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CA PARIS (15e ch. sect. B), 10 mars 2005

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (15e ch. sect. B), 10 mars 2005
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 15e ch. sect. B
Demande : 04/16757
Date : 10/03/2005
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Décision antérieure : TGI PARIS (9e ch. 2e sect.), 2 décembre 2003
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 845

CA PARIS (15e ch. sect. B), 10 mars 2005 : RG n° 04/16757

Publication : Juris-Data n° 278706

 

Extrait : « Considérant que les conditions générales du contrat souscrit par M. X. disposent en leur article 24 que les relations d'affaires entre le client et la banque sont soumises au droit suisse et que tout litige entre un client et la banque doit être porté devant le Tribunal de Genève, sous réserve de recours au Tribunal Fédéral ; Considérant que M. X. soulève la nullité de cette clause, qu'il estime contraire à l'ordre public français, et en particulier à l'article 46 du nouveau Code de procédure civile, qui attribue compétence à la juridiction du lieu d'exécution de la prestation de service ; Mais considérant que les dispositions de l'article 46 du nouveau Code de procédure civile ne sont pas d'ordre public et que les parties peuvent y déroger librement ; que c'est ainsi que la clause litigieuse, qui a pour objet de déroger aux règles de compétence territoriale, est parfaitement valable ;

Considérant que M. X. soutient ensuite que la clause est abusive, en ce qu'elle ménage à la banque « un avantage particulier », caractérisé par le fait que, contrairement à lui, elle « pratique régulièrement les juridictions suisses » et elle connaît le droit suisse, alors que la langue, la pratique juridique et les habitudes commerciales suisses constituent pour lui des obstacles ; Considérant que cette demande ne peut pas être considérée comme nouvelle au sens de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile, dès lors qu'elle se rattache au litige par un lien suffisant et qu'elle tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ; Et considérant que la clause attributive de compétence ne crée pas un déséquilibre significatif dans les droits et obligations dont peuvent se prévaloir les parties, dans la mesure où elle ne prive pas M. X. de la possibilité de faire valoir ses droits en justice, mais ne fait qu'encadrer ce recours aux juridictions, dont il n'est pas établi qu'il constitue pour lui un obstacle particulier ; Considérant que la clause est valable et l'ordonnance doit être confirmée, sans qu'il soit utile de statuer sur le caractère international du litige ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

QUINZIÈME CHAMBRE SECTION B

ARRÊT DU 10 MARS 2005

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro d'inscription au répertoire général : 04/16757. Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Juge de la Mise en État du 2 décembre 2003 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 03/1271.

 

APPELANT :

Monsieur X.

Demeurant [adresse] et actuellement élisant domicile au cabinet de Maître GERBER, Avocat, [adresse], représenté par Maître Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour, assisté de Maître François GERBER, avocat au barreau de PARIS, toque : G 0297, de la SELARL GERBER,

 

INTIMÉE :

SA MERRILL LYNCH PIERCE FENNER  ET SMITH SAS

prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège [adresse], représentée par la SCP PATRICE MONIN, avoués à la Cour, assistée de Maître MICHEL Bénédicte, avocat au barreau de PARIS, toque : T09, de l'Association LATHAM et  WATKINS, substituant Maître DUNAUD Patrick

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 3 février 2005, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur André POTOCKI, Président Madame Claire DAVID, Conseiller, Madame Evelyne DELBES, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN [minute page 2]

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par Monsieur André POTOCKI, Président, qui a signé la minute avec Madame Violaine PALOQUE, greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Au cours du dernier trimestre 1999, Monsieur X., industriel marocain domicilié à Casablanca, est entré en contact avec la filiale française de la société Merrill Lynch Pierce Fenner et Smith SAF, prestataire de services d'investissement, en vue de la gestion de son portefeuille de valeurs mobilières.

M. X., souhaitant placer la somme de 500.000 $, a ouvert un compte dans les livres de la société Merrill Lynch Bank (Suisse) située à Genève.

Une convention a été conclue entre les parties, selon laquelle M. X. donnait ses ordres à la société Merrill Lynch Pierce Fenner & Smith SAF à Paris, qui les transmettait à la société Merrill Lynch Bank (Suisse) qui elle-même les exécutait.

Cette convention stipulait que le tribunal de Genève était seul compétent pour statuer sur les litiges qui pouvaient survenir.

Estimant que la société Merrill Lynch Pierce Fenner et Smith SAF avait commis des fautes étant à l'origine de la perte d'une partie de son portefeuille, M. X. a saisi le tribunal de grande instance de Paris.

Le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris, statuant sur une exception d'incompétence, s'est déclaré, par ordonnance en date du 2 décembre 2003, incompétent et a renvoyé M. X. à mieux se pourvoir.

