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CA ROUEN (ch. civ. com.), 2 juin 2020

Nature : Décision
Titre : CA ROUEN (ch. civ. com.), 2 juin 2020
Pays : France
Juridiction : Rouen (CA), ch. civ. et com.
Demande : 17/00607
Date : 2/06/2020
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8429

CA ROUEN (ch. civ. com.), 2 juin 2020 : RG n° 17/00607 

Publication : Jurica

 

Extrait : « En réponse, Maître R. reprenant l'argumentation de Mme X. soutient que cette clause est nulle en application de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce en ce qu'elle crée un déséquilibre significatif au détriment du cocontractant lui interdisant d'agir en remboursement des sommes indûment facturées plus de deux mois à compter de la réception de la facture litigieuse.

Il est établi par les pièce versées aux débats que Mme X. a adhéré le 28 février 2003 en vue de son inscription comme sociétaire de la société CERP de Rouen, société coopérative par actions simplifiée ayant pour objet de fournir en totalité ou en partie aux sociétaires coopérateurs les produits pharmaceutiques et para-pharmaceutiques à usage humain et vétérinaire, ainsi que les marchandises, denrées ou services, l'équipement et le matériel nécessaire à l'exercice de leur activité.

Par son adhésion, Mme X. a reconnu avoir pris connaissance du règlement intérieur de la société CERP de Rouen dont il ressort ( article II) que conformément aux usages de la profession, les commandes sont passées par téléphone ou par télétransmission et que ( article IV) les factures sont portées sur des relevés arrêtés selon une périodicité de huitaine les 8,15,22 et fin de mois, le règlement net devant être effectué à 30 jours fin de mois ou son équivalent à 41 jours de relevés (soit des échéances au 19,27,03 et 11).

Par ailleurs, l'article VIII des conditions générales de ventes dispose : « Les réclamation concernant les quantités et les prix portés sur la facture sont à signaler dans les 48 heures suivant la livraison. Les réclamations concernant les erreurs de facturation sont à effectuer dans les deux mois de la réception du relevé de huitaine pour la période considérée. La non-réception d'un relevé de factures doit être signalé dans un délai de 30 jours suivant la date du relevé. Tout retour implique l'accord express préalable du Cerp Rouen. Les avoirs de retours de marchandises non accompagnés soit du bon de livraison, soit de la facture d'origine sont pratiquées net de taxe. Le défaut de contestation dans les délais ci- dessus énoncés équivaut à l'approbation définitive des mentions qui figurent tant sur le bon de commande que sur la facture. »

Cette disposition ne crée aucun déséquilibre au sens de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, l'article VIII des conditions générales de la société CERP de Rouen ayant pour objet non pas de prévoir une dérogation à la prescription de droit commun, mais d'établir une présomption de régularité des factures qu'il appartient à Mme X. de combattre, et ce dans un délai suffisant pour le lui permettre.

Il résulte des éléments ci-dessus que les relations réciproques entre les parties sont organisées pour garantir la célérité et la sécurité des transactions relatives aux prestations assurées par la société CERP de Rouen auprès de son adhérente et sociétaire, les factures émises par la société CERP étant reprises sur les relevés de factures adressés aux échéances contractuelles. »

 

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 2 JUIN 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/00607. N° Portalis DBV2-V-B7B-HMJD. DÉCISION DÉFÉRÉE : TRIBUNAL DE COMMERCE DE ROUEN du 21 novembre 2016 : R.G. n° 2016001994.

 

APPELANTE :

SASU COMPAGNIE D’EXPLOITATION ET DE REPARTITION PHARMACEUTIQUES DE ROUEN (CERP)

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [adresse], représentée et assistée par Maître Vincent M. de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substituée par Maître Romain B. de la SELARL DPR AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN

 

INTIMÉE :

Madame X.

née le [date] à [ville],  [adresse], représentée et assistée par Maître Anne T. - C., avocat au barreau de ROUEN

 

INTERVENANT FORCÉ :

Maître Pascal R. en sa qualité de Mandataire liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de Madame X.

