CAA PARIS (3e ch.), 7 juillet 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8503
CAA PARIS (3e ch.), 7 juillet 2020 : req. n° 19PA00697 et n° 19PA01207
Publication : Legifrance
Extraits : 1/ « 8. Il est constant que la commande effectuée le 13 janvier 2016 par M. X. n’était assortie d’aucune date ni d’aucun délai de livraison, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 221-13 du code de la consommation précité. Si la société requérante soutient qu’il s’agit d’un cas isolé, il résulte de l’instruction et notamment du procès-verbal en date du 8 juillet 2016 que si ce cas était mentionné, l’administration a entendu également viser la pratique de la société consistant à ne pas mentionner le délai de livraison, ce que la SARL My Maison ne conteste pas utilement en se bornant à produire un courriel de Mme Y. concernant une commande dont la date de livraison est estimée entre le 30 mai et le 8 juin 2017, soit environ onze mois après l’établissement du procès-verbal du 8 juillet 2016. La circonstance que plusieurs liens figurant sur le site internet de la société, conduisant à des rubriques d’information générale sur les délais d’expédition, auraient permis à la clientèle de déduire les délais de livraison qui ne figuraient pas sur le support de confirmation de la commande et celle que le site aurait été ultérieurement amélioré sont indifférentes. Le manquement aux dispositions citées au point précédent est donc constitué. »
2/ « 10. Il est constant que la société requérante avait conditionné le délai de rétractation prévu par les dispositions précitées de l’article L. 221-18 du code de consommation à un « motif valable ». Dès lors, elle n’est pas fondée à contester le bien-fondé de la sanction prise sur le fondement de ces dispositions. Si elle soutient que dans la pratique, « l’écrasante majorité de ses clients a pu bénéficier d’un droit de rétractation en tous points conforme à la loi » et qu’ultérieurement, les conditions générales de vente ont été modifiées, ces circonstances sont indifférentes. Le manquement aux dispositions citées au point précédent est donc constitué. »
3/ « 12. L’article 8-3 des conditions générales de vente de la société My Maison conditionnait la recevabilité d’une réclamation « en cas d’anomalie ou de détérioration » de la commande à la vérification par le client au moment de la livraison et en présence du chauffeur de l’état du colis et de son produit, à la description précise de « l’état de l’emballage et/ou du produit », ainsi qu’à la confirmation « par courrier recommandé de ces réserves au transporteur au plus tard dans les 48 heures ouvrables suivant la réception du ou des articles », cette vérification étant « considérée comme effectuée dès lors que le bon de livraison a été signé ». Cette clause introduit un déséquilibre significatif au détriment du consommateur entre les droits et les obligations des parties au contrat. La circonstance que cette clause aurait été « rédigée de manière ambigüe et maladroite par un petit professionnel non juriste », celle qu’elle était destinée à les alerter sur les conditions d’un recours contre le transporteur, et celle que dans la pratique aucun client n’aurait été privé de son droit à réparation sont indifférentes. Le manquement aux dispositions citées au point précédent est donc constitué. »
4/ « 14. L’injonction du 8 octobre 2015 faisait obligation à la société My Maison de corriger les manquements, qui au demeurant lui avaient été signalés par lettre de pré-injonction du 26 aout 2015, avant le 14 novembre 2015. Ce délai était suffisant pour que la société puisse mettre en conformité ses conditions générales de vente et les informations figurant sur son site internet avec le code de la consommation. Il est constant que le 3 février 2016, la société n’avait pas entamé, sans qu’elle puisse faire valoir un motif valable, la remise en ordre de ses pratiques commerciales. Dès lors, elle n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que l’administration aurait retenu à son encontre le retard mis à se conformer aux injonctions dont elle avait été destinataire. »
