CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA BOURGES (ch. civ.), 22 octobre 2020

Nature : Décision
Titre : CA BOURGES (ch. civ.), 22 octobre 2020
Pays : France
Juridiction : Bourges (CA), ch. civ.
Demande : 19/00478
Date : 22/10/2020
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 16/04/2019
Référence bibliographique : 6184 (clause usuelle), 6216 (prestations de services, restauration collective), 6232 (suites d’une force majeure), 6236 (résiliation unilatérale sans manquement), 6234 (durée du contrat, droit de résiliation unilatérale), 6242 (juridictions spécialisées)
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 8612

CA BOURGES (ch. civ.), 22 octobre 2020 : RG n° 19/00478 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Attendu par ailleurs qu'il n'apparaît pas établi que soient réunies les conditions prévues à l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce selon lequel « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (…) de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » dès lors qu'il n'est pas contesté que le dédommagement sollicité par l'appelante correspond à environ 1,25 % du montant total du contrat exécuté depuis le 16 mai 1997, ce qui exclut tout déséquilibre significatif au sens du texte précité ».

 

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 22 OCTOBRE 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/00478. N° Portalis DBVD-V-B7D-DE53. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de BOURGES en date du 12 février 2019.

 

PARTIES EN CAUSE :

I - SAS COMPASS GROUP FRANCE

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social : [...], [...], N° SIRET : XXX, Représentée par Maître Hervé R. de la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS, avocat au barreau de BOURGES, Plaidant par Maître Nathalie S. R., avocat au barreau de PARIS, substituée à l'audience par sa collaboratrice Maître Alexandra P. - timbre fiscal acquitté, APPELANTE suivant déclaration du 16/04/2019

 

II - SASU SIGNALL CENTRE FRANCE

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social : [...], [...], N° SIRET : YYY, Représentée par Maître Philippe M. de la SCP G. & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES, plaidant par Maître Valérie B., avocat au barreau de PARIS - timbre fiscal acquitté, INTIMÉE

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 2 septembre 2020 en audience publique, la Cour étant composée de : M. WAGUETTE Président de Chambre, M. PERINETTI Conseiller, entendu en son rapport, Mme CIABRINI Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme GUILLERAULT

ARRÊT : CONTRADICTOIRE ; prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Exposé :

Selon contrat de gestion en date du 16 mai 1997, la société Centre Français de Restauration (CFR), aux droits de laquelle vient la société Compass Group France, s'est vu confier par la société APIA, aux droits de laquelle vient la société Signall Centre France, le fonctionnement de son service de restauration situé [...].

Selon les termes de l'article 3.2 alinéa 2 de ce contrat, il était stipulé qu'en cas de fermeture de l'établissement, un préavis de 6 mois devait être observé par le client afin que CFR puisse rechercher et proposer une nouvelle affectation au personnel touché, sous peine de supporter l'intégralité des frais de licenciement.

En outre, il était prévu à l'article 12 que la rupture du contrat à l'initiative de la société APIA, du fait de l'arrêt définitif ou de la suspension de l'activité, indifféremment sa cause, y compris la force majeure, emporterait dédommagement des pertes, charges et dommages justifiés subis par CFR et notamment les charges salariales inhérentes à la rupture des contrats de travail du personnel.

Par courrier reçu le 16 septembre 2016, la société Compass Group France a été informée de l'arrêt du service de restauration au sein de l'entreprise et de la fin du contrat à l'expiration du délai défini contractuellement.

Elle a accusé réception le 17 février 2017 de cette résiliation du contrat de gestion avec effet au 16 mars 2017 et a indiqué que dans l'éventualité où aucune proposition de reclassement ne serait acceptée par l'un ou l'autre des deux salariés, elle réclamerait indemnisation des frais liés à la rupture de leur contrat de travail.

La société Signall Centre France s'est opposée à cette demande en estimant qu'elle procédait d'une interprétation erronée de l'article 12 et qu'en tout état de cause cette clause ne pouvait s'appliquer dans la mesure où elle s'apparentait à un engagement perpétuel.

La facture de 33.494,18 € émise le 12 mai 2017 consécutivement aux licenciements des salariés n'a, ainsi, pas été honorée.

