CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 25 mai 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9645
CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 25 mai 2022 : RG n° 20/05731
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « En application des articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce, les actions personnelles ou mobilières et les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants qui ne sont pas soumises à des dispositions particulières, se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
La prescription d'une action en responsabilité commençant à courir à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à celui qui l'invoque s'il n'en avait pas précédemment connaissance, le point de départ du délai pour agir se situe dans le cas d'espèce à la date à laquelle l'information relative aux commissions prélevées était accessible, soit lorsque celles-ci étaient débitées du compte courant de l'entreprise que la SARL EMLOC avait la possibilité de consulter à tout moment en ligne ainsi qu'à réception de ses relevés adressés mensuellement, ce en application des articles 10 et 11 des conditions générales du contrat.
L'acte introductif d'instance ayant été délivré le 7 janvier 2019, les premiers juges ont estimé à bon droit que les demandes indemnitaires fondées sur les sommes réglées au titre de l'année 2013 étaient prescrites. »
2/ « Dans ces conditions, l'appelante ne peut être suivie lorsqu'elle soutient que les conditions particulières étaient émises chaque année par la banque et acceptées sans aucune « négociation effective concernant les paramètres de la commission » en « jouant sur la confiance établie et l'année de décalage » aucun élément ne permettant de conclure que certaines de ces stipulations contractuelles n'auraient pas été consenties en pleine connaissance de cause et en considération d'autres critères liés aux besoins spécifiques de l'entreprise - tels que les services procurés et l'encours financé - et à l'équilibre du contrat considéré globalement.
A cet égard en effet, la société EMLOC se borne à affirmer aux termes de ses écritures que « aucune contrepartie n'a été offerte par la société ABN AMRO COMMERCIAL FINANCE » sans développer ce point ni expliciter en quoi les prestations prévues par le contrat seraient inexistantes.
Ensuite sur le grief tiré de ce que la commission ne pourrait finalement qu'être calculée par référence au seuil minimum de rémunération, il est observé que le chiffre d'affaires retenu soit 1 500.000 euros correspond à une commission fixée au niveau du seuil plancher initialement défini avec un taux de 0,60 % soit (1 500.000 x 0,60)/100 = 9.000.
En revanche dans le cas des conditions particulières du 23 octobre 2017 si ce chiffre d'affaires est de 164.000 euros, la commission de services de 0,60 % atteint seulement 984 euros. Il ressort de fait des calculs effectués par la société appelante, que compte-tenu du chiffre d'affaires effectivement cédé pour les années 2014 à 2017 inclus, le taux de commission de service appliqué s'est élevé par l'effet du seuil de 9.000 euros à une moyenne de 4,65 % soit significativement plus élevée que la limite supérieure de rémunération usuelle des banques qui - aux dires de la société ABN AMRO elle-même - est de l'ordre de 2 %. Il reste cependant que comme l'a justement relevé le tribunal de commerce, ces conditions ne peuvent être considérées isolément mais en tenant compte des services assurés par la banque - dont le travail de gestion était augmenté si la valeur moyenne par facture était réduite - et des avantages par ailleurs obtenus dans le cadre des discussions engagées annuellement tels que la limitation des taux et seuil de la retenue de garantie.
Il se déduit de l'ensemble de ce qui précède que la société EMLOC ne démontre ni qu'elle aurait été placée dans l'incapacité de négocier les conditions particulières de la convention - les pièces adverses établissant au contraire cette possibilité de négociation et l'engagement de discussions effectives communes aux trois entités, ayant conduit à des modifications des conditions particulières transmises par la banque - ni que le taux de commission critiqué n'avait pas de contrepartie ou même que celle-ci était sans proportion avec le montant de cette rémunération. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 6
ARRÊT DU 25 MAI 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/05731 (8 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CBWLJ. Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Février 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2019001258.
APPELANTE :
SARL EMLOC
[...], [...], N° SIRET : XXX, Représentée par Maître Frédérick J. de la SELARL DBCJ AVOCATS, avocat au barreau de MELUN,
INTIMÉE :
Société ABN-AMRO Asset Based Finance N.V.
