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CA ANGERS (ch. civ. A), 25 janvier 2022

Nature : Décision
Titre : CA ANGERS (ch. civ. A), 25 janvier 2022
Pays : France
Juridiction : Angers (CA), ch. civ.
Demande : 19/00054
Date : 25/01/2022
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 10/01/2019
Décision antérieure : CA ANGERS (ch. A civ.), 28 septembre 2021
Référence bibliographique : 6084 (preuve de l’obligation d’information), 5740 (effet de l’élimination, retour au contrat commun de la preuve), 6288 (location de voiture)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9378

CA ANGERS (ch. civ. A), 25 janvier 2022 : RG n° 19/00054 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Par arrêt avant dire droit en date du 28 septembre 2021, la cour d'appel d'Angers a ordonné la réouverture des débats et a invité les parties à s'exprimer sur le moyen susceptible d'être soulevé d'office par la cour tenant à l'application de l'article L. 212-1 du Code de la consommation, réservé toute demande et renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 13 décembre 2021. »

2/ « M. X. prétend que l'information délivrée par la société Sixt ne lui a pas permis de connaître et comprendre l'étendue des limitations de responsabilité qu'il a souscrit.

Cependant, il ressort du contrat conclu entre la société Sixt et M. X. (pièce n°1 intimée) que M. X. reconnaît, par l'apposition de sa signature, avoir eu connaissance des conditions générales de location disponibles dans l'agence de départ ainsi que des conditions d'accord de l'organisme de carte de crédit et les a acceptées comme faisant partie intégrante du contrat. Les conditions générales de location détaillent et précisent les cas dans lesquels le loueur accepte une limitation de la responsabilité du client (articles 10.2.1 et 10.2.2). L'article 10.2.3 liste les causes d'exclusion d'application des limitations de responsabilité.

Dès lors, M. X. est mal fondé à se prévaloir d'un manquement de la société Sixt à son obligation pré-contractuelle d'information alors qu'il a, par l'apposition de sa signature, expressément reconnu avoir eu connaissance des conditions générales de location qui détaillent les informations relatives aux conditions d'application des limitations de responsabilité optionnelles. »

3/ « S'agissant de la contestation de l'applicabilité de la clause, l'appelant ne peut légitimement prétendre que la clause ne s'applique qu'aux dommages constatés au retour du véhicule et non aux dommages causés au cours de la location alors que ceux-ci ne peuvent qu'être constatés au retour du véhicule. De plus, le fait qu'il soit contractuellement prévu que les dommages sont évalués par un expert indépendant et agréé par les assurances ne constitue pas une obligation conditionnelle, encore moins potestative.

Cependant, en ne prévoyant pas que le client sera informé préalablement de la date et du lieu de réalisation de l'expertise par l'expert indépendant sollicité par le loueur, cette clause crée un déséquilibre significatif entre les deux parties, d'autant plus préjudiciable pour le client qu'une éventuelle contre-expertise ne pourrait être organisée qu'à partir des éléments ayant servi à la réalisation de cette première expertise, et qu'ignorant les éléments soumis ou retenus par le premier expert, le client se trouverait ainsi dans l'impossibilité de faire valoir tout autre élément utile.En outre, la possibilité de recourir à une contre-expertise suppose nécessairement que le rapport du premier expert soit adressé au client.

En l'espèce, la société Sixt ne justifie pas d'une telle transmission. En effet, le courrier du 31 juillet 2017 par lequel elle sollicite le paiement de la somme de 12 713,66 euros n'est pas accompagné de ce rapport et ne rappelle pas la possibilité de mettre en 'uvre une contre-expertise. L'intimée ne justifie donc pas avoir adressé le rapport d'expertise à M. X. antérieurement à ce courrier, de sorte qu'elle n'a pas mis son client en capacité de connaître la teneur de l'avis de l'expert ni de solliciter une contre-expertise.

En conséquence, et au regard de l'article L.241-1 du code de la consommation, les dispositions de l'article 12 des conditions générales de location Sixt relatives aux « modalités d'évaluation et d'indemnisation » doivent être réputés non écrites comme étant abusives.

