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CA TOULOUSE (2e ch.), 10 mars 2021

Nature : Décision
Titre : CA TOULOUSE (2e ch.), 10 mars 2021
Pays : France
Juridiction : Toulouse (CA), 2e ch.
Demande : 19/01732
Décision : 21/141
Date : 10/03/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 12/04/2019
Numéro de la décision : 141
Référence bibliographique : 6629 (prêt affecté, subrogation et clause de réserve), 5742 (effet, suppression d’une clause de subrogation), 6026 (indice, clause trompeuse), 6054 (indice, clause de garantie), 6060 (indice, clause portant une atteinte au droit de propriété)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8866

CA TOULOUSE (2e ch.), 10 mars 2021 : RG n° 19/01732 ; arrêt n° 141 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Le contrat de prêt signé le 16 février 2016 comporte une clause de réserve de propriété entre le vendeur et l'acheteur, et une clause de subrogation selon laquelle, à l'instant même du paiement effectué à son profit par le prêteur, le vendeur subroge le prêteur dans le bénéfice de cette réserve de propriété, jusqu'au remboursement complet de sa créance.

Pour que la subrogation conventionnelle prévue à l'article 1250 alinéa 1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, puisse opérer, il faut que le créancier subrogeant reçoive son paiement d'une tierce personne. Cependant, le prêteur, en ce qu'il se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l'acquisition d'un véhicule, n'est pas l'auteur du paiement, l'emprunteur-acheteur étant devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur, de sorte qu'est inopérante la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété du véhicule.

La clause litigieuse selon laquelle la SA Consumer finance est subrogée dans tous les droits et actions du vendeur nés de la clause de réserve de propriété, en ce qu'elle laisse faussement croire aux emprunteurs devenus propriétaires du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, entrave l'exercice de leur droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à leur détriment au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

En conséquence, cette clause doit être réputée non écrite et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SA Consumer finance de sa demande de restitution du véhicule, objet du crédit affecté. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 10 MARS 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/01732. Arrêt n° 141. N° Portalis DBVI-V-B7D-M5CM. Décision déférée du 07 mars 2019 - Tribunal d'Instance de CASTELSARRASIN.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

[...], [...], Représenté par Maître Charlotte L. de la SELARL L. - E. - L., avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

Madame Y.

[...], [...], Représentée par Maître Charlotte L. de la SELARL L. - E. - L., avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

 

INTIMÉ(E/S) :

SA CA CONSUMER FINANCE

[...], [...], Représentée par Maître Jérôme M.-D. de l'ASSOCIATION CABINET D'AVOCATS D. & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 janvier 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant I. MARTIN DE LA MOUTTE, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : F. PENAVAYRE, président, S. TRUCHE, conseiller, I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller.

Greffier, lors des débats : C. OULIE

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par F. PENAVAYRE, président, et par C. OULIE, greffier de chambre.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La CA Consumer finance S.A a accordé à Madame Y. et Monsieur X. le 16 février 2016 un crédit affecté d'un montant de 28.000.00 €, remboursable en 156 mensualités moyennant un TEG de 6,310 % l'an, permettant le financement d'un Camping-car de marque Chausson immatriculé XXX.

Madame Y. et Monsieur X. ont cessé de remplir leurs obligations depuis le mois d'octobre 2017.

Par exploit en date du 31 août 2018, la CA Consumer finance a fait assigner Madame Y. et Monsieur X. devant le tribunal d'instance de Castelsarrasin aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire sous le bénéfice de l'exécution provisoire au paiement de :

- La somme principale de 28.816.13 € majorée des intérêts au taux contractuel depuis l'arrêté de compte du 11 juin 2018,

- La somme de 500,00 € au titre de dommages et intérêts,

- La somme de 600,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Ainsi que leur condamnation solidaire sous astreinte de 80 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, à restituer le bien financé, à savoir un Camping-car de marque Chausson immatriculé XXX et à défaut de restitution volontaire, à être autorisée à reprendre possession de ce véhicule avec le concours de la force publique, ainsi que la condamnation solidaire de Madame Y. et Monsieur X. aux entiers dépens.

Par jugement en date du 7 mars 2018 le Tribunal d'Instance de Castelsarrasin a :

- Condamné Madame Y. et Monsieur X. solidairement à verser à la CA Consumer finance la somme de 23.014,50 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 août 2018 ;

- Rejeté la demande de délais de paiement ;

- Débouté la société CA Consumer finance de sa demande de dommages et intérêts ;

- Débouté la société CA Consumer finance de sa demande tendant à se voir restituer le véhicule financé si besoin sous astreinte ;

- Dit n'y avoir lieu à ordonner la main levée de l'inscription au FICP ;

- Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit n'y avoir lieu de prononcer l'exécution provisoire de la décision ;

- Condamné Madame Y. et Monsieur X. in solidum aux dépens de l'instance.

[*]

Par déclaration en date du 12 avril 2019, Madame Y. et Monsieur X. ont interjeté appel de cette décision.

En l'état de leurs dernières conclusions notifiées le 26 décembre 2019, ils demandent à la cour de :

- Réformer la décision entreprise,

- Dire que la somme due par à la SA CA Consumer finance est de 22.250,06 €.

- Leur accorder un délai d'échelonnement de 24 mois pour apurer leur dette.

- Dire que la SA CA Consumer Finance ne justifie pas d'une information préalable à l’inscription au FICP.

- Ordonner la levée de leur inscription au FICP,

- Débouter la SA CA Consumer finance de sa demande d'appel incident de restitution du véhicule.

- Condamner la SA CA Consumer finance à verser une somme de 2.500 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Ils estiment être en mesure de régler pendant 24 mois une indemnité mensuelle de 807,41 €.

Ils soutiennent que la banque ne justifiant pas d'une information préalable, l'inscription au FICP est irrégulière et doit être levée.

S'agissant de la demande de restitution du véhicule, en application de la clause de réserve de propriété dans le bénéfice de laquelle le prêteur estime être subrogé, ils soutiennent que le mécanisme de la subrogation ne peut jouer puisque le prêteur ne peut être considéré comme ayant exécuté l'obligation de l'emprunteur qu'à la condition que les fonds remis au vendeur automobile aient été alors sa propriété, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; ils ajoutent qu'en tout état de cause, la clause qui prévoit la subrogation du prêteur dans la réserve de propriété du vendeur par application des dispositions de l'article 1250-1° du code civil doit être jugée abusive en application d'un avis de la cour de cassation.

[*]

Par conclusions notifiées le 4 décembre 2019, la CA Consumer finance SA demande à la cour de :

Confirmer le jugement du 7 mars 2019 du Tribunal d'Instance de Castelsarrasin en ce qu'il a :

- Condamné Madame Y. et Monsieur X. solidairement à verser à la CA Consumer finance la somme de 23.014,50 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 août 2018 ;

- Rejeté la demande de délais de paiement ;

- Dit n'y avoir lieu à ordonner la main levée de l'inscription au FICP ;

Le Réformer en ce qu'il l'a débouté de la demande de restitution du véhicule

En toute hypothèse :

Condamner solidairement Madame Y. et Monsieur X., au paiement de la somme de 29.197,28, majorée des intérêts au taux contractuel depuis l'arrêté de compte du 7 août 2019.

Rejeter la demande de délais de paiement de Madame Y. et Monsieur X.,

Débouter Madame Y. et Monsieur X. de leur demande de main levée de l'inscription au FICP,

Ordonner la restitution du véhicule sous astreinte à hauteur de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir.

Débouter Madame Y. et Monsieur X., de l'intégralité de leurs demandes ;

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que les emprunteurs ne rapportent pas la preuve des versements qu'ils allèguent ;

Elle estime en outre avoir procédé à l'inscription au FICP en application des dispositions légales qui lui en font l'obligation et soutient que les emprunteurs ont été parfaitement informés tant de l'existence de la clause de réserve de propriété que de la subrogation du prêteur dans les droits du vendeur et que les stipulations contractuelles relatives à cette subrogation doivent produire leurs effets.

[*]

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé pour un exposé complet des prétentions des parties à leurs dernières écritures.

L'instruction de la procédure a été clôturée par ordonnance du 30 novembre 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur les sommes restant dues :

Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions exposées au dispositif.

La banque qui verse aux débats un décompte au 7 août 2019 pour la somme de 29.197,28 € correspondant au principal restant dû, aux primes d'assurance et à l'indemnité légale de 8 % sollicite à la fois, dans le dispositif de ses écritures, la confirmation des dispositions du jugement ayant condamné les emprunteurs au paiement de la somme de 23.014,50 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 août 2018 et la condamnation des mêmes au paiement de la somme de 29.197,28, majorée des intérêts au taux contractuel depuis l'arrêté de compte du 7 août 2019 €, prétentions qui ne sont pas compatibles ; Pour autant, il y a lieu de constater que les dispositions du jugement ayant retenu le principe de la déchéance du droit aux intérêts après avoir constaté que le prêteur ne justifiait pas de la remise effective de la notice d'assurance, ne font l'objet d'aucune critique et que le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 311-19 n'est plus débattu en cause d'appel.

Les consorts J.-R. qui reprochent au premier juge de n'avoir déduit des sommes prêtées fixées à 28.000 € que la somme de 4.985,50 € alors qu'ils auraient payé 22 échéances de 262,02 € pour un montant total de 5.764,44 € ce qui ramènerait leur dette à la somme de 22.250,06 €, ne justifient cependant pas de la réalité de ces versements, qui n'apparaissent pas à l'historique du compte versé aux débats par la banque.

Le jugement doit donc être confirmé s'agissant du montant des condamnations mises à la charge des emprunteurs.

 

Sur les délais de paiement :

A l'appui de leurs demandes formées au visa des dispositions de l'article 1244-1 ancien du code civil, Monsieur X. et Madame J. proposent d'affecter immédiatement au paiement de la dette la somme de 2.872,20 € correspondant à des fonds économisés et de régler le reliquat par mensualités de 807, 41 €.

Ils indiquent disposer de ressources mensuelles de 3.069 € sans préciser quelles sont leurs charges.

La banque intimée est néanmoins fondée à relever que la créance est ancienne, et que Madame Y. et Monsieur X. ont déjà bénéficié de larges délais de paiement puisque le prêt a été souscrit le 16 février 2016, que les emprunteurs ont cessé tout règlement depuis le mois d'octobre 2017, soit depuis 40 mois et qu'alors même qu'ils indiquent disposer d'économies, aucun versement n'est intervenu depuis le prononcé de la déchéance du terme.

Il n'y a ainsi pas lieu de faire droit à cette demande et le jugement entrepris sera également confirmé sur ce point.

 

Sur l'inscription au FICP :

L'article L. 752-1 nouveau du code de la consommation dispose que : « Les entreprises mentionnées au premier alinéa de l'article L. 751-2 sont tenues de déclarer à la Banque de France, dans des conditions précisées par arrêté, les incidents de paiement caractérisés dans les conditions précisées par l'arrêté mentionné à l'article L. 751-6. Dès la réception de cette déclaration, la Banque de France inscrit immédiatement les incidents de paiement caractérisés au fichier et, dans le même temps, met cette information à la disposition de l'ensemble des entreprises ayant accès au fichier. Les frais afférents à cette déclaration ne peuvent être facturés aux personnes physiques concernées. Les informations relatives à ces incidents sont radiées immédiatement à la réception de la déclaration de paiement intégral des sommes dues effectuée par l'entreprise à l'origine de l'inscription au fichier. Elles ne peuvent en tout état de cause être conservées dans le fichier pendant plus de cinq ans à compter de la date d'enregistrement par la Banque de France de l'incident ayant entraîné la déclaration ».

L'article 5 de l'arrêté du 26 octobre 2010 prévoit que le débiteur défaillant doit être informé de ce que l'incident sera déclaré à la Banque de France à l'issue d'un délai de 30 jours à compter de la date de l'envoi d'un courrier d'information, ce délai permettant à l'intéressé de régulariser sa situation ou de contester auprès de l'établissement le constat d'incident caractérisé ; il précise les mentions qui doivent figurer dans ce courrier ; l'incident ne devient déclarable qu'au terme du délai d'un mois (sauf règlement des sommes ou solution amiable) et le débiteur doit être informé par courrier des informations transmises à la Banque de France ;

En l'espèce, la banque ne soutient, ni ne justifie avoir adressé à Monsieur X. et Madame J. le courrier prévu par les dispositions précitées, en respectant les délais prescrits.

Il convient en conséquence de faire droit à la demande de retrait de l'inscription, laquelle doit être jugée irrégulière au regard des dispositions combinées des textes précités. Le jugement sera infirmé de ce chef.

 

Sur la demande de restitution du véhicule :

Le contrat de prêt signé le 16 février 2016 comporte une clause de réserve de propriété entre le vendeur et l'acheteur, et une clause de subrogation selon laquelle, à l'instant même du paiement effectué à son profit par le prêteur, le vendeur subroge le prêteur dans le bénéfice de cette réserve de propriété, jusqu'au remboursement complet de sa créance.

Pour que la subrogation conventionnelle prévue à l'article 1250 alinéa 1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, puisse opérer, il faut que le créancier subrogeant reçoive son paiement d'une tierce personne. Cependant, le prêteur, en ce qu'il se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l'acquisition d'un véhicule, n'est pas l'auteur du paiement, l'emprunteur-acheteur étant devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur, de sorte qu'est inopérante la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété du véhicule.

La clause litigieuse selon laquelle la SA Consumer finance est subrogée dans tous les droits et actions du vendeur nés de la clause de réserve de propriété, en ce qu'elle laisse faussement croire aux emprunteurs devenus propriétaires du bien dès le paiement du prix au vendeur, que la sûreté réelle a été valablement transmise, entrave l'exercice de leur droit de propriété et a pour effet de créer un déséquilibre significatif à leur détriment au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

En conséquence, cette clause doit être réputée non écrite et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SA Consumer finance de sa demande de restitution du véhicule, objet du crédit affecté.

Monsieur X. et Madame J. qui succombent principalement en cause d'appel supporteront les dépens de la procédure d'appel.

Les circonstances de l'espèce ne justifient néanmoins pas qu'il soit fait application à leur encontre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour ;

Statuant après en avoir délibéré ;

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de mainlevée de l'inscription au FICP ;

Condamne la SA Consumer finance à faire radier l'incident inscrit au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers au nom de Monsieur X. et Madame Y. ;

Y ajoutant ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement Monsieur X. et Madame Y. aux dépens qui pourront être recouvrés par Maître M. DIDIER sur son affirmation de droit.

Le Greffier                            Le Président