CA DOUAI (8e ch. 1re sect.), 9 septembre 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 9117
CA DOUAI (8e ch. 1re sect.), 9 septembre 2021 : RG n° 19/01366 ; arrêt n° 21/859
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Les textes du code de la consommation mentionnés dans l'arrêt sont les textes dans leur version en vigueur à la date du contrat litigieux. »
2/ « En application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; ces clauses sont réputées non écrites.
Il convient de préciser que la banque conclut à l'irrecevabilité de la demande en nullité et de la demande en déchéance du droit aux intérêts mais que ces moyens ne concernent pas la demande tendant à voir une clause abusive réputée non écrite qui ne s'analyse pas en une demande d'annulation et n'est notamment pas soumise à la prescription.
Il doit donc être admis que cette demande est recevable.
Les appelants dénoncent le caractère abusif de la clause contenue en page 3 de l'offre selon laquelle « ce taux est fixé sur la base d'une année de 360 jours ».
Cette mention figure dans une clause intitulée « prêt à taux révisable EUR 3M CAP 1 ajustable souplesse habitat (M-1) » qui ne fixe pas les modalités de calcul des intérêts mais qui est relative aux modalités de révision du taux contractuel ; il est notamment précisé qu'au taux d'intérêt annuel initial révisable est « associé un index appelé aussi index de référence qui est : moyenne mensuelle de l'EURIBOR 3 MOIS », puis indiqué les modalités de calcul de l'EURIBOR (taux interbancaire de la zone Euro) et notamment « conformément aux usages des marchés interbancaires, ce taux est fixé sur la base d'une année de 360 jours ».
Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les appelants, qui semblent opérer une confusion entre le calcul du taux et le calcul des intérêts, cette clause ne prévoit pas un calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours et d'un mois de 30 jours, susceptible d'entraîner un surcoût au détriment du consommateur, et ne peut dès lors être considérée comme abusive pour ce motif, étant relevé que le contrat ne prévoit nulle part un tel mode de calcul des intérêts.
La demande relative à la clause abusive doit en conséquence être rejetée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
HUITIÈME CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 9 SEPTEMBRE 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/01366. Arrêt n° 21/859. N° Portalis DBVT-V-B7D-SGMV. Jugement (RG. n° 17/08176) rendu le 29 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Lille.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville] - de nationalité française, [adresse], [...]
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville] - de nationalité française, [adresse], [...]
Représentés par Maître Bruno W., avocat au barreau de Lille et Maître Yann G., avocat au barreau du Val de Marne
INTIMÉE :
Société Crédit Agricole Nord de France
prise en la personne de monsieur Z., chef du service juridique.[...], [...], Représentée par Maître Martine M., avocat au barreau de Lille
DÉBATS à l'audience publique du 26 mai 2021 tenue par Pauline Mimiague magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Dominique Duperrier, président de chambre, Madame Pauline Mimiague, conseiller, Madame Catherine Menegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 9 septembre 2021 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Duperrier, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 11 mai 2021
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant offre de prêt immobilier acceptée le 10 juillet 2010, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France (ci-après « le Crédit agricole ») a consenti à M. X. et Mme Y., son épouse, un prêt immobilier d'un montant de 128.670 euros remboursable en 240 mensualités, selon un « taux d'intérêt annuel initial révisable » de 2,8500 % l'an. L'offre mentionne un taux de période de 0,3143 % et un taux effectif global (TEG) de 3,7715 % l'an.
Reprochant à la banque des erreurs de calcul dans le coût du crédit, le taux de période et le TEG ainsi que l'absence de mention dans l'offre de la durée de la période, les emprunteurs l'ont assignée devant le tribunal de grande instance de Lille par acte du 20 octobre 2017 aux fins de voir déclarer abusive la clause de calcul des intérêts et condamner la banque au remboursement d'un trop versé d'intérêts, subsidiairement aux fins de voir prononcer la nullité de la clause d'intérêts, à défaut, la déchéance du droit aux intérêts.
Par jugement du 29 janvier 2019 le tribunal a déclaré recevables les demandes de M. X. et Mme Y., les en a déboutés et les a condamnés à payer au Crédit agricole la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts, la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 6 mars 2019 M. X. et Mme Y. ont relevé appel de l'intégralité des chefs de ce jugement.
