CA MONTPELLIER (ch. com.), 22 mars 2022
CA MONTPELLIER (ch. com.), 22 mars 2022 : RG n° 19/06297
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « La société Locam conteste toute interdépendance des conventions au motif qu'il n'existait aucune impossibilité matérielle de continuer à utiliser le photocopieur loué puisque d'autres sociétés pouvaient en assurer la maintenance et que le contrat de location constitue l'objet principal de l'opération économique et ne peut voir son sort lié à celui très accessoire de la maintenance.
Or l'interdépendance de contrats repose, d'une part, sur l'existence de contrats concomitants ou successifs et, d'autre part, sur le fait que ces contrats s'inscrivent dans une opération incluant une location financière.
En l'espèce, le contrat de maintenance avec fourniture du photocopieur O. MF 3100 et le contrat de location financière ont été signés le même jour entre la société Tantine et Tonton et les sociétés IME et Locam, toutes deux représentées par la même personne physique, dans une intention commune manifeste de réaliser une seule et même opération, à savoir la mise à disposition auprès de celle-ci d'un photocopieur, financée par une location financière, de sorte que ces deux contrats conclus le 8 septembre 2015 sont interdépendants. »
2/ « Les clauses dactylographiées insérées au contrat de maintenance selon laquelle « le client confirme que l'objet du contrat entre dans le champ de son activité principale » et de location, selon laquelle « le client atteste que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière » ne font pas obstacle à cette application, puisque le seul critère, issu de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, est celui de « l'objet du contrat n'entrant pas dans le champ de l'activité principale du professionnel ».
Il n'est pas discuté que la société Tantine et Tonton, ayant pour une activité d'hôtellerie-restauration, employait moins de cinq salariés (concrètement quatre) lors de la conclusion du contrat et que l'exercice d'une telle activité ne lui conférait aucune compétence particulière pour apprécier l'intérêt tant matériel que financier à s'engager dans une opération englobant la location d'un photocopieur, sa maintenance et son renouvellement éventuel dans le cadre du partenariat mis en place. Dès lors que les services proposés étaient étrangers à son champ de compétence professionnelle et n'avaient été appréhendés par elle qu'en vue de faciliter l'exercice de son activité, il en résulte qu'elle peut valablement invoquer le bénéfice des dispositions de l'article L. 121-16-1 III du code de la consommation (devenu l'article L. 221-3) précité, renvoyant aux articles L.121-17 (devenu L. 221-5 à L. 221-7) et L.121-18-1 (devenu L. 221-9) insérés aux sous-sections 2 et 3 prévoyant notamment que le contrat comprend, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au 2 ° I de l'article L. 121'17 au nombre desquelles l'indication du délai et des modalités d'exercice du droit de rétractation ainsi que le formulaire type de rétractation accompagnant le contrat (...).
Il est établi qu'aucun des contrats signés par la SARL Tantine et Tonton avec la société IME d'une part et la société Locam d'autre part ne comporte ni bordereau de rétractation ni information quant à ce droit, de sorte que ceux-ci doivent être annulés.
La nullité entraîne l'effacement rétroactif des contrats et les parties doivent être remises dans leur situation initiale, y compris lorsque le contrat annulé a été exécuté.
La société Locam ne pourra qu'être condamnée à restituer à la société Tantine et Tonton l'intégralité des loyers perçus depuis le 8 septembre 2015, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte en l'absence d'éléments étayant une résistance de sa part, et de reprendre possession du matériel à ses seuls frais au siège social de la société Tantine et Tonton dans les conditions définies par le premier juge et non expressément critiquées, sauf en ce qui concerne l'autorisation de disposer librement dudit matériel à l'issue d'un délai défini, qui relève, le cas échéant, d'une difficulté d'exécution de la présente décision, et sous réserve de l'avoir avisée de la date à laquelle cette reprise interviendra selon les modalités spécifiées au dispositif.
