CA PAU (2e ch. sect. 1), 23 novembre 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 9272
CA PAU (2e ch. sect. 1), 23 novembre 2021 : RG n° 20/00219 ; arrêt n° 21/4250
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « S'agissant d'une action d'un consommateur contre un commerçant, la prescription quinquennale visée par les appelantes est celle de l'article L. 110-4 du code de commerce. »
2/ « Dès lors qu'elle trouve son fondement dans l'annulation du contrat principal, la recevabilité de la demande de constatation de l'annulation de plein droit du contrat de prêt affecté est subordonnée, comme en l'espèce, à la mise en cause du prêteur dans l'instance en annulation du contrat principal, les deux contrats formant un ensemble contractuel indivisible.
Il résulte de cette interdépendance entre les contrats que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE se trouve en droit d'opposer en défense une fin de non-recevoir fondée sur la tardiveté des critiques formulées par les consorts Y. sur le terrain du formalisme du bon de commande. Les consorts Y. ne peuvent soutenir que cette fin de non-recevoir serait purement personnelle au liquidateur de la société Rhône technical services, alors que le sort du contrat principal a nécessairement une incidence sur celui du contrat de crédit affecté et que la banque était dans l'obligation de vérifier la régularité formelle du bon de commande avant de libérer les fonds.
Les consorts Y. ne peuvent non plus utilement soutenir que les supposés vices du bon de commande ne leur auraient été révélés qu'à l'occasion d'une consultation juridique auprès d'une association de protection des consommateurs au mois de septembre 2018. La seule pièce versée au soutien de ce moyen est un courrier du 12 septembre 2018 adressé par cette association à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE. A lui seul, ce courrier, s'il fait état de « relations contractuelles entre chacun des intervenants (…) très obscures à la lecture des pièces (...) », n'établit pas qu'à cette date des vices aient été décelés par les appelants sur le bon de commande par l'entremise de cette association. D'ailleurs, l'instance n'a été introduite que six mois plus tard et cinq années s'étaient déjà écoulées depuis la signature du bon de commande lorsque cette association a été sollicitée.
De plus, le bon de commande en date du 2 novembre 2012 reproduit de façon lisible et intelligible les articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de commerce, dans leurs versions applicables au litige, dont la lecture permet à un consommateur normalement attentif de vérifier la conformité des mentions du bon de commande avec les prescriptions légales.
Enfin, les consorts Y. développent un moyen, ne faisant l'objet d'aucune demande spécifique dans leur dispositif, visant la clause « réception / garanties / risques » figurant dans le bon de commande qu'ils estiment présenter les caractères d'une clause abusive.
Ils soulignent avec justesse qu'une demande tendant à voir réputer une clause non écrite n'est pas soumise à la prescription quinquennale. Cependant, ils en tirent une conclusion erronée lorsqu'ils soutiennent que cette action spécifique pourrait être le support de leur demande tendant au prononcé de l'entière nullité du bon de commande, en ce que le délai de prescription quinquennal ne débuterait en cette circonstance qu'à compter de la date de la décision venant qualifier et sanctionner la clause abusive.
Cependant, par cet argumentaire, les consorts Y. ne font rien d'autre qu'assimiler à une demande de nullité, la demande de suppression de cette clause dont la cour ne se trouve pas, au surplus, saisie en application de l'article 954 du code de procédure civile. Cette voie spécifique aux clauses potentiellement abusives, si elle n'est pas soumise à la prescription quinquennale, ne peut être de nature à réinitialiser une prescription acquise (Cour de cassation, Première Chambre civile, Arrêt nº 249 du 13 mars 2019, pourvoi nº 17-23169). »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PAU
DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 1
ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/00219. Arrêt n° 21/4250. N° Portalis DBVV-V-B7E-HPDD. Nature affaire : Prêt - Demande en remboursement du prêt.
ARRÊT : Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 23 novembre 2021, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
APRES DÉBATS à l'audience publique tenue le 5 octobre 2021, devant : Monsieur Jean-Luc GRACIA, magistrat chargé du rapport, assisté de Madame SAYOUS, Greffière présente à l'appel des causes.
