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CA POITIERS (2e ch. civ.), 12 janvier 2021

Nature : Décision
Titre : CA POITIERS (2e ch. civ.), 12 janvier 2021
Pays : France
Juridiction : Poitiers (CA), 2e ch. civ.
Demande : 19/02856
Décision : 21/27
Date : 12/01/2021
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 23/08/2019
Numéro de la décision : 27
Référence bibliographique : 5956 (L. 212-1, domaine, défibrillateur), 5850 (consommateur personne physique), 5905 (domaine, indice, sécurisation de l’activité), 5855 (protection des non professionnels, L. 17 mars 2014)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9040

CA POITIERS (2e ch. civ.), 12 janvier 2021 : RG n° 19/02856 ; arrêt n° 27 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Les dispositions du code de la consommation applicables au présent litige sont celles antérieures à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.  Selon les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation « dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. » Selon l'article préliminaire du code de la consommation, « au sens du présent code, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. »

Il en résulte qu'une commune personne morale de droit public ne peut être considérée comme un consommateur.

Par ailleurs, une personne morale est un non-professionnel, au sens du texte précité, lorsqu'elle conclut un contrat n'ayant pas de rapport direct avec son activité professionnelle. Le non professionnel se définit donc comme toute personne morale n'agissant pas à des fins professionnelles ; pour s'assurer qu'un contrat relève du champ d'application du dispositif protecteur du code de la consommation le juge apprécie s'il a ou non un rapport direct avec l'activité professionnelle du cocontractant.

En l'occurrence, les contrats de crédit-bail conclus avec la société Grenke par les communes de Champigny le sec et Rochereau, aujourd'hui fusionnées et aux droits desquelles se trouve présentement la commune de Champigny le Rochereau, portaient sur la location-vente de défibrillateurs à installer dans des lieux publics placés sous la surveillance de la commune. Si l'installation de ces appareils ne répond pas à un impératif légal, elle n'en relève pas moins de la mission de sécurité publique incombant à la collectivité territoriale, qui a l'obligation de veiller sur la sécurité des administrés sur la voie publique et dans tous les lieux mis à disposition par la commune, ainsi qu'au maire, investi d'un pouvoir de police administrative qui, pour une partie, tend aux mêmes fins.

Dès lors, les contrats litigieux entrent dans la sphère de l'activité professionnelle de la commune en sorte que celle-ci doit être considérée comme ayant agi à titre professionnel.

L'appelante ne peut donc se prévaloir du caractère abusif de certaines clauses du contrat, tel que prévu aux articles L. 212-2 et L. 212-3 du code de la consommation.

Les demandes présentées sur ce fondement seront donc rejetées, ainsi que jugé en première instance, la décision étant de ce chef confirmée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE POITIERS

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 12 JANVIER 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/02856. Arrêt n° 27. N° Portalis DBV5-V-B7D-F2OO. Décision déférée à la Cour : jugement du 3 juillet 2019 rendu(e) par le Tribunal d'Instance de Poitiers.

 

APPELANTE :

COMMUNE DE CHAMPIGNY LE SEC DEVENUE COMMUNE DE CHAMPIGNY EN ROCHEREAU

représenté par son maire en exercice. [...], [...], Ayant pour avocat plaidant Maître Jessy R., avocat au barreau de POITIERS.

 

INTIMÉE :

SAS GRENKE LOCATION

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège. [...], [...], Ayant pour avocat plaidant Maître Nicolas G. de la SELARL M.-G.- B.- P., avocat au barreau de POITIERS.

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant : Madame Claude ANTONI, Conseiller, Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président, Madame Claude ANTONI, Conseiller, Monsieur Emmanuel CHIRON, Conseiller.

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - Signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

OBJET DU LITIGE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La SAS Grenke Location (ci-dessous la société Grenke) exerce une activité de location financière de matériel destiné aux entreprises.

