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CA METZ (ch. urg.), 8 juillet 2021

Nature : Décision
Titre : CA METZ (ch. urg.), 8 juillet 2021
Pays : France
Juridiction : Metz (CA), ch. urg.
Demande : 20/01914
Décision : 21/00226
Date : 8/07/2021
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 26/10/2020
Numéro de la décision : 226
Référence bibliographique : 8262 (1171, location financière sans option d’achat), 8530 (1171, appréciation en référé), 8396 (1171, réciprocité)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9021

CA METZ (ch. urg.), 8 juillet 2021 : RG n° 20/01914 ; arrêt n° 21/00226

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « La SARL Rent Estate ne justifie pas avoir réglé ces sommes dans le délai imparti conformément aux stipulations contractuelles, dès lors, il y a lieu de constater que les contrats ont été résiliés de plein droit.

La contestation relative au déséquilibre créé entre les parties en raison de l'existence de cette clause n'est pas sérieuse et le moyen soulevé à ce titre doit être rejeté dans la mesure où, même s'il n'est pas rappelé dans le contrat, le locataire pouvait se prévaloir des dispositions du droit commun de l'ancien article 1184 du code civil repris par les articles 1224 et 1225 du code civil pour solliciter la résiliation du contrat en cas de manquement du bailleur à ses obligations.

Dès lors, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a constaté la résiliation des quatre contrats de location conclus entre la SARL Rent Estate et la SAS Solutions Finance aux droits de laquelle la SA BPALC est venue. »

2/ « La SARL Rent Estate ne justifie pas avoir réglé cette somme. Dès lors, en l'absence de contestation sérieuse à ce titre, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la SARL Rent Estate à payer à la SA BPALC, par provision, la somme de 72.616,98 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2020, aucun moyen tendant à remettre en cause cette date n'étant soutenu.

En revanche, c'est par de justes motifs qu'il convient d'adopter que le juge des référés a relevé, au visa de l'article L. 442-1-I-2° du code de commerce et de l'article 1171 du code civil que si l'article 10.4 des conditions générales de chaque contrat prévoyait une indemnité de résiliation ainsi qu'une pénalité égale à 10 % de l'indemnité de résiliation au préjudice du locataire en cas de résiliation du contrat, aucune clause indemnitaire n'était prévue à l'encontre du bailleur en cas de résiliation par le locataire mais qu'il n'appartenait pas au juge des référés, juge de l'évidence, de porter une analyse sur l'équilibre du contrat entre les parties et dès lors sur le caractère abusif ou non de ces dispositions.

En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a considéré que la demande en paiement de la somme de 312.085,43 euros formée au titre de ces deux indemnités se heurtait à une contestation sérieuse et qu'il n'y avait pas lieu de statuer en référé sur cette prétention. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE DES URGENCES

ARRÊT DU 8 JUILLET 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/01914. Minute n° 21/00226. N° Portalis DBVS-V-B7E-FLR2.

 

APPELANTE :

SARL RENT ESTATE

prise en la personne de son représentant légal [...], [...], Représentant : Maître Djaffar B., avocat au barreau de METZ

 

INTIMÉE :

SA BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE

représentée par son représentant légal [...], [...], Représentant : Maître Armelle B., avocat au barreau de METZ

 

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 11 mai 2021 tenue par Mme Anne-Yvonne FLORES, Magistrat Rapporteur qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré pour l'arrêt être rendu le 08 Juillet 2021.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de chambre

ASSESSEURS : Mme Aline BIRONNEAU, Conseillère, Mme Catherine DEVIGNOT, Conseillère

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS ET AU PRONONCÉ DE L'ARRÊT : Madame Jocelyne WILD

ARRÊT : - Contradictoire, - Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SAS Solutions Finance a conclu avec la SARL Rent Estate les quatre contrats de location financière suivants :

- un contrat n°Z-5XX728-14 conclu le 21 juillet 2016 portant sur la location d'une Porsche 991 occasion 02/2016 n°WP0ZZZ99ZHS143327 à raison de 60 loyers de 2.143,19 euros HT soit 2.571,83 euros TTC

