CA GRENOBLE (ch. com.), 31 mars 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9544
CA GRENOBLE (ch. com.), 31 mars 2022 : RG n° 20/04209
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Le bon de commande signé le 7 février 2017 par la société F. auprès de la société Linkeo comporte la mention suivante qui précède immédiatement sa signature et par laquelle le client : « reconnaît avoir pris connaissance, reçu et approuvé les termes figurant sur les conditions particulières et générales du présent contrat », ces dernières figurant au verso du document. La société F. ne peut donc soutenir qu'elle n'a pas eu connaissance, ni accepté les conditions générales de vente et de location de son prestataire de service.
Selon l'article 12 de ces conditions générales de vente, intitulé « cession – délégation », le locataire reconnaît avoir été informé de l'éventuelle cession des créances au profit d'un bailleur, notamment de la société Locam et y consentir « dès à présent et sans réserve », cette cession pouvant être portée à sa connaissance par tout moyen et « notamment par le libellé de la facture unique de loyer qui sera adressée au locataire ». Ainsi, la société F. ne peut opposer le défaut de notification de la cession de créance alors que la société Locam lui a adressé la facture unique de loyers du 2 mars 2017 et a reçu paiement de sa part des loyers jusqu'au mois de janvier 2018.
De plus, si elle se réfère à la nature trompeuse de la technique commerciale utilisée pour obtenir son consentement qu'elle ne considère comme ni libre, ni éclairé, elle ne fournit aucune démonstration de l'existence d'un vice de son consentement et l'invocation des dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce et du déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties dans un contrat d'adhésion n'est pas de nature à fonder une nullité du contrat, la sanction encourue étant de réputer non écrite la clause concernée.
Par ailleurs, à la date de souscription, le contrat de location financière avait pour contrepartie la fourniture d'un site web, ce qui n'est pas contesté et la société F. ne peut en conséquence soutenir que son obligation de paiement d'un loyer serait dépourvue d'objet en l'absence de prestation fournie par la société Locam alors que cette dernière, en sa qualité de cessionnaire de la créance de la société Linkeo, en est l'ayant droit.
Aucune cause de nullité ne peut être retenue et le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que le contrat est frappé de nullité. »
2/ « Si la société F. revendique l'application des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 24 avril 2019, il est de principe que les contrats de location financière conclus par les sociétés de financement ne sont pas soumis aux textes du code de commerce relatifs aux pratiques restrictives de concurrence, mais que peuvent leur être appliquées les dispositions de l'article 1171 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 mars 2016.
Selon les termes de ce texte, en présence d'un contrat d'adhésion, toute clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties est réputée non écrite, sans que l'appréciation du déséquilibre ne puisse porter sur l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix à la prestation.
Il ressort des pièces produites que les conditions générales de vente et les conditions générales de location de la société Linkeo, qui figurent au verso du bon de commande, ont été prérédigées par le fournisseur et soumises en bloc à la société F., sans négociation préalable de leurs stipulations.
Le contrat souscrit par la société F. est donc bien un contrat d'adhésion soumis aux dispositions de l'article 1171 du code civil. »
3/ « Les trois clauses litigieuses font partie des conditions générales de location énoncées distinctement des conditions de vente et ont vocation à régir les seules relations entre le bailleur et le locataire au titre de la mise à disposition du site internet, conçu et mis en service par le fournisseur, l'article 14 des conditions générales de location stipulant l'indépendance juridique des deux contrats de location et de prestation de service : « dont les difficultés d'exécution ne sauraient justifier le non-paiement des loyers » et précisant que : «aucune clause ou conséquence de l'exécution du contrat conclu entre le locataire et le fournisseur ne pourra être opposable au bailleur pour quelque raison que ce soit».
Les articles 9, 10 et 11 des conditions générales de location exonèrent le bailleur de toute responsabilité, notamment en cas de force majeure, sans prévoir la réciproque à l'égard du locataire, réservent au bailleur une faculté unilatérale de résiliation de plein droit, en excluant toute résiliation à l'initiative du locataire sans le consentement du bailleur, et font peser sur le seul locataire les conséquences et coûts de la cessation de la location, soit à son terme, soit par résiliation.
