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CA VERSAILLES (16e ch.), 28 janvier 2021

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (16e ch.), 28 janvier 2021
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 16e ch.
Demande : 19/02664
Date : 28/01/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 11/04/2019
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 7 septembre 2022
Référence bibliographique : 5705 (imprescriptibilité de l’action), 5735 (différence avec la nullité), 9742 (prêt en francs suisses), 6009 (indices, appréciation globale)
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8772

CA VERSAILLES (16e ch.), 28 janvier 2021 : RG n° 19/02664 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Mais attendu que, comme les appelants le font valoir, la sanction de la clause « réputée non écrite », visée à l'article L. 132-1 du code de la consommation et, par conséquent qui est tenue pour n'avoir jamais été stipulée, n'est pas soumise à la prescription extinctive de droit commun dès lors que la demande ne s'analyse pas en une demande en nullité mais en une sanction autonome susceptible d'être recherchée sans qu'aucun texte n'enferme l'action à cette fin dans un délai, ainsi que cela résulte d'ailleurs de la doctrine de la Cour de cassation mettant un terme à des divergences d'appréciation des juridictions de fond sur cette question (Cass. civ. 1ère, 13 mars 2019, pourvoi n° 17-23169, publié au bulletin) ;

Que la banque ne peut valablement poursuivre la confirmation du jugement sur ce point en se prévalant d'une jurisprudence communautaire (CJUE, 9 juillet 2020, C 698/18 et C 699/18) et en affirmant qu'il convient de dissocier l'action en déclaration de clause abusive qui serait imprescriptible de l'action en paiement des conséquences de la suppression de la clause (ou « action restitutoire ») qui, elle, est prescriptible dès lors qu'est seule examinée la recevabilité de la première à ce stade de la présente décision ;

Qu'il en résulte que le jugement doit être infirmé en ce que, faisant application des dispositions de l'article 2224 du code civil et fixant le point de départ de ce délai au plus tard au 31 décembre 2009, il a accueilli la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la banque en disant n'y avoir lieu à examen des moyens articulés au fond ».

2/ « Qu'il est constant que l'appréciation du caractère abusif des clauses, au sens de cet article, ne porte pas sur l'objet principal du contrat, sauf à démontrer que leur rédaction n'est pas claire et compréhensible ;

Qu'en l'espèce, les clauses litigieuses stipulées aux conditions particulières, en ce qu'elles prévoient le prélèvement des échéances sur un compte libellé dans la devise du prêt, à savoir en francs suisses, définit clairement et sans équivoque possible l'objet principal des contrats de crédit immobilier dont les époux X., agissant dans le cadre d'une opération plus complexe de défiscalisation, ont demandé, dès l'origine et avec l'assistance d'un conseil en investissement, qu'ils soient consentis dans cette devise ; que ces clauses précisent tout aussi clairement les modalités de l'amortissement de ces deux prêts, le paiement en euros se faisant, comme le fait valoir l'établissement bancaire intimé, par la conversion selon un taux de change ; que le changement de parité entre la devise empruntée et l'euro jusqu'au complet remboursement du prêt, stipulé à l'article 10.4 des conditions générales, est clairement et de manière intelligible entré dans le champ contractuel ;

Que les époux X. ne peuvent, au surplus, valablement prétendre que le risque de change et de variation du taux d'intérêts leur est demeuré obscur en se prévalant du caractère abstrait et général de l'attestation que la banque leur a demandé de signer le 1er février 2008 alors que son examen permet de considérer que leur attention a été attirée par la banque sur les points particuliers de cette convention et notamment sur « les risques d'évolution d'un capital placé sur un support spéculatif » ou sur les « risques de change liés au cours du franc suisse » dont ils ont déclaré avoir pris connaissance ;

Que quand bien même peuvent-ils revendiquer, en droit et en fait, la qualité de profanes dans ce domaine particulier, il n'en reste pas moins que la banque, qui ne prétend pas qu'un autre professionnel qu'elle-même devait assumer à sa place les obligations d'information dont elle est débitrice, peut cependant faire valoir qu'ils ont, de surcroît, attesté dans ce document, « qu'ils bénéficient en outre de conseils avisés d'experts en la manière » ; qu'elle est de plus fondée à soutenir que l'ensemble des informations fournies qu'elle verse aux débats leur étaient accessibles en raison de leur niveau intellectuel qui leur permettait d'apprécier la nature et la portée de leurs engagements et de mesurer les risques encourus en cas de dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse tout comme les conséquences induites sur leurs obligations financières ;

Que les appelants ne sont donc pas fondés à prétendre qu'au moment de la conclusion du contrat les clauses litigieuses portant sur l'objet du contrat n'étaient ni claires ni compréhensibles ».

