CA RENNES (2e ch.), 19 février 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8836
CA RENNES (2e ch.), 19 février 2021 : RG n° 17/06805 ; arrêt n° 121
Publication : Jurica
Extrait : « M. X. et Mme Y. soutiennent que la clause des dispositions générales du contrat de prêt, selon laquelle « les intérêts seront calculés sur le montant du capital restant dû au taux fixé aux conditions particulières sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours », serait abusive.
S'il est loisible à une juridiction nationale d'interroger la CJUE sur l'interprétation du droit de l'Union européenne lorsque la question soulevée est pertinente pour trancher le litige dont elle est saisie, que la disposition en cause n'a pas déjà fait l'objet d'une interprétation de la part de la CJUE et que l'application correcte du droit de l'Union ne s'impose pas avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable, elle n'est pas tenue de le faire lorsque ses décisions sont susceptibles de faire l'objet d'un recours juridictionnel de droit interne. Or, la cour, devant laquelle sont invoquées des dispositions de la directive 93/13/CEE du Conseil concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, considère qu'il n'y a pas matière à saisine de la CJUE, dès lors que l'interprétation de cette directive n'est, pour trancher le présent litige, pas raisonnablement douteuse et qu'en toute hypothèse sa décision peut être contestée par la voie d'un pourvoi en cassation.
Il résulte à cet égard de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, transposant la directive 93/13/CEE, que, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives et réputées non écrites les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, le caractère abusif d'une clause devant s'apprécier en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion de même qu'à toutes les autres clauses du contrat, et ne devant porter ni sur la définition de l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
Il ressort cependant des conclusions de l'expert judiciaire B. que l'application de la clause de calcul des intérêts sur la base de l'année de 360 jours, effectivement mise en œuvre par la banque, n'a eu d'effet que pour la détermination des intérêts intercalaires dus pendant la période de déblocage des fonds ainsi que sur l'arrêté de compte suivant la demande de remboursement anticipé, mais qu'en l'occurrence, il n'en est résulté que des erreurs de, respectivement, 109,75 euros et 1,20 euros en faveur des emprunteurs, et une incidence de 0,002 % sur le TEG.
M. X. et Mme Y. contestent les conclusions de l'expertise qu'ils avaient eux-mêmes sollicitée, en produisant l'avis d'un contre-expert choisi et rémunéré par eux, dont ils déduisent que le taux d'intérêts aurait, du fait de cette clause, été majoré de 1,39 %. Cependant, ce calcul ne concerne qu'une seule échéance brisée prise isolément des autres, et est au surplus basé sur la prise en compte des dates de valeur et d'une période de 37 jours, et non 38, entre la date de mise à disposition des fonds et la date d'exigibilité de l'échéance considérée.Or, il résulte de l'expertise judiciaire que, pour le calcul des intérêts d'un prêt à périodicité mensuelle, la détermination du taux de période en lui appliquant le rapport d'un mois de 30 jours sur une année de 360 jours produit un résultat mathématique strictement équivalent à l'application du rapport d'un mois normalisé de 30,41666 jours sur une année civile de 365 jours prescrit par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause, dont aucune disposition n'exclut son application aux prêts autres que ceux dont le TEG est calculé selon la méthode actuarielle.
D'autre part, s'il est exact que, même en présence d'un prêt à périodicité mensuelle, la réalisation d'un tel calcul sur la base d'une année de 360 jours peut, lorsqu'il existe des intérêts produits par les portions du crédit débloquées par tranches successives ou par le capital libéré à une date autre que la date d'échéance prévue par le tableau d'amortissement, être de nature à affecter le coût du crédit et, partant, le TEG, l'expert B. est, après une analyse technique étayée des données du litige, et après avoir pris connaissance et répondu aux objections exprimés par les emprunteurs, parvenu à la conclusion que, sur la totalité de la période de 23 mois au cours de laquelle le capital prêté a été débloqué en 22 versements, l'écart entre le calcul sur la base de l'année de 360 jours et celui sur la base d'une année civile était de 109,75 euros en faveur des emprunteurs.