Jean-Luc GRACIA, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Philippe DARRACQ et en a rendu compte à la Cour composée de : Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller faisant fonction de Président, Monsieur Jean-Luc GRACIA, Vice-Président placé par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 1er juillet 2021, Monsieur Marc MAGNON, Conseiller, qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTES :
Madame A. X. veuve Y.
née le [date] à [ville], de nationalité Française, [...], [...]
Madame A.-S. Y.
Venant aux droits de Jean Y., décédé le [date] à [ville O.], en qualité d'héritière née le [date] à [...], de nationalité Française, [...] [...], Représentées par Maître François D., avocat au barreau de PAU, Assistes de Maître Paul G., avocat au barreau de PAU
INTIMÉES :
SELARL JEROME A.
immatriculée au RCS de Lyon sous le n° XXX, en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la SASU RHONE TECHNICAL SERVICES, immatriculée au RCS de Lyon sous le numéro YYY, [...], [...], Assignée
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
immatriculée au RCS de Paris sous le n° ZZZ, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège [...], [...], Représentée par Maître Philippe B., avocat au barreau de PAU, Assistée de Maître Arnaud D. (SCP R.-D.-D. 'RED'), avocat au barreau de MONTPELLIER
sur appel de la décision en date du 16 DECEMBRE 2019 rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE D'OLORON-SAINTE-MARIE
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :
Monsieur Y. a conclu le 2 novembre 2012 à [ville B.] un contrat avec la SASU Rhône technical services consécutivement à un démarchage à domicile, pour la fourniture et la pose d'une centrale photovoltaïque moyennant un prix de 18.000 euros TTC. Le même jour, par acte distinct, Monsieur Y. et son épouse Madame X. ont signé auprès de la Banque Solfea une offre de crédit affecté pour un montant de 18.000 euros, payable en 132 mensualités de 195 euros chacune, sans assurance, au TAEG fixe de 5,95 %, avec une première échéance fixée à 11 mois après la date de mise à disposition des fonds.
Selon les termes d'un bon de commande signé le 3 août 2016 à [ville B.], Monsieur Y. a de nouveau été démarché à domicile et a conclu auprès de la SARL Andrea Energy un contrat portant sur la fourniture et la pose d'une centrale photovoltaïque d'une puissance de 3Kwh, pour un montant de 19.900 euros TTC Le même jour, Monsieur Y. et son épouse se sont engagés aux termes d'une offre de crédit affecté auprès de la société Banque Franfinance, pour un montant de 19.900 euros.
La SASU Rhône technical services et la SARL Andrea Energy ont toutes deux fait l'objet de procédures de liquidation judiciaire par jugements du tribunal de commerce de Lyon, respectivement en date du 4 octobre 2017 et du 05 avril 2018. La SELARL A. a été désignée en qualité de liquidateur de ces deux sociétés.
Se fondant principalement sur la nullité des contrats principaux et des crédits affectés à ces conventions, Monsieur et Madame Y. ont assigné devant le tribunal d'instance d'Oloron Sainte Marie, par actes d'huissier en date des 6 et 7 mars 2019, la SELARL A., prise en sa qualité de liquidateur des sociétés Rhône technical services et Andrea Energy, la société BNP Paribas Personal finance, venant aux droits de la Banque Solfea, ainsi que la société Banque Franfinance.
Monsieur Y. est décédé le 2 avril 2019.
Par jugement réputé contradictoire en date du 16 décembre 2019, le tribunal d'instance d'Oloron Sainte Marie a :
- sur les demandes relatives aux contrats de fourniture et de crédit conclus avec les sociétés Rhône technical services et banque Solfea :
- constaté que les actions, fondées sur les irrégularités des contrats d'installation et de prêt souscrits le 2 novembre 2012 avec la société Rhône technical services et banque Solfea sont prescrites,
- déclaré, en conséquence,les demandes irrecevables,
- sur les demandes relatives aux contrats de fourniture et de crédit conclus avec les sociétés Andrea Energy et la société Banque Franfinance :
- prononcé l'annulation du contrat de vente de la centrale photovoltaïque du 3 août 2016,
- constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté en date du 3 août 2016,
- dit que la SELARL A., prise en sa qualité de liquidateur de la société Andrea Energy pourra reprendre à ses frais l'ensemble des matériels posés au domicile de Mesdames A. et A.-S. Y., dans un délai de 60 jours suivant la signification du présent jugement,
- à défaut d'enlèvement dans le délai susvisé, autorisé Mesdames A. et A.-S. Y. à disposer des matériels comme bon leur semblera,
- condamné la société Banque Franfinance venant aux droits de la banque Solfea à rembourser à Mesdames A. et A.-S. Y. l'intégralité des échéances perçues, avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement,
- condamné in solidum la SELARL A., prise en sa qualité de liquidateur de la société Andrea Energy, et la société Banque Franfinance à la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné in solidum la SELARL A., prise en sa qualité de liquidateur de la société Andrea Energy, et la société Banque Franfinance aux dépens de l'instance.
