CA MONTPELLIER (1re ch. sect. A), 6 septembre 2004
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 891
CA MONTPELLIER (1re ch. sect. A), 6 septembre 2004 : RG n° 03/02569
Publication : Lamyline ; Bull. transp. 2004, 690
Extrait : « Attendu qu'il convient donc, en présence d'un contrat passé entre un professionnel et un non professionnel ou consommateur, de s'interroger sur le caractère éventuellement abusif de la clause invoquée par les intimés et par voie de conséquence sur sa validité au regard des dispositions d'ordre public de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'article de la loi nº 78-23 du 10 janvier 1978, qui réputent non écrites les clauses reconnues abusives ; Attendu que M. X., en contestant l'application des dispositions de l'article L. 133-6 du code de commerce, conteste implicitement l'opposabilité de la clause du contrat d'adhésion qui reprend la prescription abrégée de ce texte ; que cependant, dans la mesure où les parties n'ont pas expressément débattu de la validité de cette stipulation invoquée par les intimés, il convient de rouvrir les débats pour permettre une discussion contradictoire sur ce point ».
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
PREMIÈRE CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 6 SEPTEMBRE 2004
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 03/02569. ARRÊT CONTRADICTOIRE.
APPELANT :
Monsieur X.
[adresse], représenté par Maître Michel ROUQUETTE, avoué, assisté de Maître Gérald GENEST, avocat.
INTIMÉES :
- SA GARNIER DEMENAGEMENTS
[adresse]
- Compagnie d'assurances LA COMPAGNIE LA SUISSE, venant aux droits de la Cie LA UNION ET PHENIX ESPAGNOL
[adresse]
représentées par la SCP TOUZERY - COTTALORDA, avoués
assistées de Me MARQUET loco Me BOLLET, avocat
COMPOSITION DE LA COUR : Mme Nicole FOSSORIER, Présidente, M. Claude LAGUERRE, M. Dominique DECOMBLE, M. FILHOUSE, Mme Noële-France DEBUISSY, Conseillers.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant devis et contrat du 8 novembre 1991, M. X. a confié l'exécution d'un déménagement de meubles, de Madrid à Marseille, à la SA Garnier Déménagements dont l'assureur était la compagnie Union et Phénix Espagnol. Ce déménagement était effectué en trois livraisons les 29 novembre 1991, 13 août 1992 et 4 septembre 1992.
Déplorant la perte ou l'avarie de certains meubles, M. X. a assigné la SA Garnier Déménagements et la compagnie Union et Phénix Espagnol en réparation de son préjudice.
Faisant droit à l'exception de fin de non recevoir opposée en défense, le Tribunal de Grande Instance de Marseille, selon jugement du 14 septembre 1995 auquel la Cour se réfère pour un exposé plus complet, a déclaré prescrite, en application des dispositions de l'article 108 du code de commerce, l'action engagée par exploit du 2 décembre 1993.
Suivant arrêt du 10 novembre 1999, la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement précité. Ledit arrêt a été annulé en toutes ses dispositions par arrêt de cassation du 1er avril 2003 qui a renvoyé la cause et les parties devant la Cour de céans.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par écritures du 10 septembre 2003 auxquelles la Cour se reporte pour le détail de l'argumentation et des moyens développés, M. X. conclut à la recevabilité de son action au regard des règles de prescription de l'article 2270 du code civil, selon lui applicables à l'espèce, et à la condamnation de la SA Garnier Déménagements, in solidum avec son assureur, la compagnie Union et Phénix Espagnol, à lui payer :
- une indemnité de 12.340 Euros en réparation du préjudice subi (au visa des articles 1147 et 1792 du code civil),
- une indemnité de 4.574 Euros pour résistance abusive,
- une somme de 5.340 Euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La SA Garnier Déménagements et la compagnie d'assurances La Suisse, venant aux droits de la compagnie Union et Phénix Espagnol, suivant des écritures du 11 décembre 2003 auxquelles la Cour se reporte pour le détail de l'argumentation développée, concluent :
- à titre principal, à la confirmation du jugement déféré aux motifs, d'une part, que la convention des parties stipule un délai d'action d'une durée réduite d'une année, et, d'autre part, que ce délai contractuel n'a pas été interrompu par le courrier adressé le 24 février 1993 par la SA Garnier Déménagements, ledit courrier n'emportant pas reconnaissance de responsabilité de la part de celle-ci ;
- à titre subsidiaire, au rejet des demandes de M. X. comme étant injustifiées et infondées ;
- en tout état de cause à la condamnation de M. X. à leur payer une somme de 3.000 Euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Attendu que le contrat de déménagement est un contrat d'entreprise qui se différencie du contrat de transport en ce que son objet n'est pas limité au déplacement de la marchandise ; que dès lors, les dispositions de l'article L. 133-6 du code de commerce (anciennement article 108 du code de commerce) ne sont pas applicables à ce contrat ;