5/ « 16. Si ces amendes présentent un caractère incontestablement sévère, elles sanctionnent des manquements multiples au code de la consommation, qui ont donné lieu à de nombreuses plaintes de la clientèle, et qui reflètent dans l’hypothèse la plus favorable l’amateurisme d’un professionnel de la vente à distance qui semble ignorer les obligations légales qui régissent son activité. Elles sanctionnent également le retard injustifié mis par la société à corriger les manquements qui lui avaient été signalés. Au regard de la gravité des manquements, la sanction ne présente pas de caractère disproportionné. En revanche il y a également lieu de retenir qu’à la date à laquelle la sanction lui a été infligée, la société s’était mise en conformité avec la loi et, surtout, qu’en raison de sa fragilité financière, la survie de la société dont les pertes sont passées de 22.000 euros en 2015, à 50.000 euros en 2016 et 206.000 euros en 2017 serait compromise si l’amende était maintenue à son niveau initial. Par ailleurs, en raison de l’arrêt de son activité consécutive à la crise sanitaire, la société My Maison, en cessation de paiement, vient d’être placée en redressement judiciaire. Il y a donc lieu, dans les circonstances de l’espèce, de ramener le montant de l’amende à la somme totale de 15.000 euros. Le montant du titre de perception du 6 avril 2017 doit être fixé à la même somme. »
6/ « 20. La réalité des manquements mentionnés dans le communiqué publié sur les sites de l’administration a été confirmée par la Cour aux points 5 à 14 du présent arrêt. La présentation qu’en donne le communiqué, qui n’est ni parcellaire ni trompeuse, est suffisante. La publication, outre sa valeur pédagogique, a notamment pour objet d’informer le public qu’il a été susceptible d’avoir été lésé par les pratiques de la société. La société, qui ne saurait utilement faire valoir qu’elle aurait entretemps remédié aux manquements dont il a été fait état, n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision en tant qu’elle prévoit la publication du communiqué sur les sites de l’administration. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 7 JUILLET 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Req. n° 19PA00697 et n° 19PA01207.
APPELANT :
SARL My Maison
INTIMÉ :
Ministre de l’économie et des finances
M. le Pdt. BOULEAU, président. M. Christian BERNIER, rapporteur. Mme PENA, rapporteur public. CABINET FIELDFISHER, avocat(s)
Vu la procédure suivante :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première demande, la SARL My Maison a demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler la décision du 11 janvier 2017 par laquelle le directeur départemental de la protection des populations de Paris lui a infligé une amende administrative d’un montant de 54.000 euros pour plusieurs manquements au code de la consommation, assortie de la publication de cette sanction, ensemble la décision du 22 mai 2017 rejetant partiellement son recours gracieux. Par une seconde demande, la SARL My Maison a demandé au tribunal d’annuler le titre de perception du 6 avril 2017 correspondant à cette amende majorée, ensemble les décisions du 20 février 2018 et du 9 mars 2018 rejetant ses recours et demandes de remise, et de suspendre le recouvrement de la créance.
Par un jugement n° 1711938-1806257, le tribunal administratif de Paris, après les avoir jointes, a rejeté ces deux demandes.
Procédure devant la Cour :
I) Par une requête, enregistrée le 11 février 2019 sous le n° 19PA00697, la SARL My Maison, représentée par Maître D. C., demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 11 décembre 2018 ;
2°) d’annuler la décision du 11 janvier 2017 par laquelle le directeur départemental de la protection des populations de Paris lui a infligé une amende administrative d’un montant de 54.000 euros, ensemble la décision du 22 mai 2017 prise sur son recours hiérarchique ;
3°) de la décharger de l’obligation de payer l’amende de 54.000 euros ;
4°) d’annuler les mesures de publication dont est assortie la décision ;
5°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société My Maison soutient que :
- le jugement n’est pas suffisamment motivé ;
- la mesure de publication de la décision, rédigée en termes imprécis et dont la finalité n’est pas réparatrice, est injustifiée ;
- les manquements relevés à son encontre reposent sur des constatations partiellement inexactes, ou sont isolés ;
- ils ont été corrigés entretemps ;
- le montant de l’amende est disproportionné au regard des manquements commis et compte tenu de sa situation financière précaire.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2019, le ministre de l’économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les manquements sont établis et ils sont graves ;
- les améliorations et corrections apportées par la société à ses pratiques commerciales postérieurement à la décision ne doivent pas être prises en compte dans l’appréciation du montant de l’amende ;
- la situation financière de la société ne fait pas obstacle au paiement de l’amende et sa survie n’est pas compromise.