Ce faisant, le rapport d'expertise non contradictoire produit aux débats (pièce n°7 intimée) et contesté par l'appelant, en l'absence d'autres éléments de preuve le corroborant, ne peut suffire à établir la réalité du montant des réparations imputées au sinistre survenu pendant l'exécution du contrat de location litigieux. Au regard des éléments de l'espèce, et notamment du fait non contesté que M. X. s'est arrêté immédiatement après avoir constaté la panne et a prévenu la société Sixt qui a fait remorquer le véhicule, il apparaît que les dommages sont nécessairement limités et que la somme sollicitée par la SAS Sixt ne peut être retenue malgré l'existence non contestée d'un préjudice matériel lié à une erreur de carburant. Le préjudice de la SAS Sixt sera, en conséquences, réparé par l'allocation d'une somme de 2.500 euros par voie de réformation de la somme allouée en premier ressort. »

 

COUR D’APPEL D’ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE

ARRÊT DU 25 JANVIER 2002

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/00054. N° Portalis DBVP-V-B7D-EN7Y. Jugement du 29 novembre 2018, Tribunal de Grande Instance de LAVAL, n° d'inscription au RG de première instance 18/00317.

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], [...], [...] (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS), Représenté par Maître Nathalie G., avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 19003

 

INTIMÉE :

SAS SIXT

agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social [...], [...], Représentée par Maître Pierre L. substituant Maître Thierry B. de la SELARL LEXCAP, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 13901193, et Maître Caroline T., avocat plaidant au barreau de MONTPELLIER

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 13 décembre 2021 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme REUFLET, Conseiller, qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame ROUSTEAU, Présidente de chambre, Madame MULLER, Conseiller, Madame REUFLET, Conseiller.

Greffière lors des débats : Madame LEVEUF

ARRÊT : contradictoire ; Prononcé publiquement le 25 janvier 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Sylvie ROUSTEAU, Présidente de chambre et par Christine LEVEUF, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. X. a loué auprès de la SAS Sixt un véhicule Audi A3 immatriculé XXX du 26 juin au 3 juillet 2017. Le 28 juin 2017, à la suite d'une erreur de carburant lors de l'approvisionnement, le véhicule a été restitué endommagé.

Le 26 juillet 2017, un rapport d'expertise a été établi par l'EIRL D. expertises à la demande de la SAS Sixt.

Par acte d'huissier du 27 juin 2018, la SAS Sixt a fait assigner M. X. devant le tribunal de grande instance de Laval aux fins de voir :

- condamner M. X. à lui payer la somme de 12.713,66 euros correspondant au montant de la facture indemnitaire du 31 juillet 2017, outre les intérêts au taux légal,

- ordonner la capitalisation annuelle des intérêts échus depuis plus d'un an, de 1.271 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamner M. X. à lui payer la somme de 1.271 euros à titre de dommages et intérêts pour réticence abusive,

- condamner M. X. à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.

Par jugement réputé contradictoire du 29 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Laval a :

- condamné M. X. à payer à la SAS Sixt la somme de 12.713,66 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2017,

- rejeté la demande au titre d'une résistance abusive,

- condamné M. X. à payer à la SAS Sixt la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné M. X. aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration reçue au greffe le 10 janvier 2019, M. X. a interjeté appel dudit jugement en toutes ces dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande au titre d'une résistance abusive.

Les conclusions d'appelant ont été notifiées par la voie électronique le 9 avril 2019. L'intimé a constitué avocat le 29 mars 2019 et notifié ses conclusions le 21 juin 2019.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 juin 2021, l'affaire fixée à l'audience du 5 juillet 2021.

Par arrêt avant dire droit en date du 28 septembre 2021, la cour d'appel d'Angers a ordonné la réouverture des débats et a invité les parties à s'exprimer sur le moyen susceptible d'être soulevé d'office par la cour tenant à l'application de l'article L. 212-1 du Code de la consommation, réservé toute demande et renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 13 décembre 2021.

* * *

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions :

- du 23 novembre 2021 pour M. X.,

- du 1er décembre 2021 pour la SAS Sixt,

qui peuvent se résumer respectivement comme suit.