Par acte du 15 novembre 2017, la SAS Compass Group France a assigné la SASU Signall Centre France devant le tribunal de commerce de Bourges au visa des articles 1134, 1147, 1154 et 1254 anciens du Code civil, des articles 1103, 1104, 1231-1, 1343-1 et 1343-2 du même code ainsi que de l'article L. 441-6 du code de commerce, afin d'obtenir sa condamnation, à titre principal, à lui verser la somme de 33.494,18 € outre pénalités de retard correspondant au taux conventionnel de 1,5 fois le taux d'intérêt légal ainsi que 40 € correspondant à l'indemnité forfaitaire due par facture impayée ainsi que la somme de 5.683,16 € à titre d'indemnité complémentaire s'agissant des frais de recouvrement exposés et, à titre subsidiaire, la somme de 5.683,13 €.

Par jugement rendu le 12 février 2019, le tribunal de commerce, disant l'article 12 alinéa 2 du contrat réputé non écrit et vu la résiliation non fautive du contrat de gestion par la société Signall, a :

- Débouté la SAS Compass Group France de l'intégralité de ses prétentions

- Débouté la SASU Signall Centre France de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive

- Condamné la SAS Compass Group France à verser à la SASU Signall Centre France la somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le tribunal a principalement considéré, en effet, que :

- il est constant qu'à l'occasion de la résiliation du contrat de gestion pour cause d'arrêt du service de restauration, la société Signall a observé le préavis prévu à l'article 3.2 du contrat

- pour autant, le prestataire entend obtenir le paiement des frais de licenciement du personnel procédant de cette décision en vertu de l'article 12 alinéa 2 du contrat

- selon l'article 1189 du Code civil, les stipulations contractuelles doivent s'apprécier dans leur globalité et le doute doit profiter au client selon les articles 1188 et 1190

- à la lecture du premier alinéa de l'article 12 ainsi que de son intitulé, ce texte paraît concerner la rupture opérée par suite d'une inexécution du contrat par CFR et paraît contraire à l'article 3.2

- le cumul de pareilles clauses de sortie donnant lieu à une sanction financière en dehors de tout manquement rend l'engagement perpétuel, lequel est prohibé ; il crée par ailleurs un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties

- en outre, à défaut de détermination certaine du montant ou des modalités de calcul de la contrepartie afférente à la résiliation du contrat, elle ne saurait être analysée en une indemnité de résiliation

- en conséquence l'article 12 doit être considéré comme non écrit

- en l'absence de faute de la société Signall à l'occasion de la dénonciation de la convention, et conformément aux règles de droit commun de l'article 1211 du Code civil, il y a lieu de rejeter les demandes de la société Compass.

[*]

La société Compass Group France, régulièrement appelante de cette décision, demande à la cour, dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 16 décembre 2019 de :

- Vu les articles 1134, 1147, 1154 et 1254 anciens et 1103, 1104, 1231-1, 1343-2, 1343-1 et 1780 nouveau du Code civil, ainsi que les articles 31, 39, 49, 92 et 380 du code de procédure civile et l'article L. 441-6 devenu L 441-10 du code de commerce, de :

- Infirmer le jugement entrepris

Et, statuant à nouveau :

- La déclarer recevable et bien fondée en ses demandes

- Condamner la société Signall Centre France à lui verser la somme de 33.494,18 € à titre principal, outre les pénalités de retard correspondant au taux conventionnel de 1,5 fois le taux d'intérêt légal, intérêts courant à compter du lendemain de l'échéance impayée jusqu'à complet paiement

Subsidiairement :

- Renvoyer à la juridiction administrative compétente la question préjudicielle relative à la facturation de l'indemnité de résiliation et en conséquence l'assujettissement de cette somme à la TVA et surseoir à statuer sur le seul montant de 5.582,36 € correspondant au montant de TVA sur la somme globale de 33.494,18 €

- Condamner la société Signall Centre France à lui verser le surplus, soit la somme de 27.911,82 € en précisant qu'il s'agit d'une somme hors taxes

En tout état de cause :

- Condamner la société Signall Centre France à lui verser la somme de 40 € correspondant à 1 fois l'indemnité forfaitaire de 40 € due par facture impayée

- Condamner la société Signall Centre France à lui verser une indemnité complémentaire des frais de recouvrement puisque ceux exposés sont supérieurs au montant de l'indemnité forfaitaire, soit la somme de 8.766,81 €

