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CA BORDEAUX (2e ch. civ.), 23 juin 2022

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (2e ch. civ.), 23 juin 2022
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 2e ch.
Demande : 22/01074
Date : 23/06/2022
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 22/02/2022
Référence bibliographique : 6302 (architecte, clause d’avis ordinal), 5826 (code de la consommation, ordre public)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9680

CA BORDEAUX (2e ch. civ.), 23 juin 2022 : RG n° 22/01074 

Publication : Jurica

 

Extraits (rappel de procédure) : « Lors de l'audience des plaidoiries, les parties ont été invitées à faire parvenir à la cour leurs observations sur le moyen tiré d'office tirée de la présomption de caractère abusif de la clause de saisine préalable de l'Ordre des Architectes, au regard des articles L. 132-1, devenu L. 212-1 et R. 132-2-10°, devenu R. 212-2-10° du code de la consommation, par le biais d'une note en délibéré à intervenir sous quinzaine. »

Extraits (motifs) : 1/ « Les dispositions du code de la consommation sont d'ordre public et obligent, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes, le juge national à rechercher d'office la notion de déséquilibre significatif dans les contrats conclus entre un professionnel et un non professionnel.

Selon l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, sont abusives, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, les clauses ayant pour objet ou effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectifs des parties au contrat.

Selon l'article L. 132-2-10°, devenu R. 212-2-10°, dans les mêmes contrats, sont présumées abusives, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou effet de supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges.

En l'espèce, le contrat de maîtrise d'œuvre conclu le 14 mars 2007 entre la Sarl Architecture Coq et Lefrancq, professionnel de la maîtrise d'œuvre, et M. X., particulier, comporte une clause selon laquelle « En cas de litige, les parties conviennent de saisir pour avis le Conseil Régional de l'Ordre dont relève l'architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire. A défaut de règlement amiable, le litige sera de la compétence du tribunal compétent de Sarlat ».

Une telle clause, en ce qu'elle contraignait M. X., en cas de litige avec son maître d'œuvre, à recourir obligatoirement et préalablement à un mode alternatif de règlement du litige l'obligeant à saisir le conseil régional de l'Ordre des Architectes dont dépend l'architecte, même pour un simple avis, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire.

Or, une telle preuve contraire n'est pas rapportée en l'espèce par la société Coq et Lefrancq alors qu'au contraire, quand bien même le conseil régional de l'Ordre des Architectes ne devait être saisi que pour un simple avis, le défaut de recours préalable à cet avis est sanctionné par une fin de non-recevoir laquelle n'est, qui plus est et ainsi que le soutient d'ailleurs justement la société Coq et Lefrancq, pas susceptible de régularisation en cours d'instance, d'où il suit que la sanction est particulièrement disproportionnée en l'espèce où la clause en litige n'avait pas même vocation à parvenir à un règlement amiable du litige.

Le fait que la justice privilégie désormais le recours à la médiation ou aux modes alternatifs de règlement des litiges ainsi que l'observe la société Coq et Lefrancq, de manière égalitaire pour tous les justiciables, ou impose des phases de conciliation avant tout litige, est une chose, le fait que l'une des parties puisse, dans le cadre d'une relation déséquilibrée, imposer à l'autre une limitation de son droit d'accès au juge en est une autre et les deux situations ne peuvent être comparées.

Dès lors, cette clause qui oblige préalablement à toute action en justice un particulier à saisir préalablement le conseil régional de l'Ordre des Architectes dont dépend le professionnel, fut-ce pour un simple avis, sous peine d'irrecevabilité non régularisable, instaure une entrave à l'accès au juge et crée au détriment de ce particulier qui n'est pas en situation de la négocier un déséquilibre significatif. Elle constitue en conséquence une clause abusive inopposable à M. X.

L'ordonnance entreprise qui, faisant application de cette clause dont elle constatait le non-respect, a déclaré irrecevables les demandes de M. X. à l'encontre de la société Coq et Lefrancq, est en conséquence infirmée et la société Coq et Lefrancq sera déboutée de ses demandes. »

2/ « Du fait de l'inopposabilité de la clause de saisine préalable du conseil régional de l'Ordre des Architectes, la demande de sursis à statuer dans l'attente que M. X. saisisse, conformément aux stipulations passées avec la société Coq et Lefrancq, le conseil régional de l'Ordre des Architectes est devenue sans objet.

Il convient en conséquence d'infirmer la décision entreprise de ce chef, de dire que la demande de sursis à statuer est devenue sans objet et de renvoyer le dossier devant le tribunal judiciaire de Bergerac saisi au fond. »

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 23 JUIN 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/01074. N° Portalis DBVJ-V-B7G-MSKR. Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 8 octobre 2021 (R.G. n° 21/00195) par le Juge de la mise en état de la 1ère chambre civile du Tribunal de grande instance de BERGERAC sur autorisation du 1er Président de la Cour d'Appel de BORDEAUX selon ordonnance du 17 février 2022, suivant déclaration d'appel du 22 février 2022 et sur assignation à jour fixe délivrée le 28 février 2022.

