CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 21 avril 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9575
CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 21 avril 2022 : RG n° 19/13248
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016. »
2/ « L'article L. 141-4 (R. 632-1 dans la nouvelle numérotation) du code de la consommation permet au juge de relever d'office tous les moyens tirés de l'application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le premier juge, étant rappelé qu'en ce qu'il tend à faire rejeter comme non justifiée la demande en paiement du prêteur ayant consenti un crédit à la consommation, le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts opposé par l'emprunteur, ou soulevé d'office par le juge, constitue une défense au fond et n'est donc pas soumis à la prescription. »
3/ « En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.
Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive. En revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.
Par ailleurs, au regard de sa date de conclusion, le contrat signé le 3 octobre 2013 est soumis aux dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 qui a porté ratification de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil. Il a été dit pour droit par la Cour de justice de l'Union européenne que les articles 8 et 23 de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent à une juridiction nationale d'examiner d'office l'existence d'une violation de l'obligation précontractuelle du prêteur d'évaluer la solvabilité du consommateur, prévue à l'article 8 de cette directive et de tirer les conséquences qui découlent en droit national d'une violation de cette obligation, à condition que les sanctions satisfassent aux exigences dudit article 23. Il s'en déduit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.
C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat litigieux à l'article L. 311-12 devenu L. 312-21 et la société Carrefour banque est mal fondée à invoquer la prescription du moyen discuté. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 4 CHAMBRE 9-A
ARRÊT DU 21 AVRIL 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/13248 (10 pages). N° Portalis 35L7-V-B7D-CAHPM. Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 janvier 2019 - Tribunal d'Instance de SAINT-DENIS – R.G. n° 11-18-000849.
APPELANTE :
La société CARREFOUR BANQUE
société anonyme agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié audit siège, N° SIRET : XXX, [...], [...], [...], représentée par Maître Sébastien M. X. de la SELAS C. & M.-G., avocat au barreau de PARIS, toque : P0173, substitué à l'audience par Maître Christine L. de la SELAS C. & M.-G., avocat au barreau de PARIS, toque : P0173
INTIMÉ :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], Chez M. Y., [...], [...], DÉFAILLANT
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Christophe BACONNIER, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Christophe BACONNIER, Président de chambre, Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller.
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT : - DÉFAUT - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Selon offre préalable acceptée le 3 octobre 2013, la société Carrefour banque a consenti à M. X. un contrat de regroupement de crédits d'un montant en capital de 33.600 euros remboursable au taux nominal de 9,46 % l'an (soit un TAEG de 9,89 %) en 120 mensualités de 479,24 euros avec assurance.
Des échéances étant demeurées impayées, la société Carrefour banque a fait assigner M. X. devant le tribunal d'instance de Saint Denis, par acte d'huissier en date du 28 mai 2018, en paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- 33.526,48 euros au titre du crédit, avec intérêts contractuels au taux de 9,46 % l'an à compter du 9 janvier 2018,
- 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
Devant le premier juge, la forclusion et la déchéance du droit aux intérêts contractuels (FIPEN) ont été mis dans le débat d'office.
Par jugement contradictoire du 31 janvier 2019 auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le tribunal d'instance de Saint Denis a rendu la décision suivante :
« - Déclare la société Carrefour Banque recevable en ses demandes,
- Prononce la déchéance totale du droit aux intérêts de la société Carrefour Banque au titre du prêt souscrit par M. X.,
- Condamne M. X. à verser à la société Carrefour Banque, les sommes de :
* 16.301,91 euros au titre du solde du prêt personnel, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
* 1 euro au titre de la clause pénale,
* 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Autorise M. X. à s'acquitter de la dette par 24 mensualités de 200 euros, le 15 de chaque mois et pour la première fois le 15 du mois suivant la signification de la présente ordonnance, étant rappelé que la dernière mensualité doit impérativement apurer le solde de la dette,
- Dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son terme, la totalité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible ;
- Condamne M. X. aux dépens,
- Ordonne l'exécution provisoire ».
Le premier juge a statué dans ces termes après avoir retenu que la société Carrefour Banque doit être déchue du droit aux intérêts pour non-respect de ses obligations précontractuelles (art. L. 311-6 et L. 311-48 du code de la consommation), mais que M. X. reste tenu à restitution des sommes dues au titre du prêt personnel avec intérêts au taux légal. Il accorde en outre, sur le fondement de l'article 1244-1 du code civil, un réaménagement du paiement des sommes dues.
La société Carrefour banque a relevé appel de ce jugement par déclaration du 1er juillet 2019.