[adresse], représenté par Maître Anne T. - C., avocat au barreau de ROUEN, assisté par la SELAS LLC et Associés, agissant par Maître Arthur A., avocat au barreau de BOULOGNE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 12 mars 2020 sans opposition des avocats devant Madame MANTION, Conseillère. Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame BRYLINSKI, Présidente, Madame MANTION, Conseillère, Monsieur CHAZALETTE, Conseiller.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Monsieur GUYOT.

DÉBATS : A l'audience publique du 12 mars 2020, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 mai 2020 prorogé à ce jour.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE, Prononcé publiquement le 2 juin 2020, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, signé par Madame BRYLINSKI, Présidente et par Monsieur GUYOT, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

La Compagnie d'exploitation et de répartition pharmaceutique de Rouen (ci-après la société CERP de Rouen) est appelante du jugement en date du 21 novembre 2016, par lequel le tribunal de commerce de Rouen a :

- condamné Mme X. à payer à la société CERP de Rouen la somme de 48.187,26 € outre les intérêts au taux contractuel égal au taux d'intérêt légal majoré de 8 points à compter de l'exigibilité de chaque relevé jusqu'à parfait paiement,

- ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 2 décembre 2014 en application des dispositions de l'article 1154 du code civil,

- débouté Mme X. de sa demande de délai de paiement,

- condamné Mme X. à payer la somme de 1.000 € à la société CERP de Rouen en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné Mme X. aux entiers dépens de l'instance liquidés à la somme de 148,76 €.

Par jugement en date du 17 mars 2018, le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer a placé Mme X. en liquidation judiciaire, Maître Pascal R. ayant été désigné en qualité de liquidateur.

Ce dernier a été appelé en intervention forcée pour reprise d'instance par acte signifié le 12 septembre 2018.

[*]

Par conclusions en date du 5 avril 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la société CERP de Rouen demande à la cour de :

- réformer la décision entreprise uniquement en ce qu'elle a fait droit à la demande de compensation judiciaire résultant de l'acceptation de la répétition de l'indû et réduit à due concurrence la créance de la société CERP de Rouen,

En conséquence,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de Mme X. la somme de 61.678,33 €, correspondant aux sommes exigibles à la date du 31 janvier 2016, outre intérêts au taux contractuel égal au taux d'intérêt légal majoré de 8 points dus à compter de l'exigibilité de chaque relevé jusqu'à parfait paiement à la société CERP de Rouen,

A titre subsidiaire et pour le cas où il serait fait droit à la demande de Mme X. de compensation judiciaire,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de Mme X. la somme de 61.678,33 € correspondant aux sommes exigibles à la date du 31 janvier 2016, outre intérêts au taux contractuel égal au taux d'intérêt légal majoré de 8 points dus à compter de l'exigibilité de chaque relevé jusqu'à parfait paiement à la société CERP de Rouen,

- fixer le montant des sommes indûment perçues par la société CERP de Rouen et condamner la société CERP de Rouen à les régler, puis ordonner la compensation en précisant la date de celle-ci, à savoir la date de la décision à intervenir,

En tout état de cause,

- dire et juger Mme X., non fondée en son appel incident et, partant, la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- dire et juger Maître R. en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de Mme X. non fondé en son appel incident et partant le débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a ordonné la capitalisation des intérêts contractuellement dus à compter de la date du 2 décembre 2014 et condamné Mme X. au règlement d'une somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en conséquence, fixer ces sommes au passif de la liquidation judiciaire de Mme X.,

- condamner Maître R. en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de Mme X. au règlement d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Maître R. en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de Mme X. en tous les dépens d'appel et accorder à Maître Vincent M., le droit de recouvrer ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision.