3/ « Qu'en second lieu et s'agissant de la question de savoir si les clauses litigieuses ont créé, au détriment des consommateurs « un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », il convient ici de rechercher les mentions de l'offre préalable qui permettraient au prêteur de décider unilatéralement et sans contrepartie de l'application d'un taux fixe variable sans indiquer un indice de référence ;

Que dès lors que l'existence d'un déséquilibre significatif doit être appréciée au regard du seul contrat en cause, est inopérante l'argumentation des appelants selon laquelle la banque, bien qu'exposée comme eux au risque financier, se trouve détentrice des outils financiers ci-avant énumérés qui lui permettent de couvrir le risque de change lié aux prêts en devises alors qu'ils n'en disposent pas ;

Qu'en revanche la banque oppose pertinemment à ce grief un risque de change qui n'était pas asymétrique mais bilatéral dès lors que la stipulation relative au taux de change ne mettait pas à la charge des seuls emprunteurs toute évolution concernant ce taux ;

Qu'elle ajoute, sans être démentie, que lors de la souscription de ces contrats la formule de financement retenue était la moins onéreuse en regard des autres taux du marché communément appliqués, nul n'envisageant alors des variations du cours de change de l'ampleur de celles survenues, ce que les époux X. l'admettent eux-mêmes implicitement puisqu'évoquant les prémisses de la présente action qui n'a été introduite qu'en 2017 ils exposent que le 15 janvier 2015 (soit sept ans après la conclusion des contrats) « la Banque Centrale Helvète (BNS) a décidé de ne plus intervenir sur les marchés et a mis fin au taux plancher, ce qui a entraîné « l'envolée du franc suisse par rapport à l'euro » (pages 3 puis 24/40 de leurs conclusions) ;

Qu'enfin, tant les conditions particulières de l'offre de prêts, que les conditions générales et les tableaux d'amortissement annexés à l'acte de prêt notarié permettaient de connaître les modalités de remboursement de ces deux crédits consentis dans les conditions financières rappelées ci-avant dont il n'est pas démontré qu'elles ont pu créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif ».

4/ « Que force est de constater que les époux X. qui se bornent à insérer l'entier dispositif de leurs conclusions dans la discussion ne démontrent de nulle façon que les questions qu'ils entendent soumettre à la Cour de justice de l'Union européenne, dans le cadre du présent litige, ne se trouvent pas privées de cause du fait de l'autorité attachée aux décisions de cette juridiction ;

Qu'ils n'explicitent pas davantage en quoi leur question préjudicielle serait nécessaire pour trancher le présent litige, en méconnaissance des exigences de l'article 267 du Traité ;

Que cette demande étant présentée devant la cour d'appel et, par conséquent, soumise aux exigences procédurales de l'article 954 du code de procédure civile, il convient de juger qu'en l'absence de présentation d'un quelconque moyen au soutien de cette demande, ainsi qu'observé par la cour lors des plaidoiries sans avis pertinent des appelants sur ce point, il n'y a pas lieu à statuer sur cette demande ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

SEIZIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 28 JANVIER 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/02664. N° Portalis DBV3-V-B7D-TEE3. Code nac : 53D. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 janvier 2019 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES : R.G. n° 17/05785.

LE VINGT HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité Française, [...], [...]

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville], de nationalité Française, [...], [...]

Représentant : Maître Katia D. de la SELARL D., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 541

 

INTIMÉE :

CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, N° SIRET : XXX, [...], [...], Représentant : Maître Margaret B., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.409, substitué par Maître Elisa G., avocat au barreau de Versailles

 

Composition de la cour : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Décembre 2020, Madame Sylvie NEROT, Président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de : Madame Sylvie NEROT, Président, Madame Fabienne PAGES, Président, Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller, qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Antoine DEL BOCCIO

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offre acceptée le 30 janvier 2008, réitérée devant notaire le 11 février 2008 et à la suite de la signature par les emprunteurs, le 1er février 2008, d'un document relatif aux informations reçues, la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe (ci-après : le Crédit Mutuel), a consenti aux époux X., entrés en relation avec elle par l'entremise d'un conseiller financier, deux prêts immobiliers destinés à financer l'acquisition d'un appartement situé à [ville J.] (Aude) à des fins locatives, s'agissant d'une vente en état futur d'achèvement sous un régime de défiscalisation, à savoir :

- un prêt au montant initial de 360.200 CHF (dont la contrevaleur, au jour de l'émission, était de 224.100 euros) remboursable in fine après 20 échéances annuelles d'intérêts au taux indexé sur le Libor en CHF 3 mois, initialement de 4,060 % l'an,

- un prêt au montant initial de 59.800 CHF (dont la contrevaleur, au jour de l'émission, était de 37.200 euros) remboursable in fine après 20 échéances annuelles d'intérêts au taux indexé sur le Libor en CHF 3 mois, initialement de 4,060 % l'an, ce prêt n'ayant été débloqué qu'à hauteur de 33.150 CHF.