- un contrat n°Z-5XX728-15 conclu le 15 juin 2017 portant sur la location d'une Porsche Panamera 4S occasion 30/11/2016 n°WP1ZZZ97ZHL130724 à raison de 60 loyers de 2.068,10 euros HT soit 2.481,72 euros TTC

- un contrat n°Z-5XX728-16 conclu le 23 novembre 2017 portant sur la location d'une Porsche Cayenne S n°WP1ZZZ9YZJDA61296 à raison de 60 loyers de 2.066,50 euros HT soit 2.479,80 euros TTC

- un contrat n°Z-5XX728-28 conclu le 19 juin 2018 portant sur la location d'une Bentley Continental GT V8 n°SCBGE23W9JC066206 à raison de 60 loyers de 2.977,80 euros HT soit 3.573,36 euros TTC.

La SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne (ci-après la SA BPALC) est venue aux droits de la SAS Solutions Finance.

Par acte d'huissier du 20 mai 2020, la SA BPALC a fait assigner la SARL Rent Estate devant le président du tribunal judiciaire de Metz, statuant en référé, aux fins de solliciter :

- la constatation de la résiliation de plein droit des contrats de location financière la liant à la SARL Rent Estate

- la condamnation par provision de la SARL Rent Estate à lui payer la somme de 384.702,41 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 février 2020

- qu'il soit ordonné à la SARL Rent Estate de lui restituer, à ses frais et sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance les biens suivants :

* un véhicule Porsche 991 Car n° de série : WP0ZZZ99ZHS143327

* un véhicule Porsche Panamera 4S n° de série : WP1ZZZ97ZHL130724

* un véhicule Porsche Cayenne S n° de série : WP1ZZZ9YZJDA61296 et immatriculé ET-373-BT

* un véhicule Bentley Continental GT V8 n° de série : SCBGE23W9JC066206 et immatriculé ET-836-NR

- l'autorisation d'appréhender les véhicules précités par tout moyen, en quelque lieu ou quelque main qu'ils se trouvent et ce, avec le recours éventuel avec un huissier de justice et la force publique en cas d'opposition de la société défenderesse à la restitution

- la condamnation de la SARL Rent Estate à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- le rappel de l'exécution provisoire.

En réponse, la SARL Rent Estate a demandé au juge des référés de :

- constater que les actes de cession des contrats de location des véhicules font état d'une clause attributive de compétence territoriale au bénéfice des juridictions parisiennes qui remplace la clause de compétence territoriale figurant dans les conditions générales de vente des contrats de location originels

- en conséquence, se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris

A titre subsidiaire,

- se déclarer incompétent au projet du tribunal de commerce de Nanterre

Au fond,

- ordonner une expertise graphologique des signatures figurant sur les conditions particulières et générales des contrats de location des véhicules ainsi que sur les actes de cession desdits contrats de location et de livraison des véhicules loués avec la signature du gérant de l'époque de la SARL Rent Estate, M. I. ;

- dire qu'elle prendra en charge les honoraires de l'expert

- constater qu'elle conteste la validité et la légalité de l'article 10-4 des conditions générales de vente sur lequel se fonde la SA BPALC pour solliciter la somme de 384.702,41 euros en ce qu'elle est manifestement une clause abusive

- en conséquence, constater qu'elle émet des contestations sérieuses quant aux demandes de la SA BPALC

- débouter la SA BPALC de ses demandes

- la condamner à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

[*]

Par ordonnance de référé du 29 septembre 2020, le président du tribunal judiciaire de Metz a:

- rejeté l'exception de compétence territoriale soulevée par la SARL Rent Estate

- rejeté la demande formée par la SARL Rent Estate tendant à voir ordonner une expertise graphologique des signatures figurant sur les conditions particulières et générales des contrats de location des véhicules ainsi que sur les actes de cession des contrats de location et de livraison des véhicules loués

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande tendant à voir condamner la SARL Rent Estate à payer à la SA BPALC la somme de 312.085,43 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 février 2020 à titre d'indemnités de résiliation

- condamné la SARL Rent Estate à payer à la SA BPALC la somme de 72.616,98 euros à titre de provision à valoir sur les loyers échus et impayés, avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2020