La société CERP de Rouen fait valoir au soutien de son appel qu'il a été réclamé à Mme X. les sommes dues au titre de différentes factures en raison du retard de paiement à l'échéance contractuellement fixée ; que Mme X. a accepté les conséquences financières des retards de paiement telles que définies dans les conditions générales de vente ; qu'il lui appartient donc de justifier les raisons pour lesquelles les sommes réclamées, à hauteur de 13.491,07 €, constitueraient des paiements indus; qu'en l'absence de contestation des factures litigieuses dans les délais contractuellement définis, à savoir plus de deux mois à compter de la réception de la facture litigieuse, Mme X. est réputée les avoir acceptées définitivement; que si Mme X. entend opposer à la société CERP de Rouen une compensation judiciaire, il lui appartient d'en présenter la demande à titre reconventionnel, puis une fois le constat de sa créance établi, de solliciter la condamnation de la société CERP de Rouen; que Mme X., en demandant la confirmation du jugement en ce qu'il a déduit de la créance de la société CERP de Rouen la somme de 13.491,07 € incluant les intérêts de retard, et en demandant, dans le cadre de son appel incident, la réduction à zéro des intérêts de retard à hauteur de 8.193,12 €, demande que soit déduite deux fois la même somme; que la perception d'intérêts de retard étant une obligation légale, ceux-ci ne peuvent être diminués en raison de leur caractère prétendument abusif; que le taux d'intérêt de retard contractuellement prévu ne constitue pas une clause pénale susceptible de réduction; qu'il appartient à Mme X. d'indiquer en quoi, si la qualification de clause pénale pouvait être retenue, celle-ci est manifestement excessive; qu'il ne saurait être accordé de délai de paiement à Mme X. en raison du retard déjà constaté dans le paiement de la créance de la société CERP de Rouen.

[*]

Par conclusions en date du 5 février 2019, Maître R., en sa qualité de mandataire judiciaire de Mme X. demande à la cour, au visa des articles 1134 du code civil, 1235 du code civil, 1152 du code civil,1244-2 du code civil de :

- constater que la société CERP de Rouen a facturé à Mme X. des frais divers indus à hauteur de 13.491,07 €,

Et en conséquence,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que cette somme était indue et devait s'imputer sur le montant de la créance de la société CERP de Rouen,

- dire et juger que les pénalités de retard contractuellement prévues s'analysent comme une clause pénale,

- constater que le préjudice effectivement subi par la créancière est inexistant ;

- constater que le montant des pénalités est excessif au regard du principal de la dette,

Et en conséquence,

- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu que le taux d'intérêt de retard contractuellement prévu ne constituait pas une clause pénale susceptible de réduction et a maintenu l'application des intérêts de retard à hauteur de 8.193,12 €,

- réduire à néant le montant découlant de l'application de la clause instaurant les pénalités de retard,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme X. de sa demande de délais de paiement,

- accorder à Mme X. le bénéfice des délais de grâce qu'elle demande à savoir l'exigibilité des sommes en cause,

- accorder à Mme X. le bénéfice de la minoration au taux légal des intérêts portant sur les sommes en cause,

- débouter la société CERP de Rouen de sa demande en condamnation au titre de l'article 700 du code procédure civile,

- condamner la société CERP de Rouen à payer la somme de 2.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens.

Maître R. fait valoir pour l'essentiel que Mme X. n'a pas donné son accord à la société CERP de Rouen pour porter au débit de son compte toute une panoplie de frais divers et variés, à savoir des frais généraux, des frais financiers, des indemnités de frais de recouvrement, des agios et même des écritures financières dont les prélèvements n'étaient pas justifiés par les stipulations contractuelles; que la société CERP de Rouen ne justifie pas en quoi elle était en droit de réclamer le paiement de sommes litigieuses; que la clause imposant un délai pour permettre d'élever des contestations sur la facturation devra être jugée nulle dans la mesure où elle créée un déséquilibre significatif au détriment de Mme X.; qu'au regard du montant de la dette, les pénalités de retard sont excessives; que Mme X. a exécuté en partie son obligation de payer; que le montant de la créance de la société CERP de Rouen s'élève à hauteur de 51.265.21 €, somme dont il conviendra de déduire des frais de 13 491.07 € indûment facturés à Mme X. ; que les intérêts de retard contractuels constituent une clause pénale dont le montant peut être réduit; qu'en dépit de ses difficultés financières, Mme X. a pu s'acquitter du règlement des 6 mensualités de 1.000 € chacune + 2219,79 € ; qu'au regard de ses difficultés financières le jugement déféré devra être infirmé en ce qu'il a refusé d'octroyer des délais de paiement à cette dernière.

