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CA BOURGES (ch. civ.), 13 août 2020

Nature : Décision
Titre : CA BOURGES (ch. civ.), 13 août 2020
Pays : France
Juridiction : Bourges (CA), ch. civ.
Demande : 19/01096
Date : 13/08/2020
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 16/09/2019
Référence bibliographique : 5705 (prescription de l’action), 5997 (portée des recommandations), 6014 (déséquilibre non significatif), 6638 (crédit immobilier)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8506

CA BOURGES (ch. civ.), 13 août 2020 : RG n° 19/01096 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Attendu qu'il résulte de l'article 1304 ancien du Code civil, dans sa rédaction applicable aux faits de la cause, et de l'article 2224 nouveau de ce même code que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; Qu'il convient en conséquence de déterminer à quel moment Monsieur et Madame X. ont pu déceler les irrégularités qu'ils invoquent dans le cadre de la présente procédure, en l'occurrence l'omission du taux de période et le recours par le Crédit Agricole au calcul du taux conventionnel sur « l'année lombarde » ou « diviseur 360 » ; qu'en effet, il y a lieu de retenir que le point de départ du délai de prescription quinquennale doit être fixé à la date de la convention si l'examen de la teneur de celle-ci leur a permis de constater la présence des deux irrégularités précitées, ou bien de déterminer la date à partir de laquelle lesdites irrégularités leur ont été révélées ; […] ; Qu'en conséquence de ce qui précède, il y aura lieu de confirmer le jugement rendu le 25 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Bourges ayant déclaré irrecevables comme prescrites les demandes présentées par Monsieur et Madame X. tendant à l'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels sur les deux fondements précités ».

2/ « Qu'il convient en conséquence de déterminer si la prétention formée en cause d'appel au titre des clauses abusives tend aux mêmes fins que les prétentions soumises à l'appréciation du premier juge ;

Qu'il y a lieu d'observer, à cet égard, qu'aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 19 mars 2019, Monsieur et Madame X. ont demandé au tribunal de grande instance de Bourges de «prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts contractuelle» figurant dans le prêt numéro 7002XX63 ; Qu'en cause d'appel, et sur le fondement des dispositions du code de la consommation précitées, ils demandent à la cour de «dire et juger nulle et de nul effet et partant non écrite la clause de stipulation d'intérêts insérée au contrat de prêt» ;

Attendu que les demandes soumises à l'appréciation du premier juge et de la cour visent toutes deux la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt contractuel, de sorte qu'elles doivent être considérées, au sens de l'article 565 précité, comme tendant aux mêmes fins ; Qu'il s'ensuit que la demande formée à cet égard à hauteur d'appel devra nécessairement être déclarée recevable ».

« / « Mais attendu que cette recommandation, applicable aux seules conventions de compte de dépôt, dont le calcul des intérêts est effectué en jours, ne paraît pas transposable aux opérations de prêt immobilier dont les remboursements présentent un caractère mensuel ; qu'il s'ensuit que les appelants ne peuvent utilement invoquer la présomption issue de cette recommandation dans le cadre du litige soumis à l'appréciation de la cour ;

Qu'il appartient, dès lors, à Monsieur et Madame X. de rapporter la preuve, en application de l'article L. 212-1 du code de la consommation précité, que la clause relative au calcul des intérêts sur une année de 360 jours a eu pour objet ou pour effet de créer à leur détriment un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au contrat ;

Mais attendu, d'une part, que les appelants ne rapportent aucunement la preuve de l'existence et de l'ampleur du surcoût qui aurait été engendré à leur détriment par l'utilisation de l'année lombarde et que, d'autre part, le prêt immobilier conclu entre les parties étant remboursable par mensualités, le calcul des intérêts prenant pour base le mois normalisé ou la fraction d'année aboutit au même résultat que le rapport 30/360, le recours à l'année lombarde demeurant sans incidence sur le montant des intérêts lorsque ces derniers sont calculés mensuellement et non sur une période inférieure à un mois ; […] ;  Qu'en conséquence, la demande formée en cause d'appel par Monsieur et Madame X. au titre du caractère abusif de la clause d'usage de l'année lombarde ne pourra qu'être rejetée, faute pour ces derniers de rapporter la preuve que ladite clause aurait eu pour objet ou pour effet de créer à leur détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au prêt immobilier ».