 

APPELANTE :

La SARL ARCHITECTURE COQ ET LEFRANCQ

au capital de 7.622,45 € immatriculée au RCS de BERGERAC sous le n° XXX dont le siège social est [Adresse 1]) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître David CZAMANSKI de la SCP LATOURNERIE - MILON - CZAMANSKI - MAZILLE, avocat au barreau de BORDEAUX et demanderesse à l'assignation à jour fixe

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité Française, Profession : Maître ouvrier électricien à l'hôpital de [Localité 3], demeurant [Adresse 2], Représenté par Maître Karine PERRET de la SELAS PERRET et ASSOCIES, avocat au barreau de BERGERAC, et défendeur à l'assignation à jour fixe

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 10 mai 2022 en audience publique, devant la cour composée de : Madame Paule POIREL, Président, Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller, Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte d'huissier en date du 5 mars 2021, M. X. a fait assigner la société à responsabilité limitée, Architecture Coq et Lefrancq, M. B. et M. L. afin de les voir condamner au paiement de travaux réparatoires dans son immeuble sis à [Localité 3].

Saisi par la société Architecture Coq et Lefrancq d'une fin de non-recevoir opposable aux demandes formulées à son encontre, en l'absence de saisine préalable du conseil de l'ordre des architectes, conformément à la clause contenue au contrat d'architecte, par ordonnance du 8 octobre 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bergerac a :

Sur la question de fond nécessitant d'être tranchée préalablement,

- rejeté les demandes formulées par M. X. sur le fondement des dispositions de l'article 1792 du code civil,

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Architecture Coq et Lefrancq,

- déclaré les demandes irrecevables formulées par M. X. à l'encontre de la société Architecture Coq et Lefrancq,

Sur le sursis à statuer :

- ordonné un sursis à statuer dans l'attente qu'il soit fait application de la clause de saisine préalable par les parties au contrat et que le tribunal judiciaire soit saisi régulièrement de demandes à l'encontre de la Société Architecture Coq et Lefrancq par la partie la plus diligente

- dit que l'affaire sera renvoyée à l'audience de mise en état du 14 janvier 2022,

- débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires,

Sur les frais et dépens :

- condamné M. X. aux dépens de l'incident,

- condamné M. X. à payer à la société Architecture Coq et Lefrancq la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le sursis à statuer est motivé par le fait que la présence de la société Architecture Coq et Lefrancq à l'instance s'avère indispensable pour statuer sur la responsabilité des autres constructeurs intervenus à l'occasion de la mission de maîtrise d'œuvre complète.

Par assignation délivrée selon la procédure accélérée au fond en date du 19 janvier 2021, la société Architecture Coq et Lefrancq a sollicité l'autorisation d'interjeter appel de l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bergerac du 8 octobre 2021, en ce qu'elle a ordonné un sursis à statuer dans l'attente que M. X. saisisse le Conseil régional de l'ordre des architectes, et la fixation du jour et de l'heure où l'affaire sera examinée par la cour selon la procédure définie à l'article 948 du code de procédure civile.

Par ordonnance en date du 17 février 2022, le premier président de la cour d'appel de Bordeaux a autorisé la société Architecture Coq et Lefrancq à relever appel de l'ordonnance rendue le 8 octobre 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bergerac en ce qu'elle prononce un sursis à statuer dans l'attente qu'il soit fait application de la clause de saisine préalable par les parties au contrat et que le tribunal judiciaire soit saisi régulièrement de demandes à l'encontre de la société Architecture Coq et Lefrancq, dit que l'affaire sera examinée à l'audience du 10 mai 2022 à 14 heures par la 2ème chambre civile de la cour, laquelle sera saisie et statuera comme en matière de procédure à jour fixe ou comme il est dit à l'article 948, et condamné M. X. aux dépens.

Par déclaration électronique du 22 février 2022, la société Architecture Coq et Lefrancq a relevé appel partiel de l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bergerac du 8 octobre 21 en ce qu'elle a ordonné un sursis à statuer dans l'attente qu'il soit fait application de la clause de saisine préalable par les parties au contrat et en ce que le tribunal judiciaire soit régulièrement saisi de demandes à l'encontre de la société Coq et Lefrancq à l'initiative de la partie la plus diligente.

