CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA NÎMES (ch. civ. 1re ch.), 23 juin 2022

Nature : Décision
Titre : CA NÎMES (ch. civ. 1re ch.), 23 juin 2022
Pays : France
Juridiction : Nimes (CA), 1re ch. civ.
Demande : 21/01136
Date : 23/06/2022
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Référence bibliographique : 5828 (démarchage, renonciation à la protection), 5925 (crédit immobilier et panneaux solaires), 6083 (crédit, bordereau de rétractation), 5826 (démarchage, ordre public)
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 9684

CA NÎMES (ch. civ. 1re ch.), 23 juin 2022 : RG n° 21/01136 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « L'article L. 121-18-1 du code de la consommation applicable aux faits de l'espèce dispose : « le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement ». La méconnaissance de cette obligation est sanctionnée par la nullité et la charge de la preuve de son exécution repose sur le vendeur. Ces règles étant édictées dans l'intérêt des personnes démarchées à domicile, leur violation est sanctionnée par une nullité relative : le cocontractant peut donc renoncer à son droit à invoquer la nullité du contrat.

Les intimés font valoir que les époux X. avant l'assignation en paiement n'avaient jamais reproché au vendeur d'avoir omis de leur remettre un exemplaire du bon de commande, qu'ils ont au contraire signé la facture ainsi que signé l'autorisation de déblocage des fonds. Il se déduit donc de l'exécution du contrat et de l'acceptation des marchandises par les cocontractants que la nullité qu'ils invoquent a été couverte.Le tribunal a donc à bon droit rejeté la demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat de vente et la nullité subséquente du contrat de crédit affecté. »

2/ « Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Les appelants soutiennent qu'ils ont eu connaissance des inexécutions contractuelles qu'ils invoquent pour demander la résolution du contrat non le 30 octobre 2014, date à laquelle ils ont signé la facture et l'autorisation de versement des fonds, mais au début des prélèvements bancaires. L'autorisation de versement des fonds ne contient aucune précision quant à l'exécution du contrat et la facture annexée comprend une mention manuscrite rédigée et signée par Mr X. « Bon pour installation » de sorte qu'elle est nécessairement antérieure à l'installation du matériel commandé et à l'exécution de la prestation d'installation mentionnée à la fin de la facture sous le libellé « Installation, mise en œuvre PV 3kw » au prix de 2272 euros HT.

Le délai de prescription de la demande en résolution de la vente pour inexécution n'a donc pu commencer à courir à compter du 30 octobre 2014. […]

Il est donc établi que les époux X. n'ont pas eu connaissance des inexécutions dont ils se plaignent le 30 octobre 2014 mais seulement le 5 janvier 2016, date à laquelle ils ont donné l'ordre à leur banque de rejeter les prélèvements des échéances du crédit à la suite de la constatation de l'inexécution complète du contrat.

Leur demande n'est donc pas prescrite.

Cependant, ainsi que le fait observer le prêteur, les appelants ne rapportent pas la preuve que le raccordement au réseau Enedis et le dépôt en mairie de la déclaration préalable de travaux étaient des obligations que leur fournisseur s'était engagé à accomplir alors même que seule la prestation d'installation et de mise en œuvre des panneaux photovoltaïques est mentionnée et chiffrée dans la facture du 30 octobre 2014 qu'ils ont signée. »

3/ « Rappelant que les fonds empruntés s'élevaient à la somme de 15.000 euros inférieure au seuil de 75.000 euros prévu par l'article L. 212-2 [N.B. lire 312-2] du code de la consommation, l'intimé considère qu'il n'avait pas à proposer un contrat de crédit immobilier.

Le nouvel article L. 212-2 [N.B. lire 312-2] opère une distinction que sa version précédente n'opérait pas entre les travaux de construction, d'une part, et ceux d'amélioration, de réparation et d'entretien, d'autre part, les premiers imposant systématiquement au prêteur de proposer un crédit immobilier quel que soit leur montant, les seconds ne l'imposant pas tant que leur montant n'excède pas 75.000 euros.

