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CA BORDEAUX (1re ch. civ.), 27 avril 2021

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (1re ch. civ.), 27 avril 2021
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 1re ch.
Demande : 19/06002
Date : 27/04/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 14/11/2019
Référence bibliographique : 5944 (L. 212-1, domaine, site internet), 6216 (442-1 C. com., expert-comptable, délai de réclamation), 6238 (L. 442-1 C. com., clause de délai de réclamation)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8890

CA BORDEAUX (1re ch. civ.), 27 avril 2021 : RG n° 19/06002

Publication : Jurica

 

Extrait : « Le débat entre les parties porte ensuite sur la validité et les conséquences juridiques de l'article 5 de la lettre de mission qui ainsi formulé : « Toute demande de dommages et intérêts ne pourra être produite que pendant la période de prescription légale. Elle devra être introduite dans le délai de trois mois suivant la date à laquelle le client aura eu connaissance du sinistre ».

La société Couperie conteste la validité de cette clause, arguant que la lettre de mission non librement négociée et s'analysant comme un contrat d'adhésion imposé par l'expert-comptable à sa cliente, la société Couperie, comportant une disposition non explicitée à cette dernière, qui restreint considérablement son droit d'agir en justice, a été de nature à créer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, au sens des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable à l'espèce.

Cet argument ne saurait être retenu au profit de la société Couperie, représentée par M X., homme d'affaires avisé, industriel du bâtiment ayant cédé ses sociétés pour investir ses capitaux dans différentes entreprises dans un souci évident d'optimisation fiscale, bénéficiant d'un service comptable intégré et des conseils d'un avocat fiscaliste. »

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 27 AVRIL 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/06002. N° Portalis DBVJ-V-B7D-LKAL (Rédacteur : Béatrice PATRIE, présidente). Nature de la décision : AU FOND, SUR RENVOI DE CASSATION.

Décisions déférées à la Cour : sur renvoi de cassation d'un arrêt rendu le 18 septembre 2019 (pourvoi n° Y 17-31.392) par la Chambre Commerciale, Financière et Economique de la Cour de Cassation sur un arrêt rendu le 4 octobre 2017 (R.G. n° 15/05689) par la Quatrième Chambre Civile de la Cour d'Appel de BORDEAUX en suite d'un jugement du Tribunal de Commerce de LIBOURNE du 31 juillet 2015 (R.G. n° 2014000958), suivant déclaration de saisine en date du 14 novembre 2019.

 

DEMANDERESSE :

SARL COUPERIE

agissant en la personne de son gérant, M. X., domicilié en cette qualité au siège sis [...], représentée par Maître Pierre F. de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Marjorie R. de la SELARL R. & C., avocat plaidant au barreau de LIBOURNE

 

DÉFENDERESSES :

SARL FINANCIERE DSL

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [adresse]

SAS CABINET DSL

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [adresse]

Société Civile MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, venant aux droits de la SA COVEA RISKS en sa qualité de co-assureur

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [adresse]

SA MMA IARD, venant aux droits de la SA COVEA RISKS qu'elle a absorbée et en sa qualité de co-assureur

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [adresse]

Société MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD assureur de la SARL FINANCIERE DSL

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [adresse]

représentées par Maître Xavier S. de la SELARL G. & ASSOCIÉS, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistées de Maître Patricia LE T. L. de la SCP R. et ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS

SELARL CABINET D'AVOCAT OLIVIER S.

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis 60 [adresse], représentée par Maître Xavier L. de la SCP L. - S. - M., avocat au barreau de BORDEAUX

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 2 mars 2021 en audience publique, devant la Cour composée de : Béatrice PATRIE, président, Vincent BRAUD, conseiller, Bérengère VALLEE, conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SARL Couperie (ci-après la société Couperie), créée le 25 octobre 2010, a pour objet social toutes prises de participations dans toutes sociétés, toutes activités financières et la gestion des participations.