Les 6 août 2014 et 4 novembre 2014, elle a conclu avec la commune de Champigny en Rochereau, anciennement commune de Champigny Le Sec, deux contrats de location portant sur des défibrillateurs fournis par la société Mydefib. Ces contrats ont été conclus chacun pour une période de 63 mois, moyennant un loyer trimestriel de 360 HT (432 € TTC) pour le premier (contrat 100 - 01XXX0) et de 120 € HT (144 € TTC) pour le second (contrat100 - 0YYY15).

[*]

À compter de l'automne 2016, la commune de Champigny Le Sec a cessé de s'acquitter des loyers.

Après lettres de relance du 10 mars 2017 sollicitant régularisation de l'arriéré sous peine de résiliation des contrats, lesquelles sont demeurées infructueuses, la SAS Grenke, par courriers recommandées avec accusé de réception du 19 avril 2017, a résilié les deux contrats et sollicité, conformément aux dispositions des articles 11 et 17 des conditions générales, le paiement des termes échus augmenté des termes à échoir, outre 40 € de frais forfaitaires de recouvrement.

Une dernière mise en demeure avant poursuite et invitant éventuellment à trouver un terrain amiable a été adressé par l'entremise du conseil de la SAS Grenke, le 26 janvier 2018, mais est également restée sans effet.

Par exploit d'huissier délivré le 4 janvier 2019, la SAS Grenke a alors fait assigner la Commune de Champigny Le Sec sur le fondement de l'article 1134 dans sa rédaction applicable, antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, aux fins de condamner la commune au paiement des sommes suivantes :

- 7.029,24 € en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2018,

- 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par jugement du 3 juillet 2019, le Tribunal d'Instance de Poitiers a statué ainsi :

- Dit que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables en l'espèce.

- Dit que la clause résolutoire des contrats conclus entre la société Grenke LOCATION et la commune de Champigny Le Sec devenue Champigny en Rochereau, est valable

- Condamné la commune de Champigny en Rochereau à payer à la société Grenke LOCATION la somme de 7.029,24 € en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2018.

- Condamné la commune de Champigny en Rochereau à payer à la société Grenke LOCATION la somme de 600 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes.

- Condamné la commune de Champigny en Rochereau aux entiers dépens.

[*]

La Commune de Champigny en Rochereau a interjeté appel par acte enregistré le 23 août 2019.

Dans ses dernières conclusions d'appelant numéro 2 notifiées par RPVA le 11 août 2020, elle demande à la cour de :

Vu l'article liminaire et les articles L. 212-2 ; L. 212-3 ; L. 241-1 ; R. 212-1 et R.212-2 du Code de la consommation

Vu l'article 1134 (ancien) du Code civil

Vu l'article L. 2113-5 du Code Général des Collectivités Territoriales

Vu l'article 700 du Code de procédure civile

Vu la jurisprudence citée

Vu les pièces versées aux débats

DIRE ET JUGER recevable l'appel formé par la Commune de CHAMPIGNY LE SEC devenue CHAMPIGNY EN ROCHEREAU.

A TITRE PRINCIPAL :

Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a :

- DIT que les dispositions du Code de la consommation n'étaient pas applicables

- DIT que la clause résolutoire des contrats conclus entre la société Grenke LOCATION et la commune de CHAMPIGNY EN ROCHEREAU est valable

- CONDAMNE la commune de CHAMPIGNY EN ROCHEREAU à payer à la société Grenke la somme de 7.029,24 €, en principal, outre les intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2018

- CONDAMNE la commune de CHAMPIGNY EN ROCHEREAU à payer à la société Grenke LOCATION la somme de 600 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance

- DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes

En conséquence, statuant à nouveau :

- DIRE ET JUGER que la Commune est un « non professionnel » pouvant à ce titre bénéficier des dispositions protectrices du droit consumériste,

- DIRE ET JUGER nulle la clause résolutoire contenue dans les contrats conclus entre la Commune de CHAMPIGNY EN ROCHEREAU et la société Grenke LOCATION,

- CONDAMNER la société Grenke LOCATION à verser la somme de 1.000 € à la Commune de CHAMPIGNY EN ROCHEREAU au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

A TITRE SUBSIDIAIRE :

Infirmer le jugement du 3 juillet 2019 en ce qu'il a :

- CONDAMNE la Commune au paiement de la somme de 7.029,24 € assortie des intérêts de retard au taux légal à compter du 30 janvier 2018 ;

Par conséquent statuant à nouveau :

- DIRE ET JUGER qu'il y a eu un transfert des deux contrats au profit de la nouvelle Commune CHAMPIGNY EN ROCHEREAU mais aussi au profit de la Société VIATELEASE.