En conséquence, les demandes en paiement de la société Locam au titre des loyers échus et à échoir et de la clause pénale, ne pourront prospérer et le jugement sera complété de ce chef. »
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 22 MARS 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/06297. N° Portalis DBVK-V-B7D-OKTO. Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 MAI 2019, TRIBUNAL DE COMMERCE DE CARCASSONNE : R.G. n° 2018002452.
APPELANTE :
SAS LOCAM
prise en la personne de son représentant légal en exercice [...], [...], Représentée par Maître Yann G. de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER G., G., L., avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉS :
Monsieur P. es qualité de liquidateur à la liquidation de IMPRESSIONS MULTIFONCTIONS ET EQUIPEMENTS
[...], [...], Assigné le 23 octobre 2019 à personne
SARL TANTINE ET TONTON
[...], [...], Représentée par Maître Jean-Luc B., avocat au barreau de CARCASSONNE substituant Maître Stéphane C. de la SCP C.-B.-S., avocat au barreau de CARCASSONNE
Ordonnance de clôture du 4 janvier 2022
COMPOSITION DE LA COUR : En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 JANVIER 2022, en audience publique, Madame Anne-Claire BOURDON, Conseiller ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de : Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller, Mme Marianne ROCHETTE, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Audrey VALERO
ARRÊT : - Réputé contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; - signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS et PROCÉDURE - MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La SARL Tantine et Tonton exerce une activité d'hôtel et restauration traditionnelle à [ville L.].
Par acte sous seing privé du 8 septembre 2015, elle a signé un contrat de maintenance concernant un photocopieur O. MF 3100 auprès de la SARL Impression Multifonctions & Equipements (IME - anciennement Chrome Bureautique), qui le lui fournissait (selon un bon de commande du même jour).
Par acte sous seing privé du même jour également, elle a signé un contrat de location financière n°1211383, auprès de la SAS Locam, prévoyant pour ce matériel un loyer trimestriel de 570 euros HT sur une durée de 21 trimestres.
Le 22 septembre 2015, elle a signé le procès-verbal de réception du matériel.
* * *
Par jugement en date du 4 septembre 2017 rendu par le tribunal de commerce de Montpellier, la société IME a fait l'objet d'un redressement judiciaire, Monsieur F. étant désigné en qualité d'administrateur et Monsieur P. en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 24 novembre. 2017, ce même tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société IME et désigné Monsieur P. en qualité de liquidateur judiciaire.
* * *
Le tribunal de commerce de Carcassonne, saisi par la société Tantine et Tonton, a, par jugement du 13 mai 2019, a :
«- (...) dit que les deux ensembles des contrats interdépendants et indissociablement liés conclus le 8 septembre 2015 entre la société Tantine et Tonton et les sociétés IME et Locam sont interdépendants,
- prononcé la résiliation du contrat de maintenance aux torts exclusifs de la société IME et, par voie de conséquence, les deux contrats étant indissociablement liés et interdépendants, prononcé la caducité du contrat de location attaché à cette opération contractuelle conclue auprès de la société Locam, et ce, avec effet à la date du 24 novembre 2017,
- condamné la société Locam à restituer à la société Tantine et Tonton les loyers échus depuis la date du 24 novembre 2017,
- jugé que la société Locam ou la société IME représentée par son mandataire liquidateur, devra récupérer à ses frais exclusifs dans le délai de trois mois à compter de la décision à intervenir, le photocopieur O. MF 3100 au siège de la société Tantine et Tonton, dans l'état dans lequel il se trouve,
- dit que faute, pour les sociétés IME et Locam d'avoir récupéré ce photocopieur dans le délai de trois mois à compter de la décision à intervenir, la société Tantine et Tonton pourra en disposer librement sans recours contre elle par l'une ou l'autre des deux sociétés susvisées,
- débouté la société Locam de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société Locam à verser à la société Tantine et Tonton la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement. »
[*]
La société Locam a régulièrement relevé appel le 19 septembre 2019 de ce jugement.
Elle demande à la cour, en l'état de ses conclusions déposées et notifiées le 17 août 2020 par voie électronique, de :
« - Vu les articles 1134 et suivants et 1149 anciens du code civil, les articles L. 641-11-1 et R. 641-21 du code de commerce, les articles L. 221-2 4°, L. 221-3 et L. 222-1 du code de la consommation, les articles L. 311-2 du code monétaire et financier,(...)