M. X. demande à la cour de :

- le recevoir et le déclarer fondé en son appel,

Y faisant droit,

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions lui faisant grief et statuant à nouveau,

- dire et juger que la SAS Sixt a manqué à son obligation d'information, la condamner à payer 12.713,66 euros de dommages et intérêts, ordonner compensation et débouter la SAS Sixt de ses demandes,

- dire et juger applicable la clause « pour les dommages résultant d'une utilisation d'un carburant non-conforme » et débouter la SAS Sixt de ses demandes,

- constater que l'article 12 des conditions générales de location s'analyse en une clause abusive,

- considérer ses dispositions comme non écrites et donc inopposables au concluant,

En conséquence,

- déclarer non applicable la clause d'expertise et considérer comme dépourvu de toute force probante le rapport d'expertise et débouter la SAS Sixt de ses demandes,

- déclarer nul le rapport d'expertise et débouter la SAS Sixt de ses demandes,

- et rejetant toutes prétentions contraires comme recevables en tout cas non fondées,

- vu l'article 37 de la loi sur l'aide juridictionnelle, condamner la SAS Sixt à payer à son conseil la somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouter la SAS Sixt de sa demande d'indemnité de procédure totalement injustifiée,

- condamner la SAS Sixt aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.

Sur le fondement de l'article 1112-1 du Code civil, l'appelant explique que la SAS Sixt lui a proposé de souscrire aux limitations de responsabilité optionnelles sans toutefois lui fournir de plus amples informations sur leur étendue, qu'en faisant signer le contrat dans ces conditions, par un simple renvoi aux conditions générales de location disponibles dans l'agence de départ, ce qui constitue une clause abusive, la SAS Sixt a manqué à son obligation de conseil et d'information à son égard et qu'elle doit voir engager sa responsabilité contractuelle de ce chef. Il demande que la SAS Sixt soit condamnée à lui verser la somme qu'elle réclame et que soit ordonné compensation.

Concernant l'interprétation du contrat, M. X. indique que le contrat litigieux est un contrat d'adhésion qui doit donc s'interpréter contre celui qui l'a proposé au regard des articles 1190 et 1171 du code civil. Il soutient que selon les conditions générales (page 10), les limitations de responsabilité ne s'appliquent pas 'pour les dommages résultant d'une utilisation d'un carburant non-conforme' et affirme que l'erreur commise lors de l'approvisionnement n'est pas une utilisation d'un carburant non conforme. Il conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a fait application de cette clause.

S'agissant du rapport d'expertise, l'appelant invoque l'inapplicabilité de la clause en exposant que si l'article 12 des conditions générales du contrat de location Sixt prévoit que les dommages constatés au retour d'un véhicule font l'objet d'une évaluation par un expert indépendant agréé par les assurances, en l'espèce, M. X. s'est rendu compte immédiatement de son erreur, a immobilisé le véhicule et prévenu la SAS Sixt qui a fait procéder au remorquage du véhicule, de telle sorte que ledit article 12 n'est pas applicable.

Il soutient ensuite que l'article 12 des conditions générales de location doit être qualifié de clause abusive, au sens des dispositions de l'article L. 212-1 du code de la consommation, en ce qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les parties, au détriment du consommateur, en ce qu'elle ne prévoit pas l'information du client de la date et du lieu de réalisation de l'expertise, limitent le périmètre d'une éventuelle contre-expertise aux éléments ayant servi à la réalisation de la première expertise non contradictoire.

Il affirme en outre que l'expert ne peut être à la fois indépendant et agréé par les assurances, que la clause doit donc être annulée sur le fondement de l'article 1304-2 du code civil comme étant potestative, et qu'elle est, de plus, inapplicable à défaut de prévoir les conditions de sa mise en œuvre.

Il ajoute que l'expertise n'a pas été réalisée contradictoirement car il n'a pas été consulté pour la désignation de l'expert, n'a pas été convoqué à l'expertise et n'a pas été mis en mesure de débattre contradictoirement les termes du rapport avant que celui-ci soit déposé. Il demande, en conséquence, l'annulation du rapport d'expertise et le débouté de la SAS Sixt de ses demandes.

