5746 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Sort du contrat – Présentation générale
- 5733 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Effectivité
- 5705 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Délai pour agir - Prescription
- 5725 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Régime - Conditions - Respect de la prescription
- 5747 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Sort du contrat - Clause affectant l’existence du contrat
- 5748 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Sort du contrat - Impossibilité de maintenir le contrat
- 5805 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (4) - Loi n° 95-96 du 1er février 1995
- 5835 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Existence d’une clause
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5746 (15 août 2023)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - RÉGIME
ACTION D’UN CONSOMMATEUR - EFFETS DE L’ACTION
SUPPRESSION DE LA CLAUSE ABUSIVE - CONSÉQUENCES SUR LE SORT DU CONTRAT - PRÉSENTATION GÉNÉRALE
A. RAPPEL DU DROIT COMMUN
Différence entre une clause nulle et une clause réputée non écrite. La sanction consistant à réputer une clause non écrite trouve historiquement son origine dans l’ancien art. 900 C. civ., qui disposait que « dans toute disposition entre vifs ou testamentaire, les conditions impossibles, celles qui sont contraires aux lois ou aux mœurs, seront réputées non écrites ». La sanction permettait d’écarter la clause litigieuse de la libéralité, tout en permettant à son bénéficiaire de la conserver. En revanche, l’ancien art. 1172 disposait que pour « toute condition d’une chose impossible, ou contraire aux bonnes mœurs, ou prohibée par la loi est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend ».
Plutôt que d’appliquer strictement et distributivement les deux textes en fonction de la nature juridique des actes, la Cour de cassation avait fini par opter pour une solution médiane : la nullité d’une clause d’un acte peut entraîner la nullité de l’ensemble de celui-ci si elle déterminante de la volonté des parties. V. pour l’expression initiale du principe : si, aux termes de l’[ancien] art. 900, les conditions impossibles ou contraires aux lois sont, dans toute disposition entre vifs ou testamentaire, réputées non écrites, elles peuvent entraîner la nullité de la donation ou du legs, mais il n’en est ainsi qu’autant qu’elles ont été la cause impulsive et déterminante de la libéralité. Cass. civ. 19 octobre 1910 : DP 1911. 1. 463 ; Dnd. § Aux termes de l’art. 1172 C. civ. [1304-1 nouveau], toute condition d’une chose prohibée par la loi est nulle et rend nulle la convention qui en dépend et qu’il en est ainsi, au moins, lorsque la clause illicite a été, dans l’esprit des parties, une condition essentielle de leur accord de volonté et que sa suppression aurait pour conséquence de bouleverser l’économie du contrat. Cass. civ. 3e, 24 juin 1971 : pourvoi n° 70-11730 ; Bull. civ. III, n° 405 ; Dnd (vente).
L’ordonnance du n° 2016-131 du 10 février 2016 a entériné cette jurisprudence dans l’alinéa premier du nouvel art. 1184 C. civ. qui dispose : « Lorsque la cause de nullité n'affecte qu'une ou plusieurs clauses du contrat, elle n'emporte nullité de l'acte tout entier que si cette ou ces clauses ont constitué un élément déterminant de l'engagement des parties ou de l'une d'elles ».
L’alinéa 2 confirme l’originalité des clauses réputées non écrites : « Le contrat est maintenu lorsque la loi répute la clause non écrite, ou lorsque les fins de la règle méconnue exigent son maintien ».
Cet effet des clauses réputées non écrites est sans doute l’une des caractéristiques majeures de son régime, l’imprescriptibilité étant discutée (V. Cerclab n° 5705 pour un consommateur et Cerclab n° 5725 pour un relevé d’office) et la réservation de la consécration d’une telle sanction au législateur ayant parfois été remise en cause (V. l’arrêt Chronopost). .