Par un mémoire complémentaire enregistré le 9 juin 2020, la société My Maison conclut aux mêmes fins que la requête.
Elle informe la Cour qu’en raison de la baisse d’activité liée à la crise sanitaire provoquée par la covid 19, elle est en cessation de paiement et elle a été placée en redressement judiciaire.
II) Par une requête, enregistré le 2 avril 2019 sous le n° 19PA01207, la SARL My Maison, représentée par Maître C., demande à la Cour de surseoir à l’exécution du jugement du tribunal administratif de Paris du 11 décembre 2018.
Elle soutient que :
- en raison de sa situation financière très précaire, sa survie est menacée ;
- les moyens qu’elle soulève sont sérieux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la consommation,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
- le rapport de M. Bernier, rapporteur,
- les conclusions de Mme Péna, rapporteur public,
- et les observations de Me A... pour la SARL My Maison.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Considérant ce qui suit :
1. La société My Maison est spécialisée dans la vente à distance sur catalogue général de tous types de produits par correspondance ou par internet. Elle exploite à cette fin le site www.lestendances.fr. Saisie de nombreuses plaintes, la direction départementale de protection des populations de Paris a effectué un contrôle le 4 août 2015, à la suite de quoi il a été enjoint à la société de se mettre en conformité avec le code de la consommation. De nouveaux manquements ayant été constatés lors d’un contrôle du site internet réalisé le 3 février 2016, la direction départementale de la protection des populations en a dressé procès-verbal le 8 juillet 2016 et, au terme de la procédure contradictoire, elle a, par décision du 11 janvier 2017, infligé à la société une amende administrative d’un montant total de 54.000 euros et prescrit la publication aux frais de la société d’un communiqué faisant état de la sanction dans les quotidiens Aujourd’hui en France et le Figaro, ainsi que sur des sites internet de l’administration. Saisi d’un recours hiérarchique, le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du ministère de l’économie et des finances a, par décision du 22 mai 2017, confirmé le montant de l’amende administrative et la publication d’un communiqué sur les sites internet de l’administration, mais il est revenu sur l’obligation faite à la société de publier ce communiqué dans la presse.
2. Par ailleurs, la direction générale des finances publiques a émis le 6 avril 2017 un titre de perception de 54.000 euros correspondant au montant de l’amende. Une mise en demeure valant commandement de payer cette amende, assortie des pénalités de retard, et portée à la somme de 59.400 euros a été émise le 12 juillet 2017. Par une décision du 20 février 2018, le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a rejeté l’opposition à exécution formée par la société My Maison contre le titre de perception. Par une décision du 9 mars 2018, le directeur des créances spéciales du trésor du ministère de l’économie et des finances a rejeté sa demande de remise gracieuse.
3. Par une première requête, la société My Maison qui relève appel du jugement du 11 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de la société tendant à l’annulation de ces décisions, demande à la Cour de la décharger des sommes dont le versement lui est réclamé et d’annuler les mesures de publication de la sanction. Par une seconde requête, elle demande à la Cour de surseoir à l’exécution de ce jugement. Ces deux requêtes sont dirigées contre le même jugement et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité du jugement :
4. En se bornant à soutenir que le jugement est insuffisamment motivé, la société My Maison n’a pas assorti ce moyen des précisions utiles qui auraient permis à la Cour d’en apprécier le bien-fondé. Au demeurant, le tribunal, qui n’était pas tenu de répondre à l’ensemble des arguments soulevés par les parties et qui n’a omis de statuer sur aucun moyen, a suffisamment motivé sa décision. Le jugement n’est donc pas irrégulier.
Sur le bien-fondé de la sanction :
S’agissant des manquements :
5. En premier lieu, aux termes de l’article L. 121-16 du code de la consommation : « Le numéro de téléphone destiné à recueillir l’appel d’un consommateur en vue d’obtenir la bonne exécution d’un contrat conclu avec un professionnel ou le traitement d’une réclamation ne peut pas être surtaxé. Ce numéro est indiqué dans le contrat et la correspondance. ». L’article L. 132-21 du code dispose que : « Tout manquement aux obligations relatives au numéro de téléphone d’assistance au consommateur mentionnées à l’article L. 121-16 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3.000 euros pour une personne physique et 15.000 euros pour une personne morale ».
