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CA MONTPELLIER (1re ch. sect. B), 4 septembre 2001

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (1re ch. sect. B), 4 septembre 2001
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 99/01529
Date : 4/09/2001
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 22/02/1999
Décision antérieure : TGI NARBONNE, 8 octobre 1998
Numéro de la décision : 3470
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 935

CA MONTPELLIER (1re ch. sect. B), 4 septembre 2001 : RG n° 99/01529 ; arrêt n° 3470

Publication : Juris-Data n° 170748

 

Extrait  : « Pour combattre cette motivation, les appelantes font justement valoir qu'en déclarant abusives les dispositions résultant de l'article 39 du Règlement particulier de Police du Port de Plaisance de LEUCATE, qui énonce que : « les opérations de manutention se font sous la responsabilité de la personne qui a signé le Bon de manutention, notamment en ce qui concerne les points de levage, la position du bateau, la solidité des superstructures, des œuvres vives, etc. », le premier juge a implicitement mais nécessairement, retenu que le contrat liant Monsieur X. à la Régie du Port de LEUCATE est un contrat de droit privé, susceptible de donner lieu à application de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, relatif aux clauses abusives, y compris les dispositions du Règlement de Police ; que cependant, le règlement de police dont est issu le contrat est un acte administratif unilatéral réglementaire, qui s'impose aux usagers du port, étant publié en Mairie et affiché dans la Capitainerie du Port ; que la nature administrative de ce texte, qui ne relève pas d'un contrat de droit privé, interdisait donc au premier juge de faire application à son égard, des textes de droit privé, qui permettent d'écarter le jeu des clauses abusives. »

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION B

ARRÊT DU 4 SEPTEMBRE 2001

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. : 99/01529. Arrêt n° 3470. Réf. 1ère Instance : TGI Narbonne, 8 octobre 1998 : R.G. n° 97/180.

 

APPELANTES :

- COMMUNE DE LEUCATE

prise en la personne de son Maire en exercice, domicilié en cette qualité [adresse], représentée par la SCP TOUZERY-COTTALORDA, avoués à la Cour assistée de Maître Jean-Pierre REDON, avocat au barreau de MONTPELLIER

- RÉGIE DU PORT DE LEUCATE

prise en la personne de son Directeur en exercice, domicilié en cette qualité [adresse], représentée par la SCP TOUZERY-COTTALORDA, avoués à la Cour assistée de Maître Jean-Pierre REDON, avocat au barreau de MONTPELLIER

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

décédé le 14 novembre 1999, [adresse]

 

INTERVENANTES en reprise d'instance :

- Madame Y. veuve de Monsieur X.

décédé le 14 novembre 1999 prise es qualité d'héritière de ce dernier, née le […] à […], représentée par Maître Yves GARRIGUE, avoué à la Cour, assistée de Maître Bernard SAUMADE, avocat au barreau de NARBONNE, substitué par Maître MANDROU avocat au barreau de NARBONNE

[minute page 2]

- Mademoiselle X.

prise es qualité d'héritière de Monsieur X. décédé le 14 novembre 1999 née le […] à […],[adresse], représentée par Maître Yves GARRIGUE, avoué à la Cour, assistée de Maître Bernard SAUMADE, avocat au barreau de NARBONNE substitué par Maître MANDROU avocat au barreau de NARBONNE

 

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 17 mai 2001.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Mme Anne-Sylvie GUICHARD, Président, M. Jean-Marc ARMINGAUD, Conseiller, Mme Gisèle BRESDIN, Conseiller.

GREFFIER : Mme M. Elisabeth RAMON-BOTONNET, lors des débats et Mme Monique AUSSILLOUS lors du prononcé.

DÉBATS : en audience publique le VINGT DEUX MAI DEUX MILLE UN. L'affaire a été mise en délibéré au 4 septembre 2001.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE, prononcé en audience publique le QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE UN par Mme Anne-Sylvie GUICHARD, Président. Le présent arrêt a été signé par Mme Anne-Sylvie GUICHARD, Président, et par le greffier présent à l'audience.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte en date du 30 décembre 1996, Monsieur X. a fait assigner la Commune de LEUCATE et la Régie du Port de LEUCATE, par devant le Tribunal de Grande Instance de NARBONNE, pour les faire condamner à lui payer la somme de 40.746 Francs correspondant aux frais de réparation de son navire, 8.000 Francs pour son préjudice corporel, 5.894 Francs pour ses frais accessoires, outre 10.000 Francs pour les frais irrépétibles.