Attendu que M. X. vise improprement l'article 2270 du code civil dont les dispositions, comme celles de l'article 1792 du code civil également invoquées, sont spécifiques aux études, marchés et devis passés en matière de construction avec les architectes, entrepreneurs et techniciens ; que cependant, ce visa impropre est sans conséquence particulière dès lors que, abstraction faite du délai conventionnel revendiqué en défense, le délai de prescription abrégée qui pourrait être opposé au demandeur, serait bien celui de dix ans revendiqué par M. X., dès lors que la convention de louage d'ouvrage et d'industrie litigieuse a été conclue avec une partie commerçante, à l'occasion de son commerce, et que les obligations qui en résultent, sont soumises aux dispositions de l'article L. 110-4 (§ I) du code de commerce (anciennement article 189 bis du code de commerce) qui dérogent au principe de la prescription trentenaire ;
Attendu que toutefois, pour continuer à bénéficier de la prescription abrégée d'un an de l'article L. 133-6 du code de commerce, les défendeurs invoquent la convention des parties ; qu'en droit, les dispositions de l'article 2220 du code civil ne font pas obstacle à ce que les parties stipulent, dans leurs rapports contractuels, des délais de prescription plus courts que ceux fixés par le législateur ;
Attendu que néanmoins, la clause invoquée est inscrite en petits caractères au verso du devis et du contrat de déménagement, établis de manière concomitante, alors que, indépendamment des stipulations de l'accord de régulation nº 86-23 du 20 octobre 1986, entériné par l'arrêté nº 86-48 du 3 novembre 1986, qui prévoient la remise au client d'un devis accompagné des conditions générales du contrat faisant figurer les mentions relatives, notamment, aux modalités de mise en jeu de la responsabilité de l'entreprise, la Commission des Clauses Abusives, dans sa recommandation CCA nº 82-02 du 19 février 1982, donne pour avis que non seulement soit remis au client un document reproduisant intégralement, lisiblement et clairement les conditions générales susceptibles de lui être opposées, mais encore, entre autres recommandations :
- que la signature du client soit apposée au bas des conditions générales ;
- que le document reproduise de façon très apparente les indications relatives au délai d'un an pour intenter l'action en justice, lorsque le déménageur agit comme transporteur ou commissionnaire de transport ;
- que soient éliminées des contrats proposés par les déménageurs, les clauses ayant pour objet ou pour effet de rendre applicables les dispositions de l'article 105 (article L. 133-3) du code de commerce et celles de l'article 108 (article L. 133-6) du code de commerce lorsque le déménageur n'agit ni comme transporteur ni comme commissionnaire de transport ;
Attendu qu'il convient donc, en présence d'un contrat passé entre un professionnel et un non professionnel ou consommateur, de s'interroger sur le caractère éventuellement abusif de la clause invoquée par les intimés et par voie de conséquence sur sa validité au regard des dispositions d'ordre public de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'article de la loi nº 78-23 du 10 janvier 1978, qui réputent non écrites les clauses reconnues abusives ;
Attendu que M. X., en contestant l'application des dispositions de l'article L. 133-6 du code de commerce, conteste implicitement l'opposabilité de la clause du contrat d'adhésion qui reprend la prescription abrégée de ce texte ; que cependant, dans la mesure où les parties n'ont pas expressément débattu de la validité de cette stipulation invoquée par les intimés, il convient de rouvrir les débats pour permettre une discussion contradictoire sur ce point ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement, en audience solennelle et sur renvoi de cassation,
Vu l'arrêt prononcé le 1er avril 2003 par la chambre commerciale de la Cour de Cassation,
Reçoit l'appel en la forme,
Et avant dire droit sur la fin de non recevoir tirée de la clause de prescription annale insérée dans la convention des parties,
Ordonne la réouverture des débats et invite les parties à conclure contradictoirement sur la validité de la clause de limitation de la durée du délai pour agir en justice stipulée dans les conditions générales du contrat d'adhésion des parties, au regard des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation et de la recommandation CCA nº 82-02 du 19 février 1982 de la Commission des Clauses Abusives.
Renvoie l'examen de la cause à l'audience du 13 DÉCEMBRE 2004 à 14h20 suivant la forme des procédures à jour fixe, sans ordonnance de clôture.
Réserve le sort des dépens et des frais irrépétibles.