[*]

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 mai 2019 pour l'affaire être plaidée à l'audience du 21 mai 2019.

L'affaire ayant été évoquée à l'audience du 21 mai 2019, a fait l'objet d'un renvoi pour réouverture des débats à l'audience du 12 mars 2020 à la suite du courrier adressé par le conseil de l'appelante en date du 10 juillet 2019 contestant la tenue de l'audience en son absence et faisant état d'un élément nouveau, en ce que la créance de la société CERP de Rouen aurait été admise de manière irrévocable par ordonnance délivrée le 23 mai 2019 par le juge commissaire.

[*]

Par conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 20 janvier 2020, la société CERP de Rouen demande à la cour de :

A titre principal,

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Rouen du 21 novembre 2016, uniquement en ce qu'il a fait droit à la demande de compensation judiciaire résultant de l'acceptation de sa demande en répétition de l'indu et déduit le montant de l'indu de la créance de la société CERP de Rouen,

- constater que l'admission définitive interdit désormais à la cour de fixer la créance au passif, compte tenu de l'autorité de la force de chose jugée attachée à l'ordonnance d'admission du 23 mai 2019,

En conséquence et en tant que de besoin,

- réformer la décision entreprise, en ce qu'elle a déduit, de la créance de la société CERP de Rouen la somme de 13.491,07 €.

- constater l'irrecevabilité de l'appel incident de Mme X.,

A titre subsidiaire,

En tout état de cause,

- fixer à la somme de 61.131,59 € la créance de la société CERP de Rouen au passif de la liquidation judiciaire de Mme X.,

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a retenu l'existence d'une créance de répétition d'indû au profit de Mme X. contre la société CERP de Rouen d'un montant de 13.491,07 €,

A titre infiniment subsidiaire et pour le cas où la cour confirmerait l'existence de la créance de Mme X. au titre de la répétition de l'indû à l'encontre de la société CERP de Rouen,

- fixer la créance de la société CERP de Rouen au passif de la liquidation judiciaire de Mme X. à la somme de 61.631,59 €, puis ordonner la compensation de la créance de la société CERP de Rouen avec la créance de Mme X. arrêtée par la cour,

En tout état de cause,

- dire et juger Mme X. et Maître Pascal R., en sa qualité de liquidateur, non fondés en leur appel incident et, partant, les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

- condamner Mme X. et Maître Pascal R., en sa qualité de liquidateur, au règlement d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes en tous les dépens d'appel et accorder à Maître Vincent M., le droit de recouvrer ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

1°) Sur la fin de non-recevoir tirée de l'admission définitive de la créance au passif de la liquidation judiciaire :

L'appelante fait valoir qu'ayant déclaré sa créance entre les mains de Maître R., le 28 juin 2018, ce dernier est intervenu à l'instance d'appel par des conclusions en date du 5 février 2019 aux termes desquelles il s'oppose à l'appel de la société CERP de Rouen et demande de constater le caractère indu s'agissant de intérêts de retard et des pénalités, alors que dans le cadre de la procédure de vérification de créance, aucune contestation n'a été émise par Mme X. ou par Maître R. à l'encontre de la créance déclarée.

Ainsi, le juge commissaire ayant statué sur la déclaration de créance admise pour un montant de 61.631,59 € par ordonnance du 23 mai 2019 notifiée le 7 juin 2019, la société CERP de Rouen entend se prévaloir la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée relative à ladite ordonnance.

Or, conformément à l'article 1351 du code civil, l'autorité de la chose jugée qui s'attache à la décision d'admission de la créance de la société CERP de Rouen en date du 23 mai 2019, n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet de cette décision.

Elle ne fait donc pas obstacle à ce que le juge du fond antérieurement saisi de l'appel formé par la société CERP de Rouen statue sur la contestation à propos de laquelle, le juge commissaire n'a pu statuer même implicitement.