- constaté la résiliation de plein droit des contrats de location financière liant la SARL Rent Estate d'une part et la SA BPALC d'autre part

- ordonné la restitution à la SA BPALC par la SARL Rent Estate, à ses frais et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et ce passé une semaine après la signification de la présente ordonnance durant six mois des biens suivants :

* un véhicule Porsche 991 Car n° de série : WP0ZZZ99ZHS143327

* un véhicule Porsche Panamera 4S n° de série : WP1ZZZ97ZHL130724

* un véhicule Porsche Cayenne S n° de série : WP1ZZZ9YZJDA61296 et immatriculé ET-373-BT

* un véhicule Bentley Continental GT V8 n° de série : SCBGE23W9JC066206 et immatriculé ET-836-NR

- autorisé la SA BPALC à appréhender les véhicules précités par tout moyen, en quelque lieu ou quelque main qu'ils se trouvent et ce, avec le recours éventuel à un huissier de justice et la force publique en cas d'opposition de la société défenderesse à la restitution

- condamné la SARL Rent Estate à payer à la SA BPALC la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté la demande formée par la SARL Rent Estate au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la SARL Rent Estate aux dépens

- débouté les parties de toute autre demande

- rappelé que cette ordonnance était immédiatement exécutoire par provision.

[*]

Par déclaration déposée au greffe le 26 octobre 2020, la SARL Rent Estate a interjeté appel de cette décision en précisant que l'appel tendait à son infirmation en chacune de ses dispositions à l'exception de celle ayant dit n'y avoir lieu à référé sur la demande tendant à voir condamner la SARL Rent Estate à payer à la SA BPALC la somme de 312.085,43 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 février 2020 à titre d'indemnités de résiliation.

[*]

Par conclusions du 7 janvier 2021, la SARL Rent Estate demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance de référé en chacune de ses dispositions sauf celle ayant dit n'y avoir lieu à référé sur la demande tendant à voir condamner la SARL Rent Estate à payer à la SA BPALC la somme de 312.085,43 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 février 2020 à titre d'indemnités de résiliation et celle relative à la restitution de la Porsche Panamera

Statuant à nouveau,

- constater que les actes de cession des contrats de location des véhicules font état d'une clause attributive de compétence territoriale au bénéfice des juridictions parisiennes qui remplace la clause de compétence territoriale figurant dans les conditions générales de vente des contrats de location originels

- en conséquence, se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris

A titre subsidiaire,

- constater qu'elle a son siège à Boulogne-Billancourt dans le ressort du tribunal de commerce de Nanterre

- dire et juger non applicables les conditions générales de vente de la société Solutions Plus à laquelle la SA BPALC vient aux droits

- constater que la clause attributive de juridiction alléguée par la SA BPALC doit être réputée non-écrite

- se déclarer incompétent au projet du tribunal de commerce de Nanterre

Au fond,

- ordonner une expertise graphologique des signatures figurant sur les conditions particulières et générales des contrats de location des véhicules ainsi que sur les actes de cession desdits contrats de location et de livraison des véhicules loués avec la signature du gérant de l'époque de la SARL Rent Estate, M. I. ;

- dire qu'elle prendra en charge les honoraires de l'expert

- constater qu'elle conteste la validité et la légalité de l'article 10-4 des conditions générales de vente sur lequel se fonde la SA BPALC pour solliciter la somme de 384.702,41 euros en ce qu'elle est manifestement une clause abusive

- en conséquence, constater qu'elle émet des contestations sérieuses quant aux demandes de la SA BPALC

- débouter la SA BPALC de ses demandes

- la condamner à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La SARL Rent Estate précise à titre liminaire que la société Daby Holding a acquis l'intégralité des parts sociales de la SARL Rent Estate auprès de son ancien associé M. I. le 24 avril 2019 et qu'elle ensuite découvert les factures litigieuses.