Cette offre comportait pour chacun de ces prêts, les stipulations suivantes, objet du litige :

- remboursement du crédit (conditions particulières)

- article 4.3 : « (…) les échéances seront débitées sur tout compte en devises ouvert au nom de l'un quelconque des emprunteurs dans les livres du prêteur »

- article 5.3 : « la monnaie de paiement est l'euro, l'emprunteur ayant toujours la faculté de rembourser en euro les échéances au moment de leur prélèvement (...) »

- dispositions propres aux crédits en devises (conditions générales communes)

- article 10.4 : « il est expressément convenu que l'emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et l'euro qui pourrait intervenir jusqu'au complet remboursement du prêt ».

Exposant que le franc suisse a connu une « envolée » à la suite d'une décision de la Banque Centrale Helvète en janvier 2015, estimant que les prêts consentis contenaient une clause abusive et que, par ailleurs, la banque n'a pas respecté son devoir de mise en garde, les époux X. l'ont assignée au fond, par acte du 21 juillet 2017, à l'effet de voir juger que la clause stipulée à l'article 10.4 afférente au risque de change doit être déclarée non écrite et de voir, de plus, la banque condamnée à leur verser des dommages-intérêts à hauteur de la somme de 350.000 euros.

Etant observé, comme relevé par la banque, que le grief a été étendu en cause d'appel aux articles 4.3 et 5.3 précités.

Par jugement contradictoire rendu le 31 janvier 2019 le tribunal de grande instance de Versailles a :

- déclaré irrecevables comme prescrites les actions fondées sur le caractère abusif d'une clause et sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde,

- débouté Monsieur X. et Madame Y. épouse X. de toutes leurs demandes,

- condamné solidairement Monsieur X. et Madame Y. épouse X. aux dépens,

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire,

[*]

Par dernières conclusions (n° 3) notifiées le 26 novembre 2020 Monsieur X. et Madame Y., son épouse, appelants de ce jugement selon déclaration reçue au greffe le 11 avril 2019, demandent à la cour, au visa des articles 1147 du code civil, L. 132-1 et L. 212-1 du code de la consommation, 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de la directive 93/13CEE du 5 avril 1993, d'infirmer le jugement (entrepris) en toutes ses dispositions, en conséquence, statuant à nouveau :

à titre principal

- de déclarer l'action recevable,

- de juger que les clauses 4.3 et 5.3 (remboursement du crédit) et 10.4 afférentes au risque de change de l'acte de prêt du 11 février 2008 sont abusives et sont réputées non écrites,

- de juger, s'agissant du prêt de 360.200 CHF que le montant du capital à rembourser s'élève à 224.100 euros,

- de juger, s'agissant du prêt de 59.800 CHF débloqué à hauteur de 33.150 CHF que le montant du capital à rembourser s'élève à 20.883 euros,

- de condamner la Caisse de Crédit mutuel de Mulhouse Europe à établir deux nouveaux tableaux d'amortissement, l'un pour le prêt de 224.100 euros (360.200 CHF) et l'autre pour le prêt de 20.883 euros (33.150 CHF) au même taux et sur la même durée avec substitution de l'euro au franc suisse, déduction faite des intérêts déjà versés réactualisés au cours de change à la date du déblocage du prêt, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

à titre subsidiaire

- de condamner la Caisse de Crédit mutuel de Mulhouse Europe à verser aux époux X. la somme de 350.000 euros à titre de dommages-intérêts suite au préjudice subi du fait de l'existence de clauses abusives,

à titre plus subsidiaire

- de juger la demande afin de soumettre à la Cour de justice de l'Union européenne en vue de l'interprétation des Traités européens les questions préjudicielles recevable et bien fondée,

- de soumettre à la Cour de justice de l'Union européenne en vue de l'interprétation des Traités européens les questions préjudicielles suivantes ou toute autre question qui lui semblera pertinente :

1- « Le caractère clair et compréhensible d'une clause contractuelle visé par la directive 93/13 doit-il s'entendre en ce sens que la banque est tenue de préciser explicitement par une clause l'existence d'une variation permanente du taux de change, notamment lorsque les emprunteurs sont en zone euro et que cette variation a pour conséquence de créer au détriment du consommateur un risque illimité de change et que ce risque de change a pour conséquence de faire varier de manière illimitée le capital à rembourser ainsi que la valeur de ses remboursements ou la description du mécanisme contractuel conduisant à ces effets, comme c'est le cas en l'espèce ? »

2- « Le caractère clair et compréhensible d'une clause contractuelle visé par la directive 93/13 doit-il s'entendre en ce sens que le juge national se limite à contrôler formellement la rédaction des clauses du contrat, comme en l'espèce, sans s'assurer qu'une clause rende concret et explicite et puisse évaluer les conséquences économiques du risque de change lui-même ? »