Les travaux d'installation en toiture de panneaux photovoltaïques permettant aux propriétaires d'un immeuble à usage d'habitation d'améliorer leur bien par la production d'électricité sont des travaux d'amélioration et non des travaux de construction de sorte que le crédit destiné à financer lesdits travaux ne doit être qualifié de crédit immobilier qu'à la condition d'excéder 75.000 euros. »

4/ « Pour déchoir la banque de son droit aux intérêts conventionnels, le tribunal a relevé qu'il manquait à l'offre de crédit la copie du bulletin de rétractation ainsi que le justificatif de l'interrogation du fichier des incidents de paiement, d'une part, et qu'aucune pièce n'était jointe à la fiche de dialogue justifiant que le prêteur avait vérifié de manière sérieuse les ressources déclarées par les emprunteurs.

Le Crédit Foncier de France conteste l'application de cette sanction au motif que les emprunteurs ont l'offre de crédit laquelle mentionnait qu'ils reconnaissaient avoir reçu un exemplaire du contrat de crédit comportant un bordereau de rétractation détachable. En cause d'appel, la banque verse aux débats les pièces justificatives des ressources des emprunteurs.

Il incombe cependant au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles : la signature par l'emprunteur de l'offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu'il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

Si l'offre de crédit versée aux débats comporte cette clause de style, elle ne contient aucun bordereau de rétractation ni aucun autre indice de nature à établir la présence de ce bordereau sur l'exemplaire de l'offre de prêt remise aux emprunteurs. La déchéance du droit aux intérêts sera donc confirmée. »

 

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE CHAMBRE

ARRÊT DU 23 JUIN 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/01136. N° Portalis DBVH-V-B7F-H7QF.

 

APPELANTS :

Madame Y. épouse X.

née le [Date naissance 3] à [Localité 10], [Adresse 8], [Localité 6]

Monsieur X.

né le [Date naissance 1] à [Localité 10], [Adresse 8], [Localité 6]

Représentés par Maître Priscilla COQUELLE de la SELARL CABINET PELLEGRIN AVOCAT-CONSEIL, Postulant, avocat au barreau de NIMES, Représentés par Maître Karine LEBOUCHER, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

 

INTIMÉS :

Maître K. es qualité de « Mandataire ad'hoc » de la « SYS-ECO »

SASU sise [Adresse 2]), immatriculée au RCS de MONTPELLIER sous le n° XXX. [Adresse 5], [Localité 7], Assignée à domicile le 5 mai 2021, Sans avocat constitué

SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE

Prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 4], [Localité 9], Représentée par Maître Laure REINHARD de la SCP RD AVOCATS et ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère, Mme Séverine LEGER, Conseillère,

GREFFIER : Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS : À l'audience publique du 10 mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 juin 2022, Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT : Arrêt rendu par défaut, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 23 juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon bon de commande du 16 septembre 2014, les époux X. ont acheté huit panneaux photovoltaïques d'un prix de 15.000 euros à la Sasu Sys-Eco, et le même jour ont souscrit pour financer leur achat un emprunt de 15.000 euros auprès du Crédit Foncier de France.

Le 30 octobre 2014, les fonds ont été débloqués au profit de la société Sys-Eco par autorisation signée par les époux X.

Le 20 juillet 2015, la liquidation judiciaire de la société Sys-Eco a été prononcée et Maître K. nommé liquidateur.

Après mise en demeure du 27 septembre 2017, le Crédit Foncier de France le 17 décembre 2018 a notifié la déchéance du terme et réclamé aux époux X. la somme de 17.191,95 euros.

Le 14 janvier 2019, le prêteur a assigné les emprunteurs devant le tribunal d'instance d'Alès en remboursement du prêt.

Le 1er août 2019, les époux X. ont assigné en intervention forcée Maître K. en sa qualité de liquidateur du fournisseur du matériel, la société Sy-Eco.

Par jugement réputé contradictoire du 11 janvier 2021, le tribunal a :

- déclaré recevable l'action engagée par la société Crédit Foncier de France ;

- débouté les époux X. de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamné solidairement Mme Y. épouse X. et M. X. à payer en deniers ou quittances à la société Crédit Foncier de France la somme de 13.887,31 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2018, ainsi que celle de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme Y. épouse X. et M. X. aux dépens.

