CA LYON (3e ch. A), 11 juin 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8450
CA LYON (3e ch. A), 11 juin 2020 : RG n° 17/07913
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « A titre liminaire, la société BR vise de manière inopérante au dispositif de ses écritures l'article L. 442-6 du code de commerce qui ne vient au soutien d'aucune de ses prétentions et qui ne correspond pas à un moyen développé dans ses motifs. Comme l'a relevé à juste titre la société Locam, ce moyen ne pouvait en tout état de cause être examiné par la cour dépourvue de pouvoir juridictionnel à cet effet. »
2/ « L'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa version applicable au 7 décembre 2009, issu de la loi du 4 août 2008, disposait en son alinéa 1er que : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »
La société BR ne précise pas le texte qui aurait alors été applicable pour permettre l'application de cette disposition aux personnes morales exerçant une activité professionnelle et commerciale et procède par allégation sans offre de preuve sur sa qualité affirmée de « non professionnelle ». Les développements faits par la société appelante fondés sur les clauses abusives et sur les dispositions de l'article L. 132-1 qui ne s'appliquaient pas aux contrats de fourniture de biens ou de service conclus entre sociétés commerciales sont ainsi inopérants.
La prétention formée en appel tendant à faire considérer comme nulle et non écrite l'article 12 des conditions générales du contrat doit être rejetée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
TROISIÈME CHAMBRE A
ARRÊT DU 11 JUIN 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/07913. N° Portalis DBVX-V-B7B-LK7A. Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ÉTIENNE, Au fond, du 24 octobre 2017 : R.G. n° 2015f774.
APPELANTE :
SAS B. RANGEMENTS
[...], [...], Représentée par Maître Jacques A. de la SCP JACQUES A. ET P. N., avocat au barreau de LYON, toque : 475 et ayant pour avocat plaidant, Maître Salomé L., avocat au barreau de STASBOURG
INTIMÉE :
SAS LOCAM
[...], [...], Représentée par Maître Michel T. de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE
Date de clôture de l'instruction : 14 février 2019
Date de mise à disposition : 11 juin 2020
Composition de la Cour lors du délibéré : - Anne-Marie ESPARBÈS, président, - Hélène HOMS, conseiller, - Pierre BARDOUX, conseiller.
Vu l'état d'urgence sanitaire, la présente décision est rendue sans audience en l'absence d'opposition des parties et en application de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale ; La décision est portée à la connaissance des parties par le greffe par tout moyen en application de l'article 10 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, tel que précisé par l'article 2.i de la circulaire du 26 mars 2020 CIV/02/20 - C3/DP/202030000319/FC.
Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées par tout moyen, Signé par Anne-Marie ESPARBÈS, président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 7 décembre 2009, la SAS B. rangements (BR) a commandé à la société Est télécom service (ETS) pour les besoins de son activité deux systèmes de téléphonie et a signé avec la SAS Locam, le 11 mars 2010, un contrat de location pour une durée de 21 trimestres moyennant des loyers de 3.300 € HT.
Par courriers recommandés du 14 juin 2010 adressés aux sociétés ETS et Locam, la société BR a notifié la résiliation du contrat signé avec la société ETS au titre de l'abonnement de téléphonie conclu le 14 décembre 2009 comme la résiliation du contrat signé avec la société Locam en invoquant l'indivisibilité entre ces contrats.
Saisi sur assignation de la société BR et par jugement du 4 novembre 2014, le tribunal d'instance de Schiltigheim l'a déboutée de ses demandes de résiliation des contrats conclus avec les sociétés ETS et Locam.
Par acte du 16 juillet 2015, la société Locam a fait assigner la société BR en paiement de la somme de 47.414,40 € au titre des loyers échus et à échoir, outre une clause pénale de 4.741,44 €.
Par jugement contradictoire du 24 octobre 2017, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a :
- débouté la société BR de son exception de prescription, de sa demande de caducité du contrat du 7 décembre 2009 conclu entre elle et la société Locam, de sa demande de juger que le contrat de location conclu le 9 décembre 2009 [lire 7 décembre 2009] a été résilié depuis le 25 juin 2010, date de son courrier adressé à la société Locam,
- déclaré l'action de la société Locam recevable et bien fondée,
- condamné la société BR à payer à la société Locam la somme de 52.155,84 € correspondant aux loyers impayés et à la clause pénale de 10 %, outre intérêts à compter de la mise en demeure du 19 juin 2015,
- débouté la société BR de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la société Locam,
- condamné la société BR à payer à la société Locam la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- rejeté la demande d'exécution provisoire.