- dire bien fondé son appel ;
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de maintenance et, en tout état de cause, la caducité du contrat de location financière et ordonner la restitution des loyers encaissés depuis le 24 novembre 2017 ;
- débouter la société Tantine et Tonton de toutes ses demandes ;
- la condamner à régler les loyers échus et impayés depuis l'échéance du 30 septembre 2018 comprise, soit provisoirement arrêtés à la date des présentes la somme de 5.472 euros, outre clause pénale de 10 % sur les sommes dues soit 547,20 euros, soit au total 6.019,20 euros, ainsi qu'à leur échéance, les deux loyers à venir jusqu'au terme du contrat de location à savoir décembre 2020 ;
- condamner la société Tantine et Tonton à lui régler une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens d'instance et d'appel.»
Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :
- la société Tantine et Tonton a signé les documents contractuels, à savoir un contrat de location, un procès-verbal de livraison et de conformité ainsi qu'une autorisation de prélèvement,
- l'obligation de la société Tantine et Tonton trouve sa cause dans l'obligation exécutée par elle, à savoir la mise à disposition du matériel,
- la société Tantine et Tonton devait diriger son action en résiliation à l'encontre du liquidateur et de la société elle-même, ne l'ayant pas fait sa prétention à son encontre est irrecevable en application de l'article 14 du code de procédure civile,
- la société Tantine et Tonton ne justifie d'aucune mise en demeure adressée à la société IME de poursuivre l'exécution de ses prestations de maintenance après l'ouverture de la procédure collective et aucune résiliation ne peut être prononcée le jour même de la mise en liquidation judiciaire,
- il n'existait aucune impossibilité matérielle de continuer à utiliser le photocopieur loué puisque d'autres sociétés pouvaient en assurer la maintenance et le sort du contrat liant la société Tantine et Tonton à la société IME est indifférent à celui du contrat de location financière.
[*]
Formant appel incident, la société Tantine et Tonton sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 7 mars 2020 :
« - infirmer le jugement (...) sur les seuls chefs qui avaient rejeté les demandes suivantes :
- dire et juger que les deux ensembles de contrats interdépendants et indissociablement liés conclus le 8 septembre 2015, à Limoux, entre la société Tantine & Tonton et les sociétés IME et Locam sont nuls et de nul effet pour dol, absence de cause, déséquilibre excessif, et défaut de respect des dispositions du code de la consommation sur le droit de rétractation,
- condamner la société Locam à lui restituer l'intégralité des loyers et autres sommes qu'elle a perçus depuis le 8 septembre 2015, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard courant à compter du 30ème jour suivant la signification de la décision à intervenir.
- confirmer le jugement (...) en toutes ses autres dispositions non contraires aux présentes, et notamment :
- dire et juger :
- que la société IME n'a pas respecté son obligation contractuelle de maintenance,
- abusives et non écrites les clauses abusives dont se prévaut la société Locam à l'appui du contrat d'adhésion qu'elle lui a fait signer,
- qu'elle est libérée de l'exécution des stipulations dudit contrat de location à la date du 1er novembre 2017,
- que les deux ensembles de contrats interdépendants et indissociablement liés conclus le 8 septembre 2015, à Limoux, entre elle-même et les sociétés IME et Locam sont interdépendants,
- prononcer la résiliation du contrat de maintenance pour faute et aux torts exclusifs de la société IME et, par voie de conséquence, les deux contrats étant indissociablement liés et interdépendants, prononcer la résiliation ou la caducité du contrat de location attaché à cette opération contractuelle conclue auprès de la société Locam, et ce, avec effet à la date du 24 novembre 2017,
- dire et juger, en application des articles 1103, 1104 et 1193 du code civil, qu'en ne s'assurant pas que la maintenance convenue au contrat principal pouvait être fournie durant toute la durée du contrat de location financière, la société Locam a commis une faute justifiant la résiliation ou résolution du contrat de location financière à ses torts,
- condamner la SAS Locam à lui restituer les loyers échus depuis la date du 24 novembre 2017, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard courant à compter du 30ème jour suivant la signification de la décision à intervenir,
- dire et juger que la société Locam ou la société IME représentée par son mandataire liquidateur, devra récupérer à ses frais exclusifs dans le délai de trois mois à compter de la décision à intervenir le photocopieur O. MF3100 au siège de la société Tantine & Tonton, dans l'état dans lequel il se trouvera et sans recours possible contre elle,
- dire et juger que, faute pour les sociétés IME et Locam d'avoir récupéré ce photocopieur dans le délai de trois mois, elle pourra en disposer librement sans recours contre elle par l'une ou l'autre des deux sociétés susvisées,
- condamner la société Locam à lui verser la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance, ainsi qu'aux dépens de première instance,
- en tout état de cause, vu l'article 564 du code de procédure civile, le principe de droit « nul ne plaide par procureur », et notamment l'arrêt du 9 juillet 2019 de la Cour de cassation, débouter la société Locam de tous ses chefs de demandes irrecevables et non fondés,
- condamner la société Locam à lui verser la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel dont distraction (...).»
