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CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 21 janvier 2021

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 21 janvier 2021
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 18/02995
Date : 21/01/2021
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 2/02/2018
Référence bibliographique : 5721 (L. 212-1, obligation de relever d’office), 5716 (crédit à la consommation, obligation de relever d’office), 5725 (R. 632-1, relevé d’office, prescription), 6083 (crédit, bordereau de rétractation)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8764

CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 21 janvier 2021 : RG n° 18/02995 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive ; en revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Si le contrat litigieux est antérieur à la mise en application de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, il faut néanmoins observer que les dispositions de droit interne précitées sont en cohérence avec la Directive n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les crédits à la consommation, qui consacre dans sa lecture par la Cour de justice de l'Union européenne le rôle du juge dans le respect des dispositions d'un ordre public économique européen.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie, sans être enfermé dans quelque délai.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 311-8 à L. 311-19 anciens du code de la consommation dans leur rédaction applicable au litige.

La demande tendant à faire déclarer prescrit le moyen soulevé entraînant la déchéance du droit aux intérêts contractuels, est par conséquent rejetée. »

2/ « Selon l'article R. 311-7, le formulaire détachable de rétractation prévu à l'article L. 311-15 est établi conformément au modèle type joint en annexe. Il ne peut comporter au verso aucune mention autre que le nom et l'adresse du prêteur. S'agissant de dispositions d'ordre public, il est admis qu'il appartient au prêteur de justifier de l'exécution des obligations qui lui incombent.

La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs, doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à ce qu'en raison d'une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par cette directive. Elle précise qu'une clause type figurant dans un contrat de crédit ne compromet pas l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national, elle implique seulement que le consommateur atteste de la remise qui lui a été faite du document concerné, qu'une telle clause constitue un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents et que le consommateur doit toujours être en mesure de faire valoir qu'il n'a pas été destinataire de ce document ou que celui-ci ne permettait pas au prêteur de satisfaire aux obligations lui incombant.

En l'espèce, M. X. a porté sa signature sous une clause qui mentionne : « Après avoir pris connaissance des conditions particulières et générales de l'offre, je reconnais rester en possession d'un exemplaire de cette offre dotée d'un formulaire détachable de rétractation ». Il a également coché une case par laquelle il a déclaré souhaiter recevoir ses fonds le huitième jour (suivant la signature de l'offre) et dans le cas contraire, recevoir ses fonds à l'expiration du délai de rétractation de 14 jours.

Le prêteur produit un document qui apparaît comme un original du contrat qui porte la mention « à découper suivant les pointillés » au-dessus d'un emplacement destiné au bordereau de rétractation. Pour autant, il n'explique pas pourquoi ce bordereau aurait été détaché de l'exemplaire du contrat qu'il a conservé et il ne produit pas le texte du bordereau qui aurait pu être remis à l'emprunteur.

Dès lors, au-delà de la clause-type pré-imprimée signée par l'emprunteur, le prêteur ne fournit aucun élément de nature à étayer la conformité de ce bordereau aux dispositions réglementaires précitées.

Il échoue donc à établir qu'il a satisfait à ses obligations, la clause signée par M. X. dont l'appelante se prévaut, ne constituant qu'un indice et non une preuve.

C'est donc à bon droit que le premier juge a prononcé la déchéance du droit de la banque à percevoir les intérêts au taux contractuel, nonobstant le visa erroné de l'article L. 311-33 du code de la consommation non applicable au litige. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9 - A

ARRÊT DU 21 JANVIER 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02995 (5 pages). N° Portalis 35L7-V-B7C-B473O. Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 décembre 2017 - Tribunal d'Instance de BOBIGNY – R.G. n° 11-17-001188.

 

APPELANTE :

La société CREATIS, SA

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, N° SIRET : XXX, [...], [...], représentée par Maître Olivier H. de la SELARL H. K. H. H., avocat au barreau de l'ESSONNE

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], [adresse], [...], DÉFAILLANT

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 décembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Agnès BISCH, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, Mme Agnès BISCH, Conseillère.

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT : - DÉFAUT - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par acte sous seing privé du 27 juillet 2009, M. X. a contracté auprès de la société Créatis, un prêt personnel d'un montant de 14.500 euros remboursable en 120 mensualités moyennant un taux d'intérêt annuel de 7,27 %.

Saisi le 20 juin 2016 par la société Créatis d'une action tendant principalement à la condamnation de l'emprunteur au paiement du solde restant dû à compter de la mise en demeure, le tribunal d'instance de Bobigny, par jugement réputé contradictoire du 12 décembre 2017, auquel il convient de se reporter, a :

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Créatis au titre du prêt souscrit par M. X. le 27 juillet 2009, à compter de cette date,

- condamné M. X. à payer à la société Créatis la somme de 3.583 euros au titre du prêt du 27 juillet 2009, sous déduction à venir des intérêts au taux légal dus par le prêteur,

- rappelé qu'en application de l'article L. 311-33 du code de la consommation, les intérêts réglés à tort par M. X. produisent intérêt au taux légal à compter du jour de leur paiement et viennent en déduction de la somme due au prêteur,

- dit que la somme due par M. X. sera en conséquence réduite du montant des intérêts au taux légal sur les intérêts perçus par le prêteur à compter du jour de leur paiement, à charge pour la société Creatis de procéder à ce calcul avant la mise à exécution de la présente décision,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné M. X. à payer à la société Créatis la somme de 150 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamner M. X. aux entiers dépens de l'instance,

- rappelé que le présent jugement sera non avenu s'il n'est pas notifié dans les 6 mois de sa date.