Par déclaration en date du 22 janvier 2020, Mesdames A. et A.-S. Y. ont formé un appel à l'encontre de cette décision, cet appel étant limité aux dispositions ayant :
- constaté que les actions, fondées sur les irrégularités des contrats d'installation et de prêt souscrits le 2 novembre 2012 avec la société Rhône technical services et banque Solfea sont prescrites,
- déclaré, en conséquence, les demandes irrecevables,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Une ordonnance de clôture est intervenue le 8 septembre 2021.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les dernières conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 07 septembre 2021 par lesquelles Mesdames A. et A.-S. Y., fille de J. Y., demandent à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
- constaté que les actions, fondées sur les irrégularités des contrats d'installation et de prêt souscrits le 2 novembre 2012 avec la SASU RHONE TECHNICAL SERVICES et la banque SOLFEA, sont prescrites,
- en conséquence, déclaré les demandes irrecevables,
- débouté les demanderesses du surplus de leurs demandes ;
- ordonner la nullité du bon de commande n° 1684 et de son crédit affecté du 2 novembre 2012,
- ordonner à la SELARL JEROME A., en qualité de mandataire liquidateur de la SASU RHONETECHNICALSERVICES, d'effectuer aux frais de la liquidation la remise matérielle du domicile des consorts Y. en l'état antérieur,
- condamner la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la SA BANQUE SOLFEA, à restituer aux consorts Y. la somme de 23.970,60 euros,
- dire que la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la SA BANQUE SOLFEA, à supposer qu'elle rapporte la preuve du paiement du prix reporté sur le bon de commande entre les mains de la SASU RHONE TECHNICAL SERVICES, est privée de sa créance de restitution à l'encontre des consorts Y. en raison des fautes commises,
- dire à défaut d'une telle sanction que le préjudice subi par les consorts Y. ne saurait être inférieur au prix du matériel, dont elles ne sont plus propriétaires, de 18.000 euros qu'elles ne peuvent de surcroît récupérer en raison de la déconfiture du vendeur,
- débouter la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la SA BANQUE SOLFEA, de l'intégralité de ses demandes portées à l'encontre des consorts Y.,
- dire que la SELARL JEROME A., en qualité de mandataire liquidateur de la SASU RHONE TECHNICAL SERVICES, garantira les consorts Y. de toute condamnation et, ainsi, condamner la SELARL JEROME A., en qualité de mandataire liquidateur de la SASU RHONE TECHNICAL SERVICES à restituer directement à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la SA BANQUE SOLFEA, la somme de 18.000 euros,
- condamner in solidum la SELARL JEROME A., en qualité de mandataire liquidateur de la SASU RHONE TECHNICAL SERVICES, et la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la SA BANQUE SOLFEA, à payer « aux époux » (sic) H. la somme de 4.800 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamner in solidum la SELARL JEROME A., en qualité de mandataire liquidateur de la SASU RHONE TECHNICAL SERVICES, et la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la SA BANQUE SOLFEA, aux entiers dépens tant de première instance qu'en cause d'appel, avec distraction au profit de maître François D., avocat, et en ce compris l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement et d'encaissement prévus à l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution.