- Dire que tous paiements effectués par la société Signall Centre France s'imputeront par priorité sur les intérêts du conformément à l'ancien article 1254 et du nouvel article 1343-1 du Code civil

- Dire que les intérêts échus produiront intérêts en application des articles 1154 ancien et 1343-2 nouveau du Code civil

- Débouter la société Signall Centre France de toutes ses demandes

- Subsidiairement, si la cour ne lui accordait pas d'indemnité complémentaire pour les frais de recouvrement exposés, condamner la société Signall Centre France à lui verser la somme de 8.766,81 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

[*]

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 16 décembre 2019, la société Signall Centre France, intimée, demande quant à elle à la cour de :

À titre principal :

- Déclarer irrecevable la demande de la société Compass Group France de surseoir à statuer et de renvoyer la question de l'assujettissement de la facture à la TVA à la juridiction administrative

- Confirmer la décision dont appel

- Dire qu'elle a mis un terme au contrat du 16 mai 1997 conformément aux dispositions de l'article 3.2 de ce dernier

- Dire qu'elle n'a commis aucun manquement

- Dire que la société Compass Group France n'est pas fondée à invoquer les dispositions de l'article 12 alinéa 2 du contrat du 16 mai 1997

- Dire que cet article est contraire au principe de prohibition des engagements perpétuels

- Dire qu'il constitue un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties

- Dire qu'il constitue une condition potestative

- Dire que l'article 12 alinéa 2 doit donc être réputé non écrit

- Dire que tant le contrat du 16 mai 1997 que les dispositions de l'avenant numéro 3 de la convention collective pour le personnel des entreprises de restauration impose le maintien des contrats de travail des chefs gérant et de cuisine par le prestataire, la société Compass Group France

- Dire qu'elle ne saurait être tenue au paiement d'une indemnité au titre de la rupture des contrats de travail des chefs gérant et de cuisine de la société Compass

- Débouter en conséquence la société Compass Group France de toutes ses demandes

À titre subsidiaire :

- Dire que la société Compass Group France n'est pas fondée à émettre une facture soumise à TVA dès lors qu'elle sollicite le règlement d'une indemnité contractuelle

- Annuler en conséquence la facture du 12 mai 2017

- Dire que les dispositions de l'article L. 441-6 devenu L. 441-10 du code de commerce ne sont pas applicables

- Dire en conséquence que la société Compass Group France n'est pas fondée à solliciter un taux d'intérêt conventionnel courant à compter de l'émission

- Dire que la société Compass Group France n'est pas fondée à solliciter le remboursement de ses frais d'avocat

- Débouter la société Compass Group France de toutes ses demandes

- Dire que l'article 12 alinéa 2 est une clause pénale

- Dire qu'il serait excessif de mettre à sa charge le montant total des indemnités légales de rupture des salariés de la société Compass Group France

- Dire que les dispositions de l'article 12 alinéa 2 ne sont pas applicables dès lors que les salariés ont refusé la proposition de reclassement qui leur a été faite

- Dire que les dispositions de cet article ne sont pas applicables dès lors que la société Compass Group France ne rapporte pas la preuve qu'elle n'avait aucune autre solution de reclassement

- Réduire l'indemnité contractuelle à une somme symbolique

À titre reconventionnel :

- Condamner la société Compass Group France à lui verser la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive

- La condamner également à lui verser la somme de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

[*]

L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 décembre 2019.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI :

Attendu qu'il résulte de l'article 1189 alinéa premier du Code civil que toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier ;

Attendu que selon l'article 3.2 du « contrat de gestion » conclu le 16 mai 1997 entre la société APIA et la société Centre Français de Restauration, « à l'expiration du présent contrat pour quelque cause que ce soit et à quelque titre que ce soit, il sera fait application de la Convention Collective Nationale pour le Personnel des Entreprises de Restauration de Collectivités, en cas de successeur dans le marché confié à C.F.R. En cas de fermeture de l'établissement ou d'arrêt du service de restauration, le client s'engage à prévenir C.F.R. 6 mois avant la fermeture. C.F.R. devra durant les 6 mois, rechercher et proposer au personnel affecté au service de restauration du client une affectation dans d'autres établissements gérés par C.F.R. En cas de non-respect de cette clause, le client supportera la totalité des frais de licenciements du personnel concerné. Dans tous les cas, le client s'oblige à ne pas reprendre ni faire reprendre par un tiers le chef gérant, chef de cuisine pendant une période de vingt-quatre mois à compter de la cessation du présent contrat, ou à verser à C.F.R. six mois de salaires et charges sociales salariales et patronales incluses » ;