[*]
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 mars 2020 M. X. et Mme Y. demandent à la cour de :
- débouter la banque de son appel incident,
à titre principal :
- déclarer abusive et par conséquent réputée non écrite la clause figurant en page 3 du prêt prévoyant le calcul des intérêts sur la base d'une année bancaire de 360 jours,
- condamner le Crédit agricole à leur rembourser la différence entre le montant des intérêts versés en application du taux conventionnel et le montant des intérêts au taux légal applicable au jour de la conclusion du contrat, soit 0,65 %, jusqu'au jour de la décision à intervenir, sauf à parfaire,
à titre subsidiaire :
- prononcer la nullité de la clause de stipulation d'intérêts du prêt et prononcer la substitution au taux conventionnel du taux légal applicable au jour de la conclusion du contrat soit 0,65 %,
- condamner le Crédit agricole à leur rembourser la différence entre le montant des intérêts versés en application du taux conventionnel et le montant des intérêts au taux légal applicable au jour de la conclusion du contrat soit 0,65 % jusqu'au jour de la décision à intervenir, sauf à parfaire,
- enjoindre au Crédit agricole, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir, de produire un nouveau tableau d'amortissement prenant en considération cette substitution du taux d'intérêt,
à titre infiniment subsidiaire :
- prononcer la déchéance des intérêts conventionnels du prêt à hauteur du taux d'intérêt légal en vigueur au jour du contrat soit 0,65 %,
- condamner le Crédit agricole à leur payer la différence entre le montant des intérêts versés en application du taux conventionnel et le montant des intérêts au taux légal applicable au jour de la conclusion du contrat soit 0,65 % jusqu'au jour de la décision à intervenir, sauf à parfaire,
- enjoindre au Crédit agricole, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir, de produire un nouveau tableau d'amortissement, prenant en considération la déchéance à hauteur du taux d'intérêt légal,
en tout état de cause :
- condamner le Crédit agricole à leur payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son manquement à son obligation d'information, de loyauté et d'honnêteté,
- le condamner à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont attribution à Me W. conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Les appelants font valoir que la banque ne peut leur opposer l'irrecevabilité de leur action à raison de la sanction réclamée alors qu'il a été admis que l'erreur du TEG mentionné dans l'offre était sanctionnée par la nullité de la stipulation d'intérêts en application des articles L. 313-1, L. 313-12 et R. 313-1 du code de la consommation et 1907 du code civil. S'agissant de la prescription opposée par la banque, ils soutiennent que le point de départ du délai de prescription doit être fixé à la date de l'analyse mathématique révélant les erreurs, dès lors qu'ils n'étaient pas à même, à la lecture de la convention, de déceler les erreurs compte tenu de la complexité et de la technicité du calcul du TEG. Ils font valoir que l'analyse mathématique ne peut être écartée des débats dès lors qu'elle a été soumise à la discussion des parties et que la banque pouvait en contester la méthode et justifier de son propre calcul si elle souhaitait contester cette expertise.
Sur le fond, ils concluent à titre principal, au caractère abusif de la clause prévoyant le calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours prévue en page 3 de l'offre, qui est réputée non écrite en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, clause reconnue abusive par la recommandation n° 05-02 de la commission des clauses abusives et par la jurisprudence.
Subsidiairement, ils font valoir que le TEG n'a pas été calculé conformément aux dispositions code de la consommation en ce que :
- les intérêts sont calculés sur la base d'une année bancaire, la seule présence de la clause prévoyant ces modalités de calcul entraînant la nullité de la stipulation d'intérêts,
- le taux de période est calculé de manière erronée : le taux affiché par la banque n'assure pas l'égalité entre les sommes prêtées et les versements dus,
- le TEG annuel indiqué dans l'offre n'est pas proportionnel au taux de période dès lors que le rapport entre la durée de l'année de 360 jours, appliquée en l'espèce, et celle de la période unitaire (30 jours) qui doit être appliqué est de 12,2 et l'absence de mention de la période empêche de procéder à un calcul exact du TEG,
- les frais d'actes et du coût du crédit sont évalués de manière aléatoire et forfaitaire alors que la banque pouvait connaître le montant réel de ces frais et les inclure dans le TEG.
Ils concluent en conséquence à la nullité de la stipulation d'intérêts, qui entraîne la substitution du taux conventionnel par le taux légal, subsidiairement, à la déchéance du droit aux intérêts rappelant néanmoins qu'une telle sanction doit avoir un caractère véritablement dissuasif pour être retenue.
Enfin, ils font valoir que la banque, qui n'a pas respecté les prescriptions du code de la consommation d'ordre public, a manqué à son obligation d'information, de loyauté et d'honnêteté, faute qui leur a causé un préjudice qui doit être indemnisé à hauteur de 15.000 euros.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 juillet 2020 le Crédit agricole demande à la cour de :
- déclarer les époux X. irrecevables en leurs demandes et infirmer de ce chef la décision frappée d'appel,
- subsidiairement, dire mal appelé et bien jugé,
- en conséquence confirmer la décision,
- en tout état de cause, condamner M. X. et Mme Y. à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel dilatoire et abusif,
- les condamner aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 7.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile outre la somme de 3.500 euros au titre de la facture de M. H., et infirmer de ce chef la décision frappée d'appel.