Dès lors, même à considérer que l'écart d'intérêts de 1,20 euros constaté sur la période séparant l'ultime mensualité de remboursement de l'arrêté de compte établi au moment du remboursement anticipé du prêt était en défaveur des emprunteurs, il demeure que, sur la totalité de l'opération de crédit, l'erreur induite par le calcul des intérêts sur une base autre que celle de l'année civile est en faveur des emprunteurs.
Il s'en évince que l'application de la clause litigieuse à un contrat de prêt remboursable par échéances mensuelles produit, en dehors de ces échéances brisées, un résultat mathématique strictement équivalent à l'application du rapport d'un mois normalisé de 30,41666 jours sur une année civile de 365 jours prescrit par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause, et que son application aux échéances brisées de l'opération de crédit litigieuse a généré un écart d'intérêts en faveur des emprunteurs, insusceptible de vicier raisonnablement leur consentement à l'acceptation d'une telle clause quand bien même ils auraient bénéficié d'une négociation individuelle sur ce point.
Il en résulte que M. X. et Mme Y. ne démontrent pas que cette clause créerait un déséquilibre significatif à leur détriment, de sorte qu'elle ne saurait être qualifiée d'abusive.
Surabondamment, il sera aussi observé que cette clause, qui porte sur la rémunération prévue en contrepartie du service financier offert au consommateur est, quoiqu'en disent les emprunteurs, rédigée de façon claire et compréhensible, et que l'opacité qui lui est prêtée relativement à ses prétendues conséquences économiques ne résulte que de calculs réalisés par M. X. et Mme Y. au soutien de leurs contestations et dont la pertinence n'a pas été retenue.
Il n'y a donc pas lieu, pour le seul motif qu'elle serait abusive, de réputer non écrite cette clause de calcul des intérêts figurant dans les conditions générales du prêt, laquelle est, au surplus, distincte de la stipulation du taux d'intérêt conventionnel figurant dans les conditions particulières, qui lui aurait donc survécu. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 19 FÉVRIER 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/06805. Arrêt n°121. N° Portalis DBVL-V-B7B- OIST.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre, rédacteur,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER : Monsieur Régis ZIEGLER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS : A l'audience publique du 15 décembre 2020, Monsieur Joël CHRISTIEN, Président, entendu en son rapport,
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 19 février 2021 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
APPELANTE :
La SA BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST anciennement dénommée BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE
dont le siège social est [adresse], [...], [...], Représentée par Maître Tiphaine LE B. B., Postulant, avocat au barreau de RENNES, Représentée par Maître Jean-Philippe R. de la SCP PARTHEMA 3, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], [adresse], [...]
Madame Y.
née le 24 avril 1978 à [adresse], [...], [...]
Représentés par Maître Séverine F.-G. de la SELARL AXLO, avocat au barreau de NANTES
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon offre préalable de crédit immobilier émise le 11 février 2013, la Banque populaire Atlantique (la BPA) a consenti à M. X. et Mme Y. un prêt de 564.110 euros au taux de 3,05 % l'an et au taux effectif global (TEG) de 3,11 %, remboursable en 240 mensualités de 3 142,68 euros, hors assurance emprunteur.
Prétendant que les intérêts du prêt étaient illicitement calculés sur la base d'une année de 360 jours, les emprunteurs ont saisi le juge des référés de Nantes qui, par ordonnance du 10 décembre 2015, a organisé une mesure d'expertise.
Après le dépôt du rapport de l'expert B. intervenu le 16 juin 2016, M. X. et Mme Y. ont, par acte du 27 octobre 2016, fait assigner la BPA devant le tribunal de grande instance de Nantes en annulation de la stipulation d'intérêts, substitution du taux légal au taux contractuel et restitution du trop-perçu d'intérêts.
