CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 20 mai 2021

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 20 mai 2021
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 18/09101
Date : 20/05/2021
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 5/05/2018
Référence bibliographique : 5705 (L. 212-1, imprescriptibilité),5823 (crédit, application dans le temps), 5721 (L. 212-1, obligation de relever d’office), 5716 (crédit à la consommation, obligation de relever d’office), 5725 (R. 632-1, relevé d’office, prescription)
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 9077

CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 20 mai 2021 : RG n° 18/09101 

Publication : Jurica

 

Extrait : « En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat. Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive ; en revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Si le contrat litigieux est antérieur à la mise en application de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, il faut néanmoins observer que les dispositions de droit interne précitées sont en cohérence avec la Directive n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les crédits à la consommation qui consacre dans sa lecture par la Cour de justice de l'Union européenne le rôle du juge dans le respect des dispositions d'un ordre public économique européen.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai. Par ailleurs, si la notion de prescription s'attache à une action ou à une demande formulée par voie d'exception, il est admis qu'elle est sans effet sur l'invocation d'un moyen qui tend non pas à l'octroi d'un avantage, mais seulement à mettre en échec une prétention adverse.

C'est ainsi que défendant à une action en paiement du solde d'un crédit à la consommation, l'emprunteur peut opposer tout moyen tendant à faire rejeter tout ou partie des prétentions du créancier par application d'une disposition du code de la consommation prévoyant la déchéance du droit aux intérêts, sans se voir opposer la prescription pour autant qu'il n'entende pas en obtenir un autre avantage tel le remboursement d'intérêts indûment acquittés.

Enfin, il ne saurait être allégué que le fait que les prérogatives conférées au juge par le code de la consommation échappent à la prescription fait peser sur le prêteur une obligation imprescriptible dès lors que les deux parties au contrat demeurent soumises dans l'exercice de leurs actions et demandes à la prescription quinquennale.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 311-6 à L. 311-13 anciens dans leur rédaction applicable au litige et qu'il a écarté le moyen tiré de la prescription des critiques qu'il émettait quant au respect par la société Cofidis de ses obligations d'ordre public attachées à la conclusion du contrat. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9-A

ARRÊT DU 20 MAI 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/09101 (4 pages). N° Portalis 35L7-V-B7C-B5UQ7. Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 janvier 2018 - Tribunal d'Instance de PALAISEAU – R.G. n° 11-17-000306.

 

APPELANTE :

La société COFIDIS

société à directoire et conseil de surveillance agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège N° SIRET : XXX [...], [...], représentée par Maître Olivier H. de la SELARL H. K. H. H., avocat au barreau de l'ESSONNE

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], [...], [...], DÉFAILLANT

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville], [...] [...] DÉFAILLANTE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 avril 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, Mme Agnès BISCH, Conseillère, M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller.

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT : - DÉFAUT - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 24 novembre 2006, M. X. et Mme Y. épouse X. ont souscrit auprès de la société Cofidis un prêt personnel d'un montant de 37 300 euros remboursable en 120 mensualités de 443,97 euros au taux d'intérêt nominal de 7,56 % l'an.

Se prévalant du non-paiement des échéances convenues, la société Cofidis a prononcé la déchéance du terme du prêt le 19 avril 2017.

Saisi par la société Cofidis d'une action tendant à la condamnation des emprunteurs au paiement du solde restant dû à compter de la déchéance du terme, le tribunal d'instance de Palaiseau, par un jugement réputé contradictoire rendu le 30 janvier 2018 auquel il convient de se reporter, a dit que la société Cofidis était déchue de son droit aux intérêts contractuels, a condamné solidairement M. et Mme X. à payer à la société Cofidis la somme de 15.485,15 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement et a rejeté les autres demandes.

Après avoir écarté le moyen tiré de la prescription des critiques émises sur la régularité formelle de l'offre de crédit et vérifié la recevabilité de l'action, le tribunal a retenu que les caractères d'impression du contrat ne satisfaisaient pas le « corps huit » imposé par l'article R. 311-6 ancien du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige.