Elle soutient que la clause attributive de compétence prévue à l'article 15 des conditions générales de vente des contrats ne s'applique pas dans la mesure où ces contrats ont été cédés à la SA BPALC et que les actes de cession stipulent expressément qu'en cas de contestation, les tribunaux de Paris sont seuls compétents même en cas de pluralité de défendeurs. Elle relève en outre que les actes de cession comportent sa signature et que cette clause, qui se substitue à la précédente, lui est donc opposable. Elle en déduit que le tribunal de commerce de Paris est compétent, subsidiairement, le tribunal de commerce de Nanterre au regard de la domiciliation de son siège social par application des articles 42 et 46. En outre, elle soutient que la clause de compétence invoquée par l'intimée n'était ni apparente ni très visible et qu'elle doit dès lors être réputée non écrite.

Elle conteste l'authenticité de la signature apparaissant dans les conditions générales et particulières des contrats de location ainsi que dans les actes de cession de contrats, soutenant qu'il ne s'agit pas de la signature de M. I., alors gérant. Elle indique qu'il n'appartient pas au juge des référés, juge de l'évidence, de s'en assurer. En outre, elle soutient que la théorie du mandat apparent ne s'applique pas car l'intimée ne justifie pas que le signataire avait le pouvoir de conclure le contrat ou qu'il y était habilité. Elle sollicite donc une expertise graphologique.

Elle expose par ailleurs que l'indemnité de résiliation sollicitée pour chaque contrat par la SA BPALC est une clause abusive et illégale par application de la définition des clauses abusives de l'article L. 132-1 du code de la consommation et de l'article L. 442-1-I-2° du code de commerce dans les relations entre les professionnels. Elle affirme que cette clause créée un déséquilibre manifeste entre les parties puisque locataire doit régler les loyers impayés mais aussi tous les loyers jusqu'au terme du contrat et que le contrat ne permet une résiliation que sur la seule initiative du bailleur faisant obstacle à toute demande en ce sens du locataire. Elle en déduit qu'il existe une contestation sérieuse sur la réalité de la créance invoquée par la SA BPALC.

Elle sollicite l'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle l'a condamnée à payer la somme de 72.716,98 euros au titre des loyers échus dans la mesure où aucune demande en ce sens n'avait été sollicitée. De plus, elle indique contester la validité de la totalité des contrats de location, ces derniers étant déséquilibrés, étant précisé que l'indemnité correspondant aux loyers impayés n'est pas distincte de celle de l'indemnité due « pour assurer la bonne exécution du contrat » puisqu'il s'agit de la même clause qui est abusive. Elle conclut ainsi à l'existence d'une contestation sérieuse sur l'intégralité des sommes sollicitées par la SA BPALC. Elle estime également que la restitution des véhicules est aussi liée à une clause contractuelle abusive donc de nul effet. Elle conclut au rejet de l'intégralité des demandes.

[*]

Par conclusions du 4 février 2021, la SA BPALC demande à la cour de :

- rejeter l'appel de la SARL Rent Estate

- accueillir son seul appel incident

- confirmer l'ordonnance du 29 septembre 2020 sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande tendant à voir condamner la SARL Rent Estate à lui payer la somme de 312.085,43 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 février 2020 à titre d'indemnités de résiliation

- infirmer uniquement l'ordonnance sur ce point

- condamner la SARL Rent Estate à lui payer la somme de 312.085,43 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 février 2020 à titre d'indemnité de résiliation

en conséquence,

- condamner la SARL Rent Estate à lui payer la somme totale de 384.702,41 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure réceptionnée le 28 février 2020

en tout état de cause,

- confirmer le jugement pour le surplus

- déclarer la SARL Rent Estate irrecevable et subsidiairement malfondée en l'ensemble de ses demandes

- condamner la SARL Rent Estate aux entiers frais et dépens d'appel

- condamner la SARL Rent Estate à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA BPALC invoque la clause attributive de compétence prévue par l'article 15 de chaque contrat de location pour soutenir qu'elle est en droit de saisir le tribunal judiciaire de Metz, son siège social étant situé sur le ressort de ce dernier. Elle souligne que le litige porte sur les contrats de location et non sur les contrats de cession dont la clause attributive de compétence n'a dès lors pas vocation à s'appliquer. Elle ajoute que la cession des contrats n'a pas eu pour effet d'emporter novation des dispositions des contrats de location qui sont en outre claires et précises et très lisibles.