Monsieur X. a fait valoir que le 5 avril 1994, il a fait intervenir le port de LEUCATE pour faire déposer à sec, sur Bers, sur la zone technique du port, son bateau dénommé […], voilier de type DUFFOUR, long de 10 mètres ;

que le 5 avril 1994, son voilier a été mis à terre par les services du port, qui ont décidé de son emplacement, le grutier procédant à sa manutention et à son calage ;

que le 7 avril 1994, alors qu'il se trouvait à l'intérieur de son bateau, celui-ci s'est renversé sous l'effet du vent, et a chuté sur la zone portuaire, s'est endommagé, lui-même étant blessé, ayant un bras cassé ;

que la Régie du port et son assureur ont refusé de l'indemniser, en lui opposant l'article 39 du règlement de police du port, qui stipule que les opérations de manutention se font sous la responsabilité de la personne qui a signé le BON de manutention, que le calage est fait par le signataire du BON de manutention et sous sa seule responsabilité ;

que cependant, cette clause ne saurait exonérer la Régie du Port de toute responsabilité, l'expert, s'il a constaté le bon état des Bers, leur adaptation par rapport au bateau qu'ils devaient supporter, ayant cependant noté qu'aucune attache n'a été mise en place entre les deux Bers, que le bateau n'est pas assuré par une fixation au sol.

*

La Commune a répondu que sa responsabilité ne relève pas du droit commun [minute page 4] contractuel ;

*

que le règlement de police prévoit que les opérations de manutention et de calage se font sous la responsabilité du signataire du BON.

*

Par jugement en date du 11 décembre 1991, le Tribunal a invité la défenderesse à produire le BON de manutention, à s'expliquer sur le caractère contractuel du Règlement de Police, sur le caractère abusif, ou non, de son article 39.

*

Par jugement en date du 8 octobre 1998, le Tribunal a statué en ces termes :

- dit que la RÉGIE DU PORT et la COMMUNE de LEUCATE devront indemniser M. Monsieur X. de la somme de 42.746 Francs, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- condamne la RÉGIE DU PORT et la COMMUNE de LEUCATE à payer la somme de 2.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- condamne la RÉGIE DU PORT et la COMMUNE de LEUCATE aux dépens.

*

La Commune de LEUCATE et la RÉGIE DU PORT DE LEUCATE, qui ont fait appel le 22 février 1999, ont, par conclusions en date du 22 juin 1999, demandé à la Cour :

vu les dispositions de l'article 1134 du Code Civil et L. 132-1 ancien du Code de la Consommation,

vu le règlement de police arrêté par le Maire de LEUCATE le 7 février 1994, et enregistré à la sous-préfecture de NARBONNE le 11 février 1994, vu le rapport de l'expert fait et clos le 1er juin 1994,

- de dire et juger que le principe de la séparation des pouvoirs, empêche de reconnaître aux dispositions de l'article 39, figurant dans le règlement de [minute page 5] police du port de LEUCATE, le caractère de clause abusive, au sens de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1998 ;

- de dire et juger que l'outillage mis à la disposition de l'intimé était parfaitement adapté à l'usage auquel il était destiné ;

- d'infirmer le jugement du 8 octobre 1998 rendu par le Tribunal de Grande Instance de NARBONNE en toutes ses dispositions ;

- d'exclure, en conséquence, toute responsabilité de la Commune de LEUCATE et de sa Régie ;

- de condamner M. X. aux entiers dépens.