[*]

Par déclaration du 19 mars 2021, Mme Y. et M. X. ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 21 avril 2022, les appelants demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :

- ordonner la nullité du contrat de vente conclu entre eux et Sys-Eco au titre de la violation des lois régissant le démarchage à domicile ;

- ordonner la nullité consécutive du contrat de prêt affecté conclu entre eux et le Crédit Foncier de France ;

- juger que le Crédit Foncier de France est à l'origine de fautes qui lui sont imputables ;

- le priver en conséquence de tout droit à remboursement contre eux s'agissant du capital, des frais et accessoires versés entre les mains de la société Sys-Eco ;

- condamner le Crédit Foncier de France à prendre en charge le coût des travaux de dépose des panneaux photovoltaïques, et de remise en état des existants ;

-condamner le Crédit Foncier de France à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Les époux X. demandent à titre subsidiaire la résolution du contrat de vente des panneaux photovoltaïques conclu entre Sys-Eco et eux pour inexécution ainsi que celle du contrat de crédit affecté conclu avec le Crédit Foncier de France ;

A titre infiniment subsidiaire, en cas de confirmation de leur condamnation à régler le crédit au bénéfice du Crédit Foncier, ils sollicitent la confirmation en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts du Crédit Foncier de France.

Les appelants estiment que le contrat est nul sur le fondement de l'article L. 121-18-1 du code de la consommation, dans la mesure où la société Sys-Eco n'a pas respecté son obligation de remise d'un exemplaire du contrat, laquelle est à peine de nullité ; que dans le cas où le contrat principal n'a pas d'existence, le contrat de crédit accessoire à cet engagement n'en a plus ; que la demande de paiement d'un contrat de crédit affecté faite sans bon de commande principal est de nul effet.

Subsidiairement, il y a lieu aux dires des appelants d'ordonner la résolution du contrat de vente, dès lors que l'installation est incomplète, tant en ce qui concerne le matériel posé que le raccordement en vue de la revente, et qu'elle est illégale en l'absence d'attestation d'urbanisme sollicitée ; qu'aucune prescription n'est encourue, puisque la demande a été faite par voie de conclusions en juin 2020 et qu'ils n'étaient pas en mesure de connaître la nature de leurs droits en l'absence de document contractuel en leur possession.

Ils expliquent qu'ils ont cessé le règlement de leur crédit en l'absence d'achèvement du contrat principal, conformément aux dispositions de l'article L. 311-32 du code de la consommation ; que le Crédit Foncier de France avait été informé de cette inexécution, ce qui l'avait conduit volontairement à suspendre les effets du contrat de crédit puis à ne pas réclamer sa créance.

Les fautes contractuelles commises par le Crédit Foncier de France le privent du droit de demander le remboursement du capital, cette sanction prétorienne n'exigeant pas la preuve d'un préjudice subi par le consommateur dès lors que la conclusion de contrats illégaux lui porte nécessairement préjudice ; que le Crédit Foncier de France a commis une faute dans le déblocage des fonds en violation des dispositions de l'article L. 311-31 du code de la consommation, en débloquant les fonds au profit de Sys-Eco avant que les panneaux soient livrés et sans autorisation de l'emprunteur ; qu'il a également commis une faute en faisant signer à l'emprunteur un document intitulé 'autorisation de versement des fonds', qui n'est ni une attestation de livraison, ni une attestation de fin de travaux et qui n'est qu'un consentement à remettre un jour les fonds à un tiers ; qu'en conséquence, il y a lieu de priver le prêteur de son action en restitution du capital à la suite de l'annulation des contrats ;

[*]

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 28 mars 2022, la société Crédit Foncier de France demande à la cour de :

- infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a :

* omis de statuer sur la prescription de l'action en résolution des contrats ;

* prononcé la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts conventionnels ;

* jugé que le prêteur a commis une faute dans le déblocage des fonds ;

Statuant à nouveau,

- déclarer irrecevable, pour être prescrite, la demande de résolution des contrats formulée par les époux X. ;

- juger n'y avoir lieu à prononcer la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts conventionnels;

Par conséquent,

- condamner solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. à lui payer la somme de 17.191,95 euros due au 17 décembre 2018 outre intérêts au taux de 5,15 % sur la somme de 16.992,85 euros du 18 décembre 2018 jusqu'à parfait paiement et au taux légal sur la somme de 169,93 euros du 18 décembre 2018 jusqu'à parfait paiement ;