Par acte d'huissier du 28 février 2022, la société Architecture Coq et Lefrancq a fait assigner à jour fixe M. X. le mardi 10 mai 2022 à 14 heures devant la présente cour, sur le fondement des articles 917 et 948 du code de procédure civile,

[*]

La société Architecture Coq et Lefrancq, dans ses dernières conclusions en date du 10 mai 2022, demande à la cour de :

- Infirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bergerac le 8 octobre 2021 en ce qu'elle a ordonné un sursis à statuer dans l'attente qu'il soit fait application de la clause de saisine préalable par les parties au contrat et que le tribunal judiciaire soit régulièrement saisi de demandes à son encontre,

En conséquence, statuant à nouveau,

- débouter M. X. de l'intégralité de ses demandes en ce qu'elles sont dirigées contre elle du fait de leur irrecevabilité faute de saisine préalable du conseil régional de l'Ordre des architectes,

- condamner M. X. à lui payer une indemnité de 3.000 euros par application des disposition de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction au profit de la SCP Latournerie Milon Czamanski Mazille par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait essentiellement valoir que c'est par une exacte appréciation des conclusions du rapport d'expertise que le juge de la mise en état a retenu que les fissures dont se prévalait M. X. ne compromettaient pas la solidité de l'ouvrage, ni ne le rendaient impropre à sa destination, que c'est de manière critiquable que le juge de la mise en état a cependant estimé devoir surseoir à statuer dans l'attente de la saisine de l'ordre des architectes par M. X. alors qu'il est constant qu'une telle clause n'est pas susceptible de régularisation.

[*]

M. X., dans ses dernières conclusions d'intimé en date du 9 mai 2022, comportant appel incident, demande à la cour, au visa de l'article 1792 du code civil, de :

Réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

- rejeté les demandes formulées par M. X. sur le fondement des dispositions de l'article 1792 du code civil,

- déclaré irrecevables les demandes formulées par M. X. à l'encontre de la société Coq et Lefrancq,

- condamné M. X. aux dépens de l'instance,

- condamné M. X. à payer à la société Coq Lefrancq la somme de 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. X. à payer à M. [B] la somme de 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et le rendent impropre à sa destination

Statuant à nouveau :

- déclarer recevable l'action de M. X. à l'encontre de la société Coq et Lefrancq,

- renvoyer l'affaire au fond devant le tribunal judiciaire de Bergerac

A titre subsidiaire, pour le cas où la cour confirmerait que les désordres qui affectent l'immeuble de M. X. ne relèvent pas de la garantie décennale :

Confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bergerac du 8 octobre 2021 en ce qu'elle a ordonné le sursis à statuer dans l'attente qu'il soit fait application de la clause de saisine préalable par les parties au contrat et que le tribunal judiciaire soit régulièrement saisi des demandes à l'encontre de la société Coq et Lefrancq à l'initiative de la partie la plus diligente.

A titre infiniment subsidiaire :

- dire que la Sarl Coq et Lefrancq demeurera partie à l'instance au fond pour permettre aux artisans assignés d'invoquer la responsabilité de l'architecte,

- renvoyer l'affaire au fond devant le tribunal judiciaire de Bergerac,

En tout état de cause :

- condamner la Sarl Coq et Lefrancq au paiement de la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de constats, dont distraction au profit de maître Perret, Avocat.

Il fait essentiellement valoir que le désordre afférent aux fissures relève de la responsabilité décennale des constructeurs, bien que les fissures en litige soient antérieures aux travaux, dès lors que la mission de maîtrise d'œuvre complète qui avait été confiée à la société Coq et Lefrancq avait précisément pour but d'y remédier dans le cadre de travaux de réhabilitation de l'immeuble qui relevaient par nature de la responsabilité décennale mais également du fait de leur aggravation, que de même, les fissures affectant le carrelage que l'expert a estimé ni gênantes, ni coupantes, présenteraient un risque d'aggravation et par conséquent un risque de blessure et rendent l'immeuble impropre à sa destination, en sorte que l'architecte ne pouvait se prévaloir de la clause de saisine préalable de l'ordre des architectes prévue au contrat.

Subsidiairement, il observe que la fin de non-recevoir instituée par la clause contractuelle de saisine préalable de l'Ordre des architectes est régularisable en tout état de cause en sorte que subsidiairement le sursis à statuer qui s'imposait ne peut qu'être confirmé.

[*]

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

Lors de l'audience des plaidoiries, les parties ont été invitées à faire parvenir à la cour leurs observations sur le moyen tiré d'office tirée de la présomption de caractère abusif de la clause de saisine préalable de l'Ordre des Architectes, au regard des articles L. 132-1, devenu L. 212-1 et R. 132-2-10°, devenu R. 212-2-10° du code de la consommation, par le biais d'une note en délibéré à intervenir sous quinzaine.