Très subsidiairement, il conteste le caractère probant du rapport d'expertise.

* * *

La SAS Sixt, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants devenus 1103 et suivants, 1188 et 1192 du Code civil, de :

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel interjeté par M. X.,

- débouter M. X. de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- les rejeter à toutes fins qu'elles comportent,

Ce faisant confirmer le jugement entrepris,

- dire et juger que M. X. a alimenté le véhicule loué avec du gasoil au lieu de l'essence,

- dire et juger que conformément à l'article 10.2.3 des conditions générales applicables au présent litige, cette erreur caractérise une utilisation de carburant non conforme exclusive de la garantie optionnelle souscrite,

- dire et juger que l'article 12 des conditions générales de la société SIXT SAS est régulière et valide en ce qu'elle ne crée aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties,

- dire et juger que la SAS Sixt n'a commis aucune faute,

- dire et juger que M. X. ne démontre avoir subi aucun préjudice,

En conséquence,

A titre principal,

- dire et juger que M. X. doit réparer l'entier préjudice qu'elle a subi,

- dire et juger que, conformément aux stipulations contractuelles, le rapport d'expertise en date du 26 juillet 2017 est parfaitement opposable à M. X. qui n'a demandé aucune contre-expertise,

- condamner M. X. à lui payer la somme de 12.713,66 euros correspondant au montant de la facture indemnitaire 90XX153 du 31 juillet 2017 outre les intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2017, date de réception de la mise en demeure restée sans effet, et ce jusqu'à parfait paiement,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour juge la limitation de responsabilité applicable,

- condamner M. X. à lui payer la somme de 1.300 euros correspondant au montant de la franchise,

En toutes hypothèses,

- ordonner la capitalisation annuelle des intérêts échus depuis plus d'un an par application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner M. X. à lui payer la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. X. aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Concernant le principe de la responsabilité de M. X., la SAS Sixt soutient que le tribunal de grande instance a justement jugé que la limitation de responsabilité, découlant de l'assurance optionnelle protection vol et collision « CDW », était exclue s'agissant de dommages résultant de l'utilisation d'un carburant non conforme. Elle demande donc la confirmation du jugement sur ce point.

Répondant aux arguments de M. X. sur l'existence d'une faute de la société Sixt et d'un préjudice consécutif subi par celui-ci, la société explique avoir rempli son obligation d'information en faisant figurer l'exclusion de limitation de responsabilité relative au carburant non conforme à l'article 10.2.3 de ses conditions générales de location, lesquelles précisent être disponibles dans l'agence de départ de la location et ont été portées à la connaissance et à l'acceptation de M. X. lors de la conclusion du contrat de location. Elle affirme que la clause par laquelle le consommateur reconnaît avoir reçu un exemplaire des conditions générales n'est pas abusive et que les conditions générales de location sont donc opposables à M. X. en ce qui est des dommages causés au véhicule loué pendant sa jouissance. Elle ajoute que M. X. était informé du carburant qui devait être utilisé et qu'aucune faute ne peut donc être imputée à la société Sixt. Elle soutient enfin que le préjudice de M. X. correspondrait à la perte de chance de ne pas avoir contracté les garanties optionnelles et est donc nécessairement inférieur à 40 euros.

L'intimée conteste par ailleurs l'interprétation de la clause contenant l'exclusion de garantie litigieuse faite par M. X. Elle fait valoir que toute personne raisonnable comprend, à la lecture de la clause, que l'erreur de carburant relève naturellement de l'utilisation d'un carburant non conforme, exclusif de toute limitation de responsabilité.

Concernant le quantum du préjudice subi par la société Sixt, elle rappelle que M. X. a expressément accepté, en signant les conditions générales de location, l'évaluation par un expert indépendant du dommage subi par la société Sixt et qu'il avait la possibilité de solliciter une contre-expertise, ce qu'il n'a pas fait. En conséquence, la SAS Sixt sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné M. X. à lui verser la somme totale de 12.713,66 euros.