La banque conclut à titre principal à l'irrecevabilité de l'action de M. X. et Mme Y. :
- en premier lieu, à raison du fondement erroné des demandes : s'agissant d'un prêt immobilier soumis aux prescriptions du code de la consommation, la seule sanction applicable est la déchéance du droit aux intérêts et non la nullité de la stipulation d'intérêts,
- en second lieu, en l'absence de droit d'agir des emprunteurs en application de l'article 1338 du code civil : l'exception de nullité ne peut jouer que pour faire échec à l'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté,
- en troisième lieu à raison de la prescription de l'action en nullité ou en déchéance du droit aux intérêts dont le point de départ doit être fixé à la date de la convention à laquelle les emprunteurs ont connu ou aurait dû connaître l'erreur alléguée.
Sur le fond, elle conclut à l'absence de caractère abusif de la clause de stipulation d'intérêts, considérant d'une part, que la recommandation de la commission des clauses abusives invoquée par les emprunteurs ne concerne pas les prêts immobiliers ni le calcul d'intérêts sur la base d'une année bancaire, d'autre part, qu'une telle clause n'a pas pour objet de créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur, enfin que la disposition du contrat critiquée par les appelants ne concerne pas le calcul des intérêts conventionnels mais les modalités de révision du taux.
Par ailleurs la banque fait valoir qu'il appartient à l'emprunteur de rapporter la preuve d'un écart entre le TEG contractuel et le taux réel d'au moins une décimale, venant à son détriment, et que le rapport amiable et établi non contradictoirement, lequel ne contient en tout état de cause aucune démonstration mathématique, qui ne pourrait en outre qu'être fausse dès lors que le calcul a été effectué sur la base d'un capital emprunté inexact, n'est pas probant. Elle explique notamment que le contrat ne prévoit pas le calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours, que le TEG a été calculé au regard du taux de période non arrondi et que l'inexactitude du TEG affectant une offre de prêt immobilier est sanctionnée non par l'annulation de la stipulation d'intérêts mais par la déchéance du droit aux intérêts facultative laissée à l'appréciation du juge.
Elle fait valoir que les appelants ne précisent pas le fondement légal de l'obligation d'information de loyauté et d'honnêteté dont il lui reproche la violation et ne démontrent l'existence ni d'une faute ni d'un préjudice. Enfin, elle considère que les emprunteurs ont engagé avec mauvaise foi une procédure particulièrement infondée dans le but d'obtenir un prêt gratuit et qu'elle subit en conséquence un préjudice qu'il convient de réparer.
[*]
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé du surplus de leurs moyens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 mai 2021 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 26 mai suivant.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Les textes du code de la consommation mentionnés dans l'arrêt sont les textes dans leur version en vigueur à la date du contrat litigieux.
Sur la demande relative à la clause abusive :
En application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; ces clauses sont réputées non écrites.
Il convient de préciser que la banque conclut à l'irrecevabilité de la demande en nullité et de la demande en déchéance du droit aux intérêts mais que ces moyens ne concernent pas la demande tendant à voir une clause abusive réputée non écrite qui ne s'analyse pas en une demande d'annulation et n'est notamment pas soumise à la prescription.
Il doit donc être admis que cette demande est recevable.
Les appelants dénoncent le caractère abusif de la clause contenue en page 3 de l'offre selon laquelle « ce taux est fixé sur la base d'une année de 360 jours ».
Cette mention figure dans une clause intitulée « prêt à taux révisable EUR 3M CAP 1 ajustable souplesse habitat (M-1) » qui ne fixe pas les modalités de calcul des intérêts mais qui est relative aux modalités de révision du taux contractuel ; il est notamment précisé qu'au taux d'intérêt annuel initial révisable est « associé un index appelé aussi index de référence qui est : moyenne mensuelle de l'EURIBOR 3 MOIS », puis indiqué les modalités de calcul de l'EURIBOR (taux interbancaire de la zone Euro) et notamment « conformément aux usages des marchés interbancaires, ce taux est fixé sur la base d'une année de 360 jours ».
Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les appelants, qui semblent opérer une confusion entre le calcul du taux et le calcul des intérêts, cette clause ne prévoit pas un calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours et d'un mois de 30 jours, susceptible d'entraîner un surcoût au détriment du consommateur, et ne peut dès lors être considérée comme abusive pour ce motif, étant relevé que le contrat ne prévoit nulle part un tel mode de calcul des intérêts.