3- « Le caractère clair et compréhensible d'une clause contractuelle visé par la directive 93/13 est-il compatible avec l'absence d'information chiffrée sur l'évolution du capital à rembourser, des mensualités, ou encore de la durée du crédit, afin de permettre au consommateur de comprendre concrètement son exposition au risque de change, notamment en l'absence d'une clause explicitant l'existence d'un risque de change ? »

4- « Le caractère clair et compréhensible d'une clause contractuelle visé par la directive 93/13 n'impose-t-il pas au banquier d'attirer l'attention du consommateur sur le risque d'un déplafonnement sans limite des mensualités, ou revient-t-il au consommateur de déduire ce déplafonnement des autres clauses du contrat ? »

5- « Le caractère clair et compréhensible d'une clause contractuelle visé par la directive 93/13 n'impose-t-il pas au banquier de rendre explicite et concret par une clause les modalités de réalisation et de paiement du risque de change, en l'espèce par l'augmentation du capital sans limite et un déplafonnement sans limite des mensualités de remboursement ? »

6- « Le caractère clair et compréhensible d'une clause contractuelle visé par la directive 93/13 n'impose-t-il pas au banquier d'attirer l'attention du consommateur sur le risque de pouvoir rembourser un tel crédit lorsque le capital augmente du fait de la réalisation du risque de change et devient sans rapport avec la valeur du bien immobilier financé en France par le biais d'un prêt en devise ? »

7- « Le caractère clair et compréhensible d'une clause contractuelle ainsi que l'exigence de bonne foi visés par la directive 93/13 n'imposent-ils pas au juge national de s'assurer que le professionnel a bien informé le consommateur sur les anticipations du marché, ou les propres anticipations de la banque en matière de taux de change, spécialement lorsque le crédit est commercialisé en période de crise économique telle que celles des subprimes comme en l'espèce, et partant a bien informé sur les perspectives d'exécution du contrat, notamment sur la réalisation du risque de change ? A l'inverse, revient-il au consommateur, notamment lorsqu'il situé en zone euro, de se documenter sur l'évolution du risque de change ? »

8- « L'existence d'un déséquilibre significatif peut-il être caractérisé dans un contrat tel que celui en cause au principal dans lequel les deux parties subissent un risque de change, dès lors que le professionnel dispose de moyens supérieurs au consommateur pour anticiper le risque de change ? »

- de prononcer un sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur lesdites questions,

en tout état de cause

- de juger l'action en manquement de mise en garde recevable,

- de juger que la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe a manqué à son obligation de mise en garde à l'égard des époux X.,

- de juger que les époux X. ont subi un préjudice résultant de la perte de chance d'avoir conclu un contrat de prêt immobilier à des conditions plus avantageuses,

- de condamner la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe à verser aux époux X. la somme de 350.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son manquement au devoir de mise en garde,

en tout état de cause (sic)

- de condamner la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe à payer la somme de 8.000 euros aux époux X. au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe aux entiers dépens.

[*]

Par dernières conclusions notifiées le 23 novembre 2020 la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe prie la cour :

- de déclarer l'appel mal fondé,

- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- de débouter les appelants de toutes leurs fins et prétentions,

- de les condamner solidairement au paiement d'une indemnité de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de les condamner solidairement aux entiers frais de l'appel.

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er décembre 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la procédure :

Attendu que par conclusions aux fins de révocation de l'ordonnance de clôture notifiée le 07 décembre 2020, le Crédit Mutuel demande au conseiller de la mise en état :

- d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture

- à défaut, de dire que le moyen nouveau soulevé par la partie appelante dans ses conclusions n° 3 en page 12, soit écarté des débats,

- de statuer ce que de droit quant aux dépens de l'incident ;

Qu'elle fait valoir que dans lesdites conclusions, son adversaire introduit un moyen nouveau, à savoir que le cours de change CHF/euro serait indéterminé ; qu'elle soutient que ce cours de change (dit « tiré » par opposition au change « manuel ») n'est nullement indéterminé et, au surplus, indiqué pour chaque opération de change sur le compte de change lié au prêt ; que sa demande de révocation, expose-t-elle, tend à faire respecter le contradictoire sur ce point ;

Mais attendu qu'après jonction de l'incident au fond et à l'examen des dernières conclusions des époux X., l'ajout des quelques lignes incriminé, intervenu cinq jours avant le prononcé de l'ordonnance de clôture, s'inscrit dans leur argumentation relative au défaut d'information concernant les risques liés aux disparités de change et y est introduite « au surplus » ;