M. X. a formé un contredit que la Cour d'appel de Paris a déclaré irrecevable.

M. X. a interjeté appel de l'ordonnance de juge de la mise en état. La Cour est saisie de cet appel.

 

M. X., dans des dernières écritures du 7 janvier 2005, demande à la cour de :

- dire la clause de compétence nulle et de nul effet, et en conséquence, de déclarer la juridiction française et parisienne, en l'occurrence le tribunal de grande instance de Paris ou la Cour de Paris compétente pour statuer ;

subsidiairement,

- déclarer la juridiction française et parisienne, en l'occurrence le tribunal de grande instance de Paris ou la Cour de Paris compétente pour statuer,

A titre principal,

- condamner la société Merrill Lynch Pierce Fenner et Smith SAF à lui verser la somme de 5.000.000 US $ toutes causes confondues,

- assortir la décision à intervenir des intérêts de droit depuis la date de l'assignation,

[minute page 3] A titre subsidiaire,

- condamner la société Merrill Lynch Pierce Fenner et Smith SAF à lui verser la somme de 500.000 US $ toutes causes confondues,

- assortir la décision à intervenir des intérêts de droit depuis la date de l'assignation,

En tout état de cause :

- condamner la société Merrill Lynch Pierce Fenner et Smith SAF à lui verser une somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et la condamner en tous les dépens de l'instance.

 

La société Merrill Lynch Pierce Fenner et Smith SAF, dans des dernières conclusions du 13 janvier 2005, demande à la cour de :

- prendre acte :

* qu'elle a changé de forme sociale et est désormais une société par actions simplifiée et,

* que du fait de ce changement de forme sociale, elle se dénomme depuis lors société Merrill Lynch Pierce Fermer et Smith SAF,

1) Sur l'incompétence des juridictions françaises :

- constater que les contrats souscrits par M. X. sur lesquels reposent ses demandes contiennent une clause attributive de compétence au profit du Tribunal de Genève,

- dire et juger que seul le Tribunal de Genève visé dans la clause attributive de compétence est compétent pour statuer sur la validité de celle-ci,

- dire et juger en toute hypothèse que la demande en nullité de la clause attributive de compétence formulée par M. X. est irrecevable car nouvelle au sens de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile,

- dire et juger à titre subsidiaire que les dispositions du Code de la consommation relatives aux clauses abusives ne sont pas applicables au présent litige, et à titre infiniment subsidiaire, que la clause attributive de compétence ne crée pas en l'espèce un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties,

- dire et juger à titre infiniment subsidiaire que le lieu de l'exécution des prestations de services litigieuses est Genève,

- se déclarer incompétent pour connaître du litige au profit du Tribunal de Genève compétent, et renvoyer en conséquence M. X. à mieux se pourvoir.

2) Sur la sommation et demande de communication de pièces :

- constater que M. X. ne justifie aucunement de caractère impertinent et indispensable de la production des pièces sollicitées au regard du litige ;

- constater qu'à ce stade, elle a un motif légitime de s'opposer à cette demande de production de pièces qui revêtent un caractère confidentiel.

En conséquence,

- débouter M. X. de sa demande de production sous astreinte du curriculum vitae, des contrats de travail et du dernier bulletin de salaire de Messieurs A., B. et C.

3) En toute hypothèse :

- confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions et débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes,

- condamner l'appelant à lui verser la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

 

La cour se réfère pour un plus ample exposé des faits et des moyens et prétentions des parties à la décision entreprise et aux dernières conclusions échangées en appel.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 4] CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,

Considérant que les conditions générales du contrat souscrit par M. X. disposent en leur article 24 que les relations d'affaires entre le client et la banque sont soumises au droit suisse et que tout litige entre un client et la banque doit être porté devant le Tribunal de Genève, sous réserve de recours au Tribunal Fédéral ;

Considérant que M. X. soulève la nullité de cette clause, qu'il estime contraire à l'ordre public français, et en particulier à l'article 46 du nouveau Code de procédure civile, qui attribue compétence à la juridiction du lieu d'exécution de la prestation de service ;

Mais considérant que les dispositions de l'article 46 du nouveau Code de procédure civile ne sont pas d'ordre public et que les parties peuvent y déroger librement ; que c'est ainsi que la clause litigieuse, qui a pour objet de déroger aux règles de compétence territoriale, est parfaitement valable ;

Considérant que M. X. soutient ensuite que la clause est abusive, en ce qu'elle ménage à la banque « un avantage particulier », caractérisé par le fait que, contrairement à lui, elle « pratique régulièrement les juridictions suisses » et elle connaît le droit suisse, alors que la langue, la pratique juridique et les habitudes commerciales suisses constituent pour lui des obstacles ;

Considérant que cette demande ne peut pas être considérée comme nouvelle au sens de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile, dès lors qu'elle se rattache au litige par un lien suffisant et qu'elle tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ;

Et considérant que la clause attributive de compétence ne crée pas un déséquilibre significatif dans les droits et obligations dont peuvent se prévaloir les parties, dans la mesure où elle ne prive pas M. X. de la possibilité de faire valoir ses droits en justice, mais ne fait qu'encadrer ce recours aux juridictions, dont il n'est pas établi qu'il constitue pour lui un obstacle particulier ;

Considérant que la clause est valable et l'ordonnance doit être confirmée, sans qu'il soit utile de statuer sur le caractère international du litige ;

Considérant enfin que la demande de production de pièces formulée par M. X. touche au fond du litige ; qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur cette demande ;

Considérant qu'il apparaît équitable d'allouer à l'intimée la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, M. X., qui succombe en ses prétentions, étant condamné aux dépens d'appel ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

Confirme l'ordonnance du juge de la mise en état en toutes ses dispositions,

[minute page 5] Y ajoutant,

Condamne M. X. à payer à la société par actions simplifiée Merrill Lynch, Pierce, Fermer et Smith une somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel,

Condamne M. X. aux entiers dépens avec distraction au profit de l'avoué concerné dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.