CA MONTPELLIER (1re ch. sect. D), 21 juin 1995
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 955
CA MONTPELLIER (1re ch. sect. D), 21 juin 1995 : RG n° 93/4879 ; arrêt A951D 02661
(sur pourvoi Cass. civ. 1re, 29 mai 1997 : pourvoi n° 95-18.924)
Extrait : « Il résulte des dispositions de l'article 8-I-e de la loi du 22 décembre 1972, modifiée par la loi du 31 décembre 1989, que les règles protectrices des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile ne sont pas applicables aux conventions lorsqu'elles ont un rapport direct avec une activité professionnelle. En d'autres termes, la loi n'est pas applicable au professionnel lorsque sa spécialité lui permet d'apprécier l'opportunité du contrat proposé ; elle lui est en revanche applicable lorsque, n'ayant aucune compétence professionnelle en la matière, il se trouve dès lors dans le même état d'ignorance que n'importe quel autre consommateur. Il appartient donc à la Cour d'apprécier souverainement la relation entre le contrat proposé et l'activité professionnelle. […]
Or Madame X. en sa qualité d'infirmière a reçu un enseignement général et technique qui l'autorise à pratiquer des soins, à appliquer des prescriptions médicales et à surveiller des patients avant et après des interventions chirurgicales. Par ailleurs, les règles régissant l'exercice de la profession d'infirmière permettent la pratique de soins corporels, la surveillance de l'hygiène et de l'équilibre alimentaire et plus généralement tous soins préventifs ou curatifs destinés à maintenir, restaurer et promouvoir la santé des patients. Dès lors, de par sa formation initiale et son expérience professionnelle et dans le respect des règles déontologiques, Madame X. était parfaitement capable d'apprécier l'opportunité du contrat proposé par la Société PROM'ES au regard de ses propres capacités à acquérir la maîtrise du concept et des appareils et surtout au regard d'une utilisation effective de ceux-ci auprès de sa propre clientèle. En aucun cas Madame X. ne s'est trouvée en état d'ignorance face à une offre sortant du cadre de son activité. ».
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
PREMIÈRE CHAMBRE SECTION D
ARRÊT DU 21 JUIN 1995
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 93/4879. Arrêt n° A 95 ID 02661. Décision attaquée : TGI Perpignan, jugement du 5 juillet 1993 : R.G. n° 4317/92.
APPELANTE :
SARL ESPACE FORME ET SANTÉ PROM'ES
représentée par son gérant en exercice, Domicilié es-qualités audit siège social [adresse], Ayant pour avoué constitué la SCP NEGRE, assisté de Maître TORRES (Avocat à Grasse)
INTIMÉE :
Mme X.
Domiciliée [adresse], Ayant pour avoué constitué la SCP SALVIGNOL-GUILHEM assisté de Maître CODERCH-HERRE, Avocat à Perpignan
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 19 DÉCEMBRE 1994
[minute page 2] COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame BEZOMBES, Président, Monsieur BERGER, Conseiller, Madame MININI, Conseiller,
GREFFIER : Madame CONSTANT lors des débats et Madame ROUSSET lors du prononcé,
DÉBATS : A l'audience publique du 23 MARS 1995, L'affaire a été mise en délibéré au 24 mai 1995 et prorogée au 21 juin 1995
ARRÊT : Contradictoire, en dernier ressort, prononcé publiquement le VINGT ET UN JUIN MIL NEUF CENT QUATRE VINGT QUINZE, par Madame BEZOMBES, Président, qui a signé avec le Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] LES FAITS :
La société ESPACE FORME SANTÉ PROM'ES commercialise sous le nom Concept Hygiaform une méthode d'amincissement et de remise en forme reposant sur l'utilisation d'un programme informatique et de plusieurs appareils de soins corporels permettant le drainage lymphatique, la stimulation musculaire et la revitalisation des tissus.
Intéressée par ce concept, Madame X., infirmière libérale, a sollicité la, visite d'un agent commercial de la société en vue de l'acquisition du matériel.
Après entretien à son domicile avec un représentant de la société, Madame X. a signé le 27 août 1992 un bon de commande pour un montant de 188.574,00 francs TTC et a versé un acompte de 18.000 francs, le solde devant être réglé à la livraison.
Le 28 août 1992 Madame X. a informé le Société PROM'ES de ce qu'elle annulait sa commande.
La Société PROM'ES a refusé.
LA PROCÉDURE :
Suivant exploit d'huissier en date du 24 septembre 1992 la Société ESPACE FORME ET SANTÉ PROM'ES a attrait Madame X. devant le Tribunal de Grande Instance de PERPIGNAN afin d'obtenir sa condamnation au respect des obligations contractuelles prises le 27 août 1992 et au paiement de dommages et intérêts.
Madame X. s'est opposée à de telles réclamations revendiquant le bénéfice de la loi du 22 décembre 1972 sur le démarchage à domicile permettant la rétractation de la commande dans un délai de 7 jours.
La Société PROM'ES a estimé que cette loi n'était pas applicable à Madame X. qui avait contracté pour les besoins de son activité professionnelle.
Par jugement en date du 5 juillet 1993 le Tribunal de Grande Instance de PERPIGNAN a débouté le Société PROM'ES de ses demandes après annulation du bon de commande et a condamné cette société à restituer l'acompte versé et à payer à Madame X. la somme de 5.000 francs au titre des frais exposés.
[minute page 4] Le Tribunal a estimé que l'utilisation du concept HYGIAFORM nécessitait une formation et des connaissances que ne possédait nullement Madame X. et qu'en conséquence celle-ci s'était trouvée dans le même état d'ignorance que n'importe quel autre consommateur et pouvait revendiquer le bénéfice des dispositions protectrices de la loi du 22 décembre 1972.