B. SPÉCIFICITÉ DU RÉGIME DES CLAUSES ABUSIVES
Justifications. La règle de droit commun, bien que retenue par le texte initial du 10 janvier 1978 (V. ci-dessous), est toutefois beaucoup trop abstraite et générale pour rendre compte de la diversité des situations. Il faut d’ailleurs noter que l’idée n’était pourtant pas totalement absente des textes initiaux puisque la disparition d’une condition d’une libéralité n’empêche pas, la plupart du temps, son exécution (art. 900). La protection contre les clauses abusives s’applique en revanche à des stipulations très diverses et dont la suppression peut avoir des conséquences variables sur le contrat. Les textes qui se sont succédés en la matière ont dû tenir compte de cette réalité.
Rappel de l’évolution des textes sur les clauses abusives. Les textes ont évolué sur cette question.
* Loi du 10 janvier 1978. L’art. 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, repris dans la version initiale de l’ancien art. L. 132-1 C. consom., se contentait de disposer que « de telles clauses abusives, stipulées en contradiction avec les dispositions qui précèdent, sont réputées non écrites ». Le texte ne comportait donc aucune disposition particulière précisant l’influence de la clause sur le sort du contrat, même si techniquement, il semblait impossible d’exclure de façon absolue qu’une stipulation puisse avoir des répercussions sur le contrat (par exemple, dans le cas de l’invalidation d’une clause rendant l’objet ou le prix indéterminables). Mais cette omission s’explique sans doute par le fait que, dans le dispositif initial, seules des clauses visées par un décret pouvaient être éliminées. Celles consacrées par le décret du 24 mars 1978 ne remettent pas en cause le principe du contrat : inopposabilité des conditions générales écartées en vertu de l’art. 1 (annulé par le Conseil d’État), suppression des clauses exonératoires (art. 2) ou suppression de la licéité de la modification imposée unilatéralement par le professionnel (art. 3), ce qui aboutissait dans les deux cas à consacrer un manquement du professionnel à ses obligations initiales.
* Directive 93/13/CEE. La directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 a été plus pragmatique. L’article 6 § 1 de ce texte dispose que « les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »
* Loi du 1er février 1995 (ancien art. L. 132-1 al. 8 C. consom.). Cette solution a été reprise à l’ancien art. L. 132-1 C. consom., al. 8, qui disposait « le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans lesdites clauses ».
* Ordonnance du 14 mars 2016 (art. L. 241-1 al. 2 C. consom.). Elle a également été maintenue par le nouvel art. L. 241-1 al. 2 C. consom. qui, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 14 mars 2016, dispose « Le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans ces clauses ». Les quelques modifications sont purement rédactionnelles (« reste » ou lieu de « restera », « ces » clauses au lieu de « lesdites » clauses).
Analyse. Le système mis en place par la directive et l’ancien art. L. 132-1 C. consom., devenu L. 241-1 nouveau, conduit à affiner la différence entre clause nulle et clause réputée non écrite. L’opposition des régimes ne repose pas sur l’impossibilité de remettre en cause le sort du contrat dans son ensemble, dès lors que, même pour une clause réputée non écrite, le maintien de ce dernier est parfois impossible. En revanche, la justification de la disparition du contrat n’est pas la même dans les deux cas : l’extension des effets d’une clause nulle suppose une recherche de la volonté des parties (cf. 1184 C. civ. nouveau : « si cette ou ces clauses ont constitué un élément déterminant de l'engagement des parties ou de l'une d'elles »). Pour une clause réputée non écrite, l’effet est pour ainsi dire strictement mécanique : le contrat ne peut être exécuté sans cette clause (ex. clause de prix lorsque le juge ne peut le fixer lui-même). § N.B. Certaines des décisions recensées illustrent toutefois le retour de l’appréciation de la volonté des parties, par différents biais (consentement ou clause déterminante ; V. Cerclab n° 5748).
Comp. pour une approche procédurale de la question : la demande en nullité du contrat n’est pas nouvelle en appel, par rapport à celle de première instance fondée sur le caractère abusif d’une clause pénale, dès lors qu’elle tend aussi à faire écarter la demande en paiement de la peine stipulée par ce contrat. Cass. civ. 1re, 26 avril 2000 : pourvoi n° 98-14212 ; Cerclab n° 2044, cassant CA Paris (25e ch. B), 19 décembre 1997 : RG n° 95/26819 ; arrêt n° 304 ; Cerclab n° 1106 (la demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat pour vice du consentement est irrecevable, comme nouvelle devant la Cour, dès lors que cette prétention ne tend pas aux mêmes fins que celle qui a été soumise aux premiers juges portant sur l’existence de clauses abusives insérées dans le contrat, laquelle tend à voir déclarer non écrites les clauses litigieuses, mais pas à anéantir le contrat).