A titre subsidiaire, si la cour jugeait que la limitation de garantie était applicable, elle demande la condamnation de M. X. à payer à la société Sixt la somme de 1.300 euros correspondant au montant de la franchise.

Sur la question du caractère abusif de l'article 12 des conditions générales de location, l'intimée rappelle que le contrôle de l'état du véhicule a été réalisé contradictoirement. Elle souligne que la clause litigieuse prévoit expressément qu'une contre-expertise peut être réalisée et que l'expertise initiale est réalisée par un expert indépendant et non pas par un mandataire du bailleur.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le manquement à l'obligation d'information et de conseil :

M. X. prétend que l'information délivrée par la société Sixt ne lui a pas permis de connaître et comprendre l'étendue des limitations de responsabilité qu'il a souscrit.

Cependant, il ressort du contrat conclu entre la société Sixt et M. X. (pièce n°1 intimée) que M. X. reconnaît, par l'apposition de sa signature, avoir eu connaissance des conditions générales de location disponibles dans l'agence de départ ainsi que des conditions d'accord de l'organisme de carte de crédit et les a acceptées comme faisant partie intégrante du contrat. Les conditions générales de location détaillent et précisent les cas dans lesquels le loueur accepte une limitation de la responsabilité du client (articles 10.2.1 et 10.2.2). L'article 10.2.3 liste les causes d'exclusion d'application des limitations de responsabilité.

Dès lors, M. X. est mal fondé à se prévaloir d'un manquement de la société Sixt à son obligation pré-contractuelle d'information alors qu'il a, par l'apposition de sa signature, expressément reconnu avoir eu connaissance des conditions générales de location qui détaillent les informations relatives aux conditions d'application des limitations de responsabilité optionnelles.

 

Sur la demande d'indemnisation de la société Sixt :

En droit, en application de l'article 1732 du code civil, le locataire répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute.

En l'espèce, les circonstances dans lesquelles des dommages ont été causés au véhicule loué ne sont pas discutées par les parties. M. X. a reconnu dans la déclaration de sinistre (pièce n°6 intimée) avoir commis une erreur de carburant lors de l'approvisionnement du véhicule. Il est aussi acquis aux débats que lors de la conclusion du contrat de location, M. X. a souscrit aux limitations de responsabilité optionnelles prévues par l'article 10.2.1 des conditions générales de location.

Le litige porte en réalité sur l'interprétation de l'étendue de ces limitations de responsabilité optionnelles et notamment sur la clause excluant l'application de celles-ci « pour les dommages résultant de l'utilisation d'un carburant non-conforme. »

L'article 10.2.3 des conditions générales du contrat indique, de façon claire, précise et non-équivoque, que la limitation de responsabilité relative aux dommages matériels subis par le véhicule loué est exclue pour les dommages résultant de l'utilisation d'un carburant non-conforme. L'erreur de carburant dans l'approvisionnement du véhicule, à savoir le fait d'utiliser un carburant de type gasoil au lieu d'un carburant de type essence, relève indéniablement du champ d'exclusion prévu par l'article 10.2.3 des conditions générales de location.

 

Sur l'évaluation du montant des réparations :

L'article 12 des conditions générales de location dispose que les dommages constatés au retour d'un véhicule font l'objet d'une évaluation par un expert indépendant agréé par les compagnies d'assurances, que le client pourra faire réaliser à ses frais une contre-expertise qui sera réalisée uniquement sur la base des éléments ayant servi à la réalisation de l'expertise par l'expert indépendant, que pour pouvoir valablement contester le résultat de l'expertise réalisée par l'expert indépendant, le client devra informer par écrit le service sinistre du loueur de son intention de faire réaliser une contre-expertise et adresser ensuite le rapport de contre-expertise dans un délai d'un mois à compter de la réception du rapport d'expertise de l'expert indépendant.

Il ajoute que sauf contre-expertise, les parties conviennent que l'évaluation des dommages réalisée par l'expert indépendant est définitive et reconnaissent expressément que celle-ci les liera et leur sera opposable comme valant accord entre elles sur l'équivalent monétaire des dommages.

