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CA PARIS (pôle 5 ch. 10), 23 novembre 2020

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 10), 23 novembre 2020
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 10
Demande : 19/10527
Date : 23/11/2020
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 17/05/2019
Référence bibliographique : 5933 (domaine, véhicule), 6151 (application dans le temps), 6029 (négociation de la clause), 6279 (crédit-bail)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8664

CA PARIS (pôle 5 ch. 10), 23 novembre 2020 : RG n° 19/10527 

Publication : Jurica

 

Extrait : « La société Librairie du 51 et M. X. s'élèvent contre le fait qu'ils n'aient pu négocier les stipulations de l'article 6 « Résiliation » du contrat de crédit-bail du 2 juin 2016 et se réfèrent aux dispositions de l'article 1171 du code civil pour en dénoncer le caractère abusif. Mais cet article résulte de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, en vigueur au 1er octobre 2016, et de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018, en vigueur au 1er octobre 2018. Ces dispositions sont inapplicables au contrat conclu le 2 juin 2016.

L'article L. 212-1 du code de la consommation alors applicable dispose que « sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1188, 1189, 1191 et 1192 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution ».

Mais celui qui se prétend libéré doit justifier le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Or, il n'est pas fait mention par la société Librairie du 51 et M. X. de difficultés relatives au consentement des parties. Le prix de 35.750 euros pour le véhicule a été convenu entre M. X., gérant de société au revenu déclaré de 30.000 euros par an, et la société CM-CIC Bail. M. X. a été informé de ses obligations liées au règlement, à son éventuelle défaillance et aux conséquences d'une résiliation, signant un acte de caution solidaire accompagnant le contrat de crédit-bail. Ces stipulations claires et compréhensibles sont détaillées dans les conditions générales dont était assorti le contrat, revêtues de son paraphe. Il n'a pas exigé leur négociation préalable. Aucune ne figure dans la liste des clauses abusives figurant aux articles R. 212-1 et R. 212-2 du code de la consommation.

Par ailleurs, l'économie du contrat révèle que la contrepartie de la location du véhicule Honda a été librement fixée sous la forme du paiement de 60 mensualités de 781,40 euros Ttc, le bailleur prenant à sa charge l'achat du véhicule. Mais M. X. a manqué à ses obligations de locataire sans en justifier la raison. Les « tentatives de négociations » alléguées, la demande d'échéancier de paiement et sa situation en matière de revenus et de patrimoine sont absentes de son dossier. Les mises en demeure des 26 mai 2017, 11 août 2017 et 11 août 2017 (caution) sont restées sans effet. M. X. ne peut de ce fait invoquer le caractère abusif des stipulations du contrat du 2 juin 2016 et notamment son article 6. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 10

ARRÊT DU 23 NOVEMBR 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/10527 (5 pages). N° Portalis 35L7-V-B7D-B77NV. Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 mars 2019 - Tribunal de Commerce de PARIS – R.G. n° 2018025070.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

Domicilié [adresse], [...]

SARL LIBRAIRIE DU 51

Ayant son siège social [adresse], [...]

Représenté-es par Maître Dan N., avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 36

 

INTIMÉE :

SA CM CIC BAIL

Ayant son siège social [adresse], [...], N° SIRET : XXX, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Maryvonne EL A., avocat au barreau de PARIS

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Stanislas de CHERGÉ, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Edouard LOOS, Président, Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère, Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

La Sarl Librairie du 51 est spécialisée dans l'activité de librairie spécialisée, photos, cadeaux, import-export. M. X. en est le gérant. Immatriculée le 13 décembre 2013, la société a été radiée d'office le 17 avril 2018, au terme d'un délai de trois mois après la mention de cessation d'activité.

Par contrat du 2 juin 2016, la société Librairie du 51 a souscrit auprès de la société CM-CIC BailBail un contrat de crédit-bail portant sur un véhicule Honda d'un montant de 35.750 euros, remboursable par 60 mensualités de 781,40 euros Ttc. En garantie de ce contrat, M. X., gérant de la librairie du 51, s'est porté caution solidaire de ladite société.

La société Librairie du 51 ayant cessé de payer ses loyers à compter d'avril 2017, la société CM-CIC Bail l'a mis en demeure par courrier recommandé du 26 mai 2017 de régulariser sa situation et qu'à défaut sous huitaine le contrat serait résilié.