Estimant que la stipulation et l'application d'une clause de calcul des intérêts sur une base autre que celle de l'année civile était illicite, les premiers juges ont, par jugement du 7 septembre 2017 :
- prononcé la nullité de la clause d'intérêts du contrat de prêt,
- ordonné la substitution du taux légal en vigueur à la date de souscription du prêt au taux conventionnel, avec les variations périodiques prévues par la loi pour le taux légal,
- condamné la BPA à rembourser a Mme Y. et M. X. une somme égale à la différence entre les intérêts perçus à ce jour et ceux calculés au taux légal conformément aux dispositions qui précédent,
- condamné la BPA à communiquer à Mme Y. et M. X. un nouveau tableau d'amortissement conforme aux dispositions qui précèdent, dans un délai de 30 jours à compter de la signification de la décision, sous astreinte provisoire de 30 euros par jours de retard pendant six mois, passés lesquels il devra de nouveau être statué,
- condamné la BPA aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
[*]
La BPA, à présent dénommée Banque populaire Grand-Ouest (la BPGO), a relevé appel de cette décision le 26 septembre 2017, pour demander à la cour de la réformer et de :
- déclarer Mme Y. et M. X. irrecevables en leur demande en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels,
- débouter Mme Y. et M. X. de leurs demandes,
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a ordonné la substitution du taux légal au taux contractuel sur la base de celui en vigueur à la date de souscription du prêt au taux conventionnel avec les variations prévues par la loi,
- dire n'y avoir lieu à renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE),
- condamner Mme Y. et M. X. au paiement de la somme de 7.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
[*]
M. X. et Mme Y. demandent quant à eux à la cour de :
- à titre principal, soumettre à la CJUE les questions préjudicielles suivantes :
1) La clause lombarde (en vertu de laquelle les intérêts seront calculés sur le montant du capital restant dû, au taux fixé aux conditions particulières sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours) peut-elle être qualifiée de claire et compréhensible lorsque, appliquée aux intérêts calculés de façon journalière, elle a pour conséquence d'augmenter le taux débiteur annoncé de 1,39 %,
2) L'augmentation de 1,39 % du taux débiteur sur les intérêts intercalaires ne se traduisant pour l'emprunteur que par un surcoût en valeur absolue relativement modeste, la clause lombarde appliquée aux intérêts intercalaires a-t-elle pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les parties ' surseoir a statuer jusqu'à ce que la CJUE se soit prononcée sur ces questions,
- à titre subsidiaire, constater le caractère abusif de la clause lombarde et la réputer non-écrite, confirmer le jugement rendu le 7 septembre 2017 par le tribunal de grande instance de Nantes, sauf en ce qu'il a ordonné l'application du taux légal avec les variations périodiques auxquelles la loi le soumet,
- ordonner la substitution, depuis le premier jour du prêt sur toute la durée de celui-ci, du taux légal applicable au jour de la signature de l'offre, soit 0,04 %, au taux contractuel,
c- ondamner la BPGO à régler à M. X. et Mme Y. les intérêts sur les sommes indûment perçues depuis le jour de la date de paiement,
- à titre très subsidiaire, prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts depuis la date d'attribution du prêt,
- condamner la BPGO à régler à M. X. et Mme Y. les intérêts sur les sommes indûment perçues depuis leur paiement,
- en tout état de cause, débouter la BPGO de ses demandes,
- condamner la BPGO à payer à M. X. et Mme Y. une indemnité de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la BPGO aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les honoraires de l'expert judiciaire d'un montant de 3.600 euros, ainsi que ceux de leur propre expert, Mme P., d'un montant de 2.160 euros.
[*]
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la BPGO le 14 décembre 2020, et pour M. X. et Mme Y. le 14 décembre 2020, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 15 décembre 2020.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES MOTIFS :
Sur le caractère abusif de la clause de calcul des intérêts :
M. X. et Mme Y. soutiennent que la clause des dispositions générales du contrat de prêt, selon laquelle « les intérêts seront calculés sur le montant du capital restant dû au taux fixé aux conditions particulières sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours », serait abusive.