[*]
Par conclusions communiquées en date du 14 octobre 2021, la société Carrefour banque demande à la cour de :
« - INFIRMER le jugement rendu par le tribunal d'instance de Saint-Denis le 31 janvier 2019 en ce qu'il a prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts de la société Carrefour Banque au titre du prêt souscrit par M. X. ; En ce qu'il a limité la condamnation de M. X. à verser à la société Carrefour Banque la somme de 16.301,91 euros au titre du solde du prêt personnel avec intérêts au taux légal à compter du jugement, la somme de 1 euro au titre de la clause pénale, la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il a autorisé M. X. à s'acquitter de la dette par 24 mensualités de 200 euros, le 15 de chaque mois et pour la première fois le 15 du mois suivant la signification du jugement, étant rappelé que la dernière mensualité doit apurer le solde de la dette, et dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son terme, la totalité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible ; En ce qu'il a débouté partiellement la société Carrefour Banque de ses demandes, en ce compris sa demande visant à la condamnation de M. X. à lui payer la somme de 33.526,48 euros avec intérêts au taux contractuel de 9,89 % l'an à compter du 09 janvier 2018, la somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sa demande au titre des dépens ;
Statuant à nouveau sur les chefs critiqués,
- DIRE ET JUGER que les arguments visant à faire prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels pour irrégularité du formalisme précontractuel ou contractuel sont prescrits eu égard au délai de prescription quinquennale ; DÉCLARER, en conséquence, le moyen irrecevable ; Subsidiairement, DIRE ET JUGER que la déchéance du droit aux intérêts contractuels n'est pas encourue ;
En tout état de cause,
- CONDAMNER M. X. à payer à la société Carrefour Banque la somme de 32.726,49 euros avec intérêts au taux contractuel de 9,46 % l'an à compter du 09/01/2018 sur la somme de 30 863,66 euros et au taux légal sur le surplus en remboursement du crédit n° 50919468549014 ; Subsidiairement, en cas de déchéance du droit aux intérêts contractuels, CONDAMNER M. X. à payer à la société Carrefour Banque la somme de 19.386,03 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 9 janvier 2018 ;
- DIRE ET JUGER qu'il n'y a pas lieu à octroi de délais supplémentaires, le débiteur ayant d'ores et déjà bénéficié du délai maximum légal de 24 mois ;
Subsidiairement, en cas d'échéancier dans la limite de 24 mois, DIRE ET JUGER qu'en cas de non-respect d'une seule échéance à bonne date, l'intégralité de la créance sera immédiatement exigible ;
En tout état de cause,
- CONDAMNER M. X. à payer à la société Carrefour Banque la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Le CONDAMNER aux entiers dépens avec distraction au profit de la SELAS C. & M.-G. en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ».
La société Carrefour banque soutient principalement que :
- l'argument tiré de la déchéance du droit aux intérêts contractuels est irrecevable, en ce que le moyen tiré de l'irrégularité du formalisme précontractuel ou contractuel soulevé par le tribunal était prescrit au moment où il a été soulevé,
- l'argument tiré de la déchéance du droit aux intérêts est également mal fondé, en ce qu'elle justifie avoir remis la FIPEN,
- elle est bien fondée à solliciter la condamnation de M. X. au paiement de la somme de 32.726,49 euros outre intérêts au taux contractuel de 9,46 % l'an,
- subsidiairement, en cas de déchéance du droit aux intérêts contractuels, cette sanction ne saurait s'appliquer qu'au contrat de prêt et non au contrat d'assurance souscrit en parallèle dont les cotisations restent dues. De plus, elle serait fondée à solliciter le paiement du capital restant dû outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure,
- le débiteur ayant déjà bénéficié d'un délai légal maximum de 24 mois, il n'y a pas lieu d'accorder plus de délais.
[*]
La déclaration d'appel a été régulièrement signifiée à M. X. par procès-verbal de remise à étude délivré le 25 septembre 2019 et les conclusions d'appel de la société Carrefour banque lui ont été signifiées par procès-verbal 659 le 18 octobre 2021 ; M. X. n'a pas constitué intimé.
[*]
L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 23 novembre 2021.
L'affaire a été appelée à l'audience du 23 février 2022.
Lors de l'audience, l'affaire a été examinée et mise en délibéré à la date du 21 avril 2021 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Sur la demande en paiement :
Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.