Par une déclaration du 2 février 2018, la société Créatis a relevé appel de cette décision.

[*]

Dans ses conclusions remises 10 avril 2018, la société Créatis demande à la cour :

- de la déclarer recevable et fondée en ses demandes et conclusions d'appel,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels et a minoré le quantum de la créance à l'égard de M. X.,

- de dire n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts, sanction irrecevable comme prescrite et en tout état de cause mal fondée,

- de condamner M. X. à payer la somme de 10.606,10 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,27 % l'an à compter de la mise en demeure du 15 mars 2016,

- de condamner M. X. à lui payer la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de le condamner aux dépens de première instance et d'appel.

L'appelante fait valoir, au visa de l'article L. 110-4 du code de commerce, que l'offre de prêt datant du 27 juillet 2009, la possibilité de soulever d'office la déchéance du droit aux intérêts est prescrite.

A titre subsidiaire, elle soutient qu'aucune disposition légale n'impose que le bordereau de rétraction figure sur l'offre destinée à être conservée par le prêteur.

[*]

M. X. n'a pas constitué avocat, bien que la déclaration d'appel et les conclusions appelantes lui aient été régulièrement signifiées le 10 avril 2018, conformément aux dispositions de l'article 656 du code de procédure civile.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 septembre 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, en l'absence du défendeur, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010.

 

Sur la prescription :

En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive ; en revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Si le contrat litigieux est antérieur à la mise en application de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, il faut néanmoins observer que les dispositions de droit interne précitées sont en cohérence avec la Directive n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les crédits à la consommation, qui consacre dans sa lecture par la Cour de justice de l'Union européenne le rôle du juge dans le respect des dispositions d'un ordre public économique européen.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie, sans être enfermé dans quelque délai.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 311-8 à L. 311-19 anciens du code de la consommation dans leur rédaction applicable au litige.

La demande tendant à faire déclarer prescrit le moyen soulevé entraînant la déchéance du droit aux intérêts contractuels, est par conséquent rejetée.

 

Sur la déchéance du droit aux intérêts :

L'article L. 311- 33 ancien du code de la consommation dispose que le prêteur est déchu du droit aux intérêts, lorsqu'il ne satisfait pas aux conditions d'informations précontractuelles prévues par les articles énumérés et contenus dans le code de la consommation.

Le tribunal a prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels en ayant considéré qu'à l'instar de l'offre de crédit qui doit être émise en double exemplaire, il doit en être de même du bordereau de rétractation détachable, mais que la société Créatis n'ayant pas produit cet exemplaire du bordereau, elle manque à la preuve qui lui incombe et qui n'est pas rapportée par la seule clause selon laquelle l'emprunteur reconnaît être en possession du formulaire détachable de rétractation.

L'article L. 311-15 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, dispose que l'emprunteur peut, dans un délai de sept jours à compter de son acceptation de l'offre, revenir sur son engagement. Pour permettre l'exercice de cette faculté de rétractation, un formulaire détachable est joint à l'offre préalable.

Selon l'article R. 311-7, le formulaire détachable de rétractation prévu à l'article L. 311-15 est établi conformément au modèle type joint en annexe. Il ne peut comporter au verso aucune mention autre que le nom et l'adresse du prêteur.

S'agissant de dispositions d'ordre public, il est admis qu'il appartient au prêteur de justifier de l'exécution des obligations qui lui incombent.

La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs, doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à ce qu'en raison d'une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par cette directive.

Elle précise qu'une clause type figurant dans un contrat de crédit ne compromet pas l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national, elle implique seulement que le consommateur atteste de la remise qui lui a été faite du document concerné, qu'une telle clause constitue un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents et que le consommateur doit toujours être en mesure de faire valoir qu'il n'a pas été destinataire de ce document ou que celui-ci ne permettait pas au prêteur de satisfaire aux obligations lui incombant.

En l'espèce, M. X. a porté sa signature sous une clause qui mentionne : « Après avoir pris connaissance des conditions particulières et générales de l'offre, je reconnais rester en possession d'un exemplaire de cette offre dotée d'un formulaire détachable de rétractation ».

Il a également coché une case par laquelle il a déclaré souhaiter recevoir ses fonds le huitième jour (suivant la signature de l'offre) et dans le cas contraire, recevoir ses fonds à l'expiration du délai de rétractation de 14 jours.

Le prêteur produit un document qui apparaît comme un original du contrat qui porte la mention « à découper suivant les pointillés » au-dessus d'un emplacement destiné au bordereau de rétractation. Pour autant, il n'explique pas pourquoi ce bordereau aurait été détaché de l'exemplaire du contrat qu'il a conservé et il ne produit pas le texte du bordereau qui aurait pu être remis à l'emprunteur.

Dès lors, au-delà de la clause-type pré-imprimée signée par l'emprunteur, le prêteur ne fournit aucun élément de nature à étayer la conformité de ce bordereau aux dispositions réglementaires précitées.

Il échoue donc à établir qu'il a satisfait à ses obligations, la clause signée par M. X. dont l'appelante se prévaut, ne constituant qu'un indice et non une preuve.

C'est donc à bon droit que le premier juge a prononcé la déchéance du droit de la banque à percevoir les intérêts au taux contractuel, nonobstant le visa erroné de l'article L. 311-33 du code de la consommation non applicable au litige.

En l'absence d'autres moyens de contestation élevés par la société Creatis, le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.

* * *

Succombant dans ses prétentions, la société Créatis supporte les dépens d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut mis à disposition au greffe,

- Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

- Rejette toutes autres demandes ;

- Condamne la société Créatis aux dépens d'appel.

La greffière                                       La présidente