Cette absence de réciprocité dans les droits et obligations, que les autres clauses du contrat de location ne compensent pas, est cependant la conséquence de la nature des obligations auxquelles sont respectivement soumises les parties puisque d'une part le bailleur d'un contrat de location financière, en réglant au fournisseur le montant de ses prestations et en mettant à la disposition du locataire la prestation informatique recherchée exécute l'intégralité de ses obligations contractuelles de telle sorte qu'il ne peut encourir la sanction de la résiliation pour inexécution, de seconde part que la force majeure ne peut exonérer le débiteur d'une obligation de paiement d'une somme d'argent et de troisième part qu'en possession de l'objet du contrat, seul le locataire est en mesure d'exécuter l'obligation de restitution.
Par ailleurs, l'exonération de responsabilité du bailleur à raison de l'utilisation du site informatique par le locataire s'explique par la garde qu'en assure ce dernier au titre de sa mise en possession.
En conséquence, le défaut de réciprocité des clauses litigieuses ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et ces clauses n'encourent pas la sanction de l'article 1171 du code civil. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 31 MARS 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/04209. N° Portalis DBVM-V-B7E-KVQL. Appel d'une décision (R.G. n° 2018J425) rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE, en date du 13 novembre 2020, suivant déclaration d'appel du 23 décembre 2020.
APPELANTE :
SAS LOCAM
SAS au capital de XXX €, immatriculée au RCS de Saint-Étienne sous le numéro YYY, prise en la personne de son dirigeant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège [...], [...], représentée par Me Dejan M. de la SELARL D. ET M., avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et la SELARL M. A. & Associés, avocats au barreau de LYON,
INTIMÉE :
EURL F.
EURL au capital de 20.000,00 €, immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le n° ZZZ, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, [...], [...], représentée par Maître Christophe L. de la SCP L. M., avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre, Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère, M. Lionel BRUNO, Conseiller.
DÉBATS : A l'audience publique du 16 décembre 2021, Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère, qui a fait rapport assistée de Mme Sarah DJABLI, a entendu les avocats en leurs conclusions les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour, après prorogation du délibéré,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par bon de commande du 7 février 2017, l'Eurl F. a confié à la société Linkeo la création et la mise à disposition durant 48 mois d'un site internet moyennant le paiement d'une somme de 576 euros ttc au titre des frais de mise en service et d'un loyer mensuel de 270 euros ttc.
Suivant facture du 21 février suivant, la société Linkeo a cédé ses droits aux loyers à la société Locam pour une somme de 8.594,20 euros que cette dernière lui a intégralement réglé avant de communiquer à la société F. le 2 mars une facture unique de loyers.
Par courriel du 13 mars 2017, la société F. était informée de la mise en service de son site internet «www.f.-paysagiste.fr».
La société F. a cessé de régler les loyers à compter du mois de janvier 2018 et par lettre recommandée du 26 avril 2018, la société Locam s'est prévalue de la résiliation du contrat et de l'exigibilité de l'arriéré de loyers et de ceux à échoir, avant de la faire assigner en paiement devant la juridiction commerciale.
Par jugement du 13 novembre 2020, le tribunal de commerce de Grenoble a :
- dit que le contrat transféré par la société Linkeo est empreint d'irrégularités et par conséquent frappé de nullité,
- débouté la société Locam de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société Locam à rembourser à l'Eurl F. les loyers perçus de mars 2017 à janvier 2018,
- condamné la société Locam à payer à l'Eurl F. la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Locam aux dépens.
Suivant déclaration au greffe du 23 décembre 2020, la société Locam a relevé appel de cette décision.
Prétentions et moyens de la société Locam :
Au terme de ses conclusions notifiées le 23 mars 2021, la société Locam demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Locam de ses moyens et prétentions,
- statuant à nouveau :
- constater que l'Eurl F. a réceptionné le site web, suivant l'email de mise en ligne valant procès-verbal de réception le 13 mars 2017,
- constater que l'Eurl F. a cessé de payer les mensualités à compter du mois de janvier 2018,
- dire et juger que le contrat liant la société Locam et l'Eurl F. est résilié et ce, huit jours après la mise en demeure restée infructueuse en date du 26 avril 2018,
- condamner, en conséquence, l'Eurl F. à payer à la société Locam la somme de 9.990 euros à titre principal, correspondant aux loyers échus et à échoir, outre pénalités et intérêts à compter du 26 avril 2018,
- prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans caution,
- condamner l'Eurl F. à payer à la société Locam la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'Eurl F. aux entiers dépens.