6. Il ressort du procès-verbal du 8 juillet 2016 et il n’est pas sérieusement contesté que le numéro affiché dans les rubriques « nos services », « infos générales », « suite à une commande » et « conditions générales de vente » du site internet de la société requérante était surtaxé. Les circonstances que ce numéro ait été affiché par mégarde par son prestataire informatique extérieur, qu’un numéro de service après-vente non surtaxé ait figuré sur les correspondances adressées à la clientèle, et que le manquement ait été ultérieurement rectifié à une date au demeurant non déterminée sont indifférentes. Le manquement aux dispositions citées au point précédent est donc constitué.
7. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 221-13 du code de la consommation : « Le professionnel fournit au consommateur, sur support durable, dans un délai raisonnable, après la conclusion du contrat et au plus tard au moment de la livraison du bien ou avant le début de l’exécution du service, la confirmation du contrat comprenant toutes les informations prévues à l’article L. 221-5, sauf si le professionnel les lui a déjà fournies, sur un support durable, avant la conclusion du contrat (...) ». Aux termes de l’article L. 221-5 du même code : « Préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : 1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ». Aux termes de l’article L.111-1 : « Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : (...) 3° En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service ... ». L’article L. 242-11 dispose que : « Tout manquement aux obligations de confirmation du contrat et, le cas échéant, du support choisi par le consommateur, définies à l’article L. 221-13, est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3.000 euros pour une personne physique et 15.000 euros pour une personne morale ».
8. Il est constant que la commande effectuée le 13 janvier 2016 par M. X. n’était assortie d’aucune date ni d’aucun délai de livraison, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 221-13 du code de la consommation précité. Si la société requérante soutient qu’il s’agit d’un cas isolé, il résulte de l’instruction et notamment du procès-verbal en date du 8 juillet 2016 que si ce cas était mentionné, l’administration a entendu également viser la pratique de la société consistant à ne pas mentionner le délai de livraison, ce que la SARL My Maison ne conteste pas utilement en se bornant à produire un courriel de Mme Y. concernant une commande dont la date de livraison est estimée entre le 30 mai et le 8 juin 2017, soit environ onze mois après l’établissement du procès-verbal du 8 juillet 2016. La circonstance que plusieurs liens figurant sur le site internet de la société, conduisant à des rubriques d’information générale sur les délais d’expédition, auraient permis à la clientèle de déduire les délais de livraison qui ne figuraient pas sur le support de confirmation de la commande et celle que le site aurait été ultérieurement amélioré sont indifférentes. Le manquement aux dispositions citées au point précédent est donc constitué.
9. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 221-18 du code de la consommation : « Le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d’autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25. » et aux termes de l’article L. 221-23 du même code : « Le consommateur renvoie ou restitue les biens au professionnel ou à une personne désignée par ce dernier, sans retard excessif et, au plus tard, dans les quatorze jours suivant la communication de sa décision de se rétracter conformément à l’article L. 221-21, à moins que le professionnel ne propose de récupérer lui-même ces biens. ». L’article L. 242-13 du même code dispose que : « Tout manquement aux dispositions des articles L. 221-18 à L. 221-28 encadrant les conditions d’exercice du droit de rétractation reconnu au consommateur, ainsi que ses effets, est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 15.000 euros pour une personne physique et 75.000 euros pour une personne morale. ».
10. Il est constant que la société requérante avait conditionné le délai de rétractation prévu par les dispositions précitées de l’article L. 221-18 du code de consommation à un « motif valable ». Dès lors, elle n’est pas fondée à contester le bien-fondé de la sanction prise sur le fondement de ces dispositions. Si elle soutient que dans la pratique, « l’écrasante majorité de ses clients a pu bénéficier d’un droit de rétractation en tous points conforme à la loi » et qu’ultérieurement, les conditions générales de vente ont été modifiées, ces circonstances sont indifférentes. Le manquement aux dispositions citées au point précédent est donc constitué.