* * *
Vu les dernières conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 8 septembre 2021 par lesquelles la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la société Banque Solfea demande à la cour de :
Au principal, d'ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries et déclarer recevables les présentes conclusions,
A titre subsidiaire, si mieux plait à la cour, écarter des débats les conclusions et pièces notifiées par les consorts Y. le 7 septembre 2021 en veille de clôture, comme violant le principe du contradictoire en interdisant à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de répliquer avant la clôture de l'instruction,
Et de :
- dire et juger la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE recevable en sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action des époux Y.,
- dire et juger que le point de départ de l'action en nullité du contrat principal pour irrégularité formelle et non-respect des dispositions impératives du code de la consommation, est sa date de signature soit le 2 novembre 2012,
- dire et juger que le point de départ de l'action en responsabilité du prêteur quant aux conditions d'octroi du prêt est sa date de signature, et celle de l'action en responsabilité au titre du déblocage des fonds celle dudit déblocage,
- dire et juger en conséquence les consorts Y. prescrits en leur action introduite suivant exploit du 7 mars 2019, alors que le délai quinquennal expirait au plus tard le 2 novembre 2017 pour ce qui concerne les contrats de prestations de services et de prêt, et le 28 novembre 2017 pour ce qui concerne le déblocage des fonds,
- débouter les consorts Y. de l'intégralité de leurs moyens et demandes, et confirmer en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Subsidiairement, sur le fond :
- dire et juger qu'il n'est rapporté la preuve d'aucun dol commis par la société la SAS RHONE TECHNICAL SERVICE ou la SA BANQUE SOLFEA, alors que les parties ont exclu du périmètre du contrat tout engagement de rentabilité ou de production de la centrale photovoltaïque,
- débouter en conséquence les consorts Y. de l'intégralité de leurs moyens et demandes tels que dirigés contre BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de BANQUE SOLFEA ;
Dans l'hypothèse d'une annulation ou d'une résolution du contrat principal,
- dire et juger que le dol éventuellement commis par RHONE TECHNICAL SERVICE ne peut être imputé à BANQUE SOLFEA, de sorte qu'aucune faute ni responsabilité ne serait en résulter à ce titre,
- dire et juger qu'à supposer démontrées et recevables des causes de nullité du contrat de prestation et fourniture conclu avec RHONE TECHNICAL SERVICE, les époux Y. ont couvert ces nullités en exécutant volontairement et spontanément le contrat de prestation de service, en réceptionnant sans réserve ni grief les travaux et prestations accomplis qu'il ont déclarés comme pleinement achevés au prêteur, puis en procédant à l'exécution du contrat de prêt sans aucune réserve ni avertissement au prêteur, puis en profitant depuis plus de 6 ans d'une installation produisant de l'électricité et pour laquelle ils perçoivent des revenus de la revente, puis en procédant au remboursement anticipé total et sans réserve du crédit,
- dire et juger à tout le moins qu'il n'est rapporté la preuve d'aucun préjudice en corrélation dès lors que l'installation photovoltaïque est fonctionnelle, raccordée et productrice d'énergie depuis plus de six ans, les fruits de la revente d'électricité à ERDF constituant un gain qui ne fera l'objet d'aucune répétition par « les époux » (sic) H.,
- dire et juger que les obligations des époux Y. ont pris effet à l'égard de BANQUE SOLFEA au plus tard depuis le 22 avril 2013, date de mise en service et de raccordement de la centrale photovoltaïque, de sorte qu'aucune faute de la SA BANQUE SOLFEA n'est caractérisée au visa de l'article L. 312-48 (L. 311-31 ancien) du code de la consommation,
- dire et juger en conséquence que dans l'hypothèse d'une annulation ou résolution du contrat de prêt par accessoire, les consorts Y. seront tenus à restituer le capital mis à disposition et, condamner solidairement à ce titre A. X. veuve Y. et A.-S. Y. venant aux droits de J. Y. à payer à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la SA BANQUE SOLFEA, la somme de 18.000 € avec déduction des échéances déjà versées ;
En toute hypothèse :
- les condamner à payer à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens.
[*]
Faisant application en l'espèce des termes de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.
La SELARL JEROME A., en qualité de mandataire liquidateur, à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 22 avril 2020, n'a pas constitué avocat, les appelantes lui ayant signifié leurs conclusions le 8 septembre 2020 et la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ses conclusions le 16 juillet 2020.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1 - Rappel sur le rabat de l'ordonnance de clôture :
Avant l'ouverture des débats, et par mention au dossier, la cour a révoqué l'ordonnance de clôture et fixé la clôture au 5 octobre 2021, date de l'audience, en accord avec les parties, la partie intimée comparante ayant souhaité répliquer aux dernières conclusions notifiées par les appelantes la veille de la clôture. Les appelantes n'ont pas souhaité répondre aux dernières conclusions de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE.