Société de droit néerlandais dont le siège est sis [...], [...], N° SIRET : YYY, Venant aux droits de la Société ABN AMRO COMMERCIAL FINANCE, Inscrite au RCS de Nanterre sous le n° YYZZZY [...], Représentée par Maître Catherine C., avocat au barreau de PARIS, toque : B0725
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 29 mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de : M. Marc BAILLY, Président de chambre, Mme Florence BUTIN, Conseillère, Mme Pascale LIEGEOIS, Conseillère, qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Florence BUTIN, Conseillère , dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Anaïs DECEBAL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La SARL EMLOC, ayant pour activité la location avec opérateur de matériel de construction, a signé le 27 juin 2013 avec la SA ABN AMRO COMMERCIAL FINANCE devenue ABN AMRO ASSET BASED FINANCE - spécialisée dans le financement et la mobilisation des créances commerciales - un contrat d'affacturage stipulant une rémunération constituée par une commission de service proportionnelle au chiffre d'affaires avec un seuil plancher fixé à 9.000 euros pour les années 2013 à 2016, puis à 7.500 euros pour l'année 2017.
Par courrier daté du 7 novembre 2018, la société EMLOC a indiqué à la banque son intention de résilier ce contrat précité en invoquant des difficultés d'interprétation de l'article 5.1 relatif à la commission de service.
La société ABN AMRO COMMERCIAL FINANCE ayant répondu le 21 novembre suivant que la clause précitée ne souffrait selon elle d'aucune ambiguïté et impliquait que « le taux de 60 % s'applique sur le montant de chaque remise de facture et d'avoirs » avec le cas échéant un ajustement du montant des commissions afin d'atteindre le minimum annuel, c'est dans ces conditions que la SARL EMLOC l'a faite assigner par acte du 7 janvier 2019 devant le tribunal de commerce de PARIS en sollicitant le remboursement d'une somme de 34.442,69 euros qu'elle estimait indûment perçue, ce en invoquant l'application de taux directeurs et de prix planchers abusivement fixés.
La banque a opposé à cette demande la prescription extinctive quinquennale applicable aux commissions versées jusqu'au 7 janvier 2014 et pour le surplus, l'absence de déséquilibre significatif ou avantage manifestement disproportionné entre la commission et les prestations exécutées.
Par jugement en date du 26 février 2020, le tribunal de commerce de PARIS a :
- dit prescrite la demande de la société EMLOC en ce qu'elle vise le remboursement de 4.500 euros de commission de service relativement à 2013,
- rejeté les autres demandes de la société EMLOC,
- condamné la société EMLOC aux dépens et à payer une somme de 2.500 euros à la société ABN-AMRO COMMERCIAL FINANCE en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ce, au visa des articles 2224 du code civil et L. 442-6 du code de commerce et aux motifs que :
- les griefs invoqués étaient détectables à la seule lecture des conditions particulières du contrat ;
- la notion de déséquilibre significatif suppose cumulativement l'absence de contrepartie et l'absence de négociation ;
- ABN AMRO a toujours fourni des contreparties - gestion comptable des encours, service de relance, recouvrement amiable et judiciaire, couverture contre le risque d'insolvabilité - même en cas de déclenchement du minimum plancher de rémunération ;
- les conditions particulières réexaminées annuellement ont été librement consenties.
[*]
Par déclaration en date du 25 mars 2020, la SARL EMLOC a formé appel de ce jugement en critiquant chacun de ses chefs.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 24 juin 2020, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens qui y sont développés, elle demande à la cour de :
DÉCLARER la SARL EMLOC recevable et fondée en son appel ;
INFIRMER le jugement du tribunal de commerce de PARIS en date du 26 février 2020 ;
CONDAMNER la SA ABN AMRO COMMERCIAL FINANCE à payer à la SARL EMLOC la somme de 35.442,69 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la commission de service trop perçue par elle en application de taux directeurs et de prix planchers abusivement fixés dans les conditions particulières du contrat d'affacturage ;
CONDAMNER la société ABN AMRO COMMERCIAL FINANCE à lui régler la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre la charge des dépens ;
ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
faisant valoir pour l'essentiel que :
- c'est seulement en octobre 2018, au moment d'envisager le renouvellement du contrat et d'établir de nouvelles conditions particulières, que la société EMLOC a réalisé que le montant des commissions était excessif ;
- les commissions appliquées par l'effet des seuils représentaient chaque année un pourcentage beaucoup plus élevé que celui prévu au contrat ;
- les paramètres de la commission n'ont jamais été effectivement négociées mais acceptées par la signature des conditions particulières adressées ;
- aucune contrepartie n'a été offerte par la société ABN AMRO COMMERCIAL FINANCE ;