11. En quatrième lieu, aux termes de l’article L. 212-1 du code de la consommation : « Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. » et aux termes de l’article R. 212-1 du même code : « Dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions des premier et quatrième alinéas de l’article L. 212-1 et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de : (...) 6° supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le non-professionnel ou le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations ». L’article L. 241-2 de ce code dispose que : « Dans les contrats mentionnés à l’article L. 212-1, la présence d’une ou de plusieurs clauses abusives relevant du décret pris en application du quatrième alinéa de l’article L. 212-1 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3.000 euros pour une personne physique et 15.000 euros pour une personne morale. ».
12. L’article 8-3 des conditions générales de vente de la société My Maison conditionnait la recevabilité d’une réclamation « en cas d’anomalie ou de détérioration » de la commande à la vérification par le client au moment de la livraison et en présence du chauffeur de l’état du colis et de son produit, à la description précise de « l’état de l’emballage et/ou du produit », ainsi qu’à la confirmation « par courrier recommandé de ces réserves au transporteur au plus tard dans les 48 heures ouvrables suivant la réception du ou des articles », cette vérification étant « considérée comme effectuée dès lors que le bon de livraison a été signé ». Cette clause introduit un déséquilibre significatif au détriment du consommateur entre les droits et les obligations des parties au contrat. La circonstance que cette clause aurait été « rédigée de manière ambigüe et maladroite par un petit professionnel non juriste », celle qu’elle était destinée à les alerter sur les conditions d’un recours contre le transporteur, et celle que dans la pratique aucun client n’aurait été privé de son droit à réparation sont indifférentes. Le manquement aux dispositions citées au point précédent est donc constitué.
13. En cinquième lieu, aux termes de l’article L. 521-1 du code de la consommation : « Lorsque les agents habilités constatent un manquement ou une infraction avec les pouvoirs prévus au présent livre, ils peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à un professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable qu’ils fixent, de se conformer à ses obligations. » et aux termes de l’article L. 521-2 du même code : « Les agents habilités peuvent, dans les mêmes conditions, enjoindre à tout professionnel de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ou interdite. L’injonction mentionnée au premier alinéa peut faire l’objet d’une mesure de publicité, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Dans ce cas, le professionnel est informé, lors de la procédure contradictoire préalable au prononcé de l’injonction, de la nature et des modalités de la publicité envisagée. La publicité est effectuée aux frais du professionnel qui fait l’objet de l’injonction. ».
14. L’injonction du 8 octobre 2015 faisait obligation à la société My Maison de corriger les manquements, qui au demeurant lui avaient été signalés par lettre de pré-injonction du 26 aout 2015, avant le 14 novembre 2015. Ce délai était suffisant pour que la société puisse mettre en conformité ses conditions générales de vente et les informations figurant sur son site internet avec le code de la consommation. Il est constant que le 3 février 2016, la société n’avait pas entamé, sans qu’elle puisse faire valoir un motif valable, la remise en ordre de ses pratiques commerciales. Dès lors, elle n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que l’administration aurait retenu à son encontre le retard mis à se conformer aux injonctions dont elle avait été destinataire.
S’agissant de l’amende :
15. Au titre des manquements qui viennent d’être relevés, l’administration a infligé à la société My Maison une amende totale de 54.000 euros se décomposant en 10.000 euros pour le manquement lié au numéro d’appel surtaxé, 10.000 euros pour le manquement tenant à l’absence d’information sur le délai de livraison, 10.000 euros pour le manquement tenant aux conditions restrictives dont sont assorties les possibilités de rétractation, 12.000 euros pour la clause abusive limitant les possibilités de réclamation et 12.000 euros pour ne pas avoir respecté le délai d’injonction.