- CONSTATER l'attitude déloyale de la société Grenke dans l'exécution des contrats de location longue durée.

- CONDAMNER la société Grenke LOCATION à verser la somme de 1.000 € à la Commune de CHAMPIGNY EN ROCHEREAU au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

En tout état de cause :

- DÉBOUTER la société Grenke LOCATION de sa demande subsidiaire visant à obtenir la condamnation de la Commune de CHAMPIGNY EN ROCHEREAU au paiement de la somme de 7.029,24 € en principal, majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du 30 janvier 2018 ;

- DEBOUTER la société Grenke LOCATION de sa demande de condamnation de la Commune de CHAMPIGNY EN ROCHEREAU au paiement de la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Elle expose d'abord, en fait, qu'avant fusion entre la commune de Champigny le sec et celle du Rochereau pour devenir commune de Champigny en Rochereau, le 1er janvier 2017, la première nommée avait été démarchée pour l'installation de défibrillateurs par la société Mydefib, puis, suivant les indications de cette société, avait signé avec la société Grenke les deux contrats de crédit-bail sus dits ; la société Mydefib avait parallèlement démarché la commune du Rochereau qui avait accepté la même proposition commerciale de vente de défibrillateurs adossée à un contrat de crédit-bail souscrit auprès de la société Grenke, pour une durée de 63 mois moyennant un loyer trimestriel de 300 € HT (360 € TTC).

Puis le 18 mars 2016, la société Mydefib avait démarché de nouveau le maire de la commune de Champigny le sec pour l'informer de ce que cette société était désormais devenue société My Visioprotect, celle-ci agissant comme mandataire de la société Viatelease, se substituant elle-même à la société Grenke ; il était affirmé que My Visioprotect prendrait en charge le transfert des contrats de location signée avec la société Grenke ; le maire signait un nouveau contrat par l'entremise de Visio protect, portant un nouvel engagement de location sur 63 mois moyennant un loyer de 576 € TTC ; ce contrat était validé par la société Viatelease le 21 mars 2016.

La commune de Champigny Le Sec avait ensuite reçu en cumul des factures de la société Grenke et de la société Viatelease.

C'est dans ces circonstances que n'ayant pas d'explication, malgré ses demandes, sur cette double facturation alors qu'il lui avait été assuré que le transfert de contrat était pris en charge par la société My Visioprotection, la commune de Champigny le sec a cessé de régler les factures Grenke à compter du 1er octobre 2016, de même pour les factures Viatelease.

Elle soutient ensuite, en droit, que sous l'empire du droit antérieur à l'ordonnance du 14 mars 2016 les personnes morales pouvaient déjà bénéficier de la protection du code de la consommation dans la mesure aujourd'hui reconnue aux non professionnels, la jurisprudence accordant le bénéfice de ces dispositions aux personnes morales sans activité lucrative ; la location de défibrillateur par la commune ne correspond pas à l'exécution d'un service public et le contrat de location ne contient aucune clause exorbitante du droit commun ; aucune obligation légale de mise à disposition de défibrillateur ne pèse sur les collectivités locales ; le contrat de location relève ainsi du droit privé ; la commune n'exerce pas une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, et sa mission de sécurité publique ne s'apparente pas à une activité professionnelle ; la commune n'est pas un consommateur mais a la qualité de non professionnel au sens du code de la consommation ; à ce titre elle peut se prévaloir des dispositions sur les clauses abusives.