Vu les observations formulées par la société Architecture Coq et Lefrancq en date du 12 mai 2022,

Vu les observations de l'intimé en date du 19 mai 2022,

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'appel incident de M. X. :

Les dispositions du code de la consommation sont d'ordre public et obligent, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes, le juge national à rechercher d'office la notion de déséquilibre significatif dans les contrats conclus entre un professionnel et un non professionnel.

Selon l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, sont abusives, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, les clauses ayant pour objet ou effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectifs des parties au contrat.

Selon l'article L. 132-2-10°, devenu R. 212-2-10°, dans les mêmes contrats, sont présumées abusives, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou effet de supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges.

En l'espèce, le contrat de maîtrise d'œuvre conclu le 14 mars 2007 entre la Sarl Architecture Coq et Lefrancq, professionnel de la maîtrise d'œuvre, et M. X., particulier, comporte une clause selon laquelle « En cas de litige, les parties conviennent de saisir pour avis le Conseil Régional de l'Ordre dont relève l'architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire. A défaut de règlement amiable, le litige sera de la compétence du tribunal compétent de Sarlat ».

Une telle clause, en ce qu'elle contraignait M. X., en cas de litige avec son maître d'œuvre, à recourir obligatoirement et préalablement à un mode alternatif de règlement du litige l'obligeant à saisir le conseil régional de l'Ordre des Architectes dont dépend l'architecte, même pour un simple avis, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire.

Or, une telle preuve contraire n'est pas rapportée en l'espèce par la société Coq et Lefrancq alors qu'au contraire, quand bien même le conseil régional de l'Ordre des Architectes ne devait être saisi que pour un simple avis, le défaut de recours préalable à cet avis est sanctionné par une fin de non-recevoir laquelle n'est, qui plus est et ainsi que le soutient d'ailleurs justement la société Coq et Lefrancq, pas susceptible de régularisation en cours d'instance, d'où il suit que la sanction est particulièrement disproportionnée en l'espèce où la clause en litige n'avait pas même vocation à parvenir à un règlement amiable du litige.

Le fait que la justice privilégie désormais le recours à la médiation ou aux modes alternatifs de règlement des litiges ainsi que l'observe la société Coq et Lefrancq, de manière égalitaire pour tous les justiciables, ou impose des phases de conciliation avant tout litige, est une chose, le fait que l'une des parties puisse, dans le cadre d'une relation déséquilibrée, imposer à l'autre une limitation de son droit d'accès au juge en est une autre et les deux situations ne peuvent être comparées.

Dès lors, cette clause qui oblige préalablement à toute action en justice un particulier à saisir préalablement le conseil régional de l'Ordre des Architectes dont dépend le professionnel, fut-ce pour un simple avis, sous peine d'irrecevabilité non régularisable, instaure une entrave à l'accès au juge et crée au détriment de ce particulier qui n'est pas en situation de la négocier un déséquilibre significatif. Elle constitue en conséquence une clause abusive inopposable à M. X.

L'ordonnance entreprise qui, faisant application de cette clause dont elle constatait le non-respect, a déclaré irrecevables les demandes de M. X. à l'encontre de la société Coq et Lefrancq, est en conséquence infirmée et la société Coq et Lefrancq sera déboutée de ses demandes.

 

Sur l'appel principal de la société Coq et Lefrancq :

Du fait de l'inopposabilité de la clause de saisine préalable du conseil régional de l'Ordre des Architectes, la demande de sursis à statuer dans l'attente que M. X. saisisse, conformément aux stipulations passées avec la société Coq et Lefrancq, le conseil régional de l'Ordre des Architectes est devenue sans objet.

Il convient en conséquence d'infirmer la décision entreprise de ce chef, de dire que la demande de sursis à statuer est devenue sans objet et de renvoyer le dossier devant le tribunal judiciaire de Bergerac saisi au fond.

Au vu de l'issue du présent recours, l'ordonnance est également infirmée en ce qu'elle a mis les dépens à la charge de M. X. ainsi que le paiement d'une somme de 600 euros à la société Coq et Lefrancq en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de première instance et d'appel sont au contraire à la charge de la société Coq et Lefrancq laquelle sera condamnée à payer à M. X. une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau :

Déclare inopposable à M. X. la clause de saisine préalable du conseil régional de l'Ordre des Architectes prévue au contrat conclu entre les parties le 14 mars 2007.

Déboute en conséquence la Sarl Architecture Coq et Lefrancq de sa demande de déclarer irrecevable l'action introduite par M. X. à son encontre,

Constate que la demande de sursis à statuer est devenue sans objet.

Ordonne le renvoi de l'affaire devant le tribunal judiciaire de Bergerac saisi au fond.

Condamne la Sarl Architecture Coq et Lefrancq à payer à M. X. une somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la Sarl Architecture Coq et Lefrancq aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER                                LA PRÉSIDENTE