L'article L. 141-4 (R. 632-1 dans la nouvelle numérotation) du code de la consommation permet au juge de relever d'office tous les moyens tirés de l'application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le premier juge, étant rappelé qu'en ce qu'il tend à faire rejeter comme non justifiée la demande en paiement du prêteur ayant consenti un crédit à la consommation, le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts opposé par l'emprunteur, ou soulevé d'office par le juge, constitue une défense au fond et n'est donc pas soumis à la prescription.
L'article L. 311-24 (L. 312-39 dans la nouvelle numérotation) du code de la consommation prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 (dans leur rédaction alors applicable) du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L'article D. 311-6 (D. 312-16 dans la nouvelle numérotation) du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l'article L. 311-24 (L. 312-39 dans la nouvelle numérotation), il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.
Ce texte n'a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu'après vérification de l'absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l'absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
Sur la forclusion :
Vérifiée par le premier juge, la recevabilité de l'action en paiement du prêteur n'est pas contestée.
Sur la déchéance du terme :
Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Par ailleurs, selon l'article 1103 du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l'article 1224 du même code, lorsque l'emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés soit en raison de l'existence d'une clause résolutoire soit en cas d'inexécution suffisamment grave. L'article 1225 précise qu'en présence d'une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution.
En matière de crédit à la consommation en particulier, il résulte des dispositions de l'article L. 311-24 devenu L. 312-39 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.
En l'espèce, le contrat de prêt contient une clause d'exigibilité anticipée en cas de défaut de paiement (article 2.3) et une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme de payer la somme de 3 484,66 euros précisant le délai de régularisation (de 8 jours) a bien été envoyée le 23 septembre 2017 ainsi qu'il en ressort de l'avis de recommandé produit (l'avis de réception ayant été par ailleurs signé) de sorte qu'en l'absence de régularisation dans le délai, ainsi qu'il en ressort de l'historique de compte, la société Carrefour banque a pu régulièrement prononcer la déchéance du terme le 9 janvier 2018 étant précisé que la déchéance du terme a elle-même été notifiée avec une mise en demeure de payer le solde dû.
Sur la recevabilité du moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts :
En application de l'article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.
Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d'office toute violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation tandis qu'il lui impose d'écarter d'office une clause abusive. En revanche, il ne pose aucune restriction à l'exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l'irrégularité résulte des faits litigieux dont l'allégation comme la preuve incombent aux parties.
Par ailleurs, au regard de sa date de conclusion, le contrat signé le 3 octobre 2013 est soumis aux dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 qui a porté ratification de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil. Il a été dit pour droit par la Cour de justice de l'Union européenne que les articles 8 et 23 de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu'ils imposent à une juridiction nationale d'examiner d'office l'existence d'une violation de l'obligation précontractuelle du prêteur d'évaluer la solvabilité du consommateur, prévue à l'article 8 de cette directive et de tirer les conséquences qui découlent en droit national d'une violation de cette obligation, à condition que les sanctions satisfassent aux exigences dudit article 23.
Il s'en déduit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d'office toute irrégularité heurtant une disposition d'ordre public et sanctionnée par la déchéance d'un droit qui fonde la demande d'une partie sans être enfermé dans quelque délai.
C'est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat litigieux à l'article L. 311-12 devenu L. 312-21 et la société Carrefour banque est mal fondée à invoquer la prescription du moyen discuté.
Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels :
La société Carrefour banque produit :
- l'offre de contrat de crédit « prêt de regroupements de crédits »,
- la fiche de solvabilité,
- la notice d'assurance,
- le justificatif de consultation du fichier des incidents de paiement du 11 octobre 2013,
- le tableau d'amortissement,
- l'historique de prêt,
- un décompte de créance,
- les mises en demeure préalable et consécutive à la déchéance du terme.
Il appartient au créancier qui réclame des sommes au titre d'un crédit à la consommation de justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le code de la consommation, en produisant des documents contractuels conformes, ainsi que la copie des pièces nécessaires, et notamment, à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L. 311-48 devenu L. 341-1 du code de la consommation) :
- la fiche d'informations précontractuelles -FIPEN- (article L. 311-6 devenu L. 312-12),
- la notice d'assurance comportant les conditions générales (article L. 311-19 devenu L. 312-29),
- la justification de la consultation du fichier des incidents de paiements -FICP- (article L. 311-9 devenu L. 312-16),
- la justification, quel que soit le montant du crédit, de la vérification de la solvabilité de l'emprunteur au moyen nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur (article L. 311-9 devenu L. 312-16),
- la justification de la fourniture à l'emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière et attirant son attention sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement (article L. 311-8 devenu L. 312-14),
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société Carrefour banque ne produit pas la FIPEN exigée par la loi.