 

2°) Sur l'appel principal :

La société CERP de Rouen soutient que le jugement doit être réformé en ce qu'il a fait droit à la demande de remboursement de frais indus à hauteur de la somme de 13.491,07 € alors que c'est au demandeur en restitution de sommes qu'il incombe de prouver le caractère indu du paiement et que le contrat prévoit que les réclamations concernant les erreurs de facturation sont à effectuer dans les deux mois de la réception du relevé de factures de telle sorte que Mme X. n'ayant jamais contesté les sommes facturées dans les délais contractuellement définis, sa demande de constatation d'un paiement indu sera simplement rejetée.

En réponse, Maître R. reprenant l'argumentation de Mme X. soutient que cette clause est nulle en application de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce en ce qu'elle crée un déséquilibre significatif au détriment du cocontractant lui interdisant d'agir en remboursement des sommes indûment facturées plus de deux mois à compter de la réception de la facture litigieuse.

Il est établi par les pièce versées aux débats que Mme X. a adhéré le 28 février 2003 en vue de son inscription comme sociétaire de la société CERP de Rouen, société coopérative par actions simplifiée ayant pour objet de fournir en totalité ou en partie aux sociétaires coopérateurs les produits pharmaceutiques et para-pharmaceutiques à usage humain et vétérinaire, ainsi que les marchandises, denrées ou services, l'équipement et le matériel nécessaire à l'exercice de leur activité.

Par son adhésion, Mme X. a reconnu avoir pris connaissance du règlement intérieur de la société CERP de Rouen dont il ressort ( article II) que conformément aux usages de la profession, les commandes sont passées par téléphone ou par télétransmission et que ( article IV) les factures sont portées sur des relevés arrêtés selon une périodicité de huitaine les 8,15,22 et fin de mois, le règlement net devant être effectué à 30 jours fin de mois ou son équivalent à 41 jours de relevés (soit des échéances au 19,27,03 et 11).

Par ailleurs, l'article VIII des conditions générales de ventes dispose :

« Les réclamation concernant les quantités et les prix portés sur la facture sont à signaler dans les 48 heures suivant la livraison.

Les réclamations concernant les erreurs de facturation sont à effectuer dans les deux mois de la réception du relevé de huitaine pour la période considérée.

La non-réception d'un relevé de factures doit être signalé dans un délai de 30 jours suivant la date du relevé.

Tout retour implique l'accord express préalable du Cerp Rouen.

Les avoirs de retours de marchandises non accompagnés soit du bon de livraison, soit de la facture d'origine sont pratiquées net de taxe.

Le défaut de contestation dans les délais ci- dessus énoncés équivaut à l'approbation définitive des mentions qui figurent tant sur le bon de commande que sur la facture. »

Cette disposition ne crée aucun déséquilibre au sens de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, l'article VIII des conditions générales de la société CERP de Rouen ayant pour objet non pas de prévoir une dérogation à la prescription de droit commun, mais d'établir une présomption de régularité des factures qu'il appartient à Mme X. de combattre, et ce dans un délai suffisant pour le lui permettre.

Il résulte des éléments ci-dessus que les relations réciproques entre les parties sont organisées pour garantir la célérité et la sécurité des transactions relatives aux prestations assurées par la société CERP de Rouen auprès de son adhérente et sociétaire, les factures émises par la société CERP étant reprises sur les relevés de factures adressés aux échéances contractuelles.

Par ailleurs, il ressort des pièces produites que les relevés de factures font apparaître le montant des livraisons et prestations assurées par la société CERP de Rouen avec les remises commerciales et en dernier lieu les frais intitulés « frais généraux » ou « frais financiers » correspondant aux factures préalablement adressées à Mme X. s'agissant notamment des agios.

Ainsi, les relevés de factures établis conformément aux dispositions de l'article IV des conditions générales font figurer des frais financiers comportant les agios du mois, les frais de rejet bancaire et de l'indemnité pour frais de recouvrement, lesquels ont donné lieu au préalable à une facture particulière adressée à Mme X. faisant apparaître le détail des frais et agios.