S'il est loisible à une juridiction nationale d'interroger la CJUE sur l'interprétation du droit de l'Union européenne lorsque la question soulevée est pertinente pour trancher le litige dont elle est saisie, que la disposition en cause n'a pas déjà fait l'objet d'une interprétation de la part de la CJUE et que l'application correcte du droit de l'Union ne s'impose pas avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable, elle n'est pas tenue de le faire lorsque ses décisions sont susceptibles de faire l'objet d'un recours juridictionnel de droit interne.
Or, la cour, devant laquelle sont invoquées des dispositions de la directive 93/13/CEE du Conseil concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, considère qu'il n'y a pas matière à saisine de la CJUE, dès lors que l'interprétation de cette directive n'est, pour trancher le présent litige, pas raisonnablement douteuse et qu'en toute hypothèse sa décision peut être contestée par la voie d'un pourvoi en cassation.
Il résulte à cet égard de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, transposant la directive 93/13/CEE, que, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives et réputées non écrites les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, le caractère abusif d'une clause devant s'apprécier en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion de même qu'à toutes les autres clauses du contrat, et ne devant porter ni sur la définition de l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
Il ressort cependant des conclusions de l'expert judiciaire B. que l'application de la clause de calcul des intérêts sur la base de l'année de 360 jours, effectivement mise en œuvre par la banque, n'a eu d'effet que pour la détermination des intérêts intercalaires dus pendant la période de déblocage des fonds ainsi que sur l'arrêté de compte suivant la demande de remboursement anticipé, mais qu'en l'occurrence, il n'en est résulté que des erreurs de, respectivement, 109,75 euros et 1,20 euros en faveur des emprunteurs, et une incidence de 0,002 % sur le TEG.
M. X. et Mme Y. contestent les conclusions de l'expertise qu'ils avaient eux-mêmes sollicitée, en produisant l'avis d'un contre-expert choisi et rémunéré par eux, dont ils déduisent que le taux d'intérêts aurait, du fait de cette clause, été majoré de 1,39 %.
Cependant, ce calcul ne concerne qu'une seule échéance brisée prise isolément des autres, et est au surplus basé sur la prise en compte des dates de valeur et d'une période de 37 jours, et non 38, entre la date de mise à disposition des fonds et la date d'exigibilité de l'échéance considérée.
Or, il résulte de l'expertise judiciaire que, pour le calcul des intérêts d'un prêt à périodicité mensuelle, la détermination du taux de période en lui appliquant le rapport d'un mois de 30 jours sur une année de 360 jours produit un résultat mathématique strictement équivalent à l'application du rapport d'un mois normalisé de 30,41666 jours sur une année civile de 365 jours prescrit par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause, dont aucune disposition n'exclut son application aux prêts autres que ceux dont le TEG est calculé selon la méthode actuarielle.
D'autre part, s'il est exact que, même en présence d'un prêt à périodicité mensuelle, la réalisation d'un tel calcul sur la base d'une année de 360 jours peut, lorsqu'il existe des intérêts produits par les portions du crédit débloquées par tranches successives ou par le capital libéré à une date autre que la date d'échéance prévue par le tableau d'amortissement, être de nature à affecter le coût du crédit et, partant, le TEG, l'expert B. est, après une analyse technique étayée des données du litige, et après avoir pris connaissance et répondu aux objections exprimés par les emprunteurs, parvenu à la conclusion que, sur la totalité de la période de 23 mois au cours de laquelle le capital prêté a été débloqué en 22 versements, l'écart entre le calcul sur la base de l'année de 360 jours et celui sur la base d'une année civile était de 109,75 euros en faveur des emprunteurs.
Dès lors, même à considérer que l'écart d'intérêts de 1,20 euros constaté sur la période séparant l'ultime mensualité de remboursement de l'arrêté de compte établi au moment du remboursement anticipé du prêt était en défaveur des emprunteurs, il demeure que, sur la totalité de l'opération de crédit, l'erreur induite par le calcul des intérêts sur une base autre que celle de l'année civile est en faveur des emprunteurs.
