CA PARIS (15e ch. sect. A), 21 octobre 2003
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 872
CA PARIS (15e ch. sect. A), 21 octobre 2003 : RG n° 2002/01434
Publication : Juris-Data n° 227878
Extrait : « Les dispositions relatives à la liquidation d'office des engagements en cas d'insuffisance de la couverture sont mentionnées à l'article 6 de la convention d'ouverture de compte et dans la note d'information sur le MONEP ; [elles] ne constituent pas des clauses abusives au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation ».
COUR D’APPEL DE PARIS
QUINZIÈME CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2003
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : 2002/01434. Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 2 novembre 2001 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS 15ème Ch. RG n° : 2000/58697.
APPELANTE :
LA SOCIETE CIC SECURITIES ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE EIFB SA
prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège [adresse], représentée par Maître TEYTAUD, avoué à la Cour, assistée de Maître D'ANTIN EMMANUEL, Toque P010, Avocat au Barreau de PARIS, pl. p., la SCP FOUCAUD-TCHEKHOFF-POCHET ET ASSOCIES
INTIMÉE :
LA SARL MDB 2000
prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège [adresse], représentée par la SCP HARDOUIN, avoué à la Cour
[minute page 2]
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 septembre 2003, en audience publique, l'avocat de l'appelante ne s'y étant pas opposé, devant Madame GIROUD, Conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte de la plaidoirie dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame CANIVET, Président, Madame GIROUD, Conseiller, Madame DAVID, Conseiller appelé d'une autre Chambre, afin de compléter la Cour.
Greffier lors des débats : Madame HOUDIN
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par Madame GIROUD, Conseiller, - signé par Madame CANIVET, Président, et par Madame HOUDIN, greffier présent lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par jugement du 2 novembre 2001, auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la procédure, le tribunal de commerce de Paris a donné acte à la société MDB 2000 qu'elle renonçait à demander mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée entre les mains du Crédit Agricole du Gard et qu'elle reconnaissait la compétence territoriale du tribunal ; il a condamné la société MDB 2000 à payer à la société EUROPÉENNE D'INTERMÉDIATION FINANCIÈRE ET BOURSIÈRE (EIFB) la somme de 971.070,47 Francs, soit 148.038,74 euros, montant du soldé débiteur de son compte ; il a condamné la société EIFB à rembourser à la société MDB 2000 la somme de 542.392,27 Francs, soit 82.687,17 euros, correspondant aux frais de courtage ; en conséquence de la compensation, il a condamné la société MDB 2000 à payer à la société EIFB la somme de 428.678,20 Francs, soit 65.351,57 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la publication du jugement ; il a débouté les parties de toutes leurs autres prétentions.
La société CIC SECURITIES, nouvelle dénomination de la société EIFB, a formé un appel limité aux dispositions du jugement la condamnant au [minute page 3] paiement de la somme de 82.687,17 euros ; la société MDB 2000 a relevé appel incident.
Dans ses dernières écritures, la société CIC SECURITIES expose qu'elle a ouvert un compte-titres au nom de la société MDB 2000, laquelle avait confié un mandat de transmission d'ordres à la société de gestion MICHAUX GESTION ; elle fait valoir que, les positions prises par la société MDB 2000 sur le MONEP n'étant pas suffisamment couvertes, elle a procédé à leur liquidation d'office le 6 janvier 2000, conformément à la réglementation en vigueur ; elle conteste avoir méconnu son obligation d'information et soutient que, en sa qualité de teneur de compte conservateur négociateur, elle n'était pas tenue d'une obligation de conseil et de renseignement ; elle conteste les autres fautes qui lui sont imputées, à savoir le non respect du délai de 7 jours prévus par l'article 3 du règlement 97-02 de la COB et le non respect de la réglementation lors des opérations de liquidation ; elle souligne que Monsieur X., signataire de la convention de compte-titres pour la société EIFB, avait qualité et pouvoir pour engager celle-ci ; quant aux frais de courtage, elle prétend que la société MDB 2000 en a eu connaissance lors de l'ouverture du compte, puis par les relevés de compte et les avis d'opéré pour chaque opération effectuée.