Les stipulations des contrats ménagent au seul bailleur la faculté de résilier le contrat de location longue durée de manière anticipée, le locataire ne pouvant exercer une telle faculté sans accord préalable du bailleur ; de plus, en cas de résiliation il est mis à charge du locataire une indemnité démesurée puisque portant sur les loyers échus, les intérêts de retard s'y rapportant, ainsi que les loyers à échoir majorés de 10 % à titre de sanction.

Les clauses 10 et 11 du contrat sont ainsi abusives et doivent être réputées non écrites ; la demande en paiement fondée sur lesdites clauses doit donc être rejetée.

À titre subsidiaire, si la clause résolutoire est jugée valable, la demande indemnitaire n'en est pas moins infondée : l'appelante fait en effet valoir que les contrats ne sont pas résiliés mais simplement transférés à la sociétéViatelease, nouveau mandataire de la société Mydefib, devenue Myvisioprotect, la société Grenke « ayant cédé sa qualité de crédit bailleur au profit de Viatelease » avec effet au 21 mars 2016 ; de plus, par application des dispositions du code général des collectivités territoriales, les contrats conclus par la commune de Champigny le sec ont été transférés par suite de la fusion entre celle-ci et la commune du Rochereau, à la nouvelle commune de Champigny en Rochereau.

À compter du 21 mars 2016, la société Grenke n'était plus en droit de réclamer paiement des loyers à la commune ; elle a délibérément entretenu une confusion autour du transfert de contrats afin de pouvoir les dénoncer par la suite, les transactions étant intervenues très rapidement et sans information effective du Maire de la commune de Champigny le sec.

[*]

Par conclusions d'intimée notifiées le 20 février 2020, la société Grenke Location demande à la cour de :

Vu l'article liminaire du Code de la Consommation,

Vu l'article 1134 du Code Civil dans sa rédaction applicable antérieure à l'entrée en vigueur de l'Ordonnance n° 2016-431 du 10 février 2016,

Vu l'article préliminaire du Code de la Consommation dans sa rédaction applicable antérieure à l'entrée en vigueur de l'Ordonnance n 2016-301 du 14 mars 2016,

Vu les articles L. 212-1, R. 212-1 et R. 212-2 du Code de la Consommation,

Vu le bordereau de pièces annexé,

- Recevoir la COMMUNE DE Champigny en Rochereau en son appel et l'y déclarer mal fondée,

En conséquence,

- Confirmer le jugement rendu le 3 juillet 2019 par le Tribunal d'Instance de Poitiers en toutes ses dispositions.

- Dire non applicables les dispositions du Code de la Consommation.

A titre subsidiaire, dire valable la clause résolutoire des contrats conclus entre la société Grenke LOCATION et la COMMUNE DE Champigny Le Sec devenue la COMMUNE DE CHAMPIGNY -EN-ROCHEREAU.

A titre très subsidiaire, dire la société Grenke LOCATION bien fondée en sa demande de paiement en contrepartie de la jouissance du matériel loué.

- Dire la société Grenke LOCATION bien fondée en sa demande de paiement par application des dispositions contractuelles.

- Condamner la COMMUNE DE Champigny en Rochereau au paiement de la somme de 7029,24 € en principal majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2018.

- Condamner la COMMUNE DE Champigny en Rochereau au paiement de la somme de 1500,00 € sur le fondement de l'article 700 du CPC,

Condamner la COMMUNE DE Champigny en Rochereau aux entiers dépens.

Elle dénie en premier lieu qu'il y ait eu transfert des contrats conclus en 2014 entre la commune de Champigny le sec et la société ,au profit de la société Viatelease, et observe qu'aucune clause du contrat de location conclu le 21 mars 2016 entre cette dernière et ladite commune ne fait référence à un tel transfert ; elle conteste l'existence de liens avec la société Viatelease et note qu'il n'est produit aucune preuve d'un accord avec cette société et/ou d'un engagement de transfert des contrats.