Et c'est en vain que la société Carrefour banque soutient qu'elle justifie avoir remis la FIPEN à M. X. par la clause aux termes de laquelle il a reconnu l'avoir reçue figurant au dans un encart de l'offre intitulé « REMISE DES INFORMATIONS PRECONTRACTUELLES » selon laquelle « L'emprunteur (....) déclare(nt) avoir reçu les informations précontractuelles en application des dispositions prévues à l'article L. 311-6 du code de la consommation préalablement à la souscription définitive de l'offre de crédit ».
En effet la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à ce qu'en raison d'une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par cette directive. Elle précise qu'une clause type figurant dans un contrat de crédit ne compromet pas l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national, elle implique seulement que le consommateur atteste de la remise qui lui a été faite du document concerné, qu'une telle clause constitue un indice de la reconnaissance de l'exécution des obligations du prêteur, et qu'il incombe à ce dernier de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents. Il s'induit que la signature par l'emprunteur d'une clause type mentionnant la remise d'un document exigée par la législation d'ordre public ne vaut pas aveu extra-judiciaire sauf à renverser la charge de la preuve de l'exécution des diligences incombant au prêteur et à rendre non effective la protection du consommateur voulue par le législateur national et européen.
En l'espèce la cour retient que la société Carrefour banque ne produit aucun élément de preuve pertinent pour corroborer la clause aux termes de laquelle M. X. a reconnu avoir reçu la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées étant précisé que le formulaire vierge qui est produit en pièce 11 ne saurait suffire comme élément de preuve pertinent.
Compte tenu de ce qui précède la cour prononce la déchéance totale du droit aux intérêts.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts.
Sur le montant de la créance :
Aux termes de l'article L. 311-48 devenu L. 341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
En l'espèce, le prêteur a été déchu du droit aux intérêts de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande formulée au titre des intérêts échus ; les sommes versées au titre des intérêts seront imputées sur le capital restant dû.
La cour constate que le décompte (pièce n° 9 prêteur) mentionne que les règlements déjà effectués s'élèvent à hauteur de 15.664,97 euros avant envoi en contentieux et à 800 euros après envoi au contentieux.
Au regard de l'historique du prêt, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement de la société Carrefour banque à hauteur de la somme de 17.153,03 euros au titre du capital restant dû (montant emprunté de 33.600 euros - les règlements déjà effectués à hauteur de 15.664,97 + 800 euros) et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2018, date de l'assignation
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a condamné M. X. à payer à la société Carrefour banque la somme de 16.302,91 euros au titre du crédit impayé, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne M. X. à payer à la société Carrefour banque la somme de 17.153,03 euros au titre du capital restant dû avec intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2018.
Sur les délais de paiement :
En vertu de l'article 1343-5 du code civil compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.
En l'espèce, la cour constate que la proposition de règlements formulée devant le premier juge par M. X. à hauteur de 200 euros par mois n'est pas de nature à le libérer de sa dette par un échelonnement des paiements dans la limite de deux années.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a autorisé M. X. à s'acquitter de la dette par 24 mensualités de 200 euros, le 15 de chaque mois et pour la première fois le 15 du mois suivant la signification de la présente ordonnance, étant rappelé que la dernière mensualité doit impérativement apurer le solde de la dette, et ne ce qu'il a dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son terme, la totalité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible
Sur les autres demandes :
La cour condamne la société Carrefour banque aux dépens de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile au motif qu'elle succombe à titre prépondérant en son appel.
Le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de la société Carrefour banque les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
Rejette le moyen tiré de la prescription de la déchéance du droit aux intérêts ;
Confirme le jugement mais seulement en ce qu'il a :
- déclaré la société Carrefour banque recevable en ses demandes,
- prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts de la société Carrefour banque au titre du prêt souscrit par M. X. ;
Infirme le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau dans les limites de l'appel, et ajoutant,
Condamne M. X. à payer à la société Carrefour banque la somme de 17.153,03 euros au titre du capital restant dû avec intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2018 ;
Déboute la société Carrefour banque de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette le surplus des demandes ;
Condamne la société Carrefour banque aux dépens d'appel.
La greffière Le président
- 5707 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Délai pour agir - Forclusion - Crédit à la consommation
- 5716 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Loi du 3 janvier 2008
- 5721 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Obligation - Loi du 17 mars 2014
- 5821 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Illustrations : Réforme du Code de la consommation - Ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016
- 5824 - Code de la consommation - Autres textes - Application dans le temps - Crédit à la consommation