2 - Sur la prescription :
S'agissant d'une action d'un consommateur contre un commerçant, la prescription quinquennale visée par les appelantes est celle de l'article L. 110-4 du code de commerce.
La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE soulève une fin de non-recevoir relative à la prescription quinquennale des demandes formées suivant exploit du 7 mars 2019, plus de cinq ans après la signature du bon de commande du 2 novembre 2012 et, en tout état de cause, plus de cinq ans après la date de déblocage des fonds effectué le 28 novembre 2012.
- S'agissant de l'action en nullité fondée sur les vices formels du bon de commande :
Dès lors qu'elle trouve son fondement dans l'annulation du contrat principal, la recevabilité de la demande de constatation de l'annulation de plein droit du contrat de prêt affecté est subordonnée, comme en l'espèce, à la mise en cause du prêteur dans l'instance en annulation du contrat principal, les deux contrats formant un ensemble contractuel indivisible.
Il résulte de cette interdépendance entre les contrats que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE se trouve en droit d'opposer en défense une fin de non-recevoir fondée sur la tardiveté des critiques formulées par les consorts Y. sur le terrain du formalisme du bon de commande. Les consorts Y. ne peuvent soutenir que cette fin de non-recevoir serait purement personnelle au liquidateur de la société Rhône technical services, alors que le sort du contrat principal a nécessairement une incidence sur celui du contrat de crédit affecté et que la banque était dans l'obligation de vérifier la régularité formelle du bon de commande avant de libérer les fonds.
Les consorts Y. ne peuvent non plus utilement soutenir que les supposés vices du bon de commande ne leur auraient été révélés qu'à l'occasion d'une consultation juridique auprès d'une association de protection des consommateurs au mois de septembre 2018. La seule pièce versée au soutien de ce moyen est un courrier du 12 septembre 2018 adressé par cette association à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE. A lui seul, ce courrier, s'il fait état de « relations contractuelles entre chacun des intervenants (…) très obscures à la lecture des pièces (...) », n'établit pas qu'à cette date des vices aient été décelés par les appelants sur le bon de commande par l'entremise de cette association. D'ailleurs, l'instance n'a été introduite que six mois plus tard et cinq années s'étaient déjà écoulées depuis la signature du bon de commande lorsque cette association a été sollicitée.
De plus, le bon de commande en date du 2 novembre 2012 reproduit de façon lisible et intelligible les articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de commerce, dans leurs versions applicables au litige, dont la lecture permet à un consommateur normalement attentif de vérifier la conformité des mentions du bon de commande avec les prescriptions légales.
Enfin, les consorts Y. développent un moyen, ne faisant l'objet d'aucune demande spécifique dans leur dispositif, visant la clause « réception / garanties / risques » figurant dans le bon de commande qu'ils estiment présenter les caractères d'une clause abusive.
Ils soulignent avec justesse qu'une demande tendant à voir réputer une clause non écrite n'est pas soumise à la prescription quinquennale. Cependant, ils en tirent une conclusion erronée lorsqu'ils soutiennent que cette action spécifique pourrait être le support de leur demande tendant au prononcé de l'entière nullité du bon de commande, en ce que le délai de prescription quinquennal ne débuterait en cette circonstance qu'à compter de la date de la décision venant qualifier et sanctionner la clause abusive.
Cependant, par cet argumentaire, les consorts Y. ne font rien d'autre qu'assimiler à une demande de nullité, la demande de suppression de cette clause dont la cour ne se trouve pas, au surplus, saisie en application de l'article 954 du code de procédure civile. Cette voie spécifique aux clauses potentiellement abusives, si elle n'est pas soumise à la prescription quinquennale, ne peut être de nature à réinitialiser une prescription acquise (Cour de cassation, Première Chambre civile, Arrêt nº 249 du 13 mars 2019, pourvoi nº 17-23169).
