CA DOUAI (8e ch. 1re sect.), 14 mai 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8414
CA DOUAI (8e ch. 1re sect.), 14 mai 2020 : RG n° 17/04471 ; arrêt n° 20/391
Publication : Jurica
Extrait : « La clause stipulée sur l'offre préalable du 20 mars 2013 selon laquelle la société Mercedes Benz Financial Services France est subrogée dans tous les droits et actions du vendeur nés de la clause de réserve de propriété en application de l'article 1250, 1°, ancien du code civil, en ce qu'elle laisse faussement croire à Monsieur X., emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, entrave l'exercice, par celui-ci de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. Elle doit, partant, être réputée non écrite.
De même, si aucune disposition n'interdit effectivement au prêteur de bénéficier successivement d'une réserve de propriété, puis d'un gage, sur le bien financé, le passage d'une sûreté à l'autre ne peut toutefois intervenir à l'insu de l'emprunteur. Il suit que la clause stipulée sur l'offre litigieuse qui prévoit la renonciation de la société Mercedes Benz Financial Services France au bénéfice de la réserve de propriété et la faculté d'y substituer unilatéralement un gage portant sur le bien financé, sans possibilité pour l'emprunteur d'être tenu informé d'une telle renonciation de sorte qu'il est laissé dans l'ignorance de l'évolution de sa situation juridique, ce qui est de nature à entraver l'exercice de son droit de propriété, a pareillement pour effet d'aggraver la situation financière du débiteur et de créer un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance précitée. Elle doit, partant, être pareillement réputée non écrite. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
HUITIÈME CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 14 MAI 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/04471. Arrêt n° 20/391. N° Portalis DBVT-V-B7B-Q32N. Jugement (R.G. n° 16-001981) rendu le 20 décembre 2016 par le tribunal d'instance de Valenciennes.
APPELANTE :
SA Mercedes Benz Financial Services France
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, [...], Représentée par Maître Clément F., avocat au barreau de Lille et Maître Marion H., avocat au barreau de Paris
INTIMÉ :
Monsieur X.
signification da et conclusions le 28 aout 2017 (pv recherches - article 659 cpc), de nationalité française, [...], Auquel la déclaration d'appel a été signifiée le 28 août 2017 - article 659 du CPC
DÉBATS à l'audience publique du 5 février 2020 tenue par Hélène Billieres magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Betty Moradi
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Sylvie Colliere, président de chambre, Hélène Billieres, conseiller, Maria Bimba Amaral, conseiller
ARRÊT RENDU PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 mai 2020 après prorogation du délibéré du 9 avril 2020 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Sylvie Colliere, président et Betty Moradi, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 septembre 2019
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR,
La société Mercedes Benz Financial Services France a interjeté appel le 12 juillet 2017 de l'ensemble des dispositions d'un jugement du tribunal d'instance de Valenciennes du 20 décembre 2016 qui l'a déboutée de ses demandes formées contre Monsieur X. au titre d'un crédit accessoire à la vente d'un véhicule automobile que celui-ci a souscrit auprès d'elle selon une offre préalable acceptée le 20 mars 2013 et qui a rejeté la demande qu'elle avait formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par un arrêt avant dire droit du 5 décembre 2019 auquel il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, la cour de céans a infirmé le jugement déféré et, statuant à nouveau, a condamné Monsieur X. à payer à cet établissement de crédit la somme de 32.845,49 euros avec intérêts au taux de 5,90 % l'an à compter du 13 janvier 2016, outre un euro avec intérêt au taux légal à compter du 12 août 2016, rejeté la demande de la société Mercedes Benz Financial Services France de confirmation de l'ordonnance de saisie-attribution qu'elle avait obtenue du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Valenciennes le 27 juin 2016, ordonné la réouverture des débats pour permettre à la société Mercedes Benz Financial Services France de faire connaître ses observations sur le moyen relevé d'office du caractère abusif de la clause prévoyant, d'une part, la subrogation du prêteur dans la réserve de propriété du vendeur en application des dispositions de l'article 1250, 1° du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et, d'autre part, une faculté unilatérale pour le prêteur de substituer à cette garantie un gage dès la signature du contrat, dit que l'affaire serait de nouveau évoquée à l'audience de plaidoirie du mercredi 5 février 2020 à 10 heures et réservé les demandes relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