- les trop perçus représentent les sommes suivantes :
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 24 septembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens qui y sont développés, la société ABN AMRO COMMERCIAL FINANCE - aux droits de laquelle vient ASSET BASED FINANCE NV - demande à la cour de :
Vu l'article L 110-4 du code de commerce et l'article 2224 du code civil relatifs à la prescription,
Vu l'article L 442-6 ancien du code de commerce,
Vu les articles 1134, 1247 et suivants anciens du code civil,
- DONNER ACTE à la société ABN AMRO Asset Based Finance N.V. de son intervention aux droits de la société ABN AMRO Commercial Finance à la suite de la fusion par absorption interfrontalière à effet au 1er mai 2020 dont le projet de fusion est paru au BODACC du 31 janvier 2020 ;
- CONSTATER la prescription extinctive quinquennale des commissions de service versées de juin 2013 à décembre 2013 et jusqu'au 7 janvier 2014, soit 4.500 euros ;
- CONSTATER l'absence de « déséquilibre significatif » entre la commission de services et le nombre et la qualité des prestations exécutées par la société ABN AMRO Commercial Finance en vertu de la Convention de Services et de Financement de Créances Commerciales conclue avec la société EMLOC ;
EN CONSEQUENCE :
- REJETER l'appel interjeté par la société EMLOC en toutes fins qu'il comporte ;
- DÉBOUTER la société EMLOC de l'ensemble de ses demandes ;
- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de PARIS le 26 février 2020 en toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT :
- CONDAMNER la société EMLOC à payer à la société ABN AMRO Asset Based Finance N.V. la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER la société EMLOC aux dépens de la procédure d'appel.
faisant valoir pour l'essentiel que :
- la société EMLOC ne justifie nullement le report à « octobre 2018 » du point de départ de la prescription car elle connaissait parfaitement le taux et le minimum de la commission depuis les conditions particulières du 27 juin 2013, elle pouvait vérifier les prélèvements effectués par débit de son compte au titre de la commission de service par la consultation instantanée et à tout moment des opérations journalières sur son compte courant par le service « ABN-AMRO ComFin Online » et par les relevés mensuels ;
- les prestations d'affacturage sont généralement constituées par la prise en charge des factures, par la subrogation, leur traitement, l'encaissement des créances avec la gestion des comptes des débiteurs cédés et éventuellement la garantie d'insolvabilité, pour la société EMLOC la convention couvrait un large éventail d'autres prestations de gestion et de recouvrement ;
- la commission de service/d'affacturage n'est pas assujettie à la réglementation du TEG parce qu'elle rémunère les prestations autres que le crédit sur le montant des factures cédées ;
- le pourcentage appliqué était modéré comparé à la moyenne pratiquée ;
- les conditions d'affacturage sont négociées en fonction de nombreux paramètres et pas seulement du chiffre d'affaires réalisé, lors de chaque renégociation EMLOC avait disposé de son pouvoir de discuter les conditions financières du contrat d'affacturage et s'était assurée de leur adaptation à ses besoins de financement et à son chiffre d'affaires.
[*]
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il est rappelé à titre liminaire que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de voir « constater » ou « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent en réalité les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.
La recevabilité de l'intervention volontaire de la société ABN AMRO ASSET BASED FINANCE N.V. n'est pas discutée.
1 - Fin de non-recevoir tirée de la prescription :
En application des articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce, les actions personnelles ou mobilières et les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants qui ne sont pas soumises à des dispositions particulières, se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
La prescription d'une action en responsabilité commençant à courir à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à celui qui l'invoque s'il n'en avait pas précédemment connaissance, le point de départ du délai pour agir se situe dans le cas d'espèce à la date à laquelle l'information relative aux commissions prélevées était accessible, soit lorsque celles-ci étaient débitées du compte courant de l'entreprise que la SARL EMLOC avait la possibilité de consulter à tout moment en ligne ainsi qu'à réception de ses relevés adressés mensuellement, ce en application des articles 10 et 11 des conditions générales du contrat.
L'acte introductif d'instance ayant été délivré le 7 janvier 2019, les premiers juges ont estimé à bon droit que les demandes indemnitaires fondées sur les sommes réglées au titre de l'année 2013 étaient prescrites.
La décision entreprise doit en conséquence être confirmée sur ce point.