- condamner solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. à rembourser au Crédit Foncier la somme de 15.000 euros soit le montant du capital prêté, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition des fonds, sous déduction des échéances réglées ;

A titre infiniment subsidiaire,

- fixer le préjudice subi par les époux X. à la somme de 2.000 euros ;

Par conséquent,

- condamner solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. à lui rembourser la somme de 15.000 euros, correspondant au montant du capital prêté, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition des fonds, sous déduction des échéances réglées et d'une indemnité à hauteur de 2.000 euros, en réparation du préjudice subi ;

En tout état de cause,

- condamner solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. à lui porter et payer une indemnité à hauteur de 2.500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

L'intimé fait valoir que les époux X. ayant reconnu, lors de la signature, en avoir reçu un exemplaire ainsi qu'un exemplaire de l'offre de contrat de crédit, il n'a l'obligation de produire dans la procédure que les documents sur la base desquels il se fonde, ce qu'elle fait, la sommation de communiquer transmise par les appelants étant sans objet ; qu'au contraire, les appelants n'ont émis aucune contestation, ont signé la facture ainsi que l'autorisation de versement des fonds, et ont réglé les échéances de crédit en 2016, de sorte que la décision doit être confirmée en ce que le tribunal a jugé que ce moyen de défense n'était pas sérieux.

Le Crédit Foncier fait par ailleurs observer à la cour que la demande de résolution du contrat principal et du contrat de crédit se heurte à la prescription, les appelants ayant signé le 30 octobre 2014 la facture et reconnu l'installation des matériels visés ; qu'ayant eu connaissance dès le 30 octobre 2014 des faits leur permettant d'exercer leur action en résolution, ils sont prescrits à l'invoquer plus de cinq ans plus tard ; qu'au demeurant, la preuve d'une inexécution suffisamment grave pour justifier la résolution n'est pas rapportée, la partie adverse ayant accepté sans réserve la livraison et la pose de panneaux, signé la facture de la société venderesse et l'autorisation de versement des fonds; que les appelants, qui ne peuvent se retrancher derrière l'absence de production du bon de commande, ne démontrent pas davantage que le raccordement au réseau et les démarches administratives étaient des obligations du vendeur, celui-ci étant uniquement tenu de déposer une déclaration préalable pour faire poser des panneaux sur le logement. L'intimé estime qu'il n'y avait pas lieu de la déchoir de son droit aux intérêts conventionnels dès lors qu'en vertu de l'article L. 311-12 du code de la consommation, le prêteur n'a pas à justifier sur son exemplaire de l'existence d'un bordereau, et que l'emprunteur a en l'espèce signé le contrat et ainsi reconnu avoir reçu un exemplaire du contrat de crédit comportant un bordereau de rétractation détachable.

- subsidiairement, en cas d'anéantissement des contrats, les époux X. doivent être condamnés solidairement à lui rembourser le montant du capital prêté, chacune des parties devant restituer à son co-contractant ce qui a été donné en application du contrat de façon à remettre les choses dans leur état antérieur à sa conclusion ; que les appelants sont défaillants dans la démonstration d'une faute de sa part dans l'exécution de son contrat, mais aussi d'un préjudice et d'un lien de causalité ; qu'il est notamment démontré que les époux X. ont bien reçu un exemplaire du contrat et que les fonds ont été versés sur la base de la facture et de l'autorisation expresse de versement des fonds signée par M. X. ; qu'en outre, le crédit consenti est inférieur à 75.000 euros, si bien qu'il est soumis aux dispositions du code de la consommation concernant les crédits mobiliers ;

- les époux X. sont défaillants dans la démonstration de l'existence d'un préjudice.

[*]

Bien que régulièrement intimée par signification de la déclaration d'appel et des conclusions, la société Sys-Eco n'a pas constitué avocat.

[*]

Par ordonnance du 28 février 2022, la procédure a été clôturée le 26 avril 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 10 mai 2022.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la nullité du contrat de vente et sur la nullité subséquente du contrat de crédit affecté :

Le tribunal n'a pas jugé sérieux le moyen de nullité tiré de l'absence de remise par le vendeur à ses cocontractants d'un exemplaire du bon de commande et fondé sur les dispositions de l'article L. 121-18-1 du code de la consommation au motif que les époux X. n'avaient jamais contesté la relation contractuelle et ne se plaignaient que d'une inexécution incomplète de la prestation.