Par conclusions transmises au greffe de la cour le 28 janvier 2020, la société Mercedes Benz Financial Services France fait valoir, sur la question de la subrogation du prêteur dans la réserve de propriété du vendeur, que le contrat conclu entre elle et Monsieur X. « est, non pas un contrat de crédit, mais un contrat de crédit accessoire à une vente », lequel, contrairement à un contrat de crédit « isolé » ne rend pas l'emprunteur propriétaire des fonds empruntés qui passent « directement de la propriété du prêteur à celle du vendeur de bien » et qu'en toute hypothèse, la règle selon laquelle l'emprunteur devient, du fait du contrat de crédit, immédiatement propriétaire des sommes empruntées n'est pas d'ordre public mais est simplement supplétive de la volonté des parties. Elle en déduit que le procès-verbal de livraison et le contrat prévoyant de manière expresse, le premier, que le contrat de crédit n'emporte pas transfert de propriété des fonds prêtés à l'emprunteur et, le second, que l'emprunteur reconnaît que les conditions générales de vente comprennent une clause de réserve de propriété qui diffère le transfert de propriété du bien jusqu'au complet paiement du prix et donne l'ordre à Mercedes Benz Financial Services France de payer le solde du prix de vente au fournisseur, les parties reconnaissant que ce paiement effectué par Mercedes Benz Financial Services France à compter de la livraison du bien confirme la subrogation, les conditions de la subrogation conventionnelle sont bien remplies en sorte que la clause qui l'organise n'est pas abusive.
Sur la faculté unilatérale pour le prêteur de substituer à cette garantie un gage dès la signature du contrat, la société Mercedes Benz Financial Services France soutient que la succession de sûretés par « remplacement » n'est pas en soi illicite, que le prêteur peut en effet tirer avantage du remplacement d'une sûreté-propriété par un gage, lequel lui permet de conserver une exclusivité sur le bien grevé grâce au droit de rétention et que la garantie est consentie dans le principe par le débiteur dès la conclusion du contrat de crédit en sorte qu'il y a connaissance par celui-ci de la nature de ses droits sur le bien financé donné en garantie et que la faculté unilatérale du prêteur n'est donc pas abusive.
Elle demande en conséquence à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de restitution du véhicule sous astreinte et, statuant à nouveau, de condamner Monsieur X. à lui restituer le véhicule de marque Mercedes Benz dont elle est propriétaire, muni de ses clefs et documents règlementaires, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de l'autoriser, à défaut de restitution spontanée, à faire appréhender ledit véhicule et de condamner Monsieur X. à lui payer une somme de 2 500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Au soutien de sa demande en restitution du véhicule pour le financement duquel elle a accordé son concours, la société Mercedes Benz Financial Services France se prévaut de la clause de réserve de propriété qui assortit le contrat de crédit, souscrite le 20 mars 2013 tant par le vendeur, que le prêteur et l'acquéreur.
L'offre de crédit litigieuse prévoit en effet, en son article II.4, que « le prêteur se réserve le droit d'opter pour la subrogation, consentie en vertu de l'article 1250-1 du code civil, dans les droits du vendeur, et notamment ceux attachés à la clause de réserve de propriété en faisant signer à l'emprunteur et au vendeur une quittance subrogative », que « l'emprunteur accepte par avance cette subrogation ». Il y est encore indiqué qu'« en cas d'inexécution du contrat par l'emprunteur, le prêteur conservera en réparation des différents préjudices subis et de la dépréciation du véhicule, les acomptes constitués par les échéances du crédit perçus jusqu'au jour de la restitution » et qu' « à défaut, l'emprunteur affecte et constitue en gage ou nantit le bien au bénéfice exclusif du prêteur ».