Maître R. fait valoir que ces sommes ont été portées au débit du compte de Mme X. de manière illégitime, les intérêts de retard étant calculés sur la base du taux d'intérêt légal + 8.

Or, la société CERP de Rouen fait justement observer que, contrairement à ce qui est soutenu, les sommes réclamées correspondent à l'application de l'article VI des conditions générales de vente de la société CERP de Rouen opposables à Mme X., à savoir les intérêts de retard calculés sur la base du taux d'intérêt légal + 8 points (article VI paragraphe 2), les frais de rejets bancaires (article VI paragraphe 3) et l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement (article VI paragraphe IV dernier alinéa).

Par ailleurs, à défaut pour Mme X. d'avoir émis sa contestation dans le délai de deux mois de la facture, elle est présumée avoir acceptée l'exigibilité et le montant des sommes débitées du compte qui reprend l'ensemble des opérations au débit et au crédit sur la base des factures émises.

Or, Mme X. et Maître R. à sa suite ne contestent ni les dispositions des conditions générales de vente, ni leur caractère impératif, leur prétention se fondant exclusivement sur la répétition de l'indu et les dispositions de l'article 1315 du code civil dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, alors que cette action n'est ouverte qu'à celui qui a payé une somme indue et n'a pas lieu de s'appliquer à l'intimé, qui conteste le bien-fondé de sommes qu'il refuse de régler.

Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu, faisant droit à l'appel de la société CERP de Rouen, de réformer le jugement entrepris et de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de Mme X. à la somme de 61.131,59 €, le jugement étant réformé en ce qu'il a réduit la créance de la société CERP de Rouen à concurrence de la somme de 13.491,07 €.

 

3°) Sur l'appel incident :

Maître R. et Mme X. demandent à la cour de faire application des dispositions de l'article 1152 du code civil dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce et de réduire la créance de la société CERP de Rouen à concurrence de la somme de 8.193,12 €.

Or, cette somme figure à l'état des comptes ( pièce 5) produit par la société CERP de Rouen au titre du sous total I correspondant à un reste dû sur fournitures de février, mars avril et mai 2015, outre des intérêts de retard sur impayés, de telle sorte que les dispositions de l'article 1152 du code civil ne sont pas applicables aux sommes visées, la demande ne pouvant aboutir, alors en outre que comme le fait observer la société CERP de Rouen la perception d'intérêts de retard est prévue aux conditions générales et à l'article L. 441-6-1 alinéa 7 du code de commerce.

Par ailleurs, la situation de Mme X. qui fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire exclut de lui accorder des délais de paiement en application de l'article 1244-1-1 du code civil dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce.

 

4°) Sur les frais et dépens :

L'équité ne commande pas de condamner Mme X. et Maître R. ès- qualités au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles, la société CERP de Rouen étant déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin il y a lieu de condamner Mme X. aux dépens de l'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par décision rendue contradictoirement,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée s'attachant à l'ordonnance du juge commissaire en date du 23 mai 2019,

Sur l'appel principal,

Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme X. à payer à la société CERP de Rouen la somme de 48.187,26 € outre les intérêts au taux contractuel égal au taux d'intérêt légal majoré de 8 points à compter de l'exigibilité de chaque relevé jusqu'à parfait paiement ;

Statuant à nouveau,

Rejette la demande de Mme X. tendant à ce qu'il soit dit que la somme de 13.491,07 € facturée par la société CERP de Rouen est indue,

Fixe la créance de la société CERP de Rouen au passif de la liquidation judiciaire de Mme X. à la somme de 61.631,59 €, outre les intérêts au taux contractuel égal au taux d'intérêt légal majoré de 8 points à compter de l'exigibilité de chaque relevé jusqu'à parfait paiement ;

Déboute Mme X. et Maître R. de leur appel incident s'agissant tant de la demande fondée sur l'article 1152 du code civil que de celle fondée sur l'article 1244-1-1 du code civil,

Déboute la société CERP de Rouen de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme X. aux dépens de l'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                    LA PRÉSIDENTE