Elle fait valoir que l'appelante ne peut se prévaloir des contrats pour invoquer l'incompétence du tribunal judiciaire de Metz tout en contestant leur signature. Elle soutient, de plus, que les signatures des contrats ne présentent aucune différence notable avec celles figurant sur le contrat de cession, sur les procès-verbaux de réception ainsi que sur l'acte de cession de parts sociales produit par la SARL Rent Estate ou sur les statuts de cette dernière. Elle ajoute que la SARL Rent Estate a bien procédé au règlement des loyers pendant plusieurs années, que les voitures ont été livrées, ce qui prouve le lien contractuel entre les parties, étant observé que les contrats n'ont jamais été contestés auparavant.

Elle observe par ailleurs que la résiliation de plein droit des contrats n'est pas contestée et que l'ordonnance doit être confirmée à ce titre. Elle en déduit que, de ce fait, la restitution des véhicules s'impose.

La SA BPALC déclare avoir sollicité la condamnation de la SARL Rent Estate à lui payer la somme de 384.702,41 euros et que cette somme incluait bien les loyers échus impayés ainsi que l'indemnité de résilaition. Elle soutient que l'ordonnance qui a condamné l'appelante à lui payer les loyers impayés doit être confirmée, celle-ci ne contestant pas avoir cessé de les régler.

Elle estime par ailleurs que l'indemnité de résiliation ne constitue pas une clause pénale car elle a pour objet de réparer le préjudice subi par le crédit bailleur qui ne peut plus percevoir les loyers pendant la durée initialement prévue. Elle ajoute qu'il n'existe aucun déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, étant observé que cette clause, courante en la matière et non disproportionnée au regard de la valeur des véhicules, ne s'applique qu'en cas de défaillance du locataire dans ses obligations et que la condition résolutoire est toujours sous-entendue en cas de non-respect par une partie de ses obligations, et ce dans tout contrat. Elle conteste par ailleurs l'application de l'article L132-1 du code de la consommation, la SARL Rent Estate n'étant pas un consommateur.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Vu les conclusions du 7 janvier 2021 de la SARL Rent Estate et celles du 4 février 2021 de la SA BPALC auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions et demandes ;

Vu l'ordonnance de clôture du 6 avril 2021 ;

 

Sur la compétence territoriale :

L'article 15 des conditions générales de chacun des contrats souscrits par la SARL Rent Estate auprès de la SAS Solutions Finance stipule : « sous réserve des dispositions de l'article 48 du code de procédure civile, le tribunal de commerce de Paris sera seul compétent, quels que soient le lieu de livraison et le mode de paiement, et même en cas de pluralité de défendeurs, pour tout litige relatif à la validité, l'interprétation ou à l'exécution du contrat et de ses suites. Il est toutefois noté qu'en cas de cession du présent contrat, les litiges relèveront au choix du cessionnaire, du tribunal du domicile (siège) du locataire ou de la banque cessionnaire ».

Cette clause stipule donc expressément qu'en cas de cession du contrat de location, il appartiendra au cessionnaire de choisir à titre de juridiction compétente pour trancher les litiges relatifs à la validité, l'interprétation ou à l'exécution du contrat de location et de ses suites soit le tribunal du domicile du locataire, soit celui de celui de la banque cessionnaire.

Si chaque contrat de cession des contrats de location comporte la mention : « en cas de contestation les tribunaux de Paris sont seuls compétents, même en cas de pluralité de défendeurs », il faut considérer, en l'absence de toute précision, que cette clause attributive de compétence s'applique aux litiges relatifs à l'exécution du contrat de cession et non au contrat de location, étant précisé que les actes de cession de contrat, stipulent que «la cession englobe tous les droits et obligations nés pour les signataires du contrat de location ci-dessus référencé ».

C'est donc par de justes motifs que le premier juge a retenu comme étant applicable au litige la clause attributive de compétence prévue à l'article 15 des conditions générales de chaque contrat de location.

Par ailleurs l'article 48 du code de procédure civile répute non-écrite une clause qui déroge, directement ou indirectement aux règles de compétence territoriale sauf, toutefois, si elle a été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualités de commerçants et si elle a été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée.