 

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 13 AOÛT 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/01096. N° Portalis DBVD-V-B7D-DGKC. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BOURGES en date du 25 juillet 2019.

 

PARTIES EN CAUSE :

I - M. X.

né le [date] à [ville], adresse,

- Mme X.

née le [date] à [ville], adresse,

Représentés par Maître Sandra L., avocat au barreau de BOURGES - timbre fiscal acquitté, APPELANTS suivant déclaration du 16/09/2019

 

II - CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social : [adresse], N° SIRET : XXX, Représentée par Maître Pierrick S. de la SCP S., avocat au barreau de BOURGES - timbre fiscal acquitté, INTIMÉE

 

L'audience du 9 Juin 2020 n'a pu se tenir compte tenu de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020. La Cour statue sans audience au vu des pièces et des conclusions produites (les avocats ne s'y étant pas opposés).

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. SARRAZIN Président de Chambre, M. PERINETTI Conseiller, Mme CIABRINI Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Exposé :

Selon offre de prêt acceptée le 20 juillet 2004, Monsieur et Madame X. ont souscrit auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire - ci-dessous appelée Crédit Agricole - un prêt numéro 7002XX63 d'un montant de 82.844 €, remboursable en 240 mensualités au taux d'intérêt nominal fixe annuel de 4,91 %.

Exposant principalement que ce contrat de prêt ne mentionnait pas le taux de période et que les intérêts avaient été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours et non d'une année civile, Monsieur et Madame X. ont assigné le Crédit Agricole devant le tribunal de grande instance de Bourges selon acte d'huissier du 2 mai 2018.

Le Crédit Agricole a conclu à l'irrecevabilité et au rejet des prétentions ainsi formées à son encontre.

Par jugement rendu le 25 juillet 2019, le tribunal a :

- Déclaré irrecevables comme prescrites l'ensemble des demandes présentées par Monsieur et Madame X.,

- Condamné ces derniers à verser à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

Le tribunal a principalement retenu, en effet, que :

- la prescription de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel en raison d'une erreur affectant le taux de l'effectif global court à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur, soit la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur ou, lorsque ce n'est pas le cas, la date de révélation de celle-ci à l'emprunteur,

- l'offre de prêt acceptée le 20 juillet 2004 ne fait pas mention du taux de période, les emprunteurs étaient en mesure de déceler par eux-mêmes à la simple lecture de l'acte le vice résultant de cette absence, de sorte que l'action présentée sur ce fondement postérieurement au terme d'un délai de 5 ans à compter de la signature de l'acte est prescrite,

- l'irrégularité tenant au recours à l'année lombarde avec calcul des intérêts sur une année bancaire de 360 jours pouvait également être décelée par les emprunteurs lors de la souscription du contrat dès lors que ce recours était expressément mentionné dans les conditions particulières du prêt, de sorte que la demande formée à ce titre apparaît également irrecevable.

[*]

Monsieur et Madame X. ont interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 16 septembre 2019.

Ils demandent à la cour, dans leurs dernières écritures en date du 10 mars 2020 à la lecture desquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, de :

À titre principal :

- Dire et juger nulle et de nul effet et partant non écrite la clause de stipulation d'intérêts insérée au contrat de prêt qu'ils ont souscrit auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire,

- Dire en conséquence que le taux d'intérêt légal se substituera au taux initialement convenu,

- Condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Centre Loire à leur restituer la différence entre les intérêts au taux conventionnel perçus depuis l'origine et ceux résultant de l'application du taux d'intérêt légal applicable année après année ou semestre après semestre et ce jusqu'à parfait paiement,

- Condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Centre Loire à leur remettre un nouveau tableau d'amortissement intégrant les nouveaux taux du crédit conformes au taux d'intérêt légal applicable et ce sous astreinte de 300 € par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification de la décision à intervenir et ce pendant un mois,

À titre subsidiaire :

- Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Bourges,

- Constater que le taux d'intérêt du contrat de prêt dit PAS Habitat taux fixe tel qu'ils l'ont accepté est calculé sur une base illicite et ne comporte pas de taux de période,

- Prononcer en conséquence la nullité de la stipulation d'intérêts contractuels du contrat de prêt dit PAS Habitat taux fixe,

- Condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire à leur verser la différence entre les intérêts effectivement perçus au taux contractuel depuis l'acceptation du contrat et les intérêts calculés au taux légal année après année, puis à compter de 2015, semestre après semestre,

- Condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire à leur remettre un nouveau tableau d'amortissement intégrant les différents taux appliqués ce sous astreinte de 300 € par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification du «jugement» à intervenir et ce pendant un mois,

- Condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire à leur remettre un nouveau tableau d'amortissement semestre après semestre en fonction des variations du taux d'intérêt légal,

- Débouter la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire de l'ensemble de ses demandes,

- La condamner à leur verser une indemnité de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus à l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution conformément aux dispositions de l'article R. 631-4 du code de la consommation et avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire conclut pour sa part, dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 18 mars 2020, à la lecture desquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, de :

- Dire irrecevable et mal fondée la demande de Monsieur et Madame X. tendant à obtenir «que soit dit et jugé nulle et de nul effet et partant non écrite la clause de stipulation d'intérêts insérée au contrat de prêt»,

- Dire irrecevables et mal fondées toutes demandes tendant à voir réputée non écrite la clause prévoyant le calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours,

- À titre principal, déclarer irrecevables et à tout le moins mal fondées les demandes de Monsieur et Madame X.,

- Confirmer en conséquence le jugement entrepris,

- À titre subsidiaire, dire que la déchéance du droit aux intérêts est la seule sanction applicable et qu'elle ne se justifie pas et débouter en conséquence Monsieur et Madame X. de leurs demandes,

- À titre infiniment subsidiaire, dire que la nullité ne se justifie pas et débouter en conséquence Monsieur et Madame X. de leurs demandes,

- À titre encore plus subsidiaire, dire qu'il y a lieu d'appliquer le taux d'intérêt légal en vigueur au jour de l'offre de prêt,

- Débouter, en tout état de cause, Monsieur et Madame X. de leur demande d'astreinte,

- Les condamner à lui verser une indemnité de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

[*]

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 mai 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI :

I) Sur la prescription, alléguée par le Crédit Agricole et retenue par le premier juge, de l'action de Monsieur et Madame X. tendant à la nullité de la stipulation de l'intérêt contractuel du contrat de prêt numéro 7002XX63 :

Attendu qu'il résulte de l'article 1304 ancien du Code civil, dans sa rédaction applicable aux faits de la cause, et de l'article 2224 nouveau de ce même code que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;

Qu'il convient en conséquence de déterminer à quel moment Monsieur et Madame X. ont pu déceler les irrégularités qu'ils invoquent dans le cadre de la présente procédure, en l'occurrence l'omission du taux de période et le recours par le Crédit Agricole au calcul du taux conventionnel sur « l'année lombarde » ou « diviseur 360 » ; qu'en effet, il y a lieu de retenir que le point de départ du délai de prescription quinquennale doit être fixé à la date de la convention si l'examen de la teneur de celle-ci leur a permis de constater la présence des deux irrégularités précitées, ou bien de déterminer la date à partir de laquelle lesdites irrégularités leur ont été révélées ;

 

A) S'agissant de l'absence de mention du taux de période dans le contrat numéro 7002XX63 :

Attendu que les appelants soutiennent qu'à défaut de toute compétence mathématique et financière de leur part, ils n'étaient pas en mesure de déceler l'absence de mention du taux de période à la seule lecture du contrat de prêt dont ils ont accepté l'offre le 20 juillet 2004 et que ce n'est qu'au cours de l'année 2017 qu'une société de conseil financier leur a révélé l'existence de ladite irrégularité, de sorte que c'est à cette dernière date que doit être fixé le point de départ du délai de prescription quinquennale ;

Mais attendu qu'il est constant que l'offre de prêt acceptée par les appelants le 20 juillet 2004 ne faisait nullement mention du taux de période, ce dont ces derniers pouvaient se convaincre à la seule lecture de cet acte, peu important à cet égard leur absence de compétence particulière en matière financière ou mathématique, de sorte que la prescription de l'action tendant à l'annulation de la stipulation d'intérêts sur le fondement de ladite omission a nécessairement commencé à courir à la date de signature de ladite offre ;