Par déclaration reçue le 13 novembre 2017, la société BR a relevé appel de ce jugement.
[*]
Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 24 octobre 2018, fondées sur les articles L. 442-6 du code de commerce, L. 110-4 et suivants, L. 132-1 du code de la consommation, 1147, 1152 anciens et suivants, 1231-5 et suivants nouveaux du code civil, la société BR demande à la cour de :
- juger son appel recevable et bien fondé,
- infirmer le jugement entrepris en tous ses points,
à titre principal,
- juger prescrite l'action de la société Locam et la débouter de l'ensemble de ses fins et moyens,
subsidiairement,
- débouter la société Locam de l'ensemble de ses demandes de condamnation au titre de la clause pénale (article 12 du contrat) en ce qu'elles sont sans fondement,
à titre infiniment subsidiaire,
- juger que les montants sollicités par la société Locam sont manifestement excessifs,
- condamner la société Locam à lui payer la somme de 1 € symbolique ou au plus la somme de 3.946,80 € correspondant à l'équivalent d'une mensualité,
- dire et juger que la clause pénale de l'article 12 est nulle et sans effet, et est de nature à engager la responsabilité de son auteur,
- débouter la société Locam de toute demande au titre de cette disposition contractuelle,
sur le tout,
- condamner la société Locam en tous les frais et dépens de la procédure et à lui payer la somme de 5.640 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
[*]
Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 15 janvier 2019, fondées sur les articles 1134 et suivants, 1149 anciens du code civil, la société Locam demande à la cour de :
- dire non fondé l'appel de la société BR et la débouter de toutes ses demandes,
- ajoutant au jugement entrepris condamner la société BR à lui régler une indemnité de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens d'instance comme d'appel.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
A titre liminaire, la société BR vise de manière inopérante au dispositif de ses écritures l'article L. 442-6 du code de commerce qui ne vient au soutien d'aucune de ses prétentions et qui ne correspond pas à un moyen développé dans ses motifs. Comme l'a relevé à juste titre la société Locam, ce moyen ne pouvait en tout état de cause être examiné par la cour dépourvue de pouvoir juridictionnel à cet effet.
Sur la prescription opposée par la société BR :
En application de l'article L. 110-4 du code de commerce, « les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes. »
La société BR soutient que la société Locam a accepté la résiliation qu'elle lui avait notifiée le 14 juin 2010 et que le délai quinquennal de prescription était écoulé au jour de son assignation en paiement du 16 juillet 2015. Elle ajoute qu'en application de l'article 12 des conditions générales du contrat, la société Locam lui réclame une indemnité contractuelle pour rupture du contrat, indemnité exigible à compter du premier incident de paiement ou au plus tard depuis son expression de volonté de résilier et de ne plus donner suite à son obligation de paiement.
L'appelante critique les premiers juges qui ont motivé l'absence de prescription par la procédure qui s'est déroulée devant le tribunal d'instance de Schiltigheim qui ne portait que sur la demande de résiliation du contrat de fourniture de matériels par la société ETS pour défaut de conformité de la chose livrée.
La société Locam conteste avoir accepté la résiliation qu'elle dit intempestive de sa locataire et explique que son courrier du 25 juin 2010 ne faisait que lui rappeler les conséquences de cette résiliation sans manifester une intention d'y acquiescer, ni viser une indemnité de résiliation.
Elle indique que la société BR l'avait bien compris et a poursuivi le paiement de ses loyers jusqu'à l'échéance du 20 mars 2012, date du plus ancien terme échu impayé antérieur de moins de cinq années à son assignation.
Sans avoir à examiner l'effet éventuel de l'introduction par la société BR d'une procédure devant le tribunal d'instance de Schiltigheim, cette société n'a pas rapporté la preuve d'une acceptation par son bailleur d'une résiliation anticipée et n'a pas contesté avoir couvert ses loyers jusqu'à l'échéance du 20 mars 2012, le délai quinquennal de prescription n'étant pas expiré le 16 juillet 2015.
Aucune des pièces du débat ne permet à l'appelante de soutenir qu'elle a mis fin au contrat par son courrier du 14 juin 2010 en l'état de cette couverture de loyers ultérieurs sans qu'elle ait manifesté une quelconque réserve en les payant et elle ne démontre pas l'existence d'un impayé antérieur de plus de cinq années susceptible d'être concerné par la fin de non-recevoir de prescription.
Les premiers juges doivent être confirmés en ce qu'ils ont rejeté cette exception.