Les appelants rappellent qu'en application de l'article L. 121-18-1 du code de la consommation, l'obligation du vendeur de remettre au consommateur un exemplaire du contrat comprenant toutes les informations mentionnées à l'article L. 121-17 du même code est sanctionné par la nullité du contrat. Ils font valoir que le Crédit Foncier, pourtant tenu d'être en possession du bon de commande avant d'accorder le financement du projet et de débloquer les fonds prêtés, n'a versé aux débats qu'un extrait incomplet.

L'intimé soutient quant à lui que les appelants ne peuvent faire grief à leur vendeur de ne pas leur avoir remis un exemplaire du bon de commande alors même qu'ils ont signé ledit document comprenant, à côté de leur signature, la mention suivante : « déclare accepter le présent contrat ... et avoir reçu un exemplaire ainsi qu'une offre préalable de prêt ».

L'article L. 121-18-1 du code de la consommation applicable aux faits de l'espèce dispose : « le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement ».

La méconnaissance de cette obligation est sanctionnée par la nullité et la charge de la preuve de son exécution repose sur le vendeur. Ces règles étant édictées dans l'intérêt des personnes démarchées à domicile, leur violation est sanctionnée par une nullité relative : le cocontractant peut donc renoncer à son droit à invoquer la nullité du contrat.

Les intimés font valoir que les époux X. avant l'assignation en paiement n'avaient jamais reproché au vendeur d'avoir omis de leur remettre un exemplaire du bon de commande, qu'ils ont au contraire signé la facture ainsi que signé l'autorisation de déblocage des fonds.

Il se déduit donc de l'exécution du contrat et de l'acceptation des marchandises par les cocontractants que la nullité qu'ils invoquent a été couverte.

Le tribunal a donc à bon droit rejeté la demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat de vente et la nullité subséquente du contrat de crédit affecté.

 

Sur la résolution du contrat de vente pour inexécution et sur la résolution subséquente du contrat de crédit affecté :

Les époux X. estiment que l'installation mise en place par leur fournisseur est incomplète, seuls huit panneaux solaires sur les dix panneaux facturés ayant été posés et le raccordement au réseau Enedis n'ayant pas été effectué. Ils ajoutent que l'installation a été intégrée à leur toiture sans qu'une déclaration préalable de travaux ait été déposée à la mairie de sorte qu'elle n'est pas conforme aux dispositions du code de l'urbanisme. Selon les appelants, cette inexécution grave portant sur des éléments essentiels du contrat principal justifient sa résolution et celle du contrat de crédit affecté.

Le tribunal a rejeté la demande au motif que l'inexécution du contrat principal n'était pas établie, qu'en l'absence du bon de commande il n'était pas possible de déterminer si le raccordement au réseau Enedis était une prestation prévue par les parties et qu'en tout état de cause, les époux X. avaient signé l'autorisation de versement de la somme empruntée à la société Sys-Eco, laquelle correspondait au montant total de la facture mentionnant la pose de dix panneaux. Quant à l'absence de déclaration préalable de travaux, le tribunal a jugé qu'elle ne remettait pas en cause l'exécution du contrat.

Le Crédit Foncier de France soulève la prescription de la demande de résolution du contrat principal pour inexécution présentée par les appelants, le délai de prescription de cinq ans prévu par l'article 2224 du code civil ayant commencé à courir le 30 octobre 2014, date à laquelle ils ont signé la facture et l'autorisation de verser les fonds, de sorte qu'il était expiré le 8 juin 2020, date de leurs conclusions de première instance. Sur le fond, l'intimé considère que les époux X. ne rapportent pas la preuve d'une inexécution suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat principal.

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Les appelants soutiennent qu'ils ont eu connaissance des inexécutions contractuelles qu'ils invoquent pour demander la résolution du contrat non le 30 octobre 2014, date à laquelle ils ont signé la facture et l'autorisation de versement des fonds, mais au début des prélèvements bancaires.