Ainsi, sans qu'il y ait lieu de répondre au moyen développé par la banque sur l'article 1338 ancien du code civil concernant la confirmation par les acquéreurs du contrat principal, l'action en nullité fondée sur des vices de forme du bon de commande conclu le 2 novembre 2012 se trouvait prescrite à la date d'introduction de l'instance devant le premier juge, au mois de mars 2019, date à laquelle les époux Y. avaient déjà procédé depuis le 7 juillet 2017 au remboursement anticipé de la totalité du crédit.
L'analyse du premier juge doit ici être confirmée.
- S'agissant de la responsabilité du prêteur de deniers :
La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE oppose également aux consorts Y. une fin de non-recevoir fondée sur la prescription de l'action en responsabilité concernant la faute alléguée à son encontre lors de la vérification du bon de commande, puis à l'occasion du versement le 28 novembre 2012 au fournisseur des fonds empruntés. Les appelantes estiment que la banque aurait dû s'assurer préalablement que la prestation convenue avait été intégralement exécutée.
S'agissant du défaut de vérification de l'exécution complète du contrat principal, les consorts Y. ne pouvaient ignorer qu'à la date du déblocage des fonds, la prestation contractuelle n'avait pas été complètement exécutée même si le matériel avait été installé. Effectivement, l'attestation de fin de travaux signée par leurs soins mentionne en caractères gras que les travaux, objets du financement, « ne couvrent pas le raccordement au réseau éventuel et autorisations administratives éventuelles ».
Par conséquent, le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité du prêteur, tant pour un défaut de vérification préalable de la conformité du bon de commande, que pour un défaut de contrôle de l'exécution du contrat principal, doit être fixé à la date du déblocage des fonds effectué le 28 novembre 2012, déblocage que les consorts Y. ne peuvent sérieusement contester désormais dans son effectivité, ayant eux-mêmes choisi de procéder au remboursement anticipé de ce crédit en 2017.
En confirmation de l'analyse du premier juge, l'action devait être engagée avant le 28 novembre 2017.
- S'agissant de l'action en nullité fondée sur le dol :
Les consorts Y. soutiennent que tant le contrat principal que le contrat de crédit affecté encourent une nullité pour dol, pour l'appréciation duquel le délai de prescription aurait commencé à courir à compter du jour où ils ont eu connaissance de la réelle capacité de production de la centrale photovoltaïque. Ils estiment qu'il convient de retenir en l'occurrence la première facture de rachat de la société EDF datée du 21 avril 2014.
La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ne discute pas véritablement l'absence de prescription, admettant l'erreur matérielle commise par le premier juge qui a retenu la date du 21 avril 2013 pour cette première facture dont le montant s'est avéré décevant pour les époux Y.
Indépendamment du fond, les consorts Y. font effectivement valoir que le dol du vendeur consistant en la dissimulation du défaut de rentabilité de l'opération financée aurait été découvert à compter de la réception de cette première facture de rachat d'électricité.
Il est exact que le point de départ de l'action en responsabilité à l'encontre du prêteur ne peut être antérieur à la date de réception de cette première facture de rachat d'électricité du 21 avril 2014.
En conséquence, cette action n'était pas atteinte par la prescription à la date de délivrance de l'assignation aux intimées au mois de mars 2019, et le jugement querellé doit être infirmé sur ce point pour avoir retenu une analyse contraire dans ses motifs.
2 - Sur le dol :
Les appelantes estiment que tant le contrat principal que le contrat de crédit affecté encourent une nullité pour dol, d'une part, en raison du défaut d'information par le vendeur sur le risque d'une absence de rentabilité de l'opération et, d'autre part, par le défaut d'information du prêteur sur le risque d'endettement qui pouvait en résulter.
En l'absence de comparution du liquidateur de la société Rhône technical services, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE fait valoir qu'elle n'avait pas à vérifier la rentabilité envisageable de l'installation, ses obligations se limitant à la vérification des conditions d'octroi du crédit et de la solvabilité des emprunteurs.
L'article 1116 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, énonce que : « Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé. ».
En définitive, et malgré des conclusions denses en droit mais peu caractérisées en faits, les consorts Y. circonscrivent leur argumentation à la considération selon laquelle ils se sont engagés dans cette opération parce que celle-ci leur a été présentée comme rentable, au point de permettre son autofinancement.