Le 19 mars 2012, elle signait une lettre de mission avec la SAS Cabinet DSL (ci-après le cabinet DSL) pour une prestation de révision de la comptabilité, établissement des comptes annuels et liasse fiscale, de diverses déclarations fiscales et accompagnement à la gestion pour des honoraires fixés à 552 euros HT.

Le cabinet DSL établissait les premiers comptes de la société Couperie arrêtés au 31 décembre 2011 conformément à sa lettre de mission.

En novembre 2012, sur ces comptes, à l'occasion d'un contrôle fiscal, l'administration relevait qu'une somme de 1.920.000 euros portés en compte courant du dirigeant M. X. aurait dû être comptabilisée comme produits financiers de la société.

Après négociation, l'administration, le 18 novembre 2013 notifiait une proposition de redressement de 850.139 euros, outre 47.608 euros au titre des intérêts de retard.

Le 6 décembre suivant, par courrier recommandé avec demande d'accusé réception, la société Couperie demandait à son cabinet comptable de s'expliquer sur ses erreurs d'imputation de la somme portée au compte courant du dirigeant, sur ses manquements à l'obligation de conseil contractuelle, sur les conséquences fiscales qui en résultaient, ainsi que de valider la proposition de transaction de l'administration à hauteur de 897.747 euros pour la société et 51.312 euros pour son dirigeant.

En réponse, le cabinet DSL validait les propositions de l'administration et informait avoir déclaré le sinistre à son assureur et le 23 décembre 2013, les parties mettaient fin à leur relation contractuelle avec effet au 31 suivant.

Le 5 février 2014, le conseil de la société Couperie et de M. X. mettait en demeure la société financière DSL, société holding du cabinet DSL, d'avoir à régler les sommes dues à l'administration fiscale sous quinzaine.

Par acte du 3 avril 2014, la société Couperie assignait la SARL financière DSL devant le tribunal de commerce de Libourne aux fins de paiement de la somme de 801.747 euros majorée des intérêts au taux légal, outre 100.000 euros au titre de son préjudice moral.

A la suite, elle procédait à d'autres assignations :

- le 22 avril 2014, elle assignait la société MMA Assurances, assureur de la société Financière DSL,

- le 5 juin 2014, elle assignait la SAS Cabinet DSL,

- le 23 juin 2014, elle assignait la SA Covea Risks assureur du Cabinet DSL,

- le 19 novembre 2014, elle assignait la SELARL Cabinet d'avocat Olivier S.

Par jugement du 31 juillet 2015, le tribunal de commerce de Libourne a :

- déclaré la SARL Couperie recevable en ses demandes,

- ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les numéros RG 2014000958, 2014001139, 2014001696, 2014001697 et 2014002952,

- débouté la SARL Couperie de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la SARL Couperie à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

* à la SAS DSL la somme de 3.500 euros,

* à la société MMA Assurances la somme de 750 euros,

* à la société Financière DSL SARL la somme de 750 euros,

* à la société Covea Risks la somme de 1.000 euros,

* à la société SELARL Cabinet d'avocats Olivier S. la somme de 1.000 euros,

- condamné la SARL Couperie aux entiers dépens, y compris le coût du jugement liquidé à la somme de 383,76 euros.

La société Couperie a interjeté appel total du jugement, par déclaration du 14 septembre 2015.

Par arrêt du 4 octobre 2017, la cour d'appel de Bordeaux a :

- confirmé le jugement prononcé le 31 juillet 2015 par le tribunal de commerce de Libourne en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- déclaré irrecevable l'appel de la société Couperie SARL,

- condamné la SARL Couperie aux dépens et dit qu'il pourra être fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP L.S. et de Maître Laure G., avocats,

- condamné la SARL Couperie au paiement, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, des sommes suivantes :

* 3.000 euros à la société DSL SAS,

* 1.000 euros à la société MMA IARD assurances mutuelles venant aux droits de Covea Risk,

* 1.000 euros à la société Financière DSL SARL,

* 1.000 euros à la SA MMA IARD,

* 2.000 euros à la SELARL Cabinet d'avocat Olivier S.