Qu'il en résulte nécessairement que l'action formée par les appelants à ce titre selon assignation délivrée à la banque le 2 mai 2018, soit postérieurement au 20 juillet 2009, se trouve atteinte par la prescription quinquennale ainsi que cela a été relevé pertinemment par le premier juge ;

 

B) Sur le recours à « l'année lombarde » ou « diviseur 360 » :

Attendu qu'il est constant en l'espèce que les intérêts du prêt conclu par les appelants auprès du Crédit Agricole ont fait l'objet d'un calcul, non pas sur la base d'une année civile de 365 jours, mais d'une année bancaire normalisée de 360 jours ce qui constitue une modalité qui n'est pas admise à l'égard des emprunteurs consommateurs selon l'arrêt de principe rendu le 19 juin 2013 par la première chambre civile de la Cour de Cassation et susceptible d'entraîner l'annulation de la stipulation d'intérêts dès lors que cet usage a généré au détriment de l'emprunteur un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 du code de la consommation ;

Qu'à cet égard, les conditions particulières du prêt indiquent, de façon expresse et apparente, en leur page 3, que « la base de calcul des intérêts sera assise sur une année de 360 jours » ;

Qu'en présence d'une telle mention, claire et intelligible pour les emprunteurs mêmes dénués de toute compétence particulière en matière bancaire, il y a lieu de retenir que le seul examen de l'acte permettait à Monsieur et Madame X. de constater le recours au calcul des intérêts par la banque selon le procédé dit de «l'année lombarde», de sorte que le point de départ de la prescription quinquennale de l'action tendant à l'annulation des intérêts conventionnels sur ce fondement doit également être fixé à la date de la signature de l'offre du prêt numéro 7002XX63, soit le 20 juillet 2004 ; qu'il s'ensuit nécessairement que l'action formée à cet égard par l'assignation devant le premier juge selon acte d'huissier du 2 mai 2018 apparaît également prescrite ;

Qu'en conséquence de ce qui précède, il y aura lieu de confirmer le jugement rendu le 25 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Bourges ayant déclaré irrecevables comme prescrites les demandes présentées par Monsieur et Madame X. tendant à l'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels sur les deux fondements précités ;

 

II) Sur la demande formée, en cause d'appel, par Monsieur et Madame X. au titre du caractère abusif de la clause relative à l'usage de l'année bancaire pour le calcul des intérêts conventionnels :

Attendu qu'en cause d'appel Monsieur et Madame X. demandent à la cour de dire nulle et de nul effet et partant non écrite la clause de stipulation d'intérêts insérée au contrat numéro 7002XX63 et de dire en conséquence que le taux d'intérêt légal se substituera au taux initialement convenu ;

Qu'ils rappellent que selon l'article L. 212-1 du code de la consommation, « dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat» et qu'en application de l'article L. 111-1 du même code, « avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et des biens ou services concernés, le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 (…) » ;

Que les appelants font principalement valoir, à cet égard, que la disposition du contrat de prêt selon laquelle « la base de calcul des intérêts sera assise sur une année de 360 jours » présente un caractère abusif au sens des textes précités en ne leur permettant pas d'être à même de comprendre la différence existant entre ce mode de calcul des intérêts et celui résultant de l'utilisation d'une année civile de 365 jours, ce qui est de nature à générer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties à leur détriment ; qu'ils invoquent, plus précisément, la recommandation numéro 05-02 de la Commission des clauses abusives et l'application de celle-ci aux prêts immobiliers par l'arrêt rendu le 8 octobre 2019 par la cour d'appel de Besançon ;

 

A) Sur la recevabilité de la demande formée à cet égard :

Attendu que selon l'article 564 du code de procédure civile, « à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait » ; que l'article 565 du même code précise que «les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent» ;

Qu'il convient en conséquence de déterminer si la prétention formée en cause d'appel au titre des clauses abusives tend aux mêmes fins que les prétentions soumises à l'appréciation du premier juge ;

Qu'il y a lieu d'observer, à cet égard, qu'aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 19 mars 2019, Monsieur et Madame X. ont demandé au tribunal de grande instance de Bourges de «prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts contractuelle» figurant dans le prêt numéro 7002XX63 ;

Qu'en cause d'appel, et sur le fondement des dispositions du code de la consommation précitées, ils demandent à la cour de «dire et juger nulle et de nul effet et partant non écrite la clause de stipulation d'intérêts insérée au contrat de prêt» ;