Elle expose en substance que :
- la demande de la société Locam tendant à voir déclarer irrecevable son action est elle-même irrecevable comme nouvelle à hauteur de cour,
-au demeurant, seul le liquidateur a qualité pour soulever une telle irrecevabilité au nom et dans l'intérêt de la société IME, seul celui-ci représentant la société IME compte tenu du dessaisissement du débiteur,
- le contrat de fourniture et de maintenance d'un matériel est, en application d'une jurisprudence constante, interdépendant du contrat de location de ce matériel et la résiliation d'un contrat entraîne la caducité de l'autre,
- le client est trompé en ce que le commercial de la société IME lui a fait signer un contrat de fourniture et maintenance pour un photocopieur bas de gamme, voire obsolète, et un contrat de location, avec des loyers disproportionnés par rapport au prix réel du matériel,
- les contrats qu'elle a signés, qui sont préétablis par la société IME et la société Locam, qui sont partenaires et ont des intérêts communs, sont des contrats d'adhésion, qui comprennent des clauses abusives qui doivent être réputées non écrites (articles 1110 et 1171 du nouveau code civil),
- les articles 12 et 13 du contrat de location financière, qui permettent que la société Locam exige la poursuite du paiement du loyer même si la prestation fournie par la société IME venait à ne plus être fournie, constituent des clauses abusives, puisqu'elles entraînent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat,
- la clause permettant au locataire de choisir le fournisseur alors qu'en réalité ce dernier a démarché le locataire est une clause léonine,
- les contrats sont donc nuls pour dol, absence de cause et déséquilibre excessif,
- le contrat de location financière n'est pas un contrat de service financier, et les dispositions du code de la consommation s'appliquent, à savoir les articles L. 221-3 et suivants, le contrat a été conclu hors établissement et n'entre pas dans le champ de l'activité principale de la société Tantine et Tonton, qui emploie 4 salariés,
- les contrats ne respectent pas les obligations découlant de l'article L. 221 9 relatifs à l'exercice du droit de rétractation,
- au titre de la résiliation, à compter de novembre 2017 la société IME n'a plus été en capacité d'assurer la maintenance du matériel, ayant été placée en liquidation judiciaire tandis que la société Locam a commis une faute en ne s'assurant pas que la maintenance convenue au contrat principal pouvait être fournie durant toute la durée du contrat de location financière,
- la caducité du contrat de location a pour effet d'écarter les clauses contractuelles pénalisantes pour le cocontractant en cas de résiliation (clause pénale...) tandis que les clauses inconciliables avec l'interdépendance des conventions sont réputées non écrites.