La société Couperie a formé un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 18 septembre 2019, la chambre commerciale de la Cour de cassation a :

- cassé en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 octobre 2017 par la cour d'appel de Bordeaux et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée,

- dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause la SELARL Cabinet d'Avocat Olivier S., dont la présence est nécessaire devant la cour de renvoi,

- condamné les sociétés DSL, MMA IARD, MMA IARD Assurances Mutuelles et SELARL Cabinet d'Avocat Olivier S. aux dépens,

- rejeté les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Cour de cassation a considéré que la cour d'appel n'avait pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile, en se contredisant après avoir, dans les motifs de l'arrêt d'appel, retenu que l'action en réparation de la société Couperie était irrecevable comme forclose en raison des stipulations de la lettre de mission souscrite entre les parties et, dans le dispositif du même arrêt, confirmé le jugement qui a déclaré cette action recevable, puis déclaré irrecevable l'appel de la société Couperie.

La société Couperie a saisi la cour d'appel de Bordeaux par déclaration de saisine du 14 novembre 2019.

[*]

Par conclusions n°3 déposées le 2 novembre 2021, la société Couperie demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1101, 1110 et 1147 du Code civil

Vu les articles L. 132-1, alinéa 1er, R. 132-1 et R. 132-2 du Code de la consommation

Vu l'article 2254 du Code civil

Vu l'article 216 du Code Général des impôts

Vu l'article L. 442-6 du code de commerce

Vu les dispositions des articles 699 et 700 du Code de procédure civil

Vu les pièces versées aux débats

A titre principal,

- dire nulle la clause se rapportant à la durée pour engager la responsabilité de la société DSL,

- juger que la société DSL, exerçant l'activité d'expert-comptable, a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société Couperie,

- condamner in solidum la société DSL et son assureur MMA IARD Assurances Mutuelles et la SA MMA IARD venant aux droits de la SA COVEA RISK à payer à la société Couperie une somme principale de 801.747 euros, majorée de l'intérêt au taux légal à compter du 5 février 2014,

- condamner in solidum euros, la société DSL et son assureur MMA IARD Assurances Mutuelles et la SA MMA IARD venant aux droits de la SA COVEA RISK à payer à la société Couperie une somme de 16.404 euros correspondant aux intérêts de retard mis à la charge de la société Couperie par l'administration fiscale, sur une période de mai à décembre 2014, somme devant être majorée, de l'intérêt au taux à compter de la décision à intervenir,

- condamner in solidum la société DSL et son assureur MMA IARD Assurances Mutuelles et la SA MMA IARD venant aux droits de la SA COVEA RISK à payer à la société Couperie une somme de 100.000 euros en réparation de son préjudice moral,

- juger, que la société d'avocats Olivier S. a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société Couperie,

- condamner in solidum la société d'avocats Olivier S. et son assureur à payer à la société Couperie une somme principale de 801.747 euros, majorée de l'intérêt au taux égal à compter du 5 février 2014,

- condamner la société d'avocats Olivier S. et son assureur à payer à la société Couperie une somme de 16.404 euros correspondant aux intérêts de retard à la charge de la société Couperie par l'administration fiscale, sur la période de mai à décembre 2014, somme devant être majorée, de l'intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir,

- condamner la société d'avocats Olivier S. et son assureur à payer à la société Couperie une somme de 100.000 euros en réparation de son préjudice moral,

En tout état de cause,

- condamner solidairement la société DSL, FINANCIERE DSL, MMA et COVEA RISKS et la société d'avocats Olivier S. au paiement d'une somme de 25.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.