Le procès-verbal de réception du véhicule signé le 27 mars 2013 contient quant à lui une clause libellée comme suit : « L'Emprunteur reconnaît que les conditions générales de vente comprennent une clause de réserve de propriété qui diffère le transfert de propriété du bien jusqu'au complet paiement du prix. Il donne l'ordre à Mercedes Benz Financial Services France de payer le solde du prix de vente au Fournisseur. Les parties reconnaissent que ce paiement effectué par Mercedes Benz Financial Services France à compter de la livraison confirme la subrogation.
Ceci étant exposé : Le vendeur entend subroger Mercedes-Benz Financial Services France, en vertu de l'article 1250-1 du Code Civil, dans ses droits et action contre l'Emprunteur et en particulier, ceux attachés à la clause de réserve de propriété, à l'instant même du paiement. L'emprunteur reconnaît être informé de cette subrogation et reconnaît qu'elle conditionne de façon essentielle et déterminante le contrat de prêt conclu avec Mercedes-Benz Financial Services France pour l'acquisition du bien (...) ».
Mais, pour que la subrogation conventionnelle prévue à l'article 1250, 1°, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, soit valable, encore faut-il que le créancier subrogeant reçoive son paiement d'une tierce personne.
Or, le prêteur, en ce qu'il se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l'acquisition d'un véhicule, n'est pas l'auteur du paiement, ce client étant, contrairement à ce que prétend à tort la société Mercedes Benz Financial Services France, devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur, de sorte qu'est inopérante la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété du véhicule.
La clause stipulée sur l'offre préalable du 20 mars 2013 selon laquelle la société Mercedes Benz Financial Services France est subrogée dans tous les droits et actions du vendeur nés de la clause de réserve de propriété en application de l'article 1250, 1°, ancien du code civil, en ce qu'elle laisse faussement croire à Monsieur X., emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, entrave l'exercice, par celui-ci de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.
Elle doit, partant, être réputée non écrite.
De même, si aucune disposition n'interdit effectivement au prêteur de bénéficier successivement d'une réserve de propriété, puis d'un gage, sur le bien financé, le passage d'une sûreté à l'autre ne peut toutefois intervenir à l'insu de l'emprunteur.
Il suit que la clause stipulée sur l'offre litigieuse qui prévoit la renonciation de la société Mercedes Benz Financial Services France au bénéfice de la réserve de propriété et la faculté d'y substituer unilatéralement un gage portant sur le bien financé, sans possibilité pour l'emprunteur d'être tenu informé d'une telle renonciation de sorte qu'il est laissé dans l'ignorance de l'évolution de sa situation juridique, ce qui est de nature à entraver l'exercice de son droit de propriété, a pareillement pour effet d'aggraver la situation financière du débiteur et de créer un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance précitée.
Elle doit, partant, être pareillement réputée non écrite.
Il suit de l'ensemble de ce qui précède qu'il ne peut, en ces conditions, être fait droit à la demande formée par la société Mercedes Benz Financial Services France en restitution du véhicule financé par le prêt litigieux ni davantage à sa demande accessoire d'astreinte.
Dès lors par ailleurs qu'il n'entre pas dans les pouvoirs de cette juridiction d'autoriser la société Mercedes Benz Financial Services France, à défaut de restitution spontanée, à faire appréhender le véhicule en question, il ne saurait davantage être fait droit à la demande présentée à cette fin par la société de crédit.
Il n'apparaît enfin pas inéquitable de laisser à la charge de la société Mercedes Benz Financial Services France les frais exposés par elle tant en première instance qu'en cause d'appel et non compris dans les dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Vu l'arrêt avant dire droit du 5 décembre 2019,
Rejette les demandes en restitution sous astreinte et autorisation d'appréhension du véhicule de marque Mercedes Benz, objet du contrat de crédit du 20 mars 2013, ainsi que la demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur X. aux dépens de première instance et d'appel ;
Dit que les dépens d'appel seront recouvrés par Maître F., avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président
Betty Moradi Sylvie Collière
- 6027 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre dans l’information - Informations connues du professionnel - Contenu du contrat
- 6054 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Garanties d’exécution en faveur du professionnel
- 6060 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Respect des droits et libertés du consommateur - Droit de propriété
- 6629 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit affecté