La société Locam considère que la convention n'encourt pas la nullité et critique la décision du tribunal de commerce aux motifs qu'il n'a visé aucune disposition légale comme fondement de sa décision, mais s'est référé à l'article 12 des conditions générales du contrat alors que ce dernier prévoit que le locataire ne peut s'opposer à la cession du contrat portée à sa connaissance par tous moyens, qu'elle a adressé une facture unique de loyers à la société F. qui lui a payé plusieurs mensualités, preuve de sa connaissance de la cession.
Elle soutient que la société F. ne s'est pas manifestée après réception du courriel l'informant de la mise en ligne du site, dont elle n'a pas contesté le bon fonctionnement, que l'arrêt du paiement des loyers n'a donné lieu à aucune explication et qu'elle est en droit de se prévaloir de la résiliation de plein droit prévue par le contrat pour défaut de paiement des loyers.
Prétentions et moyens de la société F. :
Selon ses conclusions notifiées le 16 juin 2021, la société F. entend voir :
- à titre principal,
- confirmer le jugement du 13 novembre 2020 en toutes ses dispositions,
- à titre subsidiaire
- dire que les articles 9, 10 et 11 des conditions générales du contrat sont réputés non écrits,
- prononcer la résolution du contrat à compter du 7 février 2017 pour défaut d'exécution et de contrepartie,
- condamner la société Locam à rembourser à l'Eurl F. les loyers perçus depuis mars 2017 à janvier 2018,
- condamner la société Locam à rembourser à l'Eurl F. 9.990 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice toutes causes confondues,
- condamner la société Locam à verser la somme de 3.000 euros à l'Eurl F. au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens
La société F. fait valoir qu'elle n'a jamais eu connaissance, ni accepté les conditions générales des contrats de la société Locam, qu'elle n'a pas été informée du transfert du contrat par la société Linkeo, que le tribunal a fait application des dispositions légales relatives aux contrats d'adhésion, que la technique du contrat de vente «one shot» est trompeuse et ne permet pas au client de donner un consentement libre et éclairé, que les dispositions de l'article L. 442-6-I-2 sanctionnent le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
Elle considère également que la nullité du contrat est encourue à défaut pour la société Locam de justifier de la fourniture d'une quelconque prestation ou contrepartie au paiement des loyers, que le contrat de location financière n'a aucune substance puisque le client ne peut rien attendre du bailleur, ni se retourner contre son fournisseur.
A titre subsidiaire, elle soutient que le contrat contient des clauses non réciproques et asymétriques, générant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, particulièrement en matière de mise en jeu et de conséquences de la responsabilité contractuelle, aucune symétrie n'étant assurée dans la faculté de résiliation anticipée, que ces clauses doivent être réputées non écrites faisant obstacle à la résiliation de plein droit dont se prévaut la société Locam et que cette résiliation doit être prononcée pour défaut d'exécution des obligations contractuelles incombant à cette dernière.
[*]
La procédure a été clôturée par ordonnance du 4 novembre 2021.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1°) Sur la nullité du contrat de location financière :
Le bon de commande signé le 7 février 2017 par la société F. auprès de la société Linkeo comporte la mention suivante qui précède immédiatement sa signature et par laquelle le client : « reconnaît avoir pris connaissance, reçu et approuvé les termes figurant sur les conditions particulières et générales du présent contrat », ces dernières figurant au verso du document.
La société F. ne peut donc soutenir qu'elle n'a pas eu connaissance, ni accepté les conditions générales de vente et de location de son prestataire de service.
Selon l'article 12 de ces conditions générales de vente, intitulé « cession – délégation », le locataire reconnaît avoir été informé de l'éventuelle cession des créances au profit d'un bailleur, notamment de la société Locam et y consentir « dès à présent et sans réserve », cette cession pouvant être portée à sa connaissance par tout moyen et « notamment par le libellé de la facture unique de loyer qui sera adressée au locataire ».
Ainsi, la société F. ne peut opposer le défaut de notification de la cession de créance alors que la société Locam lui a adressé la facture unique de loyers du 2 mars 2017 et a reçu paiement de sa part des loyers jusqu'au mois de janvier 2018.