Elle fait valoir ensuite qu'antérieurement à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ayant élargi la protection du code de la consommation aux non professionnels, la commune ne pouvait se prévaloir de cette législation, n'étant pas un consommateur.

Elle ajoute que depuis la loi 2017- 203 du 21 février 2017, le non professionnel est une personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles, et l'article L212 -1 du code de la consommation ne s'applique pas au contrat de fourniture de biens ou de services ayant un lien direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant ; la commune de Champigny ayant en l'occurrence loué deux défibrillateurs pour assurer la mission de sécurité publique lui incombant, cette location s'inscrit dans le cadre de son activité professionnelle et est donc exclue du champ d'application du code de la consommation.

En toute hypothèse, elle observe que les clauses de résiliation (article 10 et 11 des contrats) n'ont aucun caractère abusif.

Au regard des dispositions de l'article R. 212-1, 7° et 8° du code de la consommation édictant une présomption irréfragable de caractère abusif, l'intimée observe que la faculté de résiliation réservée au bailleur n'est ouverte qu'en cas de non-respect des obligations du locataire et n'est pas discrétionnaire ; par ailleurs, au cas de manquement du bailleur à ses obligations, le locataire conserve la faculté de demander la résiliation du contrat en application des règles civiles.

Elle ajoute qu'au regard des dispositions de l'article R. 212-2, 3° et 8° offrant au professionnel la faculté de démontrer le caractère non abusif de la clause, il appartient à la commune de Champigny en Rochereau de démontrer en quoi l'indemnité mise à sa charge en cas d'inexécution de ses obligations serait disproportionnée ; or l'indemnité de résiliation qui consiste dans le versement des loyers restant à échoir à la date de résiliation, indemnise légitimement la société Grenke qui a financé le matériel mais, par suite de la résiliation anticipée, perd le bénéfice des loyers à venir et subit en conséquence un préjudice financier.

Elle s'oppose à la demande très subsidiaire de la commune de Champigny en Rochereau qui, pour faire échec à la résiliation, invoque un transfert des contrats au profit de la société Viatelease, transfert en réalité factice ; d'ailleurs la commune, en dépit de cette analyse, n'a pas réglé les loyers qui seraient dus à la société Viatelease ; de surcroît elle continue de jouir du matériel loué par Grenke. La condamnation au paiement de 7.029,24 €, outre les intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2018, est ainsi bien fondée.

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 octobre 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'application du droit de la consommation :

Les dispositions du code de la consommation applicables au présent litige sont celles antérieures à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Selon les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation « dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

Selon l'article préliminaire du code de la consommation, « au sens du présent code, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. »

Il en résulte qu'une commune personne morale de droit public ne peut être considérée comme un consommateur.

Par ailleurs, une personne morale est un non-professionnel, au sens du texte précité, lorsqu'elle conclut un contrat n'ayant pas de rapport direct avec son activité professionnelle.

Le non professionnel se définit donc comme toute personne morale n'agissant pas à des fins professionnelles ; pour s'assurer qu'un contrat relève du champ d'application du dispositif protecteur du code de la consommation le juge apprécie s'il a ou non un rapport direct avec l'activité professionnelle du cocontractant.

En l'occurrence, les contrats de crédit-bail conclus avec la société Grenke par les communes de Champigny le sec et Rochereau, aujourd'hui fusionnées et aux droits desquelles se trouve présentement la commune de Champigny le Rochereau, portaient sur la location-vente de défibrillateurs à installer dans des lieux publics placés sous la surveillance de la commune.

Si l'installation de ces appareils ne répond pas à un impératif légal, elle n'en relève pas moins de la mission de sécurité publique incombant à la collectivité territoriale, qui a l'obligation de veiller sur la sécurité des administrés sur la voie publique et dans tous les lieux mis à disposition par la commune, ainsi qu'au maire, investi d'un pouvoir de police administrative qui, pour une partie, tend aux mêmes fins.