[*]

Par conclusions d'intimé n° 4 déposées le 1er février 2021, la société Financière DSL et son assureur MMA IARD, la société Cabinet DSL et la société Covea Risks, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD demandent à la cour de :

- juger l'appel interjeté par COUPERIE SARL irrecevable ou à tout le moins mal fondé,

- confirmer le jugement du 31 juillet 2015 en ce qu'il a dit et jugé que la SARL Financière DSL n'était pas l'expert-comptable de la SARL COUPERIE,

- confirmer la mise hors de cause de DSL Financière SARL et de son assureur en responsabilité civile, la société MMA Assurances,

- juger irrecevable comme forclose sur le fondement des dispositions contractuelles contenues à l'article 5 de la lettre de mission du 19 mars 2012 l'action de mise en jeu de la responsabilité civile du cabinet DSL SAS,

A TITRE SUBSIDIAIRE,

- confirmer le jugement du 31 juillet 2015 en ce qu'il a déclaré mal fondée la mise en jeu de la responsabilité civile professionnelle du Cabinet DSL SAS,

- confirmer la mise hors de cause pure et simple du Cabinet DSL SAS et de son assureur en responsabilité civile professionnelle COVEA RISKS aux droits duquel viennent la Société Civile MMA IARD Assurances Mutuelles et la SA MMA IARD,

- confirmer les indemnités allouées par le jugement dont appel aux concluants,

Y AJOUTANT,

- allouer à la SARL Financière DSL et à son assureur la Société Civile MMA IARD Assurances Mutuelles une indemnité de 5.000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- condamner COUPERIE SARL à payer au Cabinet DSL SAS et à son assureur en responsabilité civile professionnelle représenté par la Société Civile MMA Iard Assurances Mutuelles et la SA MMA IARD une indemnité de 5.000 chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamner COUPERIE SARL aux entiers dépens d'instance et d'appel et ce avec distraction au profit de Maître Laure G., Avocat à la Cour conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

[*]

Par conclusions n° 2 déposées le 9 février 2021, la SELARL Cabinet d'Avocat Olivier S. demande à la cour de :

- débouter la société Couperie de ses demandes à l'encontre de la société Cabinet S.,

- condamner la société Couperie ou toute partie succombante à payer à la Société Cabinet S. une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner toute partie succombante aux entiers dépens.

[*]

L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience collégiale du 3 novembre 2020 renvoyée au 2 mars 2021 avec clôture au 16 février 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la mise hors de cause de la SARL Financière DSL :

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a constaté que la société Couperie n'a jamais contracté avec la SARL Financière DSL, qui doit être mise hors de cause.

 

Sur la nullité de la lettre de mission :

Il est constant que la société Couperie, représentée par son dirigeant M X., a signé le 19 mars 2012, une lettre de mission portant sur la présentation des comptes annuels par la société DSL, expert-comptable.

Au soutien de ses prétentions, la société Couperie fait valoir que la lettre de mission lui a été adressée par la société DSL revêtue de la mention « si ces conditions vous conviennent, vous voudrez bien nous retourner un exemplaire de la présente revêtue de votre signature ainsi que de la mention « bon pour accord », et qu'en l'absence de cette mention, la lettre de mission ne saurait être opposable à la société Couperie.

Or aucune dispositions légale ou réglementaire ne conditionne la validité d'un acte sous-seings privés à une telle condition de forme, la seule signature des parties portée sur l'acte conférant à ce document sa validité contractuelle. Au cas d'espèce, la lettre de mission litigieuse comporte à la fois le paraphe de M X., en sa qualité de représentant légal de la société Couperie et sa signature complète à la fin du document.

Il n'y a donc pas lieu de retenir le motif tiré de la nullité de cette lettre de mission, peu important, par ailleurs, qu'il s'agisse d'un modèle-type proposé par les experts-comptables à leurs clients, étant relevé, de surcroît, que la mission confiée à la société DSL est classique et ne comporte aucune spécificité imposée ou souhaitée par l'une des parties.