La demande relative à la clause abusive doit en conséquence être rejetée.
Sur la demande de nullité de la clause de stipulation d'intérêts et la demande de déchéance du droit aux intérêts :
Sur la recevabilité :
Le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'action en nullité à raison de l'inapplicabilité de la sanction réclamée par les appelants s'analyse en une défense au fond et non en une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile de sorte que l'irrecevabilité soulevée pour ce motif ne peut être retenue.
L'action en nullité de la stipulation d'intérêts comme l'action en déchéance du droit aux intérêts depuis l'entrée en vigueur de la loi du n° 2008-561 du 17 juin 2008, se prescrivent par cinq ans, la première en application de l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et la seconde en application de l'article L. 110-4 du code de commerce.
Le délai de prescription de l'action en nullité ou en déchéance du droit aux intérêts conventionnels en raison d'une erreur affectant le taux effectif global ou les mentions de l'offre de prêt ne court qu'à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur ; il se situe donc à la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou à défaut, à la date à laquelle l'emprunteur normalement avisé et prudent a été en mesure de la déceler.
Le premier juge a considéré que, compte tenu de la complexité des textes du code de la consommation relatifs aux conditions d'octroi et de formation du contrat de crédit immobilier, dont la compréhension n'est pas directement accessible à des emprunteurs non professionnels, notamment sur des questions liées à l'omission de frais dans le calcul du TEG, au taux de période ou aux quantièmes de décimale du TEG, il apparaissait adapté à la cause de considérer que la prescription commençait à courir au jour où l'emprunteur découvre par une source extérieure des éléments présumant le non-respect des règles du code de la consommation alors qu'ils n'étaient pas en mesure de les déceler lors de la formation du contrat.
M. X. et Mme Y. font valoir qu'ils n'ont pu avoir connaissance des irrégularités alléguées qu'avec l'analyse financière effectuée par « Humania consultant » le 19 août 2016, soit moins de cinq ans avant l'introduction de l'instance par assignation du 20 octobre 2017.
A l'appui de leur demande de nullité ou de déchéance du droit aux intérêts, les emprunteurs reprochent à la banque, le calcul des intérêts sur la base d'une année autre que l'année civile, au regard d'une clause insérée dans le contrat, le calcul erroné du taux de période et l'absence de proportionnalité du TEG compte tenu de l'application de l'année de 360 jours au calcul des intérêts ainsi que de l'absence de mention de la période, ainsi qu'une erreur dans le niveau du TEG à raison de la prise en compte de frais évalués forfaitairement et non réels.
Or, force est de constater que la seule lecture de l'offre permettait de se rendre compte de l'insertion d'une clause prévoyant un calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours, à supposer qu'il y en ait eu une, de la périodicité appliquée pour déterminer le TEG (« périodicité mensuelle ») ou encore du montant des frais inclus dans le calcul de ce taux, lesquels sont indiqués dans la clause « coût total du crédit » en page 2 de l'acte. Ainsi, l'offre présentait ces informations permettant de s'assurer de la régularité du taux et les emprunteurs disposaient donc dès l'émission de l'offre de l'ensemble des éléments leur permettant d'effectuer des vérifications, et ils ne peuvent se prévaloir plus de cinq ans après la signature de l'offre, pour retarder artificiellement, par leur seule volonté, le point de départ de la prescription, d'arguments révélés par une expertise réclamée par eux et effectuée sur la base de seuls éléments connus dès l'émission de l'offre dont ils pouvaient demander une analyse avant l'expiration du délai de prescription. En outre, il peut être relevé que ladite analyse mathématique ne se prononce ni sur la question du calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours et de ses conséquences sur le taux de période ou le coût du crédit, ni sur celle des frais qui n'auraient pas été pris en compte de manière exacte de sorte que les emprunteurs ne peuvent prétendre que celle-ci aurait révélé les erreurs alléguées.
En effet l'analyse mathématique communiquée par les appelants présente uniquement un calcul du taux de période sur la base des éléments mentionnés dans l'offre et conclut à un taux de 0,31505 % alors que l'offre mentionne un taux de période de 0,3143 %. Les emprunteurs n'ont pu en revanche procéder au calcul du taux de période eux-mêmes compte tenu de la complexité des calculs.