Vu les conclusions prises le 30 mars 2000 par Madame Y., veuve de Monsieur X. et par Mademoiselle X., héritières d'Monsieur X., qui ont demandé à la Cour :

- de confirmer le jugement entrepris ;

- de condamner, en sus, la Régie du Port et la Commune de LEUCATE, à payer aux consorts X. la somme de 20.000 Francs à titre de dommages et intérêts, au titre du préjudice corporel subi par Monsieur X. ; de les condamner à leur payer 10.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et aux entiers dépens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Pour faire droit aux demandes de Monsieur X., le premier juge a retenu que la Commune de LEUCATE ne peut pas opposer à cet usager de ce service public industriel et commercial, géré par la Régie du Port de cette Commune, l'exclusion de responsabilité résultant du règlement intérieur, résultant de l'article 39, dans la mesure où les manœuvres de manutention sont réalisées par le conducteur de l'engin, ce qui a été confirmé par M. Z., [minute page 6] responsable du port, sur du matériel appartenant au port, et suivant ses directives de l'employé portuaire, de sorte que le calage ne peut être considéré comme effectué par l'usager ;

que par application de l'article L. 132-1 ancien du Code de la Consommation, la clause de non-responsabilité doit être considérée comme non opposable à M. X. ;

qu'il résulte du rapport de l'expert que le tube du Bert avant est plié, que la jambe de force du Bert arrière est forcée, ce qui est le signe d'un matériel inapproprié.

Pour combattre cette motivation, les appelantes font justement valoir qu'en déclarant abusives les dispositions résultant de l'article 39 du Règlement particulier de Police du Port de Plaisance de LEUCATE, qui énonce que : « les opérations de manutention se font sous la responsabilité de la personne qui a signé le Bon de manutention, notamment en ce qui concerne les points de levage, la position du bateau, la solidité des superstructures, des œuvres vives, etc. », le premier juge a implicitement mais nécessairement, retenu que le contrat liant Monsieur X. à la Régie du Port de LEUCATE est un contrat de droit privé, susceptible de donner lieu à application de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, relatif aux clauses abusives, y compris les dispositions du Règlement de Police ;

que cependant, le règlement de police dont est issu le contrat est un acte administratif unilatéral réglementaire, qui s'impose aux usagers du port, étant publié en Mairie et affiché dans la Capitainerie du Port ;

que la nature administrative de ce texte, qui ne relève pas d'un contrat de droit privé, interdisait donc au premier juge de faire application à son égard, des textes de droit privé, qui permettent d'écarter le jeu des clauses abusives.

Au fond, les appelantes soulignent justement qu'il résulte du rapport d'expertise établi par ROUSSILLON EXPERTISES MARITIMES, que, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, les Bers, fabriqués avec des tubes ronds et des cornières, étaient dans un état correct, que ce type de Ber était adapté au bateau à supporter.

[minute page 7] Certes, l'expert observe qu'aucune attache n'a été mise en place entre les deux Bers et que le bateau n'a pas été assuré par une fixation au sol.

Les appelantes répondent cependant que si la manutention du bateau est effectuée par le grutier du port, en revanche, le calage du bateau est le seul fait du signataire du Bon de manutention et sous sa responsabilité, comme le stipule également l'article 39 du Règlement de Police.

Qu'il ressort des pièces du dossier, que Monsieur X. a signé le bon de manutention, a supervisé toute l'opération, et a choisi l'emplacement près de la zone du chantier naval, pour lui faciliter les prochaines opérations, qu'il comptait réaliser sur le bateau.

Que dans le cadre de cette opération, il appartenait au propriétaire du bateau de prendre toutes les mesures qui s'imposent, pour assurer la stabilité ou la fixation de son bateau.

qu'il était ainsi tenu d'une obligation de vigilance, de surveillance et de bonne garde de son bateau.

qu'il existe d'ailleurs des ancrages au sol, qui permettent d'amarrer le bateau, afin qu'il soit stabilité et qu'il ne soit pas agité par le vent.

En l'état de ces éléments surabondants qui excluent toute faute de manutention, ainsi qu'un mauvais calage du bateau, l'intervention du port dans le calage n'étant pas établie à cet égard, le jugement sera infirmé.

Succombant, les consorts X. supporteront les entiers dépens d'instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré,

Fait droit à l'appel ;

Infirme le jugement ;

[minute page 8] Déboute les consorts X. de toutes leurs demandes ;

Les condamne aux entiers dépens d'instance et d'appel ;

Accorde à la SCP TOUZERY-COTTALORDA le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER                        LE PRÉSIDENT