Que la cour est à même d'apprécier la référence à la notion « de cours de change tiré », tenue pour indéfinie par les appelants, ainsi que sa pertinence dans le cadre de leur argumentation sur ce point ; qu'en outre, n'est pas caractérisée par la banque la cause grave, au sens de l'article 803 du code de procédure civile, de sorte que la demande sera rejetée ;

 

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée à l'action fondée sur la stipulation de clauses abusives :

Attendu que les époux X. poursuivent l'infirmation du jugement qui a déclaré irrecevable comme prescrite leur action à ce titre en énonçant, motifs notamment pris de l'insécurité juridique excessive que ferait courir une action imprescriptible et de l'esprit d'uniformisation présidant à l'adoption de la loi du 17 juin 2008, qu'elle devait être soumise au même régime que l'action en nullité et que son point de départ devait être fixé non point au 15 décembre 2015 (date à laquelle la Banque Centrale Helvète a abandonné le taux plancher) mais au moment où les époux X. ont pu prendre conscience des risques de change, soit, ponctuellement, en 2008 et, en tout cas, au plus tard le 31 décembre 2009, conduisant, par conséquent, le tribunal à considérer que l'action introduite le 21 juillet 2017 excédait le délai quinquennal de 5 ans pour agir ;

Mais attendu que, comme les appelants le font valoir, la sanction de la clause « réputée non écrite », visée à l'article L. 132-1 du code de la consommation et, par conséquent qui est tenue pour n'avoir jamais été stipulée, n'est pas soumise à la prescription extinctive de droit commun dès lors que la demande ne s'analyse pas en une demande en nullité mais en une sanction autonome susceptible d'être recherchée sans qu'aucun texte n'enferme l'action à cette fin dans un délai, ainsi que cela résulte d'ailleurs de la doctrine de la Cour de cassation mettant un terme à des divergences d'appréciation des juridictions de fond sur cette question (Cass. civ. 1ère, 13 mars 2019, pourvoi n° 17-23169, publié au bulletin) ;

Que la banque ne peut valablement poursuivre la confirmation du jugement sur ce point en se prévalant d'une jurisprudence communautaire (CJUE, 9 juillet 2020, C 698/18 et C 699/18) et en affirmant qu'il convient de dissocier l'action en déclaration de clause abusive qui serait imprescriptible de l'action en paiement des conséquences de la suppression de la clause (ou « action restitutoire ») qui, elle, est prescriptible dès lors qu'est seule examinée la recevabilité de la première à ce stade de la présente décision ;

Qu'il en résulte que le jugement doit être infirmé en ce que, faisant application des dispositions de l'article 2224 du code civil et fixant le point de départ de ce délai au plus tard au 31 décembre 2009, il a accueilli la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la banque en disant n'y avoir lieu à examen des moyens articulés au fond ;

 

Sur l'action tendant à voir réputer non écrites les clauses litigieuses :

Attendu que les époux X., rappelant, d'abondance, diverses jurisprudences communautaires (ainsi que le principe de primauté et d'effectivité de ce droit) et nationales, outre un avis n° 13-01 de la Commission des clauses abusives, pour en tirer des critères d'appréciation de la clause abusive, soutiennent que, ni claires ni compréhensibles, les clauses stipulées en l'espèce, ci-avant reproduites, sont manifestement abusives en ce qu'elles ne renseignent pas suffisamment sur les conséquences et risques concrets des remboursements dans la devise empruntée et créent ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;

Qu'ils font valoir que la banque n'a nullement expliqué, de manière concrète et simple, les risques liés aux disparités de change, l'impact sur le paiement des intérêts n'étant indiqué nulle part, pas plus que n'est déterminé le cours de change ; que l'analyse financière à laquelle s'est livré Monsieur J. mandaté, permet de dégager un surcoût d'intérêts de 7.411,47 euros et de 638,07 euros depuis la souscription des deux prêts, de même qu'une augmentation du capital, soit 273.159,69 euros et 24.880,64 euros au 30 avril 2017 ;

Que la banque ne leur a fourni aucune information pertinente leur permettant d'évaluer les conséquences économiques de la clause sur leurs obligations financières, aucun document ou simulation sur celles-ci afin de leur permettre d'anticiper la situation en cas de variation alors qu'ingénieur informaticien et responsable d'un laboratoire, ils sont profanes en la matière, ce que n'est pas le professionnel qu'est la banque, à même d'anticiper sur un « décrochage » de l'euro, disposant de moyens, telle la détention de devises ou de contrats dans d'autres devises, et, par conséquent, de se prémunir du risque de change ; que les clauses incriminées créent donc, à leur sens, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;

Qu'ils réfutent, enfin, point par point, l'argumentation adverse invoquant le fait qu'ils ont bénéficié de l'assistance d'un conseiller financier ou que l'acte a été réitéré devant notaire alors que cela ne dispensait pas la banque de ses obligations, ou se prévalant de leur signature de l'attestation du 1er février 2000 précitée alors qu'elle est conçue en une rédaction par trop abstraite et générale, ou encore en réduisant leur contestation à celle de la stipulation d'intérêts qui ne peut être déclarée abusive alors qu'ils contestent, en raison de son obscurité, la clause portant sur l'objet principal du contrat ;

