CA BASSE-TERRE (1re ch. civ.), 23 novembre 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8676
CA BASSE-TERRE (1re ch. civ.), 23 novembre 2020 : RG n° 18/01510 ; arrêt n° 501
Publication : Jurica ; Légifrance
Extraits : 1/ « Attendu cependant qu'aux termes de l'article L. 311-23 du code de la consommation dans sa version applicable en la cause : « Aucune indemnité ni aucuns frais autres que ceux mentionnés aux articles L. 311-24 et L. 311-25 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles » ; Qu'en application de cet article, il y a lieu de d'écarter les frais de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception d'un montant de 10,10 euros. »
2/ « Que la clause prévoyant une telle subrogation laisse faussement croire à l'emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, ce qui entrave l'exercice de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; Qu'ainsi cette clause doit dès lors être réputée non écrite comme abusive de sorte que la SA SOMAFI-SOGUAFI ne saurait utilement s'en prévaloir au soutien de sa demande de restitution. »
COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/01510. Arrêt n° 501. N° Portalis DBV7-V-B7C-DBAF. Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal d'instance de POINTE-A-PITRE, décision attaquée en date du 3 septembre 2018, enregistrée sous le R.G. n° 11-18-001439.
APPELANTE :
SA SOMAFI-SOGUAFI
Dossier n° 11201402628, SOMAFI-SOGUAFI / R. P. [...], [...], [...], Représentée par Maître Gérard PLUMASSEAU, (TOQUE 16) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
INTIMÉ NON REPRÉSENTÉ :
Monsieur X.
[...], [...], signification de la déclaration d'appel le 4 janvier 2019 et des conclusions et pièces le 5 février 2019 par dépôt en l'étude
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 799-3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 5 octobre 2020.
Par avis du 5 octobre 2020, le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de : Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre, Madame Christine DEFOY, conseillère, Madame Joëlle SAUVAGE, conseillère, qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 23 novembre 2020.
GREFFIER : Lors du dépôt des dossiers : Mme Esther KLOCK, greffière.
ARRÊT : Par défaut, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées. Signé par Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Selon offre préalable acceptée le 12 juin 2014, la société SOMAFI-SOGUAFI a consenti à M. X. une offre de crédit accessoire à la vente d'un véhicule d'un montant de 20.000 euros remboursable par 60 mensualités de 414,55 euros hors assurance facultative.
Suite à des incidents de paiement, la société a, en date du 20 novembre 2017, adressé à l'emprunteur, une lettre recommandée ayant pour objet la notification de la déchéance du terme valant mise en demeure de lui régler sous huit jours le montant total des sommes restant dues en principal, intérêts et indemnités soit : 10.436,87 euros selon décompte du 20 novembre 2017.
Par exploit d'huissier en date du 26 avril 2018, la SA SOMAFI-SOGUAFI a fait assigner M. X. devant le tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre pour obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 10.022,32 euros, la somme de 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de l'instance. Elle sollicitait en outre que la restitution du véhicule soit ordonnée.
Selon jugement rendu le 3 septembre 2018, le tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre a :
- constaté que l'action en paiement de l'offre de prêt acceptée le 12 juin 2014 est atteinte par la forclusion ;
- déclaré irrecevable l'action engagée par la SA SOMAFI-SOGUAFI contre M. X. ;
- débouté la SA SOMAFI-SOGUAFI du surplus de ses demandes ;
- débouté la SA SOMAFI-SOGUAFI de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SA SOMAFI-SOGUAFI au paiement des dépens.
Par déclaration en date du 21 novembre 2018, la SA SOMAFI-SOGUAFI a interjeté appel de ce jugement.
Par actes d'huissier de justice délivrés les 4 janvier 2019 et 5 février 2016 par dépôt à l'étude, elle a respectivement signifié sa déclaration d'appel et ses conclusions à M. X. et l'a assigné à comparaître devant la cour.
M. X., intimé, n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 octobre 2019.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Les dernières conclusions déposées le 7 janvier 2019 par l'appelante auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, peuvent se résumer ainsi qu'il suit.
La société SOMAFI-SOGUAFI demande de réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :
- dire et juger que son action est recevable ;
- condamner M. X. à lui payer la somme de 10.022,32 euros avec les intérêts au taux conventionnel de 7,89 % ;
- ordonner en outre à M. X. de restituer à la SA SOMAFI-SOGUAFI le véhicule objet du contrat ;
- condamner M. X. à payer à la requérante la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner le même au paiement des dépens distraits au profit de Me Plumasseau.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l'action en paiement au titre du prêt à la consommation :
Attendu qu'aux termes de l'article R. 312-35 du code de la consommation, le tribunal d'instance connaît des litiges nés de l'application des dispositions du présent chapitre ; les actions en paiement engagées devant lui à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par :
- le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;
- ou le premier incident de paiement non régularisé ;
- ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d'un contrat de crédit renouvelable ;
- ou le dépassement, au sens du 13° de l'article L. 311-1, non régularisé à l'issue du délai prévu à l'article L. 312-93 ;
Qu'en l'espèce, il ressort de l'extrait de compte client du 6 février 2018, que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu à la 25ème échéance, prélevée le 10 août 2016 ;
Qu'il en ressort que l'instance introduite par assignation du 14 juin 2018 a bien été formée dans les deux ans après le premier incident de paiement non régularisé de sorte que l'action en paiement engagée par la SOMAFI-SOGUAFI à l'encontre de M. X. au titre du prêt du 12 juin 2014 n'est pas atteinte par la forclusion ;
Qu'il y a lieu, en conséquence, d'infirmer le jugement déféré.
