CA RIOM (3e ch. civ. com.), 4 novembre 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8635
CA RIOM (3e ch. civ. com.), 4 novembre 2020 : RG n° 19/01083
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Si les intérêts conventionnels et l'indemnité de résiliation ne peuvent être réclamés par la caution sur le fondement du recours subrogatoire qui est limité au seul remboursement des sommes effectivement acquittées par la caution et aux intérêts au taux légal courant sur cette somme à compter du paiement, la CEGC est fondée à se prévaloir, dans le cadre de son recours personnel, de stipulations contractuelles lui prévoyant que l'emprunteur sera tenu envers la caution du paiement de ces intérêts et indemnité. En l'espèce, l'article 14 des conditions générales du prêt souscrit par Madame X. stipule qu'en cas de défaillance de l'emprunteur dans le remboursement du prêt et consécutivement, d'exécution par la caution de son obligation de règlement, la caution exercera son recours contre l'emprunteur conformément aux dispositions de l'article 2304 du code civil, sur simple production d'une quittance justifiant du règlement effectué. De convention expresse, l'emprunteur et la caution conviennent que le recours de cette dernière portera également sur le recouvrement des intérêts au taux conventionnel prévu au présent prêt ainsi que sur tous ses accessoires. L'indemnité d'exigibilité anticipée prévue à l'article 19 du contrat de prêt, d'un montant de 7 % des sommes dues au titre du capital restant dû, des intérêts échus et non payés et le cas échéant des intérêts de retard, constitue un accessoire au sens de l'article 14 précité. »
2/ « Madame X. soutient que l'article 19 du contrat de prêt constituerait une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, sans préciser en quoi consisterait l'abus allégué. La pénalité stipulée étant conforme aux dispositions de l'article R. 312-3 du code de la consommation, la clause ne saurait être considérée comme instituant une indemnité manifestement disproportionnée et créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de l'emprunteur. »
COUR D’APPEL DE RIOM
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE RÉUNIES
ARRÊT DU 4 NOVEMBRE 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/01083. N° Portalis DBVU-V-B7D-FHBX. Sur APPEL d'une décision rendue le 6 mai 2019 par le Tribunal de grande instance de CUSSET (R.G. n° 19/00024).
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, M. François KHEITMI, Conseiller, Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller,
En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
APPELANTE :
Mme X.
[...], [...], [...], Représentant : Maître Mohamed K., avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2019/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)
ET :
INTIMÉE :
La société COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS
SA immatriculée au RCS de Nanterre sou le n° YYY, [...], [...], Représentant : la SCP H.-B.-C.-F., avocats au barreau de CUSSET/VICHY
DÉBATS : Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, à l'audience publique du 10 deptembre 2020, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame XHALBOS, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRÊT : Prononcé publiquement le 4 novembre 2020 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Suivant offre préalable acceptée le 17 mars 2010 la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE D'AUVERGNE ET DU LIMOUSIN a consenti à Madame X. un prêt immobilier d'un montant de 70.000 euros remboursable sur 180 mois hors phase de préfinancement au taux de 4,40 % l'an, sous la garantie du cautionnement fourni par la SA COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS (CEGC).
La CAISSE D'ÉPARGNE s'est prévalue de la déchéance du terme le 17 août 2018 et a sollicité de la CEGC le paiement d'une somme de 40.150,24 euros, soit 38.396,37 euros au titre du capital restant dû et 1.753,87 euros au titre des échéances impayées, somme réglée le 26 septembre 2018 selon quittance subrogative du même jour.
Après vaine mise en demeure en date du 3 octobre 2018, la CEGC a fait assigner Madame X. devant le tribunal de grande instance de Cusset aux fins d'obtenir la condamnation de la défenderesse à lui payer les sommes de :
- 40.150,24 euros au titre du recours personnel,
- 2.863,76 euros au titre du recours subrogatoire, outre intérêts au taux contractuel de 4,40 % à compter du 3 octobre 2018,
- 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Par jugement réputé contradictoire du 6 mai 2019 le tribunal de grande instance de Cusset a :
- condamné Madame X. à verser à la SA COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS les sommes de :
- 40.150,24 euros en principal outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 octobre 2018,
- 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné Madame X. aux dépens.
Madame X. a interjeté appel de cette décision le 29 mai 2019 et saisi la première présidente de la cour d'appel d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire, à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 25 juillet 2019.
[*]
Par conclusions déposées et notifiées le 13 novembre 2019, Madame X. demande à la cour de :
- dire et juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par Madame X. à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Cusset le 6 mai 2019,
- constater que Madame X. a toujours été de bonne foi,
- dire et juger qu'il y a lieu d'accorder à Madame X. les plus larges délais de paiement afin que celle-ci s'acquitte de l'intégralité de sa créance d'un montant de 40.150,24 euros à l'égard de la SA CEGC,
- dire et juger que pendant le cours des délais octroyés l'exercice de tout voie d'exécution sera suspendu,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la CEGC de sa demande tendant à obtenir la condamnation de Madame X. à lui payer et à lui porter la somme de 2.863,76 euros outre intérêts au taux contractuel de 4,40 % à compter du 3 octobre 2018 et jusqu'à parfait paiement sur la somme ayant fait l'objet du règlement quittancé,
- débouter la CEGC de ses autres demandes, fins et conclusions à l'encontre de Madame X.,
Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné Madame X. à payer et à porter à la SA CEGC une somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,
- débouter la CEGC de sa demande tendant à obtenir la condamnation de Madame X. à lui payer et à lui porter une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
[*]
Par conclusions déposées et notifiées le 16 avril 2020 la CEGC demande à la cour de :
- faire droit à l'ensemble des demandes, fins et conclusions présentées par la CEGC,
- déclarer recevable et bien fondé l'appel incident formé par la CEGC,
- débouter Madame X. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- en conséquence, réformant le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Cusset, condamner Madame X. à payer et porter à la CEGC les sommes de :
* 40.150,24 euros en principal outre intérêts au taux contractuel de 4,40 % à compter du 3 octobre 2018 et jusqu'à parfait paiement,
* 2.810,52 euros outre intérêts au taux contractuel de 4,40 % à compter du 3 octobre 2018 et jusqu'à parfait paiement,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Cusset dans toutes ses autres dispositions,
- en tout état de cause, condamner Madame X. à porter et payer à la SA CEGC la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure.
