CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 18 novembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 18 novembre 2021
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 20/02356
Date : 18/11/2021
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 28/01/2020
Référence bibliographique : 5823 (crédit, application dans le temps), 5721 (L. 212-1, obligation de relever d’office), 5716 (crédit à la consommation, obligation de relever d’office), 5725 (R. 632-1, relevé d’office, prescription)
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 9268

CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 18 novembre 2021 : RG n° 20/02356 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Le contrat litigieux ayant été conclu le 19 septembre 2013, le premier juge a, à juste titre, fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. »

2/ « En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive. En revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Par ailleurs, au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 qui a porté ratification de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil.

Il a été dit pour droit par la Cour de justice de l'Union européenne que les articles 8 et 23 de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent à une juridiction nationale d'examiner d'office l'existence d'une violation de l'obligation précontractuelle du prêteur d'évaluer la solvabilité du consommateur, prévue à l'article 8 de cette directive et de tirer les conséquences qui découlent en droit national d'une violation de cette obligation, à condition que les sanctions satisfassent aux exigences dudit article 23.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat à l'article L. 312-12 et la société Cofidis est mal fondée à invoquer la prescription du moyen discuté. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9-A

ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/02356 (6 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CBM2D. Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 novembre 2019 - Tribunal d'Instance de MEAUX – R.G. n° 11-19-000981.

 

APPELANTE :

La société COFIDIS

société à directoire et conseil de surveillance agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège N° SIRET : XXX, [...], [...], [...], représentée par Maître Olivier H. de la SELARL H. K. H. H., avocat au barreau de l'ESSONNE

 

INTIMÉE :

Madame X. épouse Y.

née le [date] à [ville], [adresse], [...], DÉFAILLANTE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 octobre 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre, Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère.

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT : - RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant offre de contrat acceptée le 19 septembre 2013, la société Cofidis a consenti à Mme Y. un prêt d'un montant de 43.000 euros visant à regrouper des crédits existants, remboursable en 144 mensualités de 526,37 euros, moyennant un taux d'intérêts nominal de 10,5 %.

Des mensualités étant restées impayées à leur échéance, la société Cofidis a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 janvier 2019, mis en demeure Mme Y. de s'acquitter des mensualités échues impayées, avec un délai de 11 jours sous peine de déchéance du terme. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 janvier 2019, la société Cofidis lui a notifié la déchéance du terme et l'a mise en demeure de rembourser l'intégralité du crédit.

Saisi le 18 juin 2019 d'une demande tendant principalement à la condamnation de l'emprunteuse au paiement d'une somme de 39.745,82 euros, le tribunal d'instance de Meaux, par un jugement réputé contradictoire rendu le 27 novembre 2019 auquel il convient de se reporter, a :

- déclaré l'action recevable,

- prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts de la société Cofidis,

- écarté l'application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier,

- condamné Mme Y. à payer à la société Cofidis la somme de 11.497,47 euros,

- dit que cette somme ne produira pas d'intérêts, même au taux légal.

Après avoir contrôlé la recevabilité de l'action, le tribunal a retenu au visa de l'article L. 312-39 du code de la consommation que la créance était exigible. Il a relevé que le prêteur n'établissait pas avoir remis à l'emprunteur la fiche d'informations précontractuelles européenne normalisée (FIPEN) exigée par l'article L. 312-12 du code de la consommation. Il a relevé que la clause attestant de cette remise était insuffisante, ne permettait pas d'apprécier la régularité de la fiche au regard des dispositions de l'article R. 312-2 du même code, et était abusive au sens de l'article L. 212-2 du code de la consommation. Il a enfin considéré que l'application des dispositions des articles 1231-6 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier priverait la déchéance du droit aux intérêts de son efficacité.

[*]

Par une déclaration en date du 28 janvier 2020, la société Cofidis a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 23 mars 2020 et signifiées le 25 mars 2020, elle demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts et rejeté la demande de capitalisation des intérêts et d'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Mme Y. à lui payer la somme de 39.745,82 euros avec intérêts au taux contractuel de 10,50 % l'an à compter du 21 janvier 2019,

- d'ordonner la capitalisation annuelle des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil,

- de condamner Mme Y. à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient au visa de l'article L. 110-4 du code de commerce que l'argument tiré de la méconnaissance des dispositions précontractuelles était irrecevable comme prescrit.

Subsidiairement, elle expose avoir versé la FIPEN aux débats en première instance, rappelle qu'il s'agit de la pièce n° 2 et que l'emprunteuse en a pris connaissance puisqu'elle a signé une clause le reconnaissant.