En l'espèce, les contrats de location ont été conclus entre deux commerçants.

La clause attributive de compétence des contrats de location est mentionnée dans un article 15 intitulé « droit applicable – juridiction », écrit en lettres majuscules, et est ensuite écrite avec la même hauteur de caractère et la même police d'écriture que le reste du contrat dont il n'est pas soutenu qu'il n'est pas lisible. En outre, cet article 15 est le dernier des conditions générales et se situe immédiatement au-dessus de la signature du locataire. La clause est donc parfaitement apparente et lisible.

Dès lors le moyen tendant à voir déclarer cette clause non-écrite doit être rejeté.

En conséquence, par application de l'article 15 précité de chaque contrat de location, la SA BPALC pouvait choisir d'assigner la SARL Rent Estate devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Metz, juridiction du lieu de domicile de son siège social.

Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée.

 

Sur la contestation de la signature des contrats :

L'article 288 du code de procédure civile dispose qu'il « appartient au juge de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer et fait composer, sous sa dictée des échantillons d'écriture. Dans la détermination des pièces de comparaison, le juge peut retenir tous documents utiles provenant de l'une des parties, qu'ils aient été émis ou non à l'occasion de l'acte litigieux ».

Il résulte de l'examen des contrats de location objets du litige que ces derniers comportent chacun sous la mention locataire : le cachet de la SARL Rent Estate ainsi que la mention nom du signataire : « I. » puis une signature. Or cette signature est similaire sur chacun des contrats et correspond à la signature apparaissant sur les procès-verbaux de réception-livraison des véhicules, ainsi qu'à celle apparaissant sur les contrats de cession des contrats de location et enfin à celle apposée sous la mention du nom de M. I. sur l'acte de cession des parts sociales de la SARL Rent Estate.

De plus, la SARL Rent Estate ne produit aucune autre pièce comportant une signature différente émise au nom de M. I.

Il n'existe donc pas de contestation sérieuse sur l'authenticité de la signature des contrats de location ainsi que sur le fait que M. I., alors gérant de la SARL Rent Estate, en est l'auteur.

De plus, comme l'a relevé le premier juge, les contrats ont été exécutés sans aucune réserve par la SARL Rent Estate qui a réceptionné les véhicules et payé les mensualités des loyers pendant plusieurs années.

Une expertise graphologique étant inutile, il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de la SARL Rent Estate formée à ce titre.

 

Sur la constatation de la résiliation des contrats de location :

Si, dans sa déclaration d'appel, la SARL Rent Estate a sollicité l'infirmation de la décision en ce qu'elle a constaté la résiliation de plein droit des contrats de location financière liant la SARL Rent Estate d'une part et la SA BPALC d'autre part, il sera relevé qu'elle n'invoque aucun moyen tendant à remettre en cause cette disposition à l'exception de celui contestant la signature des contrats pour lequel il sera renvoyé aux motifs précités ainsi que celui relatif au déséquilibre du contrat.

L'article 10-1 des conditions générales de chaque contrat stipule que « le contrat de location peut être résilié de plein droit par le bailleur 8 jours à compter de la première présentation au locataire d'une mise en demeure adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au locataire, et ce, en cas d'inexécution d'une seule des conditions de la location, notamment en cas de non-paiement d'un seul loyer (...) ».

Par quatre lettres recommandées avec demandes d'avis de réception signée par la SARL Rent Estate le 9 décembre 2019, la SA BPALC a mis en demeure cette dernière de régler au titre des échéances échues impayées :

- la somme de 2.539,88 euros pour le contrat n°Z-5XX728-14 référencé sous le n°113292/00 par la SA BPALC

- la somme de 4.963,44 euros pour le contrat n°Z-5XX728-15 référencé sous le n°120082/00 par la SA BPALC

- la somme de 6.126,22 euros pour le contrat n°Z-5XX728-16 référencé sous le n°124114/00 par la SA BPALC

- la somme de 3.573,36 pour le contrat n°Z-5XX728-28 référencé sous le n°1279737/00 par la SA BPALC.