Cependant, concernant la rentabilité de l'installation, aucune preuve n'est rapportée au sujet des échanges qu'ont pu avoir à ce sujet Monsieur et Madame Y. avec le représentant de la société Rhône technical services. Il n'est pas démontré que cette recherche d'équilibre économique soit entrée dans le champ contractuel.
Bien que les appelantes se réfèrent pour convaincre la cour à la clause n° 9 du contrat dont elles évoquent, uniquement dans leurs motifs, le caractère abusif, celle-ci ne témoigne en rien de manœuvres destinées à tromper le consentement de Monsieur et Madame Y.
Au contraire, cette clause prévoit littéralement que les estimations approximatives des recettes et de rendements annuels engendrés par la revente de l'électricité produite à EDF, ainsi que le prix de rachat « qui ont été éventuellement communiqués au client par le vendeur ne sont en aucun cas garantis par RTS. Il incombe à l'acheteur d'effectuer toutes les démarches nécessaires afin de s'informer auprès des services compétents (Edf pour le prix de rachat de l'électricité) (…). ».
Aucun autre élément contractuel n'est développé pour démontrer que la considération d'une recherche de rentabilité de l'installation aurait été incluse dans le champ contractuel. A l'identique, aucune pièce de nature pré-contractuelle, comme de la documentation publicitaire ou une étude de financement menée lors de pourparlers, ne vient pallier cette absence de preuve.
Dès lors, propriétaires d'une installation source de déception mais en état de fonctionnement, les consorts Y. échouent à démontrer que la rentabilité de l'installation, voire son autofinancement, auraient été intégrés dans le champ contractuel. Le dol de la société Rhône technical services n'est dès lors pas caractérisé.
Par ailleurs, bien qu'ils disent également rechercher la responsabilité de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE sur le fondement du dol, force est de constater que les consorts Y. ne développent aucun argument spécifique à l'encontre de la banque.
Au surplus, le prêteur, qui ne doit pas s'immiscer dans les affaires de l'emprunteur, n'est pas tenu de le conseiller sur l'opportunité de l'opération financée. L'information sur un éventuel risque d'endettement, non réalisé en l'espèce, ne se conçoit dans le rapport contractuel avec la banque qu'au regard des capacités financières des emprunteurs à faire face à leur engagement de remboursement.
Aussi, les consorts Y. seront déboutés de leur demande de nullité du bon de commande et du crédit affecté s'y rapportant, ainsi que de leurs demandes subséquentes de remise en l'état antérieur et de condamnation pécuniaire de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à leur égard, tant au titre de la restitution de la somme de 23.970,60 euros que de celle de 18.000 euros sollicitée à titre de dommages et intérêts.
3 - Sur les demandes accessoires :
Succombant en leurs prétentions, les consorts Y. seront condamnés in solidum aux entiers dépens d'appel, ainsi qu'à verser à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement du 16 décembre 2019 du tribunal d'instance d'Oloron Sainte Marie en ce qu'il a retenu la prescription de l'action en nullité pour dol concernant les contrats de fourniture et de crédit conclus avec les sociétés Rhône technical services et la banque Solfea le 2 novembre 2012,
Statuant sur le point infirmé,
Déboute Mesdames A. et A.-S. Y. de leur demande de nullité pour dol des contrats de fourniture et de crédit conclus avec les sociétés Rhône technical services et banque Solfea le 2 novembre 2012,
Déboute Mesdames A. et A.-S. Y. de leurs demandes de remise en l'état antérieur et de condamnation pécuniaire de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE au titre de la restitution de la somme de 23.970,60 euros et de celle de 18.000 euros sollicitée à titre de dommages et intérêts,
Le confirme pour le surplus,
Y ajoutant,
Condamne in solidum Mesdames A. et A.-S. Y. aux entiers dépens d'appel,
Condamne in solidum Mesdames A. et A.-S. Y. à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Philippe DARRACQ, conseiller faisant fonction de Président et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
La Greffière, Le Président,
- 5705 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Délai pour agir - Prescription
- 5712 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Obstacles au contrôle du juge - Obligation de mise en cause dans les contrats liés
- 5730 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Voies de recours - Appel
- 5852 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de consommateur - Particulier personne physique - Consommateur partie au contrat