Il s'en évince que l'application de la clause litigieuse à un contrat de prêt remboursable par échéances mensuelles produit, en dehors de ces échéances brisées, un résultat mathématique strictement équivalent à l'application du rapport d'un mois normalisé de 30,41666 jours sur une année civile de 365 jours prescrit par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause, et que son application aux échéances brisées de l'opération de crédit litigieuse a généré un écart d'intérêts en faveur des emprunteurs, insusceptible de vicier raisonnablement leur consentement à l'acceptation d'une telle clause quand bien même ils auraient bénéficié d'une négociation individuelle sur ce point.
Il en résulte que M. X. et Mme Y. ne démontrent pas que cette clause créerait un déséquilibre significatif à leur détriment, de sorte qu'elle ne saurait être qualifiée d'abusive.
Surabondamment, il sera aussi observé que cette clause, qui porte sur la rémunération prévue en contrepartie du service financier offert au consommateur est, quoiqu'en disent les emprunteurs, rédigée de façon claire et compréhensible, et que l'opacité qui lui est prêtée relativement à ses prétendues conséquences économiques ne résulte que de calculs réalisés par M. X. et Mme Y. au soutien de leurs contestations et dont la pertinence n'a pas été retenue.
Il n'y a donc pas lieu, pour le seul motif qu'elle serait abusive, de réputer non écrite cette clause de calcul des intérêts figurant dans les conditions générales du prêt, laquelle est, au surplus, distincte de la stipulation du taux d'intérêt conventionnel figurant dans les conditions particulières, qui lui aurait donc survécu.
Sur l'illicéité de la clause de calcul des intérêts :
M. X. et Mme Y. soutiennent par ailleurs que cette clause de calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours serait illicite, de sorte que, quels qu'en soient les effets, les premiers juges auraient à bon droit annulé la stipulation d'intérêts du prêt et ordonné la substitution du taux légal au taux contractuel, ou qu'il y aurait à tout le moins lieu de prononcer la déchéance totale du droit du prêteur aux intérêts.
La BPGO invoque à tort l'irrecevabilité de la demande d'annulation de la stipulation d'intérêts, la question de la nature de la sanction applicable au prêteur en cas d'inexactitude du TEG relevant du débat au fond, et non d'une fin de non-recevoir.
À cet égard, si les intérêts conventionnels et le TEG d'un prêt consenti à des non-professionnels doivent être calculés sur la base de l'année civile, il demeure qu'il appartient aux emprunteurs d'établir que l'application de la clause litigieuse a pu concrètement affecter l'exactitude du TEG mentionné dans l'offre et jouer en leur défaveur, la seule sanction à présent applicable en étant, selon une jurisprudence établie, la déchéance du droit du prêteur aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l'emprunteur.
Or, il résulte du rapport d'expertise judiciaire, dont il a été précédemment relevé que la critique n'était, pour l'essentiel, pas convaincante, que, pour illicite que fût cette clause, son incidence sur le TEG n'était que de 0,002 % en faveur des emprunteurs.
Dès lors, rien ne démontre que l'illicéité de la méthode de calcul des intérêts ait été de nature à provoquer une erreur de TEG en défaveur des emprunteurs, et moins encore qu'il en serait résulté, au regard du caractère minime de l'erreur n'affectant le TEG qu'à sa troisième décimale, un préjudice indemnisable.
Il convient donc d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a, au seul motif de l'illicéité de la clause de calcul des intérêts sur 360 jours, prononcé la nullité de la stipulation d'intérêts et de rejeter la demande subsidiaire de déchéance du droit du prêteur aux intérêts.
Sur les frais irrépétibles :
Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de la BPGO l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de la procédure et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme le jugement rendu le 7 septembre 2017 par le tribunal de grande instance de Nantes en toutes ses dispositions ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l'Union européenne ;
Rejette la fin de non-recevoir invoquée par la Banque populaire Grand-Ouest ;
Déboute M. X. et Mme Y. de leurs demandes ;
Condamne M. X. et Mme Y. à payer à la Banque populaire Grand-Ouest une somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. X. et Mme Y. aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire ;
Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5738 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Modalités - Suppression partielle
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