Elle s'est également prévalu de la clause résolutoire en rappelant qu'à défaut de règlement de ces sommes dans un délai de 8 jours, le contrat serait résilié.

La SARL Rent Estate ne justifie pas avoir réglé ces sommes dans le délai imparti conformément aux stipulations contractuelles, dès lors, il y a lieu de constater que les contrats ont été résiliés de plein droit.

La contestation relative au déséquilibre créé entre les parties en raison de l'existence de cette clause n'est pas sérieuse et le moyen soulevé à ce titre doit être rejeté dans la mesure où, même s'il n'est pas rappelé dans le contrat, le locataire pouvait se prévaloir des dispositions du droit commun de l'ancien article 1184 du code civil repris par les articles 1224 et 1225 du code civil pour solliciter la résiliation du contrat en cas de manquement du bailleur à ses obligations.

Dès lors, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a constaté la résiliation des quatre contrats de location conclus entre la SARL Rent Estate et la SAS Solutions Finance aux droits de laquelle la SA BPALC est venue.

Les références des contrats résiliés n'étant pas indiqués dans le dispositif de l'ordonnance, celles-ci seront ajoutées par le présent arrêt afin de prévenir toute difficulté d'exécution.

 

Sur la demande en paiement :

Il résulte des dispositions de l'article 873 du code de procédure civile que le président du tribunal de commerce peut, en référé, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision à un créancier.

L'article 10.4 des conditions générales de chaque contrat applicable en cas de résiliation stipule : « le bailleur se réserve également la faculté d'exiger, outre le paiement des loyers impayés et de toutes sommes dues jusqu'à la date de restitution effective du matériel, le paiement : a) en réparation du préjudice subi, d'une indemnité de résiliation égale HT au montant total des loyers HT postérieurs à la résiliation ; et b) pour assurer la bonne exécution du contrat, d'une pénalité égale à 10% de l'indemnité de résiliation ».

Contrairement à ce qu'affirme l'appelante, la SA BPALC avait bien sollicité en première instance le paiement des loyers échus impayés qui étaient inclus dans la somme totale sollicitée, la même d'ailleurs que celle reprise en appel.

Par ailleurs, la demande en paiement des loyers échus impayés doit être considérée distinctement de celle relative à l'indemnité de résiliation et à la pénalité de 10 %, ces prétentions n'étant pas soumise aux mêmes conditions d'application et étant donc divisibles.

Il résulte du décompte produit pour chaque contrat que la SARL Rent Estate reste débitrice, au titre des loyers échus impayés avant la résiliation des contrats des sommes de :

- 18.925,98 euros pour la période du 15 juillet 2019 au 15 février 2020 au titre du contrat n°Z-5XX728-14 conclu le 21 juillet 2016 référencé ensuite n°113292/00

- 17.372,04 euros pour la période du 15 août 2019 au 15 février 2020 au titre du contrat n°Z-5XX728-15 conclu le 15 juin 2017 référencé ensuite sous le n°120082/00

- 14.878,80 euros pour la période du 5 septembre 2019 au 5 février 2020 au titre du contrat n°Z-5XX728-16 conclu le 23 novembre 2017 référencé ensuite n°124114/00

- 21.440,16 euros pour la période du 1er septembre 2019 au 1er février 2020 au titre du contrat n°Z-5XX728-28 conclu le 19 juin 2018 référencé ensuite n°1279737/00

soit un total de 72.616,98 euros

La SARL Rent Estate ne justifie pas avoir réglé cette somme. Dès lors, en l'absence de contestation sérieuse à ce titre, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la SARL Rent Estate à payer à la SA BPALC, par provision, la somme de 72.616,98 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2020, aucun moyen tendant à remettre en cause cette date n'étant soutenu.

En revanche, c'est par de justes motifs qu'il convient d'adopter que le juge des référés a relevé, au visa de l'article L. 442-1-I-2° du code de commerce et de l'article 1171 du code civil que si l'article 10.4 des conditions générales de chaque contrat prévoyait une indemnité de résiliation ainsi qu'une pénalité égale à 10 % de l'indemnité de résiliation au préjudice du locataire en cas de résiliation du contrat, aucune clause indemnitaire n'était prévue à l'encontre du bailleur en cas de résiliation par le locataire mais qu'il n'appartenait pas au juge des référés, juge de l'évidence, de porter une analyse sur l'équilibre du contrat entre les parties et dès lors sur le caractère abusif ou non de ces dispositions.