[*]

Par déclaration du 5 mai 2018, la société Cofidis a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions remises le 9 juillet 2018 et signifiées le 13 juillet 2018, elle demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris,

- de condamner solidairement M. et Mme X. à lui payer la somme de 28.673,60 euros augmentée des intérêts au taux d'intérêt contractuel de 7,56 % l'an à compter du 12 avril 2017, outre capitalisation des intérêts,

- de condamner les mêmes solidairement à lui payer la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante soutient que le juge ne pouvait soulever d'office des moyens relatifs à la régularité formelle de l'offre de crédit au-delà du délai quinquennal de prescription de droit commun qui aurait pu être opposé aux débiteurs si ceux-ci avaient comparu, nonobstant l'absence de disposition spécifique dans le code de la consommation, sauf à créer une imprescriptibilité. Elle note que le juge ne peut soulever d'office le moyen tiré de la prescription.

A titre subsidiaire, elle relève que la référence « corps 8 » n'est pas définie légalement, qu'elle correspond techniquement à 3mm en point Didot mais que cette référence à un caractère d'imprimerie à l'ère informatique est difficilement applicable et qu'il appartient au juge d'apprécier si le texte du contrat est ou non suffisamment lisible.

Elle fait valoir que le contrat litigieux respecte le corps 8 en point Pica (2,82 mm) comme en point Didot (3 mm).

[*]

Régulièrement assignés par actes d'huissier délivrés le 13 juillet 2018 conformément aux dispositions des articles 656 et 658 du code de procédure civile, M. et Mme X. n'ont pas constitué avocat.

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010.

* * *

En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive ; en revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Si le contrat litigieux est antérieur à la mise en application de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, il faut néanmoins observer que les dispositions de droit interne précitées sont en cohérence avec la Directive n° 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les crédits à la consommation qui consacre dans sa lecture par la Cour de justice de l'Union européenne le rôle du juge dans le respect des dispositions d'un ordre public économique européen.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai. Par ailleurs, si la notion de prescription s'attache à une action ou à une demande formulée par voie d'exception, il est admis qu'elle est sans effet sur l'invocation d'un moyen qui tend non pas à l'octroi d'un avantage, mais seulement à mettre en échec une prétention adverse.

C'est ainsi que défendant à une action en paiement du solde d'un crédit à la consommation, l'emprunteur peut opposer tout moyen tendant à faire rejeter tout ou partie des prétentions du créancier par application d'une disposition du code de la consommation prévoyant la déchéance du droit aux intérêts, sans se voir opposer la prescription pour autant qu'il n'entende pas en obtenir un autre avantage tel le remboursement d'intérêts indûment acquittés.

Enfin, il ne saurait être allégué que le fait que les prérogatives conférées au juge par le code de la consommation échappent à la prescription fait peser sur le prêteur une obligation imprescriptible dès lors que les deux parties au contrat demeurent soumises dans l'exercice de leurs actions et demandes à la prescription quinquennale.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 311-6 à L. 311-13 anciens dans leur rédaction applicable au litige et qu'il a écarté le moyen tiré de la prescription des critiques qu'il émettait quant au respect par la société Cofidis de ses obligations d'ordre public attachées à la conclusion du contrat.

* * *

Selon l'article R. 311-6 ancien du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur à la date du contrat, l'offre préalable de prêt prévue à l'article L. 311-8 comporte les indications figurant dans celui des modèles types annexés au présent code qui correspond à l'opération de crédit proposée. Cet acte doit être présenté de manière claire et lisible. Il est rédigé en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit.

En l'espèce, l'original de l'offre de prêt personnel que l'appelante verse aux débats et qui a été remis aux emprunteurs sur support papier permet à la cour de constater que le paragraphe imprimé au bas du recto du document sous l'intitulé « Acceptation de l'offre préalable et Adhésion à l'assurance facultative » est particulièrement difficile à lire en raison non seulement de la très petite taille des caractères, mais aussi de leur police très resserrée, d'un mélange dans le texte entre les dispositions relatives à l'assurance et l'acceptation de l'offre de prêt proprement dite, du chevauchement entre l'impression du nom de M. X. et une partie du texte et du décalage entre les croix manuscrites et les cases pré-imprimées qu'elles sont supposées cocher.

Ce constat suffit à confirmer que l'offre de prêt n'est pas conforme à la disposition précitée sans qu'il soit besoin de suivre l'appelante dans ses développements sur la consistance du « corps 8 ».

Partant, le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut mis à disposition au greffe,

- Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

- Condamne la société Cofidis aux dépens d'appel.

La greffière                           La présidente