Dès lors, les contrats litigieux entrent dans la sphère de l'activité professionnelle de la commune en sorte que celle-ci doit être considérée comme ayant agi à titre professionnel.

L'appelante ne peut donc se prévaloir du caractère abusif de certaines clauses du contrat, tel que prévu aux articles L. 212-2 et L. 212-3 du code de la consommation.

Les demandes présentées sur ce fondement seront donc rejetées, ainsi que jugé en première instance, la décision étant de ce chef confirmée.

 

Sur les demandes indemnitaires subsidiaires :

En vertu de l'article L. 2113-5 du code général des collectivités territoriales « l'ensemble des biens, droits et obligations » des communes dont est issue la commune nouvelle, est transféré à cette dernière .

La création de la commune nouvelle entraîne sa substitution dans toutes les délibérations et dans tous les actes pris par ...les communes qui en étaient membres.

Les contrats sont exécutés dans les conditions antérieures jusqu'à leur échéance, sauf accord contraire des parties... ».

Il en résulte que les contrats conclus par la commune de Champigny le sec (contrats 100 - 01XXX0 et 100 - 0YYY15), se sont trouvés transférés à la nouvelle commune en étant issue (commune de Champigny le Rochereau) par l'effet de la fusion, effective le 1er janvier 2017.

Le moyen de l'appelante invitant à considérer que la résiliation n'a pu produire effet, la société Grenke n'ayant aucun pouvoir pour la prononcer dès lors que les contrats litigieux ont en réalité été transférés à la société Viatelease, nouveau mandataire de la société Myvisioprotect, elle-même venant aux droits de la société Mydefib, est voué à l'échec faute d'établir l'opposabilité de la cession des contrats à la société prétendument cédante (Grenke).

De fait, l'appelante verse aux débats le contrat signé par le maire de la commune de Champigny le 18 mars 2016 avec la société Visioprotect, pour la location-vente de deux défibrillateurs.

Il est notable qu'au bas de ce document sont prévus deux encadrés, l'une pour la signature du « loueur cédant », l'autre pour celle du « bailleur cessionnaire » portant signature d'un représentant de la société Viatelease en date du 21 mars 2016.

En revanche la cour observe que la partie réservée au « loueur cédant » - qui aurait dû être contresignée par un représentant de la société Grenke - n'est porteuse d'aucune signature, de sorte que la cession de contrat alléguée n'est pas établie.

Au demeurant et alors que l'appelante invoque un transfert des contrats avec reprise, au profit de My Visio protect et Vitalease, il ressort de l'exemplaire signé le 18 mars 2016 que la commune reprend en location deux défibrillateurs sur une durée complète de 63 mois et moyennant un loyer mensuel de 480 €HT ; il s'agit donc bien d'un nouveau contrat.

De surcroît, l'argumentation de la commune de Champigny le Rochereau est peu convaincante sachant qu'elle déclare avoir été informée de cette cession prétendue de contrat par un commercial de la société Myvisioprotect, mais n'a pourtant pas poursuivi le paiement des loyers entre les mains de la société cessionnaire (Viatelease).

Cette demande subsidiaire sera donc également rejetée et la cour confirmera la condamnation de la commune de Champigny en Rochereau au paiement de la somme de 7.029,24 €, montant dont l'appelante ne conteste pas le détail chiffré.

 

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais qu'elle a exposés pour assurer sa défense ; la commune de Champigny en Rochereau sera par conséquent condamnée au paiement de 1.400 € au titre des frais irrépétibles d'appel, la condamnation prononcée à ce titre en première instance étant confirmée ; la demande formulée en appel sur ce même fondement par la commune sera quant à elle rejetée.

La commune supportera les dépens d'appel en sus de ceux mis à sa charge en première instance.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal d'instance de Poitiers du 3 juillet 2019 ;

Y ajoutant,

Condamne la commune de Champigny en Rochereau à payer à la société Grenke la somme de 1400 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel ;

Condamne la commune de Champigny en Rochereau aux dépens d'appel.

LE GREFFIER,                               LE PRÉSIDENT,