De plus, si elle se réfère à la nature trompeuse de la technique commerciale utilisée pour obtenir son consentement qu'elle ne considère comme ni libre, ni éclairé, elle ne fournit aucune démonstration de l'existence d'un vice de son consentement et l'invocation des dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce et du déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties dans un contrat d'adhésion n'est pas de nature à fonder une nullité du contrat, la sanction encourue étant de réputer non écrite la clause concernée.
Par ailleurs, à la date de souscription, le contrat de location financière avait pour contrepartie la fourniture d'un site web, ce qui n'est pas contesté et la société F. ne peut en conséquence soutenir que son obligation de paiement d'un loyer serait dépourvue d'objet en l'absence de prestation fournie par la société Locam alors que cette dernière, en sa qualité de cessionnaire de la créance de la société Linkeo, en est l'ayant droit.
Aucune cause de nullité ne peut être retenue et le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que le contrat est frappé de nullité.
2°) Sur le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties :
Les clauses contractuelles invoquées par la société F. sont les articles 9, 10 et 11 des conditions générales de location figurant au bon de commande.
L'article 9 prévoit que :
- le bailleur n'est pas responsable des retards ou manquements à ses obligations résultant de la force majeure, du cas fortuit ou de conflits sociaux, des dommages dus à l'inexécution par le locataire de ses obligations, des dommages indirects et de tout préjudice financier ou commerciaux (par exemple manque à gagner ou trouble commercial quelconque),
- le locataire est seul responsable de l'utilisation du ou des logiciels objet du contrat et en a la garde exclusive, assure lui-même l'organisation, la mise en œuvre et la coordination des moyens qui ne sont pas à la charge du bailleur par application du contrat de location et qu'il utilise chaque logiciel sous sa seule direction, son contrôle et sa responsabilité du locataire, le bailleur ne pouvant être tenu pour responsable d'un préjudice financier commercial ou d'une autre nature, y compris des pertes de données, causés directement ou indirectement par l'utilisation et le fonctionnement du logiciel, ni des pannes ou anomalies liées à l'utilisation du ou des logiciels quelle que puisse être la durée de la panne ou du dysfonctionnement.
L'article 10 intitulé « résiliation » stipule que :
- le contrat est conclu dès signature pour la durée prévue aux conditions particulières,
- il n'est pas résiliable à l'initiative du locataire sauf accord du bailleur,
- il pourra être résilié de plein droit par le bailleur, sans formalité judiciaire, huit jours après mise en demeure en cas de non-paiement, même partiel, à l'échéance de l'un des loyers, de non-exécution par le locataire d'une seule de ses obligations contractuelles, de cession amiable ou forcée de son fonds de commerce, de cessation totale ou partielle d'activité, de liquidation amiable, de dissolution, de cession ou de changement d'actionnaire, y compris fusion, apport partiel d'actif ou scission.
L'article 11 organise la restitution des matériels au terme de la période de location, ou en cas de résiliation du contrat et impose au locataire de :
- cesser d'utiliser les logiciels.
- adresser aux fournisseurs avec copie au bailleur une attestation certifiant qu'il a cessé l'utilisation des logiciels, détruit les copies effacer les programmes des dispositifs de stockage, restituer aux bailleurs toute documentation afférente au logiciel,
- et, en cas de retard dans la restitution ou la désinstallation des logiciels, met de plein droit à la charge du locataire au profit du bailleur une indemnité de jouissance égale au dernier loyer mensuel hors-taxes facturé.
En cas d'impossibilité de restitution des logiciels, il prévoit que le locataire devra verser au bailleur une indemnité forfaitaire de non restitution égale à six mois de loyer.
Si la société F. revendique l'application des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 24 avril 2019, il est de principe que les contrats de location financière conclus par les sociétés de financement ne sont pas soumis aux textes du code de commerce relatifs aux pratiques restrictives de concurrence, mais que peuvent leur être appliquées les dispositions de l'article 1171 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 mars 2016.
Selon les termes de ce texte, en présence d'un contrat d'adhésion, toute clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties est réputée non écrite, sans que l'appréciation du déséquilibre ne puisse porter sur l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix à la prestation.