Qu'est, par ailleurs, infondée l'absence de déséquilibre significatif dont se prévaut la banque ; qu'ils soutiennent que les deux parties au contrat ne sont pas soumises au même aléa et que le bénéfice d'un taux attractif invoqué n'est que prétendu dès lors que les prêts consentis étaient à un taux variable et que la démonstration d'une absence de déséquilibre lié au risque de change n'est pas faite ; que la banque ne peut soutenir que la faculté offerte aux consommateurs de se délier du contrat par la conversion en euros contrebalance le risque de change alors que celui-ci ne peut avoir conscience du risque dès la signature du contrat ; qu'ils tirent, enfin, argument d'un préjudice démontré ;

[*]

Attendu qu'il convient de rappeler qu'aux termes de l'article L. 132-1 alinéa 1er applicable (devenu L. 212-1) du code de la consommation « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » ;

Qu'il est constant que l'appréciation du caractère abusif des clauses, au sens de cet article, ne porte pas sur l'objet principal du contrat, sauf à démontrer que leur rédaction n'est pas claire et compréhensible ;

Qu'en l'espèce, les clauses litigieuses stipulées aux conditions particulières, en ce qu'elles prévoient le prélèvement des échéances sur un compte libellé dans la devise du prêt, à savoir en francs suisses, définit clairement et sans équivoque possible l'objet principal des contrats de crédit immobilier dont les époux X., agissant dans le cadre d'une opération plus complexe de défiscalisation, ont demandé, dès l'origine et avec l'assistance d'un conseil en investissement, qu'ils soient consentis dans cette devise ; que ces clauses précisent tout aussi clairement les modalités de l'amortissement de ces deux prêts, le paiement en euros se faisant, comme le fait valoir l'établissement bancaire intimé, par la conversion selon un taux de change ; que le changement de parité entre la devise empruntée et l'euro jusqu'au complet remboursement du prêt, stipulé à l'article 10.4 des conditions générales, est clairement et de manière intelligible entré dans le champ contractuel ;

Que les époux X. ne peuvent, au surplus, valablement prétendre que le risque de change et de variation du taux d'intérêts leur est demeuré obscur en se prévalant du caractère abstrait et général de l'attestation que la banque leur a demandé de signer le 1er février 2008 alors que son examen permet de considérer que leur attention a été attirée par la banque sur les points particuliers de cette convention et notamment sur « les risques d'évolution d'un capital placé sur un support spéculatif » ou sur les « risques de change liés au cours du franc suisse » dont ils ont déclaré avoir pris connaissance ;

Que quand bien même peuvent-ils revendiquer, en droit et en fait, la qualité de profanes dans ce domaine particulier, il n'en reste pas moins que la banque, qui ne prétend pas qu'un autre professionnel qu'elle-même devait assumer à sa place les obligations d'information dont elle est débitrice, peut cependant faire valoir qu'ils ont, de surcroît, attesté dans ce document, « qu'ils bénéficient en outre de conseils avisés d'experts en la manière » ; qu'elle est de plus fondée à soutenir que l'ensemble des informations fournies qu'elle verse aux débats leur étaient accessibles en raison de leur niveau intellectuel qui leur permettait d'apprécier la nature et la portée de leurs engagements et de mesurer les risques encourus en cas de dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse tout comme les conséquences induites sur leurs obligations financières ;

Que les appelants ne sont donc pas fondés à prétendre qu'au moment de la conclusion du contrat les clauses litigieuses portant sur l'objet du contrat n'étaient ni claires ni compréhensibles ;

Qu'en second lieu et s'agissant de la question de savoir si les clauses litigieuses ont créé, au détriment des consommateurs « un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », il convient ici de rechercher les mentions de l'offre préalable qui permettraient au prêteur de décider unilatéralement et sans contrepartie de l'application d'un taux fixe variable sans indiquer un indice de référence ;

Que dès lors que l'existence d'un déséquilibre significatif doit être appréciée au regard du seul contrat en cause, est inopérante l'argumentation des appelants selon laquelle la banque, bien qu'exposée comme eux au risque financier, se trouve détentrice des outils financiers ci-avant énumérés qui lui permettent de couvrir le risque de change lié aux prêts en devises alors qu'ils n'en disposent pas ;

Qu'en revanche la banque oppose pertinemment à ce grief un risque de change qui n'était pas asymétrique mais bilatéral dès lors que la stipulation relative au taux de change ne mettait pas à la charge des seuls emprunteurs toute évolution concernant ce taux ;