[*]
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Monsieur Philippe P., en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société IME, destinataire par acte d'huissier en date du 23 octobre 2019 remis à personne, de la déclaration d'appel, n'a pas constitué avocat.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 4 janvier 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1 - Sur la résiliation du contrat de maintenance avec fourniture et l'interdépendance avec le contrat de location financière :
La cour ne statuant, en application de l'article 954 du code de procédure civile, que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties, elle n'est, en l'espèce, pas saisie de l'irrecevabilité de l'action en résiliation formée par la société Tantine et Tonton, soulevée par la société Locam uniquement dans la discussion de ses conclusions.
La demande de résiliation de la société Tantine et Tonton du contrat de maintenance avec fourniture de matériel signé avec la société IME le 8 septembre 2015, compte tenu de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire par jugement en date du 24 novembre 2017, l'ayant empêchée de poursuivre ses prestations, se heurte aux dispositions de l'article L. 641-11-1 du code de commerce, celle-ci n'évoquant même pas avoir mis en demeure, de façon vaine, M. P. ès qualités sur la poursuite, ou pas, dudit contrat, de sorte qu'elle ne pourra prospérer, aucun autre manquement contractuel n'étant soutenu.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de maintenance avec fourniture de matériel aux torts de la société IME, la caducité subséquente du contrat de location financière et la condamnation de la société Locam à restituer les loyers perçus à compter du 24 novembre 2017.
La société Locam conteste toute interdépendance des conventions au motif qu'il n'existait aucune impossibilité matérielle de continuer à utiliser le photocopieur loué puisque d'autres sociétés pouvaient en assurer la maintenance et que le contrat de location constitue l'objet principal de l'opération économique et ne peut voir son sort lié à celui très accessoire de la maintenance.
Or l'interdépendance de contrats repose, d'une part, sur l'existence de contrats concomitants ou successifs et, d'autre part, sur le fait que ces contrats s'inscrivent dans une opération incluant une location financière.
En l'espèce, le contrat de maintenance avec fourniture du photocopieur O. MF 3100 et le contrat de location financière ont été signés le même jour entre la société Tantine et Tonton et les sociétés IME et Locam, toutes deux représentées par la même personne physique, dans une intention commune manifeste de réaliser une seule et même opération, à savoir la mise à disposition auprès de celle-ci d'un photocopieur, financée par une location financière, de sorte que ces deux contrats conclus le 8 septembre 2015 sont interdépendants.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
2 - Sur la nullité des contrats pour violation des dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus à distance et hors établissement :
Les contrats litigieux ayant été signés le 8 septembre 2015, les dispositions du code civil, issues de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 et entrées en vigueur le 1er octobre 2016, ne leur sont pas applicables, les contrats conclus avant cette date demeurant soumis à la loi ancienne ; les dispositions des articles 1110 et 1171 nouveaux, invoqués par la société intimée, ne peuvent être appliquées.
Il résulte de l'article L. 121-16-1 III (devenu L. 221-3) du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 applicable au litige, que les sous-sections 2 (obligation d'information précontractuelle), 3 (dispositions particulières applicables aux contrats conclus hors établissement), 6 (droit de rétractation applicable aux contrats conclus à distance et hors établissement) et 7 (sanctions administratives), applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ d'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
Les clauses dactylographiées insérées au contrat de maintenance selon laquelle « le client confirme que l'objet du contrat entre dans le champ de son activité principale » et de location, selon laquelle « le client atteste que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière » ne font pas obstacle à cette application, puisque le seul critère, issu de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, est celui de « l'objet du contrat n'entrant pas dans le champ de l'activité principale du professionnel ».
Il n'est pas discuté que la société Tantine et Tonton, ayant pour une activité d'hôtellerie-restauration, employait moins de cinq salariés (concrètement quatre) lors de la conclusion du contrat et que l'exercice d'une telle activité ne lui conférait aucune compétence particulière pour apprécier l'intérêt tant matériel que financier à s'engager dans une opération englobant la location d'un photocopieur, sa maintenance et son renouvellement éventuel dans le cadre du partenariat mis en place. Dès lors que les services proposés étaient étrangers à son champ de compétence professionnelle et n'avaient été appréhendés par elle qu'en vue de faciliter l'exercice de son activité, il en résulte qu'elle peut valablement invoquer le bénéfice des dispositions de l'article L. 121-16-1 III du code de la consommation (devenu l'article L. 221-3) précité, renvoyant aux articles L.121-17 (devenu L. 221-5 à L. 221-7) et L.121-18-1 (devenu L. 221-9) insérés aux sous-sections 2 et 3 prévoyant notamment que le contrat comprend, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au 2 ° I de l'article L. 121'17 au nombre desquelles l'indication du délai et des modalités d'exercice du droit de rétractation ainsi que le formulaire type de rétractation accompagnant le contrat (...).