[*]
La procédure a été clôturée le 28 mai 2020.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur l'assiette du recours de la CEGC :
Madame X. ne conteste pas devoir la somme de 40 150,24 euros réglée en principal à la CAISSE D'ÉPARGNE par la CEGC selon quittance subrogative.
La CEGC sollicite en outre le paiement des intérêts au taux contractuels à compter de la mise en demeure du 3 octobre 2018 ainsi que de l'indemnité de résiliation de 7 % prévue au contrat de prêt.
La caution qui a payé la dette au créancier dispose contre le débiteur d'un recours personnel fondé sur l'article 2305 du code civil et d'un recours subrogatoire fondé sur l'article 2306 du même code. Elle peut exercer ces deux recours simultanément.
L'article 2305 dispose :
« La caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l'insu du débiteur.
Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais ; néanmoins la caution n'a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu'elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle.
Elle a aussi recours pour les dommages et intérêts s'il y a lieu. »
Aux termes de l'article 2306, la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur.
La CEGC fonde son recours, en cause d'appel, tant sur l'article 2305 que sur l'article 2306 du code civil, sans distribuer précisément, dans le dispositif de ses conclusions, tel fondement à tel chef de demande, comme elle le faisait en première instance.
Il s'ensuit que le bien fondé de chacun des chefs de demande peut être retenu au regard de l'un ou l'autre des textes invoqués.
Si les intérêts conventionnels et l'indemnité de résiliation ne peuvent être réclamés par la caution sur le fondement du recours subrogatoire qui est limité au seul remboursement des sommes effectivement acquittées par la caution et aux intérêts au taux légal courant sur cette somme à compter du paiement, la CEGC est fondée à se prévaloir, dans le cadre de son recours personnel, de stipulations contractuelles lui prévoyant que l'emprunteur sera tenu envers la caution du paiement de ces intérêts et indemnité.
En l'espèce, l'article 14 des conditions générales du prêt souscrit par Madame X. stipule qu'en cas de défaillance de l'emprunteur dans le remboursement du prêt et consécutivement, d'exécution par la caution de son obligation de règlement, la caution exercera son recours contre l'emprunteur conformément aux dispositions de l'article 2304 du code civil, sur simple production d'une quittance justifiant du règlement effectué. De convention expresse, l'emprunteur et la caution conviennent que le recours de cette dernière portera également sur le recouvrement des intérêts au taux conventionnel prévu au présent prêt ainsi que sur tous ses accessoires.
L'indemnité d'exigibilité anticipée prévue à l'article 19 du contrat de prêt, d'un montant de 7 % des sommes dues au titre du capital restant dû, des intérêts échus et non payés et le cas échéant des intérêts de retard, constitue un accessoire au sens de l'article 14 précité.
Madame X. soutient que l'article 19 du contrat de prêt constituerait une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, sans préciser en quoi consisterait l'abus allégué.
La pénalité stipulée étant conforme aux dispositions de l'article R. 312-3 du code de la consommation, la clause ne saurait être considérée comme instituant une indemnité manifestement disproportionnée et créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment de l'emprunteur.
Il sera fait droit aux demandes de la CEGC au titre des intérêts au taux contractuel et de l'indemnité de résiliation, le jugement étant réformé sur ce point, étant précisé que l'indemnité de résiliation porte intérêts au taux légal et non au taux contractuel.
Sur la demande de délais de paiements :
Madame X., qui a déjà bénéficié, de fait, d'un délai de deux ans depuis la mise en demeure qui lui a été adressée par la CEGC le 3 octobre 2018, sans effectuer le moindre règlement alors qu'elle ne conteste pas la dette en principal, ne justifie pas être en mesure de proposer un échéancier permettant le remboursement de sa dette dans un délai compatible avec les dispositions de l'article 1343-5 du code civil.
Sa demande de délais de paiement sera en conséquence rejetée.
Sur les dépens et frais irrépétibles :
La condamnation de Madame X. aux dépens et au paiement d'une indemnité de 600 euros pour frais irrépétibles prononcée par le premier juge est conforme aux dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile et sera confirmée.
Partie succombante en appel, Madame X. sera condamnée aux dépens, l'équité conduisant toutefois à ne pas prononcer de nouvelle condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Confirme le jugement dont appel en ce qu'il a :
- condamné Madame X. à verser à la SA COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS les sommes de :
- 40.150,24 euros en principal,
- 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Madame X. aux dépens,
L'infirme en ce qu'il a débouté la SA COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS de ses demandes au titre des intérêts au taux conventionnels et au titre de l'indemnité de résiliation, statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne Madame X. à payer à la COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES ET DE CAUTIONS :
- les intérêts au taux conventionnel de 4,40 % sur la somme de 40.150,24 euros à compter du 3 octobre 2018,
- la somme de 2.810,52 euros au titre de l'indemnité de résiliation, avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2018,
Déboute Madame X. de sa demande de délais de paiement,
Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne Madame X. aux dépens d'appel.
Le Greffier, Le Président,
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