[*]

Régulièrement assignée par acte d'huissier remis le 25 mars 2020 conformément aux dispositions de l'article 654 du code de procédure civile, l'intimée n'a pas constitué avocat.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 septembre 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Le contrat litigieux ayant été conclu le 19 septembre 2013, le premier juge a, à juste titre, fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Vérifiée par le premier juge, la recevabilité de l'action en paiement du prêteur n'est pas contestée.

 

Sur la recevabilité du moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts :

En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.

Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive. En revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.

Par ailleurs, au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 qui a porté ratification de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil.

Il a été dit pour droit par la Cour de justice de l'Union européenne que les articles 8 et 23 de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent à une juridiction nationale d'examiner d'office l'existence d'une violation de l'obligation précontractuelle du prêteur d'évaluer la solvabilité du consommateur, prévue à l'article 8 de cette directive et de tirer les conséquences qui découlent en droit national d'une violation de cette obligation, à condition que les sanctions satisfassent aux exigences dudit article 23.

Il s'induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.

C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat à l'article L. 312-12 et la société Cofidis est mal fondée à invoquer la prescription du moyen discuté.

 

Sur le bien-fondé de la déchéance du droit aux intérêts :

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et d'établir qu'il a satisfait aux formalités d'ordre public prescrites par le code de la consommation.

Le contrat litigieux intitulé « contrat de regroupement de crédits » contient l'ensemble des dispositions imposées par la loi précitée et la société Cofidis verse aux débats la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées.

L'article L. 311- 48 (désormais L. 341-1 et L. 341-2) du code de la consommation dispose que le prêteur est déchu du droit aux intérêts, lorsqu'il ne satisfait pas aux conditions d'informations précontractuelles prévues par les articles énumérés et contenues dans le code de la consommation.

L'article L. 311-6 (désormais L. 312-12) du code de la consommation dispose que : « Préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement. Cette fiche d'informations comporte, en caractères lisibles, la mention visée au dernier alinéa de l'article L. 311-5. Lorsque le consommateur sollicite la conclusion d'un contrat de crédit sur le lieu de vente, le prêteur veille à ce que la fiche d'informations mentionnées au I lui soit remise sur le lieu de vente ».

Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts, le premier juge a estimé que la société Cofidis ne rapportait pas la preuve de l'existence ni du contenu de la fiche d'informations précontractuelles.

Néanmoins, l'appelante verse aux débats la FIPEN qui comporte les explications spécifiques au regroupement de crédits et les informations requises. Elle produit également le document d'information propre au regroupement de crédits.

Il se déduit donc de ces pièces que l'article susvisé a été respecté quant à l'obligation d'information renforcée. Le jugement est par conséquent infirmé.

 

Sur la demande en paiement :

La société Cofidis verse à l'appui de sa demande le contrat de regroupement de crédits signé, la fiche d'informations précontractuelles, la fiche dialogue, le tableau d'amortissement, la notice d'information sur l'assurance, les justificatifs de solvabilité, l'interrogation du FICP, l'historique du compte et le décompte de créance.

Elle produit la lettre du 8 janvier 2019 par laquelle elle a mis l'emprunteur en demeure de payer les échéances échues dans un délai de 11 jours à peine de déchéance du terme et la lettre du 21 janvier 2019 par laquelle elle a prononcé la déchéance du terme.

Au vu de ces pièces, sa créance s'établit de la façon suivante :

- échéances échues et impayées : 4.226,39 euros

- capital restant dû : 32.089,39 euros

- intérêts de retard au 21 janvier 2019 : 147,69 euros

soit la somme totale de 36.463,31 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 10,50 % à compter du 21 janvier 2019 sur la somme de 36.315,62 euros.

La société Cofidis sollicite en outre la somme de 2.699,98 euros au titre de l'indemnité de résiliation qui constitue une clause pénale.

Dès lors qu'elle s'ajoute au cours d'intérêts à un taux élevé relativement aux pratiques bancaires des dernières années, cette indemnité, qui dépasse l'indemnité contractuellement prévue de 8 % du capital restant dû, présente un caractère manifestement excessif qui conduit à en réduire le montant à 100 euros.

Enfin, il n'y a pas lieu à capitalisation des intérêts au regard de l'article L. 311-30 du code de la consommation dans sa version applicable au contrat qui limite strictement les sommes dues par l'emprunteur défaillant.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe,

- Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré l'action recevable ;

Statuant à nouveau,

- Déclare la société Cofidis recevable à agir ;

- Condamne Mme Y. à payer à la société Cofidis la somme 36.563,31 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 10,50 % sur la somme de 36.315,62 euros et au taux légal pour le surplus, à compter du 21 janvier 2019 ;

- Déboute la société Cofidis du surplus de ses demandes ;

- Condamne Mme Y. aux dépens de la première instance et d'appel et à payer à la société Cofidis la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière                           La présidente