En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a considéré que la demande en paiement de la somme de 312.085,43 euros formée au titre de ces deux indemnités se heurtait à une contestation sérieuse et qu'il n'y avait pas lieu de statuer en référé sur cette prétention.

 

Sur la restitution des véhicules :

L'article 873 du code de procédure civile permet au juge des référés d'ordonner l'exécution d'une obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire, dès lors que l'existence de cette obligation n'est pas sérieusement contestable.

L'article 10.3 des conditions générales de chaque contrat stipule que « la résiliation entraîne l'obligation pour le locataire de restituer immédiatement le matériel en lieu désigné par le bailleur aux conditions prévues par l'article 12. A défaut, le bailleur peut faire enlever le matériel en tout lieux où il se trouve, aux frais du locataire, soit amiablement, soit sur ordonnance rendue sur requête ou référé, suivant le cas, par le juge compétent ».

Cette clause étant indépendante de celle prévoyant le paiement d'une indemnité de résiliation ainsi qu'une clause pénale, leur sort n'a donc pas à être lié.

La résiliation des contrats ayant été constatée, il faut considérer qu'il n'y a pas de contestation sérieuse sur la demande tendant à voir ordonner la restitution des véhicules.

L'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a :

- ordonné la restitution à la SA BPALC par la SARL Rent Estate, à ses frais et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et ce passé une semaine après la signification de la présente ordonnance durant six mois : le véhicule Porsche 991 Car n° de série : WP0ZZZ99ZHS143327 ; le véhicule Porsche Panamera 4S n° de série : WP1ZZZ97ZHL130724 ; le véhicule Porsche Cayenne S n° de série : WP1ZZZ9YZJDA61296 et immatriculé ET-373-BT ainsi que le véhicule Bentley Continental GT V8 n° de série : SCBGE23W9JC066206 et immatriculé ET-836-NR

- autorisé la SA BPALC à appréhender les véhicules précités par tout moyen, en quelque lieu ou quelque main qu'ils se trouvent et ce, avec le recours éventuel à un huissier de justice et la force publique en cas d'opposition de la société défenderesse à la restitution, étant observé qu'il n'est soulevé aucun moyen tendant à remettre en cause les modalités d'appréhension précisées par le premier juge.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

L'ordonnance entreprise sera confirmée dans ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL Rent Estate qui succombe principalement sera condamnée aux dépens de l'appel.

L'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties les frais engagés par elle et non compris dans les dépens par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile

CONFIRME l'ordonnance de référé du 29 septembre 2020 du président du tribunal judiciaire de Metz dans toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

PRECISE que les contrats conclus entre la SARL Rent Estate et la SAS Solutions Finance aux droits de laquelle vient la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne étant résiliés sont :

- le contrat n°Z-5XX728-14 conclu le 21 juillet 2016 référencé ensuite n°113292/00 portant sur la location d'une Porsche 991 occasion 02/2016 n°WP0ZZZ99ZHS143327

- le contrat n°Z-5XX728-15 conclu le 15 juin 2017 référencé ensuite sous le n°120082/00 portant sur la location d'une Porsche Panamera 4S occasion 30/11/2016 n°WP1ZZZ97ZHL130724

- le contrat n°Z-5XX728-16 conclu le 23 novembre 2017 référencé ensuite n°124114/00 portant sur la location d'une Porsche Cayenne S n°WP1ZZZ9YZJDA61296

- le contrat n°Z-5XX728-28 conclu le 19 juin 2018 référencé ensuite n°1279737/00 portant sur la location d'une Bentley Continental GT V8 n°SCBGE23W9JC066206

CONDAMNE la SARL Rent Estate aux dépens ;

LAISSE à chacune des parties la charge des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Le présent arrêt a été signé par Madame FLORES, Présidente de chambre à la Cour d'appel de METZ et par Madame WILD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier                            Le Président