Qu'elle ajoute, sans être démentie, que lors de la souscription de ces contrats la formule de financement retenue était la moins onéreuse en regard des autres taux du marché communément appliqués, nul n'envisageant alors des variations du cours de change de l'ampleur de celles survenues, ce que les époux X. l'admettent eux-mêmes implicitement puisqu'évoquant les prémisses de la présente action qui n'a été introduite qu'en 2017 ils exposent que le 15 janvier 2015 (soit sept ans après la conclusion des contrats) « la Banque Centrale Helvète (BNS) a décidé de ne plus intervenir sur les marchés et a mis fin au taux plancher, ce qui a entraîné « l'envolée du franc suisse par rapport à l'euro » (pages 3 puis 24/40 de leurs conclusions) ;

Qu'enfin, tant les conditions particulières de l'offre de prêts, que les conditions générales et les tableaux d'amortissement annexés à l'acte de prêt notarié permettaient de connaître les modalités de remboursement de ces deux crédits consentis dans les conditions financières rappelées ci-avant dont il n'est pas démontré qu'elles ont pu créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif ;

Qu'il résulte de tout ce qui précède que les époux X. doivent être déboutés leur demande tendant à voir juger que les clauses du contrat qu'ils incriminent sont abusives, partant non écrites, tout comme en leur demande de condamnation subséquente d'établissement de nouveaux tableaux d'amortissement ;

 

Sur la première demande en paiement de dommages-intérêts formée à titre subsidiaire :

Attendu que présentée comme destinée à réparer, à hauteur de 350.000 euros, le préjudice que leur cause l'existence de clauses abusives, elle ne peut prospérer, eu égard à ce qui précède ;

Que les époux X. seront, par conséquent, déboutés de ce chef de réclamation ;

 

Sur la question préjudicielle dont la cour est saisie à titre plus subsidiaire :

Attendu que, formulée seize mois après leur déclaration d'appel et à cinq jours de la clôture de l'instruction de l'affaire, les époux X. saisissent la cour d'une demande en interprétation d'un texte communautaire, selon huit questions préjudicielles reprises in extenso ci-avant ;

Qu'une question préjudicielle en interprétation peut être présentée en tout état de cause, même à titre subsidiaire, de sorte qu'elle doit être déclarée recevable ;

Que, sur le bien-fondé de cette demande, il y a lieu de relever que la directive 93/13 CEE du Conseil du 5 avril 1993 a déjà fait l'objet de multiples questions par les juridictions nationales de l'Union et ont été intégrées dans sa jurisprudence par la Cour de cassation reprenant, notamment, in extenso, dans un arrêt de sa première chambre rendu le 24 octobre 2019 (pourvoi n° 18-18047), ce que la CJUE a dit pour droit (arrêt du 20 septembre 2017, Andriciuc e.a. C-186/16) relativement à un prêt devant être remboursé dans la même devise étrangère que celle dans laquelle il a été contracté et, fixant une prestation essentielle du contrat, se devant de décrire de façon claire et précise le risque de variation du taux de change et par conséquent son influence sur la durée du prêt et la charge totale du remboursement ; qu'en conséquence, diverses questions posées dans le présent litige, ci-dessus reprises, se révèlent inutiles ;

Qu'il est, par ailleurs, constant que la CJUE a été saisie par les juridictions françaises de plusieurs renvois préjudiciels en interprétation portant notamment sur les clauses des contrats Helvet Immo commercialisés par la société BNP Personal Finance ;

Que force est de constater que les époux X. qui se bornent à insérer l'entier dispositif de leurs conclusions dans la discussion ne démontrent de nulle façon que les questions qu'ils entendent soumettre à la Cour de justice de l'Union européenne, dans le cadre du présent litige, ne se trouvent pas privées de cause du fait de l'autorité attachée aux décisions de cette juridiction ;

Qu'ils n'explicitent pas davantage en quoi leur question préjudicielle serait nécessaire pour trancher le présent litige, en méconnaissance des exigences de l'article 267 du Traité ;

Que cette demande étant présentée devant la cour d'appel et, par conséquent, soumise aux exigences procédurales de l'article 954 du code de procédure civile, il convient de juger qu'en l'absence de présentation d'un quelconque moyen au soutien de cette demande, ainsi qu'observé par la cour lors des plaidoiries sans avis pertinent des appelants sur ce point, il n'y a pas lieu à statuer sur cette demande ;

 

Sur la seconde demande indemnitaire présentée « en tout état de cause » :