Il ressort des pièces produites que les conditions générales de vente et les conditions générales de location de la société Linkeo, qui figurent au verso du bon de commande, ont été prérédigées par le fournisseur et soumises en bloc à la société F., sans négociation préalable de leurs stipulations.
Le contrat souscrit par la société F. est donc bien un contrat d'adhésion soumis aux dispositions de l'article 1171 du code civil.
Les trois clauses litigieuses font partie des conditions générales de location énoncées distinctement des conditions de vente et ont vocation à régir les seules relations entre le bailleur et le locataire au titre de la mise à disposition du site internet, conçu et mis en service par le fournisseur, l'article 14 des conditions générales de location stipulant l'indépendance juridique des deux contrats de location et de prestation de service : « dont les difficultés d'exécution ne sauraient justifier le non-paiement des loyers » et précisant que : «aucune clause ou conséquence de l'exécution du contrat conclu entre le locataire et le fournisseur ne pourra être opposable au bailleur pour quelque raison que ce soit».
Les articles 9, 10 et 11 des conditions générales de location exonèrent le bailleur de toute responsabilité, notamment en cas de force majeure, sans prévoir la réciproque à l'égard du locataire, réservent au bailleur une faculté unilatérale de résiliation de plein droit, en excluant toute résiliation à l'initiative du locataire sans le consentement du bailleur, et font peser sur le seul locataire les conséquences et coûts de la cessation de la location, soit à son terme, soit par résiliation.
Cette absence de réciprocité dans les droits et obligations, que les autres clauses du contrat de location ne compensent pas, est cependant la conséquence de la nature des obligations auxquelles sont respectivement soumises les parties puisque d'une part le bailleur d'un contrat de location financière, en réglant au fournisseur le montant de ses prestations et en mettant à la disposition du locataire la prestation informatique recherchée exécute l'intégralité de ses obligations contractuelles de telle sorte qu'il ne peut encourir la sanction de la résiliation pour inexécution, de seconde part que la force majeure ne peut exonérer le débiteur d'une obligation de paiement d'une somme d'argent et de troisième part qu'en possession de l'objet du contrat, seul le locataire est en mesure d'exécuter l'obligation de restitution.
Par ailleurs, l'exonération de responsabilité du bailleur à raison de l'utilisation du site informatique par le locataire s'explique par la garde qu'en assure ce dernier au titre de sa mise en possession.
En conséquence, le défaut de réciprocité des clauses litigieuses ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et ces clauses n'encourent pas la sanction de l'article 1171 du code civil.
3°) Sur la demande en paiement :
La société F. ne conteste pas avoir cessé le versement des loyers à compter du mois de janvier 2018 et ne peut se prévaloir de l'inexécution par la société Locam de ses obligations contractuelles, ne justifiant de l'inaccessibilité du site qu'à compter du mois de février 2019.
En application de l'article 10 des conditions générales de location, le contrat s'est trouvé résilié huit jours après vaine mise en demeure du 26 avril 2018 et la société Locam est en droit d'obtenir paiement, outre l'arriéré de loyers, le montant total des loyers à échoir, le tout majoré d'une clause pénale de 10 %.
En conséquence, la société F. sera condamnée à payer à la société Locam la somme de 9.990 euros augmentée de la pénalité de 10 % et des intérêts aux taux légal à compter du 26 avril 2018.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Grenoble en date du 13 novembre 2020,
statuant à nouveau,
DEBOUTE l'Eurl F. de ses demandes en nullité du contrat de location et visant à voir réputées non écrites les articles 9, 10 et 11 de ce contrat,
CONDAMNE l'Eurl F. à payer à la Sas Locam la somme de 9.990 euros augmentée de la pénalité de 10 % et des intérêts aux taux légal à compter du 26 avril 2018,
REJETTE les demandes réciproques fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE l'Eurl F. aux dépens de première instance et d'appel.
SIGNÉ par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Sarah DJABLI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
- 6152 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 et à la loi du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. – Articulation avec d’autres dispositions
- 6252 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Effets de l’action - Suppression de la clause (nullité)
- 8261 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 -Loi de ratification n° 2018-287 du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. – Domaine d'application
- 8262 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Présentation par contrat – Location financière sans option d’achat
- 8396 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 et à la loi du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. – Notion de clause abusive – Absence de réciprocité