En conséquence le point de départ de la prescription doit être fixé à la date de la convention, soit le 10 juillet 2010, s'agissant des griefs relatifs au calcul sur la base d'une année bancaire de 360 jours et de ses conséquences, à la mention de la durée de la période et à l'omission de frais dans l'assiette de calcul TEG. La prescription de l'action en nullité et de l'action en déchéance du droit aux intérêts fondées sur ces motifs était donc acquise à la date de l'introduction de l'instance le 20 octobre 2017, les emprunteurs n'alléguant aucun autre acte interruptif de prescription.
L'action en nullité et en déchéance du droit aux intérêts à raison d'une erreur mathématique dans le calcul du taux de période n'est en revanche pas prescrite.
S'agissant de la nullité, il ne peut être soutenu que la demande serait irrecevable en application de l'article 1338 du code civil, dès lors que la confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice affectant l'acte et l'intention de le réparer, qui ne peuvent se déduire de la seule exécution de l'acte.
Ces demandes fondées sur le moyen tiré de l'erreur de calcul du taux de périodes seront donc déclarées recevables.
Sur le fond :
En premier lieu, la demande de nullité de la stipulation d'intérêts ne peut que faire l'objet d'un rejet dès lors que l'article L. 312-33 du code de la consommation, relatif aux crédits immobiliers, dispose que le prêteur qui ne respecte par l'une des obligations prévues à l'article L. 312-8, lequel prévoit notamment que l'offre doit mentionner le taux défini conformément à l'article L. 313-1 (le TEG), peut être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, et vient ainsi déroger aux dispositions de l'article 1907 du code civil relatif à la nullité.
En second lieu, force est de constater comme le premier juge, et alors que la charge de la preuve d'une erreur dans le TEG pèse sur celui qui l'invoque, conformément à l'article 9 du code de procédure civile, d'une part, que l'analyse mathématique n'est pas probante dès lors qu'elle prend en compte pour établir ses calculs un montant de prêt erroné (128.570 euros au lieu de 128.670 euros), d'autre part et surtout, que l'erreur alléguée du taux de période ne conduit pas à un TEG rectifié de plus d'une décimale, alors que l'erreur affectant le TEG ne peut être sanctionnée que lorsqu'elle entraîne un écart supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 du code de la consommation, puisque le TEG est calculé par rapport au taux de période avec une précision d'au moins une décimale (Civ. 1re, 11 mars 2020, pourvoi n° 19-10.875).
En conséquence la demande de déchéance du droit aux intérêts doit également être rejetée.
Sur la demande de dommages-intérêts formée contre la banque :
En application de l'article 1147 ancien du code civil, la banque est tenue à un devoir d'information à l'égard d'un emprunteur non averti et à un devoir de loyauté découlant de l'obligation de contracter de bonne foi prévue à l'article 1134 ancien du même code, et à ce titre, elle est notamment tenue, lors de l'octroi d'un prêt immobilier, d'émettre une offre conforme aux dispositions du code de la consommation et comprenant l'ensemble des mentions prévues par ce code, et ce, de manière exacte.
Les emprunteurs sollicitent des dommages-intérêts pour un montant de 15.000 euros sans invoquer un quelconque préjudice qui résulterait d'un défaut d'information ou d'une information inexacte relative au TEG, et qui pourrait être évalué au montant réclamé sans explication.
La demande de dommages-intérêts sera en conséquence rejetée, et le jugement, qui n'a pas statué sur cette demande, complété en ce sens.
Sur les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive :
Les appelants n'invoquent aucun moyen pour critiquer le chef du jugement les condamnant à ce titre ; il convient en conséquence de le confirmer.
La banque sollicite des dommages-intérêts pour appel abusif mais n'allègue ni ne justifie du préjudice dont elle réclame réparation de sorte qu'il convient de rejeter sa demande sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la faute des appelants.
Sur les demandes accessoires :
Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
En application de l'article 696 du même code, il convient de mettre les dépens d'appel à la charge des appelants, qui succombent.
En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, par arrêt contradictoire :
Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de M. X. et Mme Y. ;
Statuant sur le chef infirmé :
Déclare irrecevables les demandes de nullité de la stipulation d'intérêts et de déchéance du droit aux intérêts fondées sur les moyens tirés du calcul des intérêts sur la base d'une année bancaire et de ses conséquences sur le TEG et le taux de période, de l'absence de mention de la durée de la période et de l'omission de frais dans l'assiette de calcul TEG ;
Déclare recevables les autres demandes de M. X. et Mme Y. ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Y ajoutant :
Déboute M. X. et Mme Y. de leur demande de dommages-intérêts à raison du manquement de la banque à son obligation d'information, de loyauté et d'honnêteté ;
Déboute la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif ;
Condamne in solidum M. X. et Mme Y. aux dépens ;
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,
G. Przedlacki D. Duperrier
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