Il est établi qu'aucun des contrats signés par la SARL Tantine et Tonton avec la société IME d'une part et la société Locam d'autre part ne comporte ni bordereau de rétractation ni information quant à ce droit, de sorte que ceux-ci doivent être annulés.
La nullité entraîne l'effacement rétroactif des contrats et les parties doivent être remises dans leur situation initiale, y compris lorsque le contrat annulé a été exécuté.
La société Locam ne pourra qu'être condamnée à restituer à la société Tantine et Tonton l'intégralité des loyers perçus depuis le 8 septembre 2015, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte en l'absence d'éléments étayant une résistance de sa part, et de reprendre possession du matériel à ses seuls frais au siège social de la société Tantine et Tonton dans les conditions définies par le premier juge et non expressément critiquées, sauf en ce qui concerne l'autorisation de disposer librement dudit matériel à l'issue d'un délai défini, qui relève, le cas échéant, d'une difficulté d'exécution de la présente décision, et sous réserve de l'avoir avisée de la date à laquelle cette reprise interviendra selon les modalités spécifiées au dispositif.
En conséquence, les demandes en paiement de la société Locam au titre des loyers échus et à échoir et de la clause pénale, ne pourront prospérer et le jugement sera complété de ce chef.
3 - Sur les frais et les dépens :
La société Locam, qui succombe, devra supporter les dépens d'appel et verser à la société Tantine et Tonton une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Carcassonne en date du 13 mai 2019, sauf en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de maintenance aux torts exclusifs de la société IME, prononcé par voie de conséquence, la caducité du contrat de location avec effet au 24 novembre 2017, condamné la société Locam à restituer à la société Tantine et Tonton les loyers échus depuis cette date et jugé que faute, pour les sociétés IME et Locam d'avoir récupéré le photocopieur dans le délai de trois mois à compter de la décision à intervenir, la société Tantine et Tonton pourra en disposer librement sans recours contre elle par l'une ou l'autre des deux sociétés susvisées,
Statuant à nouveau sur ces seuls chefs infirmés,
Prononce la nullité du contrat de maintenance avec fourniture d'un photocopieur O. MF 3100 conclu le 8 septembre 2015 entre la SARL Tantine et Tonton et la SARL Impression Multifonctions & Equipements-IME et du contrat de location longue durée n°1211383 conclu le même jour entre la SARL Tantine et Tonton et la SAS Locam,
Condamne la société Locam à restituer l'ensemble des loyers perçus depuis le 8 septembre 2015 à la SARL Tantine et Tonton,
Rejette la demande d'astreinte assortissant cette condamnation, formée par la société Tantine et Tonton,
Dit que la société Locam devra reprendre, à ses frais, le photocopieur O. MF 3100, objet du contrat de location, au siège social de la SARL Tantine et Tonton, dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt, après l'avoir avisée, par courrier recommandé avec demande d'avis de réception, expédié 30 jours avant, de la date à laquelle cette reprise interviendra,
Rejette la demande de la société Tantine et Tonton tendant à ce qu'elle puisse disposer librement du matériel loué sans recours à son encontre à l'issue du délai laissé à la société Locam pour sa reprise,
Rejette la demande en paiement de la société Locam formée au titre des loyers échus et à échoir et de la clause pénale,
Condamne la société Locam à payer à la société Tantine et Tonton une somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Locam aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
le greffier, le président,
ACB
- 5829 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Conséquences : reconnaissance du caractère professionnel du contrat
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5947 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation globale
- 6392 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Indivisibilité dans les locations financières - Droit postérieur aux arrêts de Chambre mixte