 

Sur la recevabilité de l'action formée par la société Couperie :

Le débat entre les parties porte ensuite sur la validité et les conséquences juridiques de l'article 5 de la lettre de mission qui ainsi formulé : « Toute demande de dommages et intérêts ne pourra être produite que pendant la période de prescription légale. Elle devra être introduite dans le délai de trois mois suivant la date à laquelle le client aura eu connaissance du sinistre ».

La société Couperie conteste la validité de cette clause, arguant que la lettre de mission non librement négociée et s'analysant comme un contrat d'adhésion imposé par l'expert-comptable à sa cliente, la société Couperie, comportant une disposition non explicitée à cette dernière, qui restreint considérablement son droit d'agir en justice, a été de nature à créer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, au sens des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable à l'espèce.

Cet argument ne saurait être retenu au profit de la société Couperie, représentée par M X., homme d'affaires avisé, industriel du bâtiment ayant cédé ses sociétés pour investir ses capitaux dans différentes entreprises dans un souci évident d'optimisation fiscale, bénéficiant d'un service comptable intégré et des conseils d'un avocat fiscaliste.

La société DSL soutient pour sa part la forclusion de l'action formée à son encontre par la société Couperie.

Considérant que le débat qui a été initié par le cabinet DSL a toujours été celui de la prescription extinctive, et que la cour d'appel ne peut aller au-delà de la qualification juridique retenue par les parties sans dénaturer le sens ou la portée des stipulations contractuelles, c'est-à-dire de la commune intention des parties, la société Couperie soutient l'application des dispositions de l'article 2254 du code civil aux termes desquelles « la durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties. Elle ne peut toutefois être réduite à moins d'un an ni étendue à plus de dix ans ».

Or, sur ce point, il suffit de se référer aux motifs du jugement aujourd'hui querellé qui indiquent, notamment : « Attendu que la SAS DSL estime l'action entamée par la SARL Couperie à son encontre irrecevable car forclose en application de l'article 5 intitulé « responsabilité (…) pour se convaincre que devant les premiers juges, la société DSL arguait déjà de l'irrecevabilité de l'action formée à son encontre sur un motif de forclusion.

A cet égard, il convient de retenir que lorsque, comme en l'espèce, les parties ont fixé conventionnellement un délai pour engager une procédure, le délai prévu ne correspond pas à un délai de prescription mais à un délai de forclusion, qui à défaut de prévision expresse des parties, n'est pas régi par les dispositions de l'article 2254 du code civil mais par celles de l'article 2241 de ce code qui prescrit que seule l'assignation en justice interrompt la forclusion.

S'agissant du point de départ de la forclusion, la société Couperie considère que le sinistre n'a été connu de manière certaine qu'à compter du 10 mars 2014, date de la mise en recouvrement des sommes transigées, ni la notification du redressement, ni l'avis de mise en recouvrement ne correspondant à la réalisation dommage qui ne se réalise qu'à l'expiration du délai pour former le recours contentieux. La société Couperie observe que l'avis de mise en recouvrement a été notifié le 10 mai 2014, rappelant la possibilité d'un recours contentieux dans le délai de deux mois, soit jusqu'au 10 mai 2014, de sorte que l'assignation délivrée le 3 avril 2014 à la SAS DSL se situait bien dans le délai préfix de trois mois prévu par l'article 5 de la lettre de mission.

Or, il doit être au contraire considéré que l'existence d'un sinistre a été connu par la société Couperie dès lors que l'administration fiscale a informé cette dernière de la mauvaise affectation d'une somme de 1.920 000 euros portée en compte courant d'associé, entraînant, de facto, une imposition moindre que si cette somme avait été portée au titre des produits financiers de la société. En tout état de cause, le 18 novembre 2013, date de la notification de la proposition de transaction de l'administration fiscale, la société Couperie disposait de tous les éléments l'informant de la réalité et de la certitude de sa créance fiscale et lui permettant d'en déterminer le montant selon qu'il décidait d'accepter ou de refuser la transaction qui lui était proposée.