Attendu que les demandes soumises à l'appréciation du premier juge et de la cour visent toutes deux la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt contractuel, de sorte qu'elles doivent être considérées, au sens de l'article 565 précité, comme tendant aux mêmes fins ;

Qu'il s'ensuit que la demande formée à cet égard à hauteur d'appel devra nécessairement être déclarée recevable ;

 

B) Sur le bien-fondé de cette demande :

Attendu que selon la recommandation numéro 05-02 de la Commission des clauses abusives publiée au BOCCRF le 20 septembre 2005 dont se prévalent les appelants, une clause prévoyant le calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année de 360 jours, qui ne tient pas compte de la durée réelle de l'année civile et qui ne permet pas au consommateur d'évaluer le surcoût qui est susceptible d'en résulter à son détriment, est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ;

Que dans cette recommandation, ladite Commission «recommande que soient éliminées des conventions de compte de dépôt souscrites par des consommateurs ou non professionnels, les clauses ayant pour objet ou pour effet (…) de permettre à l'établissement de crédit de calculer les intérêts sur une année de 360 jours sans que le consommateur soit mis à même d'en apprécier l'incidence financière (…) » ;

Mais attendu que cette recommandation, applicable aux seules conventions de compte de dépôt, dont le calcul des intérêts est effectué en jours, ne paraît pas transposable aux opérations de prêt immobilier dont les remboursements présentent un caractère mensuel ; qu'il s'ensuit que les appelants ne peuvent utilement invoquer la présomption issue de cette recommandation dans le cadre du litige soumis à l'appréciation de la cour ;

Qu'il appartient, dès lors, à Monsieur et Madame X. de rapporter la preuve, en application de l'article L. 212-1 du code de la consommation précité, que la clause relative au calcul des intérêts sur une année de 360 jours a eu pour objet ou pour effet de créer à leur détriment un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au contrat ;

Mais attendu, d'une part, que les appelants ne rapportent aucunement la preuve de l'existence et de l'ampleur du surcoût qui aurait été engendré à leur détriment par l'utilisation de l'année lombarde et que, d'autre part, le prêt immobilier conclu entre les parties étant remboursable par mensualités, le calcul des intérêts prenant pour base le mois normalisé ou la fraction d'année aboutit au même résultat que le rapport 30/360, le recours à l'année lombarde demeurant sans incidence sur le montant des intérêts lorsque ces derniers sont calculés mensuellement et non sur une période inférieure à un mois ;

Attendu, en effet, que l'examen du tableau d'amortissement (pièce numéro 1 du dossier de l'appelant) permet de constater que le montant des intérêts prélevés est similaire à celui résultant de l'application d'un calcul sur la base du mois normalisé tel qu'il est défini à l'article R 313-1 du code de la consommation selon lequel «un mois normalisé compte 30,411666 jours (c'est-à-dire 365/12), que l'année soit bissextile ou non» et, notamment par exemple :

- échéance numéro 40 : montant prélevé des intérêts : 72.803,89 x 4,91 % x 30,41666 / 365 = 297,89 €

- échéance numéro 92 : montant prélevé des intérêts : 56 670,61 x 4,91 % x 30,41666 / 365 = 231,88 € ;

Qu'en conséquence, la demande formée en cause d'appel par Monsieur et Madame X. au titre du caractère abusif de la clause d'usage de l'année lombarde ne pourra qu'être rejetée, faute pour ces derniers de rapporter la preuve que ladite clause aurait eu pour objet ou pour effet de créer à leur détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au prêt immobilier ;

 

III) Sur les autres demandes :

Attendu que l'équité commandera de condamner Monsieur et Madame X., qui supporteront la charge des entiers dépens d'appel, à verser à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire une indemnité de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés par l'intimée dans le cadre de la présente instance ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

- Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

- Déboute Monsieur et Madame X. de leur demande formée au titre du caractère abusif de la clause relative à l'usage de l'année lombarde dans le calcul des intérêts du prêt immobilier numéro 7002XX63 ;

- Les condamne à verser à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire une indemnité de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel et dit qu'il pourra être fait application des dispositions de l'article 699 du même code.

L'arrêt a été signé par M. SARRAZIN, Président, et par Mme MINOIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,                   LE PRÉSIDENT,

A. MINOIS                           L. SARRAZIN