La société CM-CIC Bail a résilié le contrat et mis en demeure la société Librairie du 51 de payer la somme de 31.650 euros et de lui restituer le véhicule. Par courrier du même jour, la société CM-CIC Bail a mis en demeure M. X. en sa qualité de caution de régler la même somme.

Par acte du 18 avril 2018, la société CM-CIC Bail a assigné en paiement la société Librairie du 51 et M. X. devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 25 mars 2019, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la Sarl Librairie du 51 et M. X. de leurs exceptions de nullité ;

- débouté la Sarl Librairie du 51 et M. X. de leur fin de non-recevoir ;

- condamné solidairement la Sarl Librairie du 51 et M. X. à payer à la Sa CM-CIC Bail les sommes de 1.982,61 euros TTC au titre des loyers échus impayés augmentés de la somme de 45,70 euros d'intérêts moratoires et de 50 euros d'indemnité contractuelle, montants qui seront majorés des intérêts au taux légal à compter du 11 août 2017, déboute pour le surplus ;

- condamné solidairement la Sarl Librairie du 51 et M. X. à payer à la Sa CM-CIC Bail la somme de 28.000 euros sans TVA au titre des clauses pénales montant qui sera majoré des intérêts au taux légal à compter du 11 août 2017 déboute pour le surplus ;

- débouté la Sarl Librairie du 51 et M. X. de leur demande de délai de paiement ;

- condamné solidairement la Librairie du 51 et M. X. à payer à CM-CIC Bailla somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile, déboute pour le surplus,

- condamné solidairement la Librairie du 51 et M. X. aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 95,62 euros dont 15,72 euros de Tva ;

- ordonné l'exécution provisoire de sa décision.

Par déclaration du 17 mai 2019, la société Librairie du 51 et M. X. ont interjeté appel de ce jugement.

[*]

Par conclusions signifiées le 09 août 2019, la société Librairie du 51 et M. X. demandent à la cour de :

Vu les articles 1171 du code civil, 2 et 7 de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018, L. 721-3 du code de commerce, 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

À titre principal :

- juger la société CM-CIC Bail irrecevable en ses conclusions ;

- juger l'article 6 du contrat de crédit-bail liant M. X. à CM-CIC Bail comme étant une clause abusive ;

- débouter la société CM-CIC Bail de l'intégralité de ses demandes à titre subsidiaire :

- rapporter à de plus justes proportions l'intégralité des demandes de la société CM-CIC Bail.

À titre infiniment subsidiaire :

- accorder à M. X. des délais de paiement en tout état de cause :

- condamner la société CM-CIC Bail à verser à la société librairie du 51 la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société CM-CIC Bail entiers dépens de la présente instance.

[*]

Par conclusions signifiées le 30 août 2019, la société CM-CIC Bail demande à la cour de :

Vu les articles 1103, 1905 et suivants, 2288 et suivants et 1231-6 du code civil,

- déclarer la société Librairie du 51 et M. X. mal fondés en leur appel ;

- les débouter de toutes leurs conclusions.

- condamner solidairement la société Librairie du 51 et M. X. à payer à la société CM-CIC Bailla somme de 31.650,04 euros à majorer des intérêts au taux légal à compter du 11 août 2017 et jusqu'à parfait paiement ;

- les condamner solidairement au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner solidairement aux entiers dépens de première instance et d'appel.

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 septembre 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

La société Librairie du 51 et M. X. font valoir, sur le fondement de l'article 1171 du code civil dans sa version issue de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018, que certaines clauses du contrat doivent être déclarées non écrites au motif qu'elles sont abusives en ce qu'elles n'ont pu être négociées, déterminées à l'avance par l'une des parties ; qu'en conséquence, M. X. n'avait aucune marge de manœuvre ni aucun moyen de négocier la non-résiliation du contrat. Subsidiairement, la société Librairie du 51 et M. X. demandent à ce que la somme réclamée par la société CM-CIC Bail soit réduite à de plus justes proportions et un délai de paiement.