Sur le déséquilibre significatif invoqué par la société BR :
Il convient d'abord de relever qu'au regard de la date des conventions largement antérieure au 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur des dispositions de l'ordonnance du 10 février 2016, la référence faite par la société appelante aux textes issus de cette ordonnance est inopérante.
La société BR invoque les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa version applicable aux faits de l'espèce et soutient qu'en sa qualité de non professionnelle elles lui étaient applicables.
La société Locam répond que ces dispositions ne sont pas applicables en l'espèce à raison de la destination professionnelle du contrat signé par une personne morale commerçante.
L'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa version applicable au 7 décembre 2009, issu de la loi du 4 août 2008, disposait en son alinéa 1er que :
« Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »
La société BR ne précise pas le texte qui aurait alors été applicable pour permettre l'application de cette disposition aux personnes morales exerçant une activité professionnelle et commerciale et procède par allégation sans offre de preuve sur sa qualité affirmée de « non professionnelle ».
Les développements faits par la société appelante fondés sur les clauses abusives et sur les dispositions de l'article L. 132-1 qui ne s'appliquaient pas aux contrats de fourniture de biens ou de service conclus entre sociétés commerciales sont ainsi inopérants.
La prétention formée en appel tendant à faire considérer comme nulle et non écrite l'article 12 des conditions générales du contrat doit être rejetée.
Sur la réduction du montant de la condamnation :
La société BR reproche aux premiers juges de n'avoir pas répondu à sa demande de réduction tant des loyers échus impayés, de l'indemnité de résiliation comme de la majoration de 10 % des sommes impayées et soutient leur caractère manifestement excessif que les juges se doivent de relever d'office.
La société Locam relève avec pertinence que le pouvoir modérateur confié au juge par l'article 1152 ancien du code civil ne peut s'exercer sur les loyers échus impayés et que sa créance à ce titre ne procède pas d'une clause pénale.
La qualification de clause pénale de l'indemnité de résiliation n'est pas discutée par la société Locam, qui conteste le caractère manifestement excessif de cette indemnité comme de la majoration de 10 % et qui réclame l'indemnisation non seulement de sa perte correspondant au montant financé et payé à la société ETS comme à ses frais administratifs, mais également de son gain manqué.
La société Locam justifie par la facture délivrée par la société ETS du montant de 55.658,63 € HT (66.657,72 € TTC) qu'elle lui a payé, et en prenant en compte les 18 mois de loyers versés, ses frais et son gain manqué, l'indemnisation de son préjudice au sens de l'article 1149 ancien du code civil doit conduire à retenir comme manifestement excessives ces clauses pénales et à les réduire à la somme unique de 200 €.
La condamnation prononcée par le tribunal de commerce est réformée en ce sens pour une créance totale de 47.614,40 €, comprenant ces clauses pénales et les loyers échus impayés pour 47.414,40 €.
Les premiers juges sont confirmés en ce qu'ils ont fait courir les intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2015, date de la mise en demeure.
Sur la demande de condamnation formée par la société BR :
La société BR réclame la condamnation de la société Locam à lui verser la somme dite symbolique de 1 € ou de 3.946,80 € correspondant à une mensualité, sans pour autant préciser son fondement juridique effectif.
La cour ne statuant en application de l'article 954 du code de procédure civile que sur les prétentions figurant au dispositif des écritures des parties, il convient de relever que cette demande correspond en fait aux montants auxquels la société BR sollicitait la réduction de la condamnation demandée par la société Locam.
Cette demande en condamnation formée en appel par la société BR doit être rejetée.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
La société BR succombe et doit supporter les dépens d'appel.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Locam tant pour la première instance que devant la cour.
Les demandes formées à ce titre par la société Locam sont rejetées et la décision entreprise est réformée en ce sens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS B. rangements à payer à la SAS Locam la somme de 52.155,84 € et une indemnité de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau sur ces condamnations comme y ajoutant :
Condamne la SAS B. rangements à verser à la SAS Locam la somme de 47.614,40 € outre intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2015,
Déboute la SAS B. rangements de ses prétentions formées en appel,
Déboute la SAS Locam de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Confirme le jugement entrepris pour le surplus,
Condamne la SAS B. rangements aux dépens d'appel.
Le Greffier, Le Président,
- 5735 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Nature - Clause nulle
- 5858 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Exclusion explicite
- 5945 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Téléphonie et télécopie
- 6242 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Compétence territoriale
- 6250 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Procédure - Voies de recours