Que selon l'article 12 de ce même contrat, intitulé « exonération de responsabilité », les parties sont convenues que : « l'exécution du présent contrat sera suspendue de plein droit et sans formalité et la responsabilité de C.F.R. ne sera pas engagée en cas de survenance d'événements indépendants de la volonté de C.F.R. et empêchant l'exécution du présent contrat dans des conditions normales. En cas de rupture du présent contrat du fait de l'arrêt définitif ou de la suspension de l'activité de restauration à l'initiative du client ou du fait de son personnel (grève, …), quelle que soit la cause de cet arrêt de suspension de fonctionnement [sic], même si elle présente le caractère juridique de force majeure, le client s'engage à dédommager C.F.R. des pertes, charges et dommages dûment justifiés que C.F.R. aurait subis à ce titre, et notamment, en raison de toutes charges salariales supportées conséquemment à la rupture des contrats de travail du personnel de C.F.R. affecté au service du client » ;

Attendu qu'après avoir rappelé que conformément aux articles 1188 alinéa 2 et 1190 du Code civil (1162 ancien), le contrat de gré à gré devait s'interpréter, dans le doute, contre le créancier et en faveur du débiteur, le premier juge a estimé que l'article 12 du contrat semblait concerner la rupture opérée par suite d'une inexécution de la convention par C.F.R. et apparaissait contraire à l'article 3.2 ;

Mais attendu qu'il résulte de la lecture de l'article 12 dont les termes ont été mentionnés supra que cette clause concerne, d'une part en son alinéa premier, l'hypothèse d'une suspension de plein droit du contrat avec exonération de responsabilité de C.F.R. lors de la survenance d'événements indépendants de la volonté de cette dernière empêchant l'exécution du contrat dans des conditions normales et, en son second alinéa, l'hypothèse distincte de la rupture du contrat du fait, notamment, de l'arrêt définitif de l'activité de restauration à l'initiative de la société APIA aux droits de laquelle vient l'intimée - hypothèse dans laquelle C.F.R. a vocation à obtenir, sur justification, l'indemnisation des pertes, charges et dommages en raison notamment de toutes charges salariales supportées conséquemment à la rupture des contrats de travail de son personnel affecté au service du client ;

Que cette seconde hypothèse correspond aux éléments de fait du dossier, dès lors qu'il est constant que par un courrier non daté reçu le 16 septembre 2016 (pièce numéro 6 du dossier de l'appelante), Monsieur X., directeur de site à la société APIA Centre, a pris l'initiative d'arrêter l'activité de restauration concernée dans les termes suivants : « (…) Nous avons rapidement constaté que ce contrat datant de 1997 n'était pas viable en raison de son coût et des travaux qui devaient être envisagés dans le local de restauration ainsi que de la baisse du nombre de salariés. Nous vous avons donc immédiatement informé que nous envisagions de rompre ce contrat. (…) En conséquence, conformément à l'article 3.2 du contrat du 16 mai 1997, nous vous informons que nous procédons à l'arrêt du service de restauration au sein de notre entreprise et que dans ces conditions nous mettons un terme au contrat qui nous lie avec un préavis de 6 mois courant à réception de la présente (…) » ;

Attendu, d'autre part, que l'article 3.2. rappelé ci-dessus concerne, en son premier alinéa, l'hypothèse de l'expiration du contrat avec présence d'un successeur dans le marché confié - auquel cas il doit être fait application de la Convention collective nationale pour le personnel des entreprises de restauration de collectivités - et, en son second alinéa, l'hypothèse d'une fermeture de l'établissement ou d'un arrêt du service de restauration dans laquelle il incombe au client de prévenir le prestataire 6 mois auparavant à charge pour ce dernier de rechercher et de proposer au personnel affecté au service de restauration une affectation dans les autres établissements qu'il gère ; que les parties sont convenues, dans cette seconde hypothèse, qu'en l'absence de ce préavis de 6 mois, le client devrait supporter la totalité des frais de licenciement du personnel concerné ;