La société CM-CIC Bail fait valoir que la résiliation n'est pas discrétionnaire mais consécutive à un manquement contractuel, précédée d'une mise en demeure restée infructueuse ; qu'ainsi elle ne crée par de déséquilibre significatif entre les parties et ne peut dès lors recevoir la qualification de clause abusive. L'indemnité de résiliation est distincte de la clause pénale et ne peut être réduite. S'agissant de la clause pénale de 3.575 euros, la société CM-CIC Bail fait valoir qu'elle ne saurait être qualifiée d'excessive. La société CM-CIC Bail fait valoir, sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil, que faute de produire des éléments indiquant que la situation financière de la société Librairie du 51 et de M. X. puisse justifier un échelonnement des sommes dues, les conditions d'octroi du délai de paiement ne sont pas remplies.

Ceci étant exposé,

La société Librairie du 51 et M. X. s'élèvent contre le fait qu'ils n'aient pu négocier les stipulations de l'article 6 « Résiliation » du contrat de crédit-bail du 2 juin 2016 et se réfèrent aux dispositions de l'article 1171 du code civil pour en dénoncer le caractère abusif. Mais cet article résulte de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, en vigueur au 1er octobre 2016, et de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018, en vigueur au 1er octobre 2018. Ces dispositions sont inapplicables au contrat conclu le 2 juin 2016.

L'article L. 212-1 du code de la consommation alors applicable dispose que « sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1188, 1189, 1191 et 1192 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution ».

Mais celui qui se prétend libéré doit justifier le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Or, il n'est pas fait mention par la société Librairie du 51 et M. X. de difficultés relatives au consentement des parties. Le prix de 35.750 euros pour le véhicule a été convenu entre M. X., gérant de société au revenu déclaré de 30.000 euros par an, et la société CM-CIC Bail. M. X. a été informé de ses obligations liées au règlement, à son éventuelle défaillance et aux conséquences d'une résiliation, signant un acte de caution solidaire accompagnant le contrat de crédit-bail. Ces stipulations claires et compréhensibles sont détaillées dans les conditions générales dont était assorti le contrat, revêtues de son paraphe. Il n'a pas exigé leur négociation préalable. Aucune ne figure dans la liste des clauses abusives figurant aux articles R. 212-1 et R. 212-2 du code de la consommation.

Par ailleurs, l'économie du contrat révèle que la contrepartie de la location du véhicule Honda a été librement fixée sous la forme du paiement de 60 mensualités de 781,40 euros Ttc, le bailleur prenant à sa charge l'achat du véhicule. Mais M. X. a manqué à ses obligations de locataire sans en justifier la raison. Les « tentatives de négociations » alléguées, la demande d'échéancier de paiement et sa situation en matière de revenus et de patrimoine sont absentes de son dossier. Les mises en demeure des 26 mai 2017, 11 août 2017 et 11 août 2017 (caution) sont restées sans effet. M. X. ne peut de ce fait invoquer le caractère abusif des stipulations du contrat du 2 juin 2016 et notamment son article 6.

Enfin, la somme totale de 31.650 euros correspond aux loyers échus impayés, aux intérêts moratoires et aux frais de gestion, à l'indemnité de résiliation et à la clause pénale (fractions de 3 % de la valeur résiduelle du véhicule et de 10 % de la valeur d'achat du véhicule). Ce décompte est l'application des stipulations de l'article 6 « Résiliation » du contrat de crédit-bail du 02 juin 2016.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont condamné solidairement la Sarl Librairie du 51 et M. X. à payer à la Sa CM-CIC Bailles sommes de 1.982,61 euros Ttc au titre des loyers échus impayés, de 45,70 euros d'intérêts moratoires et de 50 euros d'indemnité contractuelle, majorées des intérêts au taux légal à compter du 11 août 2017, la somme de 28.000 euros sans Tva, majorée des intérêts au taux légal à compter du 11 août 2017, et débouté la Sarl Librairie du 51 et M. X. de leur demande de délai de paiement.

Le jugement déféré sera confirmé sur ces chefs.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement déféré ;

REJETTE toutes autres demandes ;

CONDAMNE solidairement la Sarl Librairie du 51 et M. X. à payer à la société CM-CIC Bailla somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE solidairement la Sarl Librairie du 51 et M. X. aux dépens.

LA GREFFIÈRE                 LE PRÉSIDENT

C. BURBAN                         E. LOOS