C. DIVERSIFICATION DES SITUATIONS EN DROIT DES CLAUSES ABUSIVES
Interprétation stricte de la portée de l’élimination. Rappr. pour une clause illicite : si la stipulation qui crée la distorsion prohibée est réputée non écrite, cassation pour violation de l’art. L. 112-1 CMF de l’arrêt qui déclare la clause non écrite dans son entier, alors qu’elle constatait que la clause n’engendrait une telle distorsion que lors de la première révision. Cass. civ. 3e, 6 février 2020 : pourvoi n° 18-24599 ; arrêt n° 72 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 8375 (bail commercial), cassant CA Versailles, 30 octobre 2018 : Dnd.
Extension de la suppression à d’autres clauses connexes. Tous les textes précités, du Code civil, de la directive ou du Code de la consommation n’ont abordé que la question de l’influence d’une clause sur le contrat tout entier. Or, les décisions recensées illustrent le fait que, parfois, l’élimination d’une clause peut entraîner celle de clauses connexes, sans remettre en cause le contrat.
Pour des illustrations : Cass. civ. 1re, 14 avril 2016 : pourvoi n° 15-19107 ; arrêt n° 430 ; Cerclab n° 5605 (ayant qualifié un article de clause abusive, la cour d’appel a pu décider qu’un autre article, qui déclinait ce texte, était, par voie de conséquence, abusif et devait être supprimé), rejetant le pourvoi contre CA Grenoble (1re ch. civ.), 20 janvier 2015 : RG n° 12/02971 ; Cerclab n° 5047, sur appel de TGI Grenoble, 7 mai 2012 : RG n° 09/05854 ; Dnd. § Pour les juges du fond : CA Grenoble (1re ch. civ.), 21 juin 2016 : RG n° 13/01940 ; Cerclab n° 5680 (assurance de groupe pour des téléphones mobiles ; extension du caractère abusif aux clauses qui sont indissociables de la clause invalidée), sur appel de TGI Grenoble, 8 avril 2013 : RG n° 10/03470 ; Dnd. § V. encore : TI Lorient, 19 mai 2011 : RG n° 11-11-000266 ; Cerclab n° 7033 (une clause de résiliation sans préavis, pour un motif apprécié uniquement par le professionnel, peut-être déclarée abusive, même si en l’espèce le client n’a subi à deux reprises qu’une restriction d’usage de son compte) - TGI Paris (1/4 social), 7 août 2018 : RG n° 14/07300 ; Cerclab n° 8251 ; Juris-Data n° 2018-014706 (réseau social ; A.15 – clause n° 8.3 des conditions d’utilisation ; est irréfragablement présumée abusive, par application de l’art. R. 212-1-1° C. consom. la clause qui stipule que l’exploitant « ne divulgue pas de données à caractère personnel à des tiers autrement qu'en conformité avec sa Politique de Vie Privée » - rédaction similaire pour d’autres versions -, alors que les modalités d’acceptation présumée de cette « Politique de vie privée » ont été déclarées abusives en raison d’un consentement présumé à un moment où l’utilisateur n’y a pas eu accès) - CA Versailles (1re ch. 1re sect.), 8 février 2019 : RG n° 17/05367 : Cerclab n° 8243 (art. 15.1 CG abon. ; revêt un caractère abusif la clause de suspension ou de limitation des services qui fait référence notamment à des motifs figurant dans une autre disposition déclarée abusive ; même solution pour la clause de résiliation de l’art. 17.1), sur appel de TGI Nanterre (pôle civ. ch. 7), 30 mai 2017 : RG n° 13/01009 ; Dnd - CA Rennes (2e ch.), 19 février 2021 : RG n° 17/06805 ; arrêt n° 121 ; Cerclab n° 8836 (crédit immobilier ; la clause de calcul des intérêts des conditions générales est distincte de la stipulation du taux d'intérêt conventionnel figurant dans les conditions particulières, qui lui aurait donc survécu), sur appel de TGI Nantes, 7 septembre 2017 : Dnd - CA Aix-en-Provence (ch. 3-3), 4 mai 2023 : RG n° 19/12911 ; arrêt n° 2023/69 ; Cerclab n° 10183 (les clauses relatives aux opérations de change et au taux d'intérêt révisable, qui subissent le même risque de change, sont abusives et déclarées non écrites ; il n'est pas possible de diviser les dispositions relatives au déplafonnement des échéances et les autres dispositions des clauses déclarées abusives et il n'appartient pas au juge de se substituer aux parties et de fixer un tel plafond), sur appel de TGI Nice, 15 juillet 2019 : RG n°15/6055 ; Dnd.
Dans certains cas, la suppression par voie de conséquence peut même être seulement partielle. Pour une illustration d’un tel raisonnement : est abusive la clause de résiliation sans indemnité, fondée sur le non respect d’une clause elle-même jugée abusive, la clause restant non abusive pour les autres motifs de résiliation. TGI Nanterre (1re ch. A), 17 mars 1999 : RG n° 12004/98 ; site CCA ; Cerclab n° 4013 ; D. Affaires 1999. 860, obs. V.A.-R. ; RJDA 1999/6, n° 729 (téléphonie mobile).
Comp. pour la prohibition des clauses limitant les conséquences de la suppression d’une clause essentielle : la Commission des clauses abusives recommande que soient éliminées des contrats proposés par les fournisseurs de service de réseautage social les clauses ayant pour objet ou pour effet de stipuler qu’en cas de nullité de l’une des stipulations des conditions générales d’utilisation, le consommateur ou le non-professionnel restera tenu par les autres stipulations, sans réserver l’hypothèse de la nullité d’une clause essentielle du contrat ou de l’interdépendance des stipulations contractuelles. Recomm. n° 2014-02/41° : Cerclab n° 5002 (réseau social ; considérant n° 41).
V. toutefois limitant l’extension : le fait que la clause de déchéance du contrat de prêt, pour tout manquement, même mineur, soit déclarée abusive et réputée non écrite n'a pas pour autant pour effet de faire naître au bénéfice des emprunteurs un droit de résiliation de leur adhésion au contrat d'assurance de groupe, que leur a imposée le prêteur. CA Grenoble (2e ch. civ.), 30 avril 2019 : RG n° 16/00807 ; Cerclab n° 8167 (prêt immobilier ; résolution injustifiée des assurés et refus justifié du prêteur du remplacement de l’assureur), sur appel de TGI Valence, 9 février 2016 : RG n° 13/04382 ; Dnd.
Suppression d’une clause entraînant l’inapplication d’une autre. Pour une décision estimant que, dès lors que l'indemnité de dédit est abusive, le vendeur n'est pas fondé à se prévaloir de la clause pénale pour recouvrement de la facture d'indemnité de dédit « par le contentieux ». CA Metz (1re ch.), 7 novembre 2017 : RG n° 16/01628 ; arrêt n° 17/00383 ; Cerclab n° 7126 (commande de divers éléments nécessaires à la construction d’une maison d'habitation), sur appel de TGI Sarreguemines, 3 mai 2016 : Dnd.
Suppression d’une clause ayant par nature une influence sur le sort du contrat (Cerclab n° 5747). De même, tous les textes précités omettent le fait que la suppression peut porter sur une clause qui a un impact sur le contrat tout entier, qu’il s’agisse d’éliminer une clause ayant permis la disparition du contrat (ex. clause abusive ayant permis au professionnel de résilier le contrat), ou au contraire d’écarter une clause qui a empêché cette disparition (ex. clause limitant abusivement le droit du consommateur de résilier ou écartant un manquement du professionnel, dont le rétablissement va justifier la résolution du contrat).