16. Si ces amendes présentent un caractère incontestablement sévère, elles sanctionnent des manquements multiples au code de la consommation, qui ont donné lieu à de nombreuses plaintes de la clientèle, et qui reflètent dans l’hypothèse la plus favorable l’amateurisme d’un professionnel de la vente à distance qui semble ignorer les obligations légales qui régissent son activité. Elles sanctionnent également le retard injustifié mis par la société à corriger les manquements qui lui avaient été signalés. Au regard de la gravité des manquements, la sanction ne présente pas de caractère disproportionné. En revanche il y a également lieu de retenir qu’à la date à laquelle la sanction lui a été infligée, la société s’était mise en conformité avec la loi et, surtout, qu’en raison de sa fragilité financière, la survie de la société dont les pertes sont passées de 22.000 euros en 2015, à 50.000 euros en 2016 et 206.000 euros en 2017 serait compromise si l’amende était maintenue à son niveau initial. Par ailleurs, en raison de l’arrêt de son activité consécutive à la crise sanitaire, la société My Maison, en cessation de paiement, vient d’être placée en redressement judiciaire. Il y a donc lieu, dans les circonstances de l’espèce, de ramener le montant de l’amende à la somme totale de 15.000 euros. Le montant du titre de perception du 6 avril 2017 doit être fixé à la même somme.
17. Il résulte de ce qui précède que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société My Maison.
S’agissant de la publication :
18. Aux termes du V de l’article L. 141-1-2 du code de la consommation : « V. _ La décision prononcée par l’autorité administrative peut être publiée aux frais de la personne sanctionnée. Toutefois, l’administration doit préalablement avoir informé cette dernière, lors de la procédure contradictoire fixée au IV, de la nature et des modalités de la publicité envisagée ».
19. Si la décision initiale du 11 janvier 2017 prise par la direction départementale de la protection des populations prescrivait la publication aux frais de la société d’un communiqué faisant état de la sanction dans les quotidiens Aujourd’hui en France et le Figaro, le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du ministère de l’économie et des finances a, par décision du 22 mai 2017, libéré la société de cette obligation. Il a en revanche maintenu la publication de la sanction sur le site de sa direction et sur celui de la préfecture de police.
20. La réalité des manquements mentionnés dans le communiqué publié sur les sites de l’administration a été confirmée par la Cour aux points 5 à 14 du présent arrêt. La présentation qu’en donne le communiqué, qui n’est ni parcellaire ni trompeuse, est suffisante. La publication, outre sa valeur pédagogique, a notamment pour objet d’informer le public qu’il a été susceptible d’avoir été lésé par les pratiques de la société. La société, qui ne saurait utilement faire valoir qu’elle aurait entretemps remédié aux manquements dont il a été fait état, n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision en tant qu’elle prévoit la publication du communiqué sur les sites de l’administration.
Sur le sursis à exécution :
21. La Cour ayant, par le présent statué sur les conclusions de la requête de la société My Maison tendant à l’annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de ce jugement sont privées d’objet.
Sur les frais de justice :
22. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de la société My Maison tendant que soient mis à la charge de l’Etat les frais exposés et non compris dans les dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 11 décembre 2018 est annulé.
Article 2 : Le montant de l’amende administrative que la société My Maison est condamnée à verser à l’Etat pour ses manquements au code de la consommation est ramené à 15.000 euros. Le montant du titre de perception émis à son encontre sera fixé à la même somme.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 19PA00697 est rejeté.
Article 4 : Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête n° 19PA01207.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société My Maison et au ministre de l’économie et des finances.
Copie en sera adressée pour information au préfet de police de Paris (direction départementale de la protection des populations).
Délibéré après l’audience du 23 juin 2020, à laquelle siégeaient : - M. B., premier vice-président, - M. Bernier, président assesseur, - Mme Mornet, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 7 juillet 2020.
Le rapporteur, Ch. BERNIER Le président, M. B.
Le greffier, N. DAHMANI
- 5788 - Code de la consommation - Régime de la protection - Administration - Injonction
- 6079 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Consentement - Modes d’expression du Consentement - Contrats conclus à distance ou par Internet
- 6083 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Consentement - Permanence du Consentement - Consommateur - Droit de rétractation
- 7142 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente en général (1) - Formation du contrat - Internet - Vente en général