Qu'il apparaît, dès lors, que les termes des articles 3.2. et 12 du contrat du 16 mai 1997 ne présentent aucunement un caractère contradictoire mais, de surcroît, apparaissent en conformité avec les usages de la profession dès lors qu'il résulte du second alinéa de l'article 4.2 du modèle de contrat proposé en cette matière par le SNRC (syndicat national de la restauration collective) que : « si le client fermait définitivement son restaurant et si le restaurateur n'avait pas la possibilité d'affecter ce personnel à l'exécution d'un autre contrat de restauration, le client remboursera au restaurateur les indemnités de ruptures légales et conventionnelles versées aux salariés dans le cadre de leur licenciement ainsi que les frais annexes en découlant » (pièce numéro 33 du dossier de la société appelante) ;

Attendu en outre que s'il résulte de l'article 1210 alinéa premier nouveau et 1780 ancien du Code civil que les engagements perpétuels sont prohibés et que chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour les contrats à durée indéterminée, il convient d'observer qu'il résulte des articles 11.1 et 11.2 du contrat litigieux que « le présent contrat prend effet le 16 mai 1997. Il est conclu pour une période indéterminée. Il pourra être dénoncé par chacune des parties, à tout moment pour une fin de mois calendaire à la condition expresse de prévenir l'autre partie 3 mois à l'avance, par lettre recommandée avec accusé de réception. Le présent contrat pourra être résilié de plein droit et sans formalité si bon semble à l'une des parties, un mois après l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception restée en tout ou partie sans effet pendant ce délai, au cas d'inexécution par l'une des parties de l'une quelconque de ses obligations contractuelles » ; que l'obligation de dédommagement prévue à l'article 12 du contrat est subordonnée à l'existence d'une double condition cumulative tenant, d'une part, à l'arrêt du service de restauration et, d'autre part, au caractère infructueux des moyens mis en œuvre par le prestataire en vue d'une réaffectation ou d'un reclassement des salariés concernés ;

Attendu, en outre, qu'en application des dispositions contractuelles il appartient à C.F.R. de justifier des recherches effectuées pendant le préavis de 6 mois en vue de proposer au personnel affecté au service de restauration du client une affectation dans les autres établissements qu'il gère, la décision d'acceptation ou de refus d'une telle proposition relevant de la seule appréciation des salariés concernés, et non pas de la société appelante ; que le caractère potestatif de la clause figurant dans l'article 12 du contrat, tel que prohibé par l'article 1174 ancien du Code civil, ne se trouve dès lors nullement caractérisé ;

Attendu par ailleurs qu'il n'apparaît pas établi que soient réunies les conditions prévues à l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce selon lequel « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (…) de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » dès lors qu'il n'est pas contesté que le dédommagement sollicité par l'appelante correspond à environ 1,25 % du montant total du contrat exécuté depuis le 16 mai 1997, ce qui exclut tout déséquilibre significatif au sens du texte précité ;

Qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que c'est à tort que le premier juge a considéré l'article 12 du contrat comme non écrit et a rejeté la demande formée à ce titre par la société Compass en raison de l'absence de faute pouvant être reprochée la société Signall dans le cadre de la résiliation du contrat ;

Que la société Compass justifie, par ailleurs, par les pièces 12, 13 et 14 de son dossier, des lettres de licenciement adressées aux deux salariés concernés, en l'occurrence Mme Y. et M. Z., des bulletins de paie de ces derniers et de la facture établie le 12 mai 2017 (pièce numéro 15) au titre du coût des licenciements de ces derniers pour 27.911,82 € hors-taxes, 5.582,36 € au titre de la TVA soit un total de 33.494,18 € TTC ; qu'il est, de la même façon, justifié (pièces numéros 10 et 11 du dossier de la société Compass) des courriers adressés par celle-ci aux deux salariés concernés le 6 mars 2017 leur proposant un reclassement professionnel à Vierzon, Issoudun, Tours, Bourges et Nevers dans des postes de cuisinier à temps partiel, commis de cuisine, second de cuisine, assistante administrative dans un groupe scolaire et chef gérante au Crédit Agricole ; qu'il apparaît que les deux salariés concernés ont coché le 10 mars 2017 la case « je refuse les propositions », de sorte qu'il ne saurait être utilement reproché à l'appelante de ne pas avoir mené loyalement la procédure de licenciement de Madame Y. et de Monsieur Z. ;