En conséquence, la société CIC SECURITIES demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à rembourser la somme de 82.687,17 euros, de dire que les frais de courtage figurant sur les relevés de compte de la société MDB 2000 sont bien dus par cette société, de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société MDB 2000 à lui payer la somme de 148.038,74 euros, de le confirmer également en ce qu'il a débouté la société MDB 2000 de ses demandes d'annulation de l'ouverture du compte et des opérations de liquidation ainsi que de sa demande en dommages-intérêts, de déclarer irrecevable et mal fondée la demande nouvelle en dommages-intérêts pour préjudice subi du fait de la saisie conservatoire qui relève de la seule compétence du juge de l'exécution, de débouter la société MDB 2000 de toutes ses prétentions et de la condamner à lui verser l'indemnité de 3.050 euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures, la société MDB 2000 allègue que les soldes débiteurs enregistrés par les comptes ne sont que le fruit des fautes successives de la société EIFB ; elle invoque la nullité du contrat d'ouverture de compte et la nullité subséquente de toutes les opérations qui sont intervenues ; elle reproche à la société EIFB de ne pas lui avoir remis la note d'information sur le MONEP, d'avoir reçu des ordres et des fonds avant l'expiration du délai de 7 jours courant à compter de la remise de cette note, de ne jamais l'avoir mise en garde sur les risques encourus, d'avoir vendu d'autorité ses avoirs en se fondant sur des décisions du Conseil des Marchés, homologuées par des arrêtés qui sont contraires aux dispositions de l'article 34 de la constitution et doivent donc être déclarés illégaux, et d'avoir procédé « n'importe comment » à la liquidation de ses positions, la clôture du marché au 7 janvier 2000 démontrant [minute page 4] qu'elle n'avait plus besoin de couverture ; elle prétend encore qu'aucune convention n'a été passée sur la tarification des frais de courtage. En conséquence, la société MDB 2000 demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 148.038,74 euros à la société EIFB, de déclarer irrecevable sa demande en validité de saisie conservatoire, de déclarer nulles les conventions conclues entre les parties, de déclarer illégales les opérations de liquidation d'office effectuées par la société EIFB et inopposables les dispositions contractuelles qui lui sont objectées, de juger que la société EIFB ne peut prétendre à des frais de courtage et de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à rembourser la somme de 82.687,17 euros, de condamner la société EIFB à lui payer,, outre cette somme, celles de 92.825 euros pour perte de chance avec intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2000, 30.489,80 euros en réparation de ses préjudices financier et moral, 7.622,45 euros en réparation du préjudice subi du fait de la saisie conservatoire injustifiée, et 7.622,45 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; elle demande, en tant que de besoin, la compensation entre les créances réciproques.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Considérant que le 6 mai 1999, la société MDB 2000 a demandé l'ouverture d'un compte à la société EIFB ; qu'à la même date, elle a signé une convention de compte par laquelle elle confiait à la société EIFB la mission d'exécuter pour son compte les ordres sur différents marchés, dont le MONEP, et elle a donné procuration à Monsieur Y. avec pouvoir de donner tous ordres de bourse, d'acquérir, souscrire et vendre tous titres ; qu'il résulte de l'attestation de mandat de transmission d'ordres, datée également du 6 mai 1999, que la société MDB 2000 a signé avec la société MICHAUX GESTION un mandat de transmission d'ordres pour son compte ; que le 10 mai 1999, la société EIFB a ouvert un compte-titres au nom de la société MDB 2000 ; que celle-ci a ensuite passé de nombreux ordres de bourse sur le MONEP ; qu'à plusieurs reprises, entre le 23 novembre 1999 et le 4 janvier 2000, la société EIFB lui a demandé de reconstituer la couverture requise, ce qui a été fait ; mais que le 5 janvier 2000, la société EIFB a averti la société MDB 2000 que ses positions sur le MONEP étaient à nouveau insuffisamment couvertes pour une somme de 86.000 euros, lui a demandé de régulariser l'insuffisance de couverture et lui a rappelé, qu'à défaut, elle serait