S'agissant de la contestation de l'applicabilité de la clause, l'appelant ne peut légitimement prétendre que la clause ne s'applique qu'aux dommages constatés au retour du véhicule et non aux dommages causés au cours de la location alors que ceux-ci ne peuvent qu'être constatés au retour du véhicule.

De plus, le fait qu'il soit contractuellement prévu que les dommages sont évalués par un expert indépendant et agréé par les assurances ne constitue pas une obligation conditionnelle, encore moins potestative.

Cependant, en ne prévoyant pas que le client sera informé préalablement de la date et du lieu de réalisation de l'expertise par l'expert indépendant sollicité par le loueur, cette clause crée un déséquilibre significatif entre les deux parties, d'autant plus préjudiciable pour le client qu'une éventuelle contre-expertise ne pourrait être organisée qu'à partir des éléments ayant servi à la réalisation de cette première expertise, et qu'ignorant les éléments soumis ou retenus par le premier expert, le client se trouverait ainsi dans l'impossibilité de faire valoir tout autre élément utile.

En outre, la possibilité de recourir à une contre-expertise suppose nécessairement que le rapport du premier expert soit adressé au client.

En l'espèce, la société Sixt ne justifie pas d'une telle transmission. En effet, le courrier du 31 juillet 2017 par lequel elle sollicite le paiement de la somme de 12 713,66 euros n'est pas accompagné de ce rapport et ne rappelle pas la possibilité de mettre en 'uvre une contre-expertise.

L'intimée ne justifie donc pas avoir adressé le rapport d'expertise à M. X. antérieurement à ce courrier, de sorte qu'elle n'a pas mis son client en capacité de connaître la teneur de l'avis de l'expert ni de solliciter une contre-expertise.

En conséquence, et au regard de l'article L.241-1 du code de la consommation, les dispositions de l'article 12 des conditions générales de location Sixt relatives aux « modalités d'évaluation et d'indemnisation » doivent être réputés non écrites comme étant abusives.

Ce faisant, le rapport d'expertise non contradictoire produit aux débats (pièce n°7 intimée) et contesté par l'appelant, en l'absence d'autres éléments de preuve le corroborant, ne peut suffire à établir la réalité du montant des réparations imputées au sinistre survenu pendant l'exécution du contrat de location litigieux.

Au regard des éléments de l'espèce, et notamment du fait non contesté que M. X. s'est arrêté immédiatement après avoir constaté la panne et a prévenu la société Sixt qui a fait remorquer le véhicule, il apparaît que les dommages sont nécessairement limités et que la somme sollicitée par la SAS Sixt ne peut être retenue malgré l'existence non contestée d'un préjudice matériel lié à une erreur de carburant. Le préjudice de la SAS Sixt sera, en conséquences, réparé par l'allocation d'une somme de 2.500 euros par voie de réformation de la somme allouée en premier ressort.

 

Sur les dépens et frais irrépétibles :

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qui concerne les dépens de première instance laissés à la charge de M. X., le préjudice de la SAS Sixt n'étant réparé qu'à la suite de la procédure judiciaire qu'elle a été contrainte d'initier pour faire valoir ses droits.

Toutefois, au regard de la réformation en appel de la somme allouée à la SAS Sixt, substantiellement diminuée, les dépens d'appel seront laissés à la charge de la SAS Sixt en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Au regard de l'équité, il n'y a pas lieu de condamner l'une des parties à assumer la charge des frais irrépétibles exposés par l'autre. Les dispositions du jugement relatives à ces frais seront donc infirmées et les parties déboutées de leurs demandes à ce titre.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

DIT que l'article 12 des conditions générales de location la SAS Sixt est une clause abusive dont les dispositions sont réputées non écrites,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné M. X. à payer à la SAS Sixt les sommes de 12.713,66 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2017 et 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

INFIRME les dites dispositions,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE M. X. à payer à la SAS Sixt la somme de 2.500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2017,

DÉBOUTE la SAS Sixt et M. X. de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS Sixt aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés selon les dispositions afférentes à l'aide juridictionnelle.

LA GREFFIERE                             LA PRESIDENTE

C. LEVEUF                                      S. ROUSTEAU