2 - Responsabilité de la banque en application de l'article L. 442-6 du code de commerce :
L'article L. 446-2 § I du code de commerce dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé « le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu (…) un tel avantage peut (…) consister en une globalisation artificielle des chiffres d'affaires, en une demande d'alignement sur les conditions commerciales obtenues par d'autres clients ou en une demande supplémentaire, en cours d'exécution du contrat, visant à maintenir ou accroître abusivement ses marges ou sa rentabilité ;
2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
La société EMLOC invoque l'absence de véritable contrepartie aux commissions réglées ainsi que le 2° de ce texte dont l'application exige deux conditions qui sont d'une part, la soumission ou tentative de soumission - tenant ici non pas au contexte du marché et à la position de la banque sur celui-ci, mais à une absence de négociation des termes du contrat - et d'autre part, le déséquilibre entre les droits et obligations des parties, ces deux critères s'appréciant de façon concrète et au regard de la globalité du contenu contractuel.
Dans le cas d'espèce, l'entrée en relation d'affaires de la banque ABN AMRO avec le groupe de sociétés dirigées par Éric M. - à savoir EMDT 77, EMLOC et HSM - est actée par un courrier adressée par la première aux termes duquel elle propose à EMDT 77 la mise en place d'une convention de services et de financement de créances commerciales incluant les prestations d'ouverture de comptes débiteurs, de clause de cession sur les créances, d'encaissements des règlements, de gestion comptable, de relance avant échéance pour les factures payables par effets de commerce, de recouvrement amiable et judiciaire, de couverture contre le risque d'insolvabilité et de financement des créances jusqu'à 45 jours après échéance.
Les éléments financiers retenus sont un chiffre d'affaires estimé à 4.000.000 euros, un plafond de financement de 660.000 euros, un financement immédiat jusqu'à 90 % des créances approuvées et un financement des situations de travaux à concurrence de 35 % de l'encours confié soit 230.000 euros.
La commission de service est fixée à 0,70 % du chiffre d'affaires TTC confié avec un minimum annuel de 23.000 euros HT et la commission de financement au taux EURIBOR 1 mois + 2 % l'an.
L'article 5.1 des conditions particulières appliquées à la société EMLOC à partir du 27 juin 2013 sur la base d'un chiffre d'affaires de 1 500.000 euros, d'une taille moyenne de facture de 2.000 euros et de 30 débiteurs, prévoit que le taux hors TVA de la commission de service applicable au montant total des factures et des avoirs TTC est de 0,70 % avec un minimum annuel HT de 9.000 euros du pour toute l'année contractuelle.
Ces conditions ont été reconduites et signées par la SARL EMLOC les 15 octobre 2013, 9 avril 2014 et 30 octobre 2014 sans changement. La commission de service a ensuite été ramenée à 0,60 % après une réunion tenue le 25 septembre 2015 entre les représentants de l'entreprise et de la banque, le seuil de 9.000 euros demeurant identique et l'encours de financement autorisé passant de 250.000 à 150.000 euros. Ces nouvelles modalités ont été proposées par courrier électronique le 9 octobre 2015 et signées le 9 novembre 2015. Le seuil annuel de la commission de service a été ramené à 7 500 euros en octobre 2017, cette proposition ayant été retournée avec le visa de la société à la suite duquel de nouvelles conditions particulières ont été éditées et transmises. Ce nouvel accord a été signé le 23 octobre 2017.
Le dernier rendez-vous consacré à la renégociation des conditions particulières du contrat était fixé au 6 septembre 2018 et un compte rendu de cette réunion a été adressé par la banque le 11 septembre 2018. S'agissant de la commission de service, il était relevé que celle-ci prélevée sur le chiffre d'affaires cédé était supérieure au taux de 0,60 % contractuel, la banque ayant spécifié que 0,60 % s'appliquait sur le chiffre d'affaires HT « avec un minimum annuel pour chacune des entités » soit 9.000 euros.
Il est souligné dans ce message par ABN AMRO que « si le montant des commissions perçues (taux de 0,60 %) n'atteint pas le minimum annuel prévu contractuellement [la banque ajuste] le montant des commissions afin d'atteindre ce minimum ».
Prenant acte de ce qu'il est sollicité « pour EMDT, un ajustement des conditions tarifaires avec effet rétroactif, compte tenu de la diminution du chiffre d'affaires cédé (CA 2014/2015 2 541 K€, CA 2015/2016 2 003 k€, CA 2016/2017 2 027K€ et CA 2017/2018 1 952 K€) » la banque indique qu'elle va transmettre une proposition en ce sens.