Attendu que se prévalant du manquement de la banque à son devoir de mise en garde, à l'origine d'un préjudice qu'ils évaluent à cette même somme de 350.000 euros, les appelants poursuivent l'infirmation du jugement qui, appliquant la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil, énonce qu'il s'agit d'une action fondée sur le non-respect par la banque de son obligation pré-contractuelle de mise en garde, que le dommage résultant d'une telle violation consiste dans la perte de chance de ne pas contracter et se manifeste dès la conclusion du contrat, sauf par l'emprunteur à démontrer qu'il pouvait légitimement ignorer ce dommage et qu'à retenir la date à laquelle ils ont pu concrètement avoir conscience des risques liés aux disparités de change d'un prêt en devise, à savoir le 31 mars 2009, la prescription extinctive était acquise lorsqu'ils ont introduit leur action ;

Que, citant à nouveau une foisonnante jurisprudence sur le devoir de mise en garde, outre les engagements de bonne pratique des établissements bancaires du 22 mai 2008, la recommandation du comité européen du risque systémique du 21 septembre 2011 et les mesures prises par l'autorité de contrôle selon une recommandation 2012-R-01 publiée le 06 avril 2012, ceci afin de dessiner les contours de cette obligation, les époux X. soutiennent que ne saurait leur être opposée la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

Qu'il font valoir que celle-ci ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime et qu'en l'espèce, cette date ne peut être fixée ni au jour de la conclusion des contrats pas plus que le 31 décembre 2009 (date à laquelle ils ne pouvaient déterminer si la variation du montant des intérêts était due à celle de l'indice Libor 3 mois ou au taux de change et n'avaient pas conscience du risque de change sur le capital) mais au 27 février 2015 (date de courriers d'information de la banque sur le montant du capital restant dû et sur le taux de change de la devise) ;

[*]

Attendu, ceci étant exposé, qu'il y a préalablement lieu de relever que les époux X. qui se prévalent uniquement d'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde, lequel oblige le dispensateur de crédit à se renseigner sur les capacités financières de l'emprunteur afin de ne pas l'exposer à un endettement excessif, critiquent en réalité la banque en ce qu'elle ne les a pas informés sur le risque de change et poursuivent, ce faisant, la sanction d'un manquement au devoir d'information ;

Qu'ainsi que justement énoncé par le tribunal, la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'a pu légitimement en avoir connaissance précédemment : que le dommage résultant d'un manquement à l'obligation d'information consiste en une perte de chance de ne pas contracter (sanction que les appelants ne contestent pas) et se manifeste, par principe, dès l'octroi des crédits ;

Que force est de considérer que bien qu'entendant voir fixer au 27 février 2015 le point de départ de la prescription, ils ne font état, dans leurs écritures, que des fautes de la banque commises au moment de la souscription du contrat, évoquant en particulier le fait qu'elle leur a indiqué que ce type de prêt ne comportait aucun risque du fait de la stabilité historique de la parité entre les deux monnaies en cause ou que le taux d'intérêt proposé était des plus bas ; qu'alors qu'ils percevaient des rémunérations en euros pour acquérir un bien en France, ils lui font en outre grief de les avoir conduits à accepter l'offre en cause sans leur avoir fourni d'informations sur les conséquences économiques de leur choix, en particulier sur l'évolution des taux de change ou au moyen d'une simulation chiffrée du prêt prenant concrètement en compte l'évolution du taux de change ;

Qu'ainsi, la chance perdue de ne pas contracter ou de contracter dans les conditions moins onéreuses sur le marché se situe, de leur propre aveu, au moment de la signature de ces contrats ;

Que les offres de prêt litigieuses ayant été acceptées en février 2008, il convient par conséquent et par motifs substitués, de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé qu'est prescrite l'action qu'ils ont introduite en juillet 2017 ;

 

Sur les demandes accessoires :

Attendu que l'équité conduit à condamner les époux X. à verser à la société intimée la somme complémentaire de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que, déboutés de ce dernier chef de réclamation les époux X. qui succombent supporteront les dépens d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

REJETTE la demande de l'intimée aux fins de révocation de l'ordonnance de clôture ou d'irrecevabilité partielle des conclusions adverses ;

REJETTE la demande de transmission à la Cour de justice de l'Union européenne, aux fins d'interprétation, des huit questions préjudicielles formulées par Monsieur X. et Madame Y., son épouse ;

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action des requérants fondée sur le caractère abusif des clauses contenues aux articles 4.3, 5.3 et 10.4 des conventions litigieuses liant les parties et, statuant à nouveau en y ajoutant ;

DÉCLARE Monsieur X. et Madame Y., son épouse, recevables mais mal fondés en leur action fondée sur le caractère abusif des clauses contenues aux articles 4.3, 5.3 et 10.4 des conventions les liant à la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe et, statuant à nouveau en y ajoutant ;

DÉBOUTE Monsieur X. et Madame Y., son épouse, de leurs entières demandes ;

CONDAMNE Monsieur X. et Madame Y., son épouse à verser à la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Sylvie NEROT, Président et par Monsieur Antoine DEL BOCCIO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,                                       Le Président,