L'autorisation de versement des fonds ne contient aucune précision quant à l'exécution du contrat et la facture annexée comprend une mention manuscrite rédigée et signée par Mr X. « Bon pour installation » de sorte qu'elle est nécessairement antérieure à l'installation du matériel commandé et à l'exécution de la prestation d'installation mentionnée à la fin de la facture sous le libellé « Installation, mise en œuvre PV 3kw » au prix de 2272 euros HT.

Le délai de prescription de la demande en résolution de la vente pour inexécution n'a donc pu commencer à courir à compter du 30 octobre 2014.

Dans leurs écritures, les appelants exposent que les panneaux ont été posés mais que l'installation n'a jamais été raccordée au réseau Enedis par la société Sys Eco, laquelle a été placée en liquidation judiciaire début 2015. Les époux X. expliquent que ne pouvant pas honorer l'emprunt souscrit à défaut de pouvoir revendre l'électricité supposée autofinancer le crédit à cause du défaut de raccordement, ils ont convenu de ne pas le régler en l'état de l'inexécution du contrat.

L'examen du tableau d'amortissement et du relevé d'écritures pour la période du 1er janvier 2016 au 17 décembre 2018 (pièces n° 2 et 7 de l'intimé) révèlent en effet que le crédit n'a jamais été payé. En effet, le contrat stipulait un report des échéances durant les douze premiers mois, du 5 janvier 2015 au 5 janvier 2016. Les échéances d'un montant de 138,91 euros, lesquelles ont commencé à être prélevées le 5 janvier 2016, ont toutes été rejetées selon le motif suivant : « contestation du débiteur » de sorte qu'à la date de la déchéance du terme, le 5 décembre 2018, le montant des échéances impayées s'élevait à la somme de 3.986,48 euros.

Il est donc établi que les époux X. n'ont pas eu connaissance des inexécutions dont ils se plaignent le 30 octobre 2014 mais seulement le 5 janvier 2016, date à laquelle ils ont donné l'ordre à leur banque de rejeter les prélèvements des échéances du crédit à la suite de la constatation de l'inexécution complète du contrat.

Leur demande n'est donc pas prescrite.

Cependant, ainsi que le fait observer le prêteur, les appelants ne rapportent pas la preuve que le raccordement au réseau Enedis et le dépôt en mairie de la déclaration préalable de travaux étaient des obligations que leur fournisseur s'était engagé à accomplir alors même que seule la prestation d'installation et de mise en œuvre des panneaux photovoltaïques est mentionnée et chiffrée dans la facture du 30 octobre 2014 qu'ils ont signée.

 

Sur la perte par l'établissement de crédit de son droit à la restitution des fonds prêtés :

L'article L. 311-31 du code de la consommation dans sa rédaction dispose : « Les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation. »

Si l'absence d'annulation ou de résolution du contrat de vente n'interdit pas à l'emprunteur de se prévaloir des dispositions de l'article L. 311-31, il incombe toutefois à l'emprunteur de caractériser l'existence d'un préjudice en lien avec la faute de la banque.

La faute de la banque qui a débloqué les fonds prématurément sans s'assurer de l'exécution complète de la prestation est avérée. En effet, l'autorisation de versement des fonds signée par les emprunteurs le 30 octobre 2014 ne contient aucune précision quant à l'exécution du contrat et la facture annexée comprend une mention manuscrite rédigée et signée par Mr X. « Bon pour installation » de sorte qu'elle est nécessairement antérieure à l'installation du matériel commandé et à l'exécution de la prestation d'installation mentionnée à la fin de la facture sous le libellé « Installation, mise en œuvre PV 3kw » au prix de 2272 euros HT. Le Crédit Foncier de France ne s'est donc pas du tout assuré de l'achèvement de la prestation de fourniture et d'installation du matériel vendu avant de libérer le capital emprunté.

Cependant, les appelants ne soutiennent pas que les panneaux n'ont pas été installés et qu'ils subissent un préjudice découlant de l'inexécution par le fournisseur de son obligation de les installer. L'installation et la mise en œuvre des panneaux étant la seule prestation à la charge de la société Sys-Eco, les appelants ne peuvent invoquer les préjudices découlant du défaut de raccordement des panneaux au réseau Enedis et l'absence de dépôt en mairie de la déclaration préalable de travaux, ces derniers étant sans rapport de causalité avec le manquement du prêteur à son obligation de vérifier que le fournisseur avait exécuté la totalité des prestations prévues par le contrat.