Une nouvelle proposition tarifaire - concernant la commission de service - a été communiquée par la banque le 28 septembre 2018 pour les trois sociétés concernées, à savoir :
CA TTC < 2,4 M€ : taux 0,80 % et seuil annuel 15.000 euros
CA TTC entre 2,4 et 3 M€ : taux 0,70 % et seuil annuel 17.000 euros
CA TTC > 3 M€ : taux 0,60 % et seuil annuel 18.000 euros
Étant observé que dans le cas de la société EMLOC les premières conditions particulières ont été signées près de 6 mois après la mise en œuvre du contrat signé avec la SARL EMDT 77, plusieurs changements sont intervenus à l'issue des discussions engagées en 2017 en ce que le chiffre d'affaires a été évalué à 164.000 euros - point qui n'est pas discuté mais ressort uniquement des conclusions d'ABN AMRO puisque la page 1 de sa pièce 15 comme de la pièce adverse 2 s'y rapportant sont illisibles - avec un encours de financement autorisé de 50.000 euros.
Dans ces conditions, l'appelante ne peut être suivie lorsqu'elle soutient que les conditions particulières étaient émises chaque année par la banque et acceptées sans aucune « négociation effective concernant les paramètres de la commission » en « jouant sur la confiance établie et l'année de décalage » aucun élément ne permettant de conclure que certaines de ces stipulations contractuelles n'auraient pas été consenties en pleine connaissance de cause et en considération d'autres critères liés aux besoins spécifiques de l'entreprise - tels que les services procurés et l'encours financé - et à l'équilibre du contrat considéré globalement.
A cet égard en effet, la société EMLOC se borne à affirmer aux termes de ses écritures que « aucune contrepartie n'a été offerte par la société ABN AMRO COMMERCIAL FINANCE » sans développer ce point ni expliciter en quoi les prestations prévues par le contrat seraient inexistantes.
Ensuite sur le grief tiré de ce que la commission ne pourrait finalement qu'être calculée par référence au seuil minimum de rémunération, il est observé que le chiffre d'affaires retenu soit 1 500.000 euros correspond à une commission fixée au niveau du seuil plancher initialement défini avec un taux de 0,60 % soit (1 500.000 x 0,60)/100 = 9.000.
En revanche dans le cas des conditions particulières du 23 octobre 2017 si ce chiffre d'affaires est de 164.000 euros, la commission de services de 0,60 % atteint seulement 984 euros. Il ressort de fait des calculs effectués par la société appelante, que compte-tenu du chiffre d'affaires effectivement cédé pour les années 2014 à 2017 inclus, le taux de commission de service appliqué s'est élevé par l'effet du seuil de 9.000 euros à une moyenne de 4,65 % soit significativement plus élevée que la limite supérieure de rémunération usuelle des banques qui - aux dires de la société ABN AMRO elle-même - est de l'ordre de 2 %. Il reste cependant que comme l'a justement relevé le tribunal de commerce, ces conditions ne peuvent être considérées isolément mais en tenant compte des services assurés par la banque - dont le travail de gestion était augmenté si la valeur moyenne par facture était réduite - et des avantages par ailleurs obtenus dans le cadre des discussions engagées annuellement tels que la limitation des taux et seuil de la retenue de garantie.
Il se déduit de l'ensemble de ce qui précède que la société EMLOC ne démontre ni qu'elle aurait été placée dans l'incapacité de négocier les conditions particulières de la convention - les pièces adverses établissant au contraire cette possibilité de négociation et l'engagement de discussions effectives communes aux trois entités, ayant conduit à des modifications des conditions particulières transmises par la banque - ni que le taux de commission critiqué n'avait pas de contrepartie ou même que celle-ci était sans proportion avec le montant de cette rémunération.
Les demandes de la société EMLOC ne peuvent en conséquence être accueillies, de sorte que le jugement entrepris sera sur le fond également confirmé en toutes ses dispositions.
3 - Dépens et frais irrépétibles :
La SARL EMLOC qui succombe supportera la charge des dépens.
Elle sera également condamnée à payer à la société ABN AMRO ASSET BASED FINANCE, qui a dû exposer des frais irrépétibles, une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à 2.000 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
RECOIT l'intervention volontaire de la société ABN AMRO ASSET BASED FINANCE N.V. ;
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la SARL EMLOC aux dépens d'appel,
CONDAMNE la SARL EMLOC à verser à la société ABN AMRO ASSET BASED FINANCE la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 6170 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Domaine de la protection - Soumission ou tentative de soumission à un déséquilibre significatif
- 6180 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Indices - Principes généraux
- 6187 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Affacturage
- 6229 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par clause - Contenu du contrat - Prix - Montant du prix
- 6243 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Recevabilité - Délai pour agir