Attendu que selon l'article 256 alinéa premier du code général des impôts « sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel » ; que l'indemnité résultant de l'application de l'article 12 du contrat, tendant au dédommagement de C.F.R. des pertes, charges et dommages subis en cas d'arrêt définitif de l'activité de restauration, ne saurait être assimilée, au sens de ce texte, à une somme constituant la contrepartie d'une prestation de services, de sorte qu'elle ne se trouve pas soumise à l'application de la TVA, sans qu'il ne soit nécessaire, à cet égard, de renvoyer à la juridiction administrative la question préjudicielle relative audit assujettissement ;

Qu'il y aura lieu, en conséquence, de limiter la somme allouée au titre de l'article 12 du contrat à la société Compass au montant de 27.911,82 €, correspondant au coût hors taxes des deux licenciements ; qu'il doit être remarqué, à cet égard, que l'article 12 de la convention litigieuse ne saurait être considéré comme une clause pénale susceptible de modération au sens de l'article 1152 ancien du Code civil selon lequel « lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre », dès lors que la stipulation litigieuse ne saurait trouver application que lorsque le service de restauration se trouve définitivement fermé et que la poursuite du contrat est donc matériellement impossible et ne vise donc pas à sanctionner l'inexécution de ses obligations par une partie ;

Qu'il conviendra en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Signall à verser à la société Compass la somme de 27.911,82 € au titre du dédommagement stipulé par les parties à l'article 12 du contrat du 16 mai 1997 ;

Que c'est toutefois à tort que l'appelante sollicite que ladite somme porte intérêts au taux conventionnel de 1,5 fois le taux d'intérêt légal conformément aux dispositions de l'article 7-4 dudit contrat, dès lors que cette clause - faisant suite à la clause 7-3 prévoyant que «les fournitures, services, feront l'objet d'une facturation mensuelle, émise par C.F.R. dès la fin du mois civil et adressée au client» n'apparaît applicable qu'à l'absence de paiement à l'échéance des factures relatives aux fournitures et services résultant des stipulations contractuelles, et à l'exclusion de l'indemnité résultant de l'article 12 du contrat;

Que, pour les mêmes raisons, la société Compass ne peut valablement solliciter le versement d'une indemnité forfaitaire de 40 € « par facture impayée » en application de l'article D. 441-5 du code de commerce ainsi que d'une indemnité complémentaire de 8.806,81 € au titre des frais de recouvrement qu'elle a dû exposer sur le fondement de l'article L. 441-6 du même code, lequel ne saurait trouver application qu'en cas de retard « après la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée » conformément au premier alinéa de cet article et non pas en cas de retard de règlement d'une indemnisation contractuellement fixée ;

Qu'en conséquence, la somme de 27.911,82 € allouée par la cour portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt ; qu'il y aura lieu de dire, conformément au nouvel article 1343-2 du Code civil, que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts ;

Que compte tenu de l'infirmation du jugement entrepris, et de l'octroi en cause d'appel d'une indemnité hors taxes au profit de la société Compass en application de l'article 12 du contrat litigieux, la demande de la société Signall tendant à l'octroi de dommages-intérêts pour procédure abusive devra nécessairement être rejetée ;

Que l'équité commandera, enfin, d'allouer à la société Compass une indemnité de 3.000 € au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer dans le cadre de la présente instance ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

- Infirme le jugement entrepris,

Et, statuant à nouveau :

- Condamne la société Signall Centre France à verser à la société Compass Group France la somme de 27.911,82 € avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt ;

- Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts ;

- Rejette les demandes formées par la société Compass Group France tendant au renvoi à la juridiction administrative de la question préjudicielle relative à l'assujettissement à la TVA de la somme de 27.911,82 € ;

- Déboute la société Compass Group France de ses demandes tendant à la condamnation de la société Signall Centre France au paiement d'une indemnité forfaitaire de 40 € et d'une indemnité complémentaire au titre des frais de recouvrement exposés sur le fondement de l'article L. 441-6 devenu L. 441-10 du code de commerce ;

- Déboute la société Signall Centre France de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que de sa demande formée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejette toutes autres demandes, plus amples ou contraires ;

- Condamne la société Signall Centre France à verser à la société Compass Group France une indemnité de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'arrêt a été signé par M. WAGUETTE, Président, et par Mme GUILLERAULT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,                               LE PRÉSIDENT,

V. GUILLERAULT                        L. WAGUETTE