Sur la demande en paiement au titre du prêt à la consommation :
Attendu qu'aux termes de l'alinéa premier de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en application de l'article L. 311-24 du code de la consommation dans sa version applicable en la cause, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ;
Qu'en l'espèce, la société SOMAFI-SOGUAFI produit notamment l'offre de contrat de crédit signée le 12 juin 2014, la consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) en date du 3 juin 2014, la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs, la fiche de dialogue (revenus et charges) et la lettre recommandée du 20 novembre 2017 ayant pour objet la notification de la déchéance du terme valant mise en demeure de lui régler sous huit jours le montant total des sommes restant dues ;
Que d'une part, ces documents prouvent l'obligation dont le prêteur réclame l'exécution en ses principe et montant ;
Que d'autre part, il en résulte que le prêteur justifie avoir satisfait à ses obligations d'informations précontractuelles prévues par les articles L. 311-6 et suivants du code de la consommation dans leur version applicable en la cause ainsi qu'à son obligation de consultation du FICP prévue par l'article L. 311-9 du même code ;
Que le dernier décompte arrêté au 7 novembre 2018 présente - après déduction d'un acompte de 1.850 euros - une dette globale de 8.182,42 euros comprenant la somme de 1.658,20 euros au titre du solde impayé sur les mensualités échues, le capital restant dû d'un montant de 7.744,56 euros, l'indemnité conventionnelle de 8 % s'élevant à 619,56 euros et des frais de la lettre recommandée d'un montant de 10,10 euros ;
Attendu cependant qu'aux termes de l'article L. 311-23 du code de la consommation dans sa version applicable en la cause : « Aucune indemnité ni aucuns frais autres que ceux mentionnés aux articles L. 311-24 et L. 311-25 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles » ;
Qu'en application de cet article, il y a lieu de d'écarter les frais de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception d'un montant de 10,10 euros ; Qu'en conséquence, il conviendra de condamner M. X. à verser à la société SOMAFI-SOGUAFI la somme de 8.172,32 euros augmentée des intérêts à compter du 20 novembre 2017 jusqu'au jour du règlement effectif, au taux contractuel de 7,89 % sur la somme de 7.552,76 euros et au taux légal sur la somme de 619,56 euros.
Sur la demande de restitution du véhicule :
Attendu que la société SOMAFI-SOGUAFI sollicite que soit ordonnée la restitution du véhicule à l'organisme prêteur en application de la clause de réserve de propriété prévue au contrat ;
Qu'en effet l'offre de crédit acceptée le 12 juin 2014 comporte la stipulation d'une clause de réserve de propriété au profit du vendeur avec subrogation conventionnelle au profit du prêteur : « conformément à l'article 1250, 1° du code civil, le prêteur qui a réglé le solde du prix de vente est subrogé dans tous les droits et actions du vendeur nés de la présente clause de réserve de propriété, et ce, jusqu'au remboursement complet de sa créance» ;
Attendu cependant que selon l'article 1250, 1° du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, dispose que le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d'une tierce personne ;
Qu'en l'espèce, n'apparaît pas être l'auteur du paiement le prêteur qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l'acquisition d'un véhicule, ce client étant devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur ;
Qu'il s'ensuit qu'apparaît donc inopérante la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété du véhicule, sur le fondement de l'article 1250, 1° du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;
Que dès lors, le fait que l'intimé a signé la stipulation d'une clause de réserve de propriété portant les mentions plus haut rappelées et accepté la subrogation ne saurait, à raison du caractère inopérant de cette subrogation consentie par le vendeur, justifier la demande de restitution du véhicule ;
Que la clause prévoyant une telle subrogation laisse faussement croire à l'emprunteur, devenu propriétaire du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, ce qui entrave l'exercice de son droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à son détriment, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;
Qu'ainsi cette clause doit dès lors être réputée non écrite comme abusive de sorte que la SA SOMAFI-SOGUAFI ne saurait utilement s'en prévaloir au soutien de sa demande de restitution ;
Qu'en conséquence, il y a lieu de débouter la société SOMAFI-SOGUAFI de sa demande de restitution du véhicule objet du contrat de prêt.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Attendu que l'intimé qui succombe sera condamné au paiement des dépens d'appel ;
Que l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par défaut, par arrêt prononcé par mise à disposition au greffe ;
Infirme le jugement rendu le 3 septembre 2018 par le tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre ;
Et statuant à nouveau,
Condamne M. X. à verser à la société SOMAFI-SOGUAFI la somme de 8.172,32 euros augmentée des intérêts à compter du 20 novembre 2017 jusqu'au jour du règlement effectif, au taux contractuel de 7,89 % sur la somme de 7.552,76 euros et au taux légal sur la somme de 619,56 euros ;
Déboute la société SOMAFI-SOGUAFI de sa demande de restitution du véhicule objet du contrat de prêt ;
Déboute la société SOMAFI-SOGUAFI de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. X. au paiement des dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Gérard Plumasseau en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Et ont signé le présent arrêt;
la greffière, la présidente,
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