 

Sur la nature immobilière du crédit :

L'article L. 212-2 [N.B. lire 312-2] du code de la consommation dans sa version applicable du 1er mai 2011 au 1er juillet 2016 et donc applicable aux faits de l'espèce dispose:

« Les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux prêts qui, quelle que soit leur qualification ou leur technique, consentis de manière habituelle par toute personne physique ou morale en vue de financer les opérations suivantes :

1° Pour les immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation :

a) Leur acquisition en propriété ou la souscription ou l'achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en propriété, y compris lorsque ces opérations visent également à permettre la réalisation de travaux de réparation, d'amélioration ou d'entretien de l'immeuble ainsi acquis ;

b) Leur acquisition en jouissance ou la souscription ou l'achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en jouissance, y compris lorsque ces opérations visent également à permettre la réalisation de travaux de réparation, d'amélioration ou d'entretien de l'immeuble ainsi acquis ;

c) Les dépenses relatives à leur réparation, leur amélioration ou leur entretien lorsque le montant du crédit est supérieur à 75.000 € ;

d) Les dépenses relatives à leur construction ».

Les appelants soutiennent que la banque leur a proposé un crédit à la consommation alors qu'elle était tenue de leur proposer un crédit immobilier, l'installation de panneaux photovoltaïques ayant vocation s'intégrer à l'immeuble s'analysant en travaux de construction pour lesquels l'article précité n'a prévu aucun plancher.

Rappelant que les fonds empruntés s'élevaient à la somme de 15.000 euros inférieure au seuil de 75.000 euros prévu par l'article L. 212-2 [N.B. lire 312-2] du code de la consommation, l'intimé considère qu'il n'avait pas à proposer un contrat de crédit immobilier.

Le nouvel article L. 212-2 [N.B. lire 312-2] opère une distinction que sa version précédente n'opérait pas entre les travaux de construction, d'une part, et ceux d'amélioration, de réparation et d'entretien, d'autre part, les premiers imposant systématiquement au prêteur de proposer un crédit immobilier quel que soit leur montant, les seconds ne l'imposant pas tant que leur montant n'excède pas 75.000 euros.

Les travaux d'installation en toiture de panneaux photovoltaïques permettant aux propriétaires d'un immeuble à usage d'habitation d'améliorer leur bien par la production d'électricité sont des travaux d'amélioration et non des travaux de construction de sorte que le crédit destiné à financer lesdits travaux ne doit être qualifié de crédit immobilier qu'à la condition d'excéder 75.000 euros.

 

Sur la déchéance du droit aux intérêts :

Pour déchoir la banque de son droit aux intérêts conventionnels, le tribunal a relevé qu'il manquait à l'offre de crédit la copie du bulletin de rétractation ainsi que le justificatif de l'interrogation du fichier des incidents de paiement, d'une part, et qu'aucune pièce n'était jointe à la fiche de dialogue justifiant que le prêteur avait vérifié de manière sérieuse les ressources déclarées par les emprunteurs.

Le Crédit Foncier de France conteste l'application de cette sanction au motif que les emprunteurs ont l'offre de crédit laquelle mentionnait qu'ils reconnaissaient avoir reçu un exemplaire du contrat de crédit comportant un bordereau de rétractation détachable. En cause d'appel, la banque verse aux débats les pièces justificatives des ressources des emprunteurs.

Il incombe cependant au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles : la signature par l'emprunteur de l'offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu'il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

Si l'offre de crédit versée aux débats comporte cette clause de style, elle ne contient aucun bordereau de rétractation ni aucun autre indice de nature à établir la présence de ce bordereau sur l'exemplaire de l'offre de prêt remise aux emprunteurs.

La déchéance du droit aux intérêts sera donc confirmée.

 

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il n'est pas inéquitable de laisser au Crédit Foncier de France la charge de ses frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, par défaut, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute le Crédit Foncier de France de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme FOURNIER, Présidente de chambre et par Mme RODRIGUES, Greffière.

LA GREFFIÈRE,                            LA PRÉSIDENTE,