La société PROM'ES a relevé appel à l'encontre de cette décision.
Elle fait valoir que Madame X. ne peut bénéficier de la loi du 22 décembre 1972 dès lors que sa profession l'autorise à pratiquer des soins corporels et à exercer une surveillance en matière diététique et qu'en conséquence ses connaissances lui permettaient d'apprécier l'offre proposée le 27 août 1992.
La Société PROM'ES demande donc à la Cour de réformer la décision déférée et de condamner Madame X. à lui verser le solde du prix soit 170.574 francs outre intérêts de droit depuis l'assignation et à prendre possession du matériel.
Subsidiairement elle sollicite l'indemnisation de son préjudice par l'allocation d'une somme de 50.000 francs à titre de dommages et intérêts.
En toute hypothèse elle demande la condamnation de Madame X. au paiement de la somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile.
Madame X., adoptant la motivation des premiers juges, a conclu à la confirmation de la décision déférée.
Elle fait observer en effet que le concept HYGIAFORM proposé nécessite pour son utilisation des connaissances non seulement en diététique mais également en nutrition, en informatique et en kinésithérapie, ces connaissances nécessitant une compétence particulière qu'une simple infirmière ne maîtrise pas de part sa seule formation initiale.
Madame X. sollicite la condamnation complémentaire de la société appelante au paiement des sommes de 50.000 francs à titre de dommages et intérêts et de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 5] SUR CE :
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il résulte des dispositions de l'article 8-I-e de la loi du 22 décembre 1972, modifiée par la loi du 31 décembre 1989, que les règles protectrices des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile ne sont pas applicables aux conventions lorsqu'elles ont un rapport direct avec une activité professionnelle.
En d'autres termes, la loi n'est pas applicable au professionnel lorsque sa spécialité lui permet d'apprécier l'opportunité du contrat proposé ; elle lui est en revanche applicable lorsque, n'ayant aucune compétence professionnelle en la matière, il se trouve dès lors dans le même état d'ignorance que n'importe quel autre consommateur.
Il appartient donc à la Cour d'apprécier souverainement la relation entre le contrat proposé et l'activité professionnelle.
Dans le cas présent, la Société ESPACE FORME ET SANTÉ PROM'ES a proposé à Madame X. l'acquisition d'une méthode d'amincissement et de remise en forme connue sous le nom d'HYGIAFORM, cette méthode reposant :
1°/ Sur un programme informatique appelé Régimateur qui permet l'analyse des réponses d'un patient à un questionnaire préétabli et la proposition d'un régime alimentaire adapté à ses besoins,
2°/ Sur quatre appareils de soins du corps : un appareil de drainage lymphatique esthétique, un appareil de physiostimulation musculaire esthétique, un appareil d'électrolyse esthétique et un appareil de stimulation et de revitalisation.
La maîtrise de ces techniques informatique et robotique, si elle nécessite une formation spécifique (assurée d'ailleurs par la société PROM'ES selon un stage de 3 jours) ne fait appel qu'à des connaissances simplifiées en matière informatique (utilisation du logiciel), alimentaire et médicale (les appareils n'ayant vocation à être utilisés que pour des résultats esthétiques et jamais thérapeutiques) le but recherché par la société exploitante du concept HYGIAFORM étant d'obtenir la remise en forme de [minute page 6] patients à partir d'un système simple et entièrement automatisé facilement utilisable dans leurs cabinets par les infirmiers, les kinésithérapeutes ou les esthéticiennes.
Or Madame X. en sa qualité d'infirmière a reçu un enseignement général et technique qui l'autorise à pratiquer des soins, à appliquer des prescriptions médicales et à surveiller des patients avant et après des interventions chirurgicales.
Par ailleurs, les règles régissant l'exercice de la profession d'infirmière permettent la pratique de soins corporels, la surveillance de l'hygiène et de l'équilibre alimentaire et plus généralement tous soins préventifs ou curatifs destinés à maintenir, restaurer et promouvoir la santé des patients.
Dès lors, de par sa formation initiale et son expérience professionnelle et dans le respect des règles déontologiques, Madame X. était parfaitement capable d'apprécier l'opportunité du contrat proposé par la Société PROM'ES au regard de ses propres capacités à acquérir la maîtrise du concept et des appareils et surtout au regard d'une utilisation effective de ceux-ci auprès de sa propre clientèle.
En aucun cas Madame X. ne s'est trouvée en état d'ignorance face à une offre sortant du cadre de son activité.
En conséquence, la Cour infirme la décision déférée et dit que Madame X. ne peut bénéficier des dispositions protectrices de la loi du 22 décembre 1972 et que dès lors elle doit assurer le paiement des prestations objet de la commande du 27 août 1992.
Pour des considérations d'équité, la Cour écarte toute application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Vu l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Reçoit l'appel en la forme et le dit bien fondé.
[minute page 7] Infirme le jugement rendu le 5 juillet 1993 par le Tribunal de Grande Instance de PERPIGNAN.
Statuant à nouveau,
Dit que les dispositions des articles 1 à 5 de la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile ne sont pas applicables au contrat signé le 27 août 1992 entre la Société ESPACE FORME ET SANTÉ PROMES et Madame X.
Condamne en conséquence Madame X. à payer à la société ESPACE FORME ET SANTÉ PROM'ES le solde du prix soit la somme de 170.574 Francs (CENT SOIXANTE DIX MILLE CINQ CENT SOIXANTE QUATORZE FRANCS) outre intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 1992.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Condamne Madame X. aux entiers dépens et autorise la SCP d'avoués NEGRE à recouvrer directement ceux exposés en appel conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le Greffier. Le Président.
- 5885 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et compétence
- 5915 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus en vue d’une activité - Adjonction d’une activité supplémentaire : matériels médicaux ou paramédicaux