CA ROUEN (2e ch.), 13 mai 2004
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 976
CA ROUEN (2e ch.), 13 mai 2004 : RG n° 03/01177
Publication : Juris-Data n° 248545
Extrait : « Attendu, enfin, que le contrat d'assurance a été souscrit pour garantir le remboursement d'un emprunt pendant une durée de 15 ans ; que la durée de 365 jours du délai d'attente auquel est subordonné la garantie perte d'emploi n'est pas excessive ; Qu'en outre, la clause litigieuse n'exclut de la garantie ni le décès, ni l'invalidité absolue et définitive, ni l'incapacité temporaire pendant l'année suivant la prise d'effet du contrat ; Qu'il s'ensuit que c'est vainement que l'assuré soutient que la clause litigieuse procure à l'assureur un avantage excessif et constitue une clause abusive ».
COUR D’APPEL DE ROUEN
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 13 MAI 2004
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R. G. n° 03/01177.
DÉCISION DÉFÉRÉE : TRIBUNAL D'INSTANCE LE HAVRE du 20 novembre 2002.
APPELANT :
Monsieur X.
[adresse], représenté par la SCP GALLIERE LEJEUNE MARCHAND GRAY, avoués à la Cour, assisté de Maître TROFIMOFF, avocat au barreau du HAVRE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro […] du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [ville])
INTIMÉES :
Société CNP ASSURANCES
[adresse],
Société CNP IAM
[adresse],
Société PREDICA
[adresse],
représentées par la SCP COLIN VOINCHET RADIGUET ENAULT, avoués à la Cour, assistées de Maître CHANSON, avocat au barreau du HAVRE
[minute : deuxième page non paginée]
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 25 mars 2004 sans opposition des avocats devant Madame BIGNON, Présidente, rapporteur, en présence de Monsieur LOTTIN, Conseiller.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame BIGNON, Présidente, Madame BