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CAA MARSEILLE (6e ch.), 29 mars 2021

Nature : Décision
Titre : CAA MARSEILLE (6e ch.), 29 mars 2021
Pays : France
Juridiction : Marseille (CAA)
Demande : 18MA03850
Décision : 21/21174
Date : 29/03/2021
Nature de la décision : Annulation
Mode de publication : Legifrance
Date de la demande : 10/08/2018
Numéro de la décision : 21174
Référence bibliographique : 6176 (L. 442-1 C. com., preuve), 6161 (L. 441-6 C. com., constitutionnalité), 6165 (L. 441-6 C. com., nature pénale de la sanction), 6167 (L. 441-6 et L. 442-6-I-7° C. com., application dans le temps), 5788 (injonction de l’administration)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8880

CAA MARSEILLE (6e ch.), 29 mars 2021 : req n° 18MA03850 ; rôle n° 21174

Publication : Legifrance

 

Extraits : 1/ « 3. Il résulte de l'instruction que les « notes de renseignements d'urbanisme » facturées par les deux cabinets d'urbanisme Juris Urba Sud et Bigazzi Urablex entre 2011 et 2014 sont élaborées dans le but de satisfaire à l'obligation d'information due à l'acquéreur d'un bien immobilier. Toutefois, aucune disposition légale ou réglementaire ne met à la charge de l'acquéreur ou du vendeur l'obtention d'une note d'urbanisme. Les « notes de renseignements d'urbanisme », versées à titre informatif en annexe de l'acte authentique de vente du bien immobilier, ne sont pas établies par l'étude notariale et leur élaboration ne correspond pas à une activité inhérente à la mission d'officier public ou à l'authentification des actes. De tels documents constituent ainsi des prestations produites à la demande et pour le compte de l'étude notariale, en vue de satisfaire à son obligation de conseil lors des opérations de vente immobilière. L'élaboration de ces notes de renseignements d'urbanisme constitue par suite une prestation de service rémunérée au sens du code du commerce.

4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les prestations de service facturées par les cabinets d'urbanisme Juris Urba Sud et Bigazzi Urablex n'entraient pas dans le champ de l'article L. 441-6 du code du commerce. »

2/ « 6. Il résulte de l'instruction que la sanction administrative en litige a été prononcée par la DIRRECTE PACA, qui n'est pas une autorité administrative indépendante mais un service déconcentré de l'Etat. Les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi n'exercent aucune fonction de jugement et ne peuvent être regardées, ni par leur composition ni par la procédure suivie pour prononcer les sanctions en cause, comme des tribunaux au sens des stipulations de la convention européenne des droits de l'homme. En outre, la sanction prononcée est susceptible d'un recours de plein contentieux devant la juridiction administrative, dont les procédures sont conformes aux exigences de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance du principe de séparation des fonctions des poursuites et de sanctions, et le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme doit être écarté. »

3/ « 13. Aux termes de l'article R. 771-4 du code de justice administrative : « L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1. ».

14. Le moyen tiré de ce que la sanction prise sur le fondement de l'article L. 441-6 du code de commerce méconnaîtrait le principe de légalité des délits et des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 doit être écarté comme irrecevable dès lors qu'il n'a pas été utilement invoqué dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité formée dans les conditions prévues par l'article R. 771-3 du code de justice administrative. »

4/ « 15. La requérante soutient que la DIRRECTE PACA ne pouvait légalement, en vertu du principe de non-rétroactivité des lois, prendre en compte les factures antérieures à l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014. L'article 124 de cette loi a abrogé le 7° du I de l'article L. 442-6 du code de commerce et modifié le VI de l'article L. 441-6 du code de commerce. L'article 123 de la loi du 17 mars 2014, sans modifier les délais maximaux de paiement entre commerçants fixés par le neuvième alinéa du I de l'article L. 441-6 du code de commerce, ni réduire ou étendre la consistance de l'infraction aux règles de la concurrence que constitue la méconnaissance de ces délais, a institué un nouveau régime de peine sanctionnant ce manquement. Ces dispositions mettent fin à la possibilité auparavant ouverte à la juridiction civile saisie de prononcer une amende d'un montant maximal de 2.000.000 euros, peine dont l'application ne pouvait être demandée que par le ministre de l'économie et des finances ou le ministère public et qui pouvait être assortie d'une peine complémentaire de publication de cette sanction. Les dispositions de la loi du 17 mars 2014 substituent à ce dispositif un régime de sanction administrative pécuniaire ayant le même objet, confié au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, agent du ministère de l'économie et des finances, et se traduisant par une amende d'un montant maximal de 375.000 euros, également susceptible d'être publiée. Ces dispositions n'ont donc pas procédé à la suppression d'un régime de sanction indissociable d'une réglementation antérieure à laquelle il aurait été mis fin, mais se sont limitées à modifier les règles de compétence et de procédure au terme desquelles sont adoptées les sanctions infligées, tout en réduisant le plafond des peines encourues, l'initiative en revenant toujours à un agent du ministre de l'économie et des finances. Ces dispositions ont ainsi instauré une loi pénale plus douce, et les dispositions du VI de l'article L. 441-6 du code de commerce telles que modifiées par la loi du 17 mars 2014 pouvaient par suite s'appliquer rétroactivement aux faits commis par la SCP X. Par suite, c'est à bon droit que les services de la DIRECCTE ont pris en compte les 205 factures en cause et la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'amende aurait été fondée sur un volume d'affaires erroné. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE

SIXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 29 MARS 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro de requête : 18MA03850. Numéro de rôle : 21174

M. FEDOU, Président. M. François POINT, Rapporteur. M. THIELÉ, Rapporteur public.

 

APPELANT : Ministre de l'économie et des finances

 

INTIMÉ : SCP X.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCP X. a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 17 février 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Provence-Alpes-Côte d'Azur (DIRECCTE PACA) a prononcé à son encontre une amende administrative de 16.000 euros, et à titre subsidiaire d'annuler l'amende administrative prononcée et de lui substituer une injonction de se conformer à ses obligations, ou à défaut de réduire le montant de l'amende.

Par un jugement n° 1603377 du 3 juillet 2018, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à cette demande.

 

Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 10 août 2018, le ministre de l'économie et des finances demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande d'annulation présentée par la SCP X.

Il soutient que : - les prestations en cause entraient dans le champ d'application de la réglementation relative aux délais de paiement prévue par le code du commerce ; la prestation rendue par un cabinet d'urbanisme en vue de réaliser une note de renseignements d'urbanisme est une prestation de service distincte de la prestation du notaire ; - le fait que la note de renseignements d'urbanisme ait vocation à être annexée à un acte authentique ne fait pas de son établissement une formalité relevant d'une mission d'officier public ; - la réalisation des prestations par le cabinet d'urbanisme n'est pas conditionnée par la réalisation d'une vente, ni par suite à la réalisation d'un acte authentique de vente.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2018, la SCP X., représentée par la société Pommier, Cohen et associés, demande à la Cour : 1°) de rejeter la requête et de confirmer l'annulation la décision du 17 février 2016 ; 2°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'amende prononcée ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux dépens.

Elle soutient que : - les notes de renseignements d'urbanisme sont annexées à l'acte authentique de vente ; elles sont au nombre des documents d'information obligatoires ; la charge financière de l'établissement de ces notes ne pèse pas sur les notaires ; leur paiement est à la charge de l'acquéreur ; le cabinet notarial ne joue qu'un rôle d'intermédiaire ; - les règles sur les délais de paiement ne s'appliquent pas aux notes de renseignement d'urbanisme ; les notes de renseignement d'urbanisme font partie de l'acte de vente ; - la qualification de prestation commerciale est exclue dès lors que les opérations de commerce sont interdites aux notaires ; la rémunération des prestations notariales est réglementée et non soumise au libre jeu de la concurrence ; - le cabinet d'urbanisme intervient en qualité de mandataire pour le compte de l'acquéreur d'un bien immobilier aux fins de constitution du dossier d'acquisition du bien ; le notaire effectue cette demande dans le cadre de sa mission d'officier public et de son devoir impératif d'information ; - en vertu de l'article L. 271-2 du code de la construction et de l'habitation, les notaires comme les cabinets d'urbanisme ne peuvent recevoir aucun versement lors de la conclusion d'un acte dressé en la forme authentique ayant pour objet l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation avant l'expiration d'un délai de rétractation ; - le procès-verbal des 15/25 octobre 2014 est irrégulier ; les dates de contrôle mentionnées sur le procès-verbal sont inexactes ; le procès-verbal porte atteinte aux droits de la défense ; - le paiement des notes de renseignement d'urbanisme est conditionné à la réalisation de la vente et doit, par convention avec le cabinet d'urbanisme, avoir lieu à la date de la vente ; cette date doit par suite être reconnue comme point de départ des délais de paiement ; le paiement des notes de renseignement d'urbanisme dans le mois suivant la réalisation de la vente est conforme à la réglementation ; - l'amende prononcée est intervenue en méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines ; - la sanction est disproportionnée ; - le dispositif de sanction mis en place par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 ne prévoit aucune alternative à la répression ; - le volume d'affaires retenu par la DIRECCTE est erroné ; seules 96 factures devraient être prises en compte, pour un montant de 8.653 euros ; le patrimoine des cabinets d'urbanisme, au regard de leur chiffre d'affaires, n'a pas été affecté ; le dommage causé à l'économie est mineur.

Par ordonnance en date du 21 décembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu : - le code de commerce ; - la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 - la loi n° 2014-62 du 18 juin 2014 ; - la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. C Point, rapporteur, - les conclusions de M. B Thielé, rapporteur public, - et les observations de Maître A pour la SCP X..

Considérant ce qui suit :

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1. La SCP X., venant aux droits de la SCP X., étude notariale, a fait l'objet d'un contrôle de la DIRECCTE PACA portant sur les pratiques mises en œuvre pour assurer le paiement des cabinets d'urbanisme auxquels elle demande l'établissement de notes de renseignements d'urbanisme à l'occasion des ventes immobilières. A l'issue de ce contrôle, qui a débuté le 6 octobre 2014, la DIRECCTE PACA a constaté dans un procès-verbal du 14 septembre 2015 que 205 factures émises entre le 10 février 2011 et le 4 août 2014 par deux prestataires avaient été payées avec un retard compris entre 3 et 1.327 jours, soit un retard moyen de 197 jours.

Par une décision du 17 février 2016, la DIRECCTE PACA a prononcé à l'encontre de la SCP X. une amende de 16.000 euros en application de l'article L. 441-6 VI du code de commerce.

Par un jugement en date du 3 juillet 2018, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette amende. Le ministre de l'économie et des finances demande l'annulation de ce jugement.

 

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'alinéa 8 du I de l'article L. 441-6 du code de commerce dans sa version applicable au litige : « Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée. » Aux termes de l'alinéa 9 du même article : « Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. ». Aux termes de l'alinéa 14 du même article, dans sa version applicable du 25 juillet 2010 au 1er janvier 2013 : « Est puni d'une amende de 15.000 euros le fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés aux huitième et onzième alinéas () ». Aux termes du VI de l'article L. 441-6 du code de commerce dans sa version applicable à compter du 19 mars 2014 : « Sont passibles d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75.000 euros pour une personne physique et 375.000 euros pour une personne morale le fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés aux huitième, neuvième et onzième alinéas du I du présent article (). ». Aux termes du VI de l'article L. 441-6 du code de commerce dans sa version applicable à compter du 19 mars 2014 : « Sont passibles d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75.000 euros pour une personne physique et 375.000 euros pour une personne morale le fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés aux huitième, neuvième et onzième alinéas du I du présent article, le fait de ne pas indiquer dans les conditions de règlement les mentions figurant à la première phrase du douzième alinéa du même I, le fait de fixer un taux ou des conditions d'exigibilité des pénalités de retard selon des modalités non conformes à ce même alinéa ainsi que le fait de ne pas respecter les modalités de computation des délais de paiement convenues entre les parties conformément au neuvième alinéa dudit I. ». Aux termes du VI de l'article L. 441-6 dudit code dans sa version applicable à compter du 11 décembre 2016 : « Sont passibles d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et deux millions d'euros pour une personne morale le fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés aux huitième, neuvième, onzième et dernier alinéas du I du présent article (). ». Aux termes de l'article 68 de la loi n° 2014-62 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises : « () /II- Les faits mentionnés au premier alinéa du VI de l'article L. 441-6 du code de commerce commis antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi restent régis par l'article L. 441-6 du même code dans sa rédaction en vigueur au moment des faits. /() ».

3. Il résulte de l'instruction que les « notes de renseignements d'urbanisme » facturées par les deux cabinets d'urbanisme Juris Urba Sud et Bigazzi Urablex entre 2011 et 2014 sont élaborées dans le but de satisfaire à l'obligation d'information due à l'acquéreur d'un bien immobilier. Toutefois, aucune disposition légale ou réglementaire ne met à la charge de l'acquéreur ou du vendeur l'obtention d'une note d'urbanisme. Les « notes de renseignements d'urbanisme », versées à titre informatif en annexe de l'acte authentique de vente du bien immobilier, ne sont pas établies par l'étude notariale et leur élaboration ne correspond pas à une activité inhérente à la mission d'officier public ou à l'authentification des actes. De tels documents constituent ainsi des prestations produites à la demande et pour le compte de l'étude notariale, en vue de satisfaire à son obligation de conseil lors des opérations de vente immobilière. L'élaboration de ces notes de renseignements d'urbanisme constitue par suite une prestation de service rémunérée au sens du code du commerce.

4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les prestations de service facturées par les cabinets d'urbanisme Juris Urba Sud et Bigazzi Urablex n'entraient pas dans le champ de l'article L. 441-6 du code du commerce. Toutefois il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SCP X. devant le tribunal administratif de Marseille et devant la Cour.

 

Sur la régularité de la procédure :

5. Aux termes du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. () ».

6. Il résulte de l'instruction que la sanction administrative en litige a été prononcée par la DIRRECTE PACA, qui n'est pas une autorité administrative indépendante mais un service déconcentré de l'Etat. Les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi n'exercent aucune fonction de jugement et ne peuvent être regardées, ni par leur composition ni par la procédure suivie pour prononcer les sanctions en cause, comme des tribunaux au sens des stipulations de la convention européenne des droits de l'homme. En outre, la sanction prononcée est susceptible d'un recours de plein contentieux devant la juridiction administrative, dont les procédures sont conformes aux exigences de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance du principe de séparation des fonctions des poursuites et de sanctions, et le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme doit être écarté.

7. Aux termes de l'article L. 465-2 du code du commerce : « () IV. - Avant toute décision, l'administration informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée à son encontre, en lui indiquant qu'elle peut prendre connaissance des pièces du dossier et se faire assister par le conseil de son choix et en l'invitant à présenter, dans le délai de soixante jours, ses observations écrites et, le cas échéant, ses observations orales. / Passé ce délai, l'autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l'amende. ».

8. Il résulte de l'instruction que la SCP X. a été informée par écrit de la sanction envisagée à son encontre par courrier du 2 novembre 2015, et a disposé d'un délai de 60 jours pour formuler ses observations, conformément aux dispositions du IV de l'article L. 465-2 du code du commerce. La société requérante a d'ailleurs formulé ses observations par courrier du 18 décembre 2015. La DIRRECTE PACA, qui a visé dans sa décision du 17 février 2016 le courrier du 18 décembre 2015, n'était pas tenue de répondre spécifiquement à toutes les observations formulées par la SCP X. Par ailleurs, la décision attaquée mentionne les considérations de droit et de fait qui justifient la sanction prononcée. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du 17 février 2016 doit être écarté. La SCP X. n'est pas davantage fondée à soutenir que la procédure n'aurait pas eu un caractère équitable.

9. Aux termes de l'article R. 450-2 du code du commerce : « Les procès-verbaux prévus à l'article L. 450-4 relatent le déroulement de la visite et consignent les constatations effectuées. Ils sont dressés sur-le-champ. Ils comportent l'inventaire des pièces et documents saisis. ».

10. Il résulte de l'instruction que les services de la DIRRECTE PACA ont établi trois procès-verbaux d'intervention le 15 octobre 2014, le 25 juin 2015 et le 14 septembre 2015. Le procès-verbal du 15 octobre 2014 comporte la mention « clos le 25 octobre 2014 à 11h40 » en lieu et place du 15 octobre 2014. Une telle mention doit être regardée en l'espèce comme une simple erreur de plume qui n'est pas de nature à entacher les constatations effectuées lors du contrôle d'irrégularité ou à porter atteinte aux droits de la défense. Par suite, le moyen doit être écarté.

 

Sur les délais de paiement :

11. Il résulte de ce qui a été dit précédemment au point 3 que les prestations de service ayant donné lieu aux facturations à l'origine des retards de paiement sanctionnés par l'administration ne sont pas des actes notariés. Par suite, les moyens tirés de l'inapplicabilité des dispositions du code du commerce et de la méconnaissance du statut du notariat doivent être écartés. La rémunération des prestations d'élaboration des « notes de renseignements d'urbanisme » étant facturée par les cabinets d'urbanisme à la SCP X., les dispositions de l'article L. 271-2 du code de la construction et de l'habitation relatives au versement de sommes par l'acquéreur avant l'expiration du délai de rétractation ne sont pas applicables.

12. Il résulte des dispositions précitées de l'alinéa 8 du I de l'article L. 441-6 du code de commerce qu'en l'absence de dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, l'étude notariale était tenue de payer les sommes dues dans le délai de 30 jours à compter de l'exécution de la prestation demandée. En vertu de l'alinéa 9 du même article, si les parties peuvent convenir d'un délai plus long, celui-ci ne peut en aucun cas dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. Il résulte de l'instruction que les factures émises par le cabinet d'urbanisme Juris Urba Sud et la société Bigazzi Urablex intervenaient postérieurement à l'exécution des prestations d'élaboration de notes de renseignements d'urbanisme. Les prestations demandées étant accomplies, ni le délai de paiement convenu entre les parties, ni le fait que celles-ci auraient convenu que le paiement était dû uniquement en cas de réalisation de la vente immobilière ne peuvent être regardés comme constitutifs d'une condition suspensive de vente. A cet égard, la SCP X. ne peut utilement soutenir que la date de réalisation de la vente immobilière devrait être reconnue comme point de départ des délais de paiement. Ainsi, les services de la DIRRECTE PACA étaient fondés à prendre en compte comme point de départ des délais de paiement la date d'émission des factures. Les affirmations de la SCP X. selon lesquelles les factures ont été réglées dans le délai de 30 jours suivant la date de signature de l'acte authentique de vente sont sans incidence sur la régularité des constatations effectuées par la DIRRECTE PACA concernant les délais de paiement. Il en résulte que la SCP X. n'est pas fondée à soutenir que les manquements relevés par la DIRRECTE PACA concernant les délais de paiement des factures émises par le cabinet d'urbanisme Juris Urba Sud et la société Bigazzi Urablex seraient infondés ou injustifiés.

 

Sur la méconnaissance du principe constitutionnel de légalité des délits et des peines :

13. Aux termes de l'article R. 771-4 du code de justice administrative : « L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1. ».

14. Le moyen tiré de ce que la sanction prise sur le fondement de l'article L. 441-6 du code de commerce méconnaîtrait le principe de légalité des délits et des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 doit être écarté comme irrecevable dès lors qu'il n'a pas été utilement invoqué dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité formée dans les conditions prévues par l'article R. 771-3 du code de justice administrative.

 

Sur le principe et le montant de l'amende :

15. La requérante soutient que la DIRRECTE PACA ne pouvait légalement, en vertu du principe de non-rétroactivité des lois, prendre en compte les factures antérieures à l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014. L'article 124 de cette loi a abrogé le 7° du I de l'article L. 442-6 du code de commerce et modifié le VI de l'article L. 441-6 du code de commerce. L'article 123 de la loi du 17 mars 2014, sans modifier les délais maximaux de paiement entre commerçants fixés par le neuvième alinéa du I de l'article L. 441-6 du code de commerce, ni réduire ou étendre la consistance de l'infraction aux règles de la concurrence que constitue la méconnaissance de ces délais, a institué un nouveau régime de peine sanctionnant ce manquement. Ces dispositions mettent fin à la possibilité auparavant ouverte à la juridiction civile saisie de prononcer une amende d'un montant maximal de 2.000.000 euros, peine dont l'application ne pouvait être demandée que par le ministre de l'économie et des finances ou le ministère public et qui pouvait être assortie d'une peine complémentaire de publication de cette sanction. Les dispositions de la loi du 17 mars 2014 substituent à ce dispositif un régime de sanction administrative pécuniaire ayant le même objet, confié au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, agent du ministère de l'économie et des finances, et se traduisant par une amende d'un montant maximal de 375.000 euros, également susceptible d'être publiée. Ces dispositions n'ont donc pas procédé à la suppression d'un régime de sanction indissociable d'une réglementation antérieure à laquelle il aurait été mis fin, mais se sont limitées à modifier les règles de compétence et de procédure au terme desquelles sont adoptées les sanctions infligées, tout en réduisant le plafond des peines encourues, l'initiative en revenant toujours à un agent du ministre de l'économie et des finances. Ces dispositions ont ainsi instauré une loi pénale plus douce, et les dispositions du VI de l'article L. 441-6 du code de commerce telles que modifiées par la loi du 17 mars 2014 pouvaient par suite s'appliquer rétroactivement aux faits commis par la SCP X. Par suite, c'est à bon droit que les services de la DIRECCTE ont pris en compte les 205 factures en cause et la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'amende aurait été fondée sur un volume d'affaires erroné.

16. Il résulte de l'instruction que les manquements constatés sur les 205 factures du cabinet d'urbanisme Juris Urba Sud et de la société Bigazzi Urablex correspondaient à un volume d'affaires de 17.870 euros et à un retard moyen de 171 jours. La société requérante ne conteste pas utilement le motif tiré de ce que les retards de paiement constatés portaient atteinte au patrimoine des fournisseurs concernés, le montant du chiffre d'affaires de ces dernières étant à cet égard sans incidence. En se bornant à faire valoir que l'amende prévue au VI de l'article L. 441-6 du code de commerce est distincte des dommages et intérêts qui peuvent être accordés aux entreprises victimes de pratiques restrictives de concurrence ou que le dommage causé à l'économie apparaît comme mineur, la société requérante n'établit pas le caractère disproportionné de l'amende mise à sa charge et n'est pas fondée à soutenir qu'une mesure d'injonction aurait été plus adaptée. Ainsi, par leur étendue, les manquements constatés justifiaient dans son principe et dans son montant la sanction administrative prononcée à l'encontre de la SCP X. sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 441-6 du code de commerce.

17. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet des conclusions de première instance et d'appel présentées par la SCP X. Sur les frais du litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes réclamées sur ce fondement par la SCP X.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1603377 du 3 juillet 2018 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SCP X. devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions d'appel de la SCP X. sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la SCP X.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2021, à laquelle siégeaient : - M. Guy Fédou, président, - Mme Christine Massé-Degois, présidente assesseure, - M. C Point, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2021.