entraîne le paiement immédiat du solde de la scolarité annuel, aucune remboursement ni réduction des frais de scolarité ne pouvant être consenti en cas de départ volontaire,

- clause d'un contrat proposé par un établissement d'enseignement qui fait du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l'école dès la signature du contrat et ne permet une dispense partielle du règlement de la formation qu'en cas de force majeure, dès lors qu'elle ne réserve pas le cas d'une résiliation pour un motif légitime et impérieux.

L'article 4 de la convention liant les parties prévoit que toute inscription acceptée entraîne obligation pour l'étudiant de payer la totalité des frais de scolarité pour la totalité de la durée du cycle.

Il n'est prévu qu'une seule possibilité d'annulation par l'étudiant, en cas d'échec au baccalauréat, alors qu'il est stipulé qu'en cas d'effectif insuffisant ou de raison pédagogique et d'organisation majeure, le contrat est de facto annulé.

L'article 5 du contrat prévoit par ailleurs qu'en cas de non-respect, fut-il partiel, des modalités de règlement des sommes dues par l'étudiant à Estudia, celle-ci sera en droit, après mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception non suivie d'effet totalement ou partiellement et expiration d'un délai de 10 jours, d'exiger le règlement total du solde, majoré d'une indemnité forfaitaire de 10 % de ce solde.

Bien que l'article 2 du contrat réserve la possibilité pour l'étudiant de solliciter la résiliation anticipée de la convention, à titre exceptionnel, s'il justifie d'un cas de force majeure ou d'un motif légitime et impérieux, il sera constaté que les articles 4 et 5 précités sont abusifs, en ce qu'ils créent au détriment de l'élève un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, puisque l'étudiant n'a pas de possibilité d'annuler la convention et d'être dispensé du paiement de la totalité des frais de scolarité, alors que l'établissement peut y mettre un terme sans verser aucun dédommagement.

Il résulte en l'espèce des pièces produites que par courriel du 19 octobre 2016, Monsieur X. a fait part à Madame Y., d'Estudia de son souhait de l'entretenir de son mal être.

Par courriel du 28 octobre 2016, Madame Z., directrice, l'a convoqué pour un entretien, en raison d'un certain nombre d'incidents.

Par lettre du même jour, Madame Z. a informé Monsieur X. de ce qu'il lui était reproché un nombre d'absences injustifiées s'élevant à 22,5 heures et de ce qu'il avait été relancé par deux fois par mail en raison du non-respect de l'échéancier de paiement des frais de scolarité. Elle lui a fait part de ce qu'elle estimait grossiers et vulgaires les propos qu'il avait tenus lors de leur entretien téléphonique, alors qu'elle lui expliquait la procédure à suivre dans le cadre de son souhait d'annulation de son inscription.

Il résulte par ailleurs d'une attestation de Monsieur A., ami de Monsieur X., qui l'a accompagné en vue de ce rendez-vous mais n'y a pas participé, que Monsieur X. n'a pas apprécié les propos tenus par Monsieur W., de l'équipe directoriale, qui aurait refusé sa démission ; que Monsieur X. lui a clairement signifié qu'il « ne remettrait plus les pieds dans un endroit où l'épanouissement de l'élève n'a pas sa place au détriment de l'appât du gain ».

Faisant suite à cet entretien, Monsieur X. a été destinataire d'une lettre en date du 4 novembre 2016 signée de Madame Z. et de Madame V., responsable pédagogique, lui signifiant un premier avertissement pour son comportement insolent et irrespectueux et l'invitant à régler l'échéance d'octobre des frais de scolarité.

Il doit être tiré de ces éléments que Monsieur X. a fait part à la direction de l'établissement de sa volonté de mettre un terme au contrat, bien qu'il n'ait pas formalisé en bonne et due forme une demande d'annulation de son inscription et ce alors qu'il précise qu'il n'avait assisté qu'à quatre jours de cours avant de renoncer à sa scolarité.

L'appelante ne verse aucune pièce au dossier et notamment les relevés de présence, qui viendraient contredire cette affirmation de l'intimé, quant au caractère très précoce de l'abandon de la scolarité.

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il ne peut être imposé à l'établissement d'enseignement de résilier le contrat pour absentéisme de Monsieur X., la convention ne prévoyant à cet égard, dans son article 2, qu'une faculté pour l'établissement et non une obligation.

Pour autant, en raison du caractère abusif de la clause ne permettant pas à l'étudiant d'annuler la convention sans se dispenser du paiement de la totalité des frais de scolarité, c'est à juste titre que le premier juge a débouté l'appelante de sa demande en paiement du solde des frais de scolarité, le montant déjà acquitté par l'intimé à hauteur de 1.120 € suffisant à indemniser l'établissement des conséquences de la rupture de la convention.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la Sarl Campus Privé de ses demandes.

 

Sur les frais et dépens :

Les dispositions du jugement déféré seront confirmées.

Partie perdante, l'appelante sera condamnée aux dépens de l'instance, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du même code.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit que les articles 4 et 5 du contrat conclu le 29 juillet 2016 constituent des clauses abusives, les a déclarés non écrits, en ce qu'il a débouté la Sarl Campus Privé d'Alsace de toutes ses demandes et l'a condamnée aux dépens de l'instance,

Y ajoutant,

DÉBOUTE la Sarl Campus Privé d'Alsace de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Sarl Campus Privé d'Alsace aux dépens de l'instance d'appel.

La Greffière,             La Présidente de chambre,