L'action de la société Couperie s'est en conséquence trouvé forclose à la date de délivrance de l'assignation, soit le 4 avril 2014.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré la SARL Couperie recevable en ses demandes.

 

Sur la responsabilité de la SELARL Cabinet d'avocat Olivier S. :

La société Couperie entend engager la responsabilité de Maître Olivier S., avec lequel elle se dit lié par une lettre de mission, pour avoir failli à son devoir de conseil en ne l'informant pas et en ne lui conseillant pas d'initier une procédure judiciaire dans le délai de trois mois de la date à laquelle le sinistre est intervenu et pour ne pas avoir permis une rectification de l'erreur commise par le cabinet DSL compte tenu du retard apporté par l'avocat dans l'approbation des comptes de la société.

Or, la cour ne peut que constater l'absence de production de la lettre de mission permettant de caractériser en quoi l'avocat aurait manqué à ses devoirs concernant des éléments relevant des devoirs comptables de l'entreprise. Il n'est pas établi non plus que l'avocat ait eu connaissance des comptes établis par le cabinet DSL avant la transmission de ces documents à l'administration fiscale, l'avocat indiquant que les comptes ont été arrêtés le 19 avril 2012 mais ne lui ont été transmis qu'en juillet 2012.

Par ailleurs, la société Couperie se trouve mal fondée à reprocher à Maître S. de ne pas lui avoir conseillé d'initier dans le délai de trois mois une procédure à l'encontre du cabinet DSL dès lors qu'il n'est pas démontré que celui-ci ait eu connaissance de la lettre de mission liant la société Couperie au cabinet DSL et que la société Couperie n'a cessé de soutenir, par les écritures de son conseil que la clause litigieuse de la lettre de mission la liant à ce dernier était d'une part entachée de nullité et d'autre part que la forclusion n'était pas encourue, s'agissant d'un délai de prescription.

Il convient de constater que la société Couperie n'établit pas la réalité des fautes commises par Maître S. Elle sera déboutée des demandes formées à son encontre.

Il y a lieu de rejeter toutes autres demandes plus amples ou contraires.

 

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande de condamner la SARL Couperie à payer, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile les sommes suivantes :

-1.000 euros à la société Financière DSL SARL ;

-1.000 euros à la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES ;

- 3.000 euros au cabinet DSL SAS ;

-1.000 euros à la société MMA IARD assurances mutuelles et à la SA MMA IARD venant aux droits de la société COVEA RISK ;

-2.000 euros à la SELARL Cabinet d'avocat Olivier S. ;

Il y a lieu de condamner la société Couperie SARL aux dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

CONFIRME le jugement rendu le 31 juillet 2015 par le tribunal de commerce de Libourne en ce qu'il a mis hors de cause la SARL FINANCIERE DSL ;

L'INFIRME pour le surplus ;

DECLARE IRRECEVABLE comme étant forclose l'action formée par la SARL Couperie à l'encontre du cabinet DSL SAS et de son assureur la société MMA IARD assurances mutuelles et de la SA MMA IARD venant aux droits de la société COVEA RISK ;

DEBOUTE la SARL Couperie de ses demandes formées à l'encontre de la SELARL Cabinet d'avocat Olivier S. ;

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la SARL Couperie à payer, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile les sommes suivantes :

- 1.000 euros à la société Financière DSL SARL ;

- 1.000 euros à la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES ;

- 3.000 euros au cabinet DSL SAS ;

- 1.000 euros à la société MMA IARD assurances mutuelles et à la SA MMA IARD venant aux droits de la société COVEA RISK ;

- 2.000 euros à la SELARL Cabinet d'avocat Olivier S. ;

CONDAMNE la SARL Couperie aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame Béatrice PATRIE, Président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,               Le Président,