contrainte de procéder à la liquidation d'office de ses engagements dès le 6 janvier 2000 ; que le 5 janvier 2000, la société MDB 2000 lui a répondu qu'elle n'avait plus actuellement de disponibilités pour alimenter son compte ; que le 6 janvier 2000, la société EIFB a confirmé à la société MDB 2000 qu'elle procédait à la liquidation d'office de ses engagements ; qu'il est résulté de cette liquidation un solde débiteur de 971.070,47 Francs, soit 148.038,74 euros, que la société MDB 2000 a refusé de payer ; que le 28 avril 2000, la société EIFB a obtenu l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire de valeurs mobilières sur un compte de la [minute page 5] société MDB 2000 dans les livres du Crédit Agricole du Gard ; que cette saisie, effectuée le 25 mai 2000, n'a permis de bloquer que la somme de 1.404,51 Francs ;
1) Sur la demande au titre du solde débiteur du compte :
Considérant que la société MDB 2000, pour soulever la nullité de la convention d'ouverture de compte, invoque en premier lieu les dispositions de l'article 21 de l'arrêté du 6 janvier 1997 selon lesquelles toute gestion de portefeuille doit donner lieu à l'établissement préalable d'une convention écrite ; mais que ce texte n'est pas applicable en l'espèce, aucun mandat de gestion n'ayant été donné à la société EIFB qui est intervenue seulement en qualité de teneur de compte ;
Considérant que la société MDB 2000 se réfère ensuite à l'article 58 de la loi de modernisation des activités financières prévoyant que les règles de bonne conduite qu'elle énonce sont appliquées en tenant compte de la compétence professionnelle en matière d'investissement de la personne à laquelle le service d'investissement est rendu ; qu'elle allègue que « les contrats sont tous postérieurs à l'exécution et non préalables » ; qu'elle prétend que c'est seulement par lettre du 31 mai 1999 reçue le 4 juin 1999, que la société MICHAUX GESTION lui a transmis l'exemplaire de la convention d'ouverture de compte, « contresigné par un certain Max X. dont on ne sait absolument pas à quel titre et en vertu de quel pouvoir cette personne engage l'EIFB » ; qu'elle soutient que la note d'information sur le MONEP ne lui a jamais été remise ; qu'elle ajoute que les dispositions contractuelles autorisant la liquidation d'office ou informant de son existence lui sont inopposables, comme abusives par application de l'article L. 321-1 du code de la consommation [N.B. : conforme à la minute, lire sans doute L. 132-1] ;
Mais considérant qu'il est justifié par le registre des signatures autorisées que Monsieur X. disposait des pouvoirs pour engager la société EIFB, que le 6 mai 1999, la société MDB 2000, en la personne de son gérant, a signé la convention d'ouverture de compte et une attestation distincte dont l'objet est l'ouverture de dossiers MONEP ; que sa signature sur cette attestation est précédée de la mention manuscrite « J'ai pris connaissance de la note d'information relative au MONEP, aux opérations qui s'y font et aux engagements qui m'incomberont du fait de ma participation à ces opérations », qu'il en résulte que la note d'information relative au MONEP lui a bien été remise à cette date ; qu'il importe peu qu'aucun exemplaire paraphé de sa main ne soit produit ; qu'il n'incombait pas à la société EIFB, alors que le dossier était devenu contentieux, de communiquer à l'avocat de la partie adverse la réglementation applicable notamment à la liquidation d'office ; que la note d'information sur le MONEP contenant des renseignements suffisants sur les [minute page 6] risques encourus, la société EIFB n'avait pas à adresser de mise en garde ou de conseil au donneur d'ordre ; que les dispositions relatives à la liquidation d'office des engagements en cas d'insuffisance de la couverture sont mentionnées à l'article 6 de la convention d'ouverture de compte et dans la note d'information sur le MONEP ; qu'elles ne constituent pas des clauses abusives au sens de l'article L. 321-1 du code de la consommation [N.B. : conforme à la minute, lire sans doute L. 132-1] ;
Considérant que la société MDB 2000 reproche à la société EIFB de n'avoir pas respecté le délai de 7 jours prévu par l'article 3 du règlement 97-02 de la COB, stipulant que, si le donneur d'ordre n'intervient pas sur le marché à titre de profession habituelle, le prestataire de service d'investissement ne peut recevoir d'ordres ni de fonds avant qu'un délai de 7 jours suivant la remise de la note d'information se soit écoulé ; qu'elle précise qu'elle n'est jamais intervenue sur le marché à titre de profession habituelle, qu'elle exerce l'activité de marchand de biens et que son gérant est artisan coiffeur ; mais qu'il résulte des statuts de la société MDB 2000 que son objet social ne se limite pas à l'activité de marchand de biens ; qu'il s'étend à la recherche de toutes sources de financements, à l'investissement sous toutes ses formes et la gestion de patrimoine, y compris de façon directe ou indirecte à la gestion de trésorerie sur les marchés financiers et boursiers ; que ses statuts ainsi que les ordres de bourse passés en nombre et en montant importants pendant 7 mois établissent qu'elle est intervenue sur le marché à titre de profession habituelle ; qu'en tout état de cause, il apparaît que les premiers fonds déposés par la société MDB 2000 n'ont été portés au crédit de son compte que le 14 mai 1999 et que le premier ordre de bourse n'a été exécuté que le 17 mai 1999, soit après expiration du délai de 7 jours ;
Considérant que la société MDB 2000 prétend que la réglementation prévoyant la liquidation d'office en cas d'insuffisance de la couverture serait contraire à la constitution, comme portant atteinte au droit de propriété ; mais considérant que l'obligation de couverture des opérations est édictée dans l'intérêt de l'intermédiaire et de la sécurité du marché ; que la réglementation prévoyant la liquidation d'office des engagements en cas d'insuffisance de la couverture est parfaitement valable ; que la société MDB 2000 ne démontre en aucune façon que la liquidation de ses engagements serait intervenue de façon irrégulière ;
Considérant, en conséquence, que la société MDB 2000 est redevable du solde débiteur de son compte ; que toutes ses demandes en nullité des conventions et en dommages-intérêts sont mal fondées ;
[minute page 7]
Sur la demande au titre des frais de courtage :
Considérant que la société EIFB a perçu des frais de courtage correspondant, d'une part à sa rémunération pour l'exécution des ordres de bourse, d'autre part aux commissions dues à l'entreprise de marché, qui était alors MONEP SA, et qu'elle devait lui reverser ; que l'article 10 de la convention de compte du 6 mai 1999 stipule que les services fournis par EIFB seront facturés selon le barème joint en annexe, que le titulaire accepte les termes de ces conditions tarifaires, et s'engage à supporter les commissions et frais en vigueur à ce jour ; que pendant 7 mois, la société MDB 2000 a reçu les relevés de son compte comportant les débits relatifs aux frais de courtage et les avis d'opéré détaillant le montant de ces frais générés par l'exécution des ordres, sans alors élever la moindre protestation ou réserve ; qu'il résulte de ces éléments que la société MDB 2000, qui s'était engagée à payer les frais de courtage et qui les a réglés, ne peut en obtenir restitution ;
Sur les demandes en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
Considérant que la société MDB 2000, qui succombe en toutes ses prétentions, doit supporter les dépens et ne peut prétendre à indemnité pour frais irrépétibles ; qu'elle devra verser l'indemnité de 3.050 euros, de ce chef, à la société CIC SECURITIES ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Constate que la société EIFB est désormais dénommée CIC SECURITIES,
Réforme le jugement en ce qu'il a condamné la société EIFB à rembourser à la société MDB 2000 la somme de 82.687,17 euros, au titre des frais de courtage,
Statuant à nouveau, dit que les frais de courtage figurant sur les relevés de compte de la société MDB 2000 sont bien dus par elle,
Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société MDB 2000 à payer à la société EIFB la somme de 148.038,74 euros,
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société MDB 2000 de ses demandes en annulation de l'ouverture de compte et des opérations de liquidation, ainsi que de ses demandes en dommages-intérêts,
Déboute la société MDB 2000 de l'intégralité de ses demandes,
[minute page 8] Condamne la société MDB 2000 à payer l'indemnité de 3.000 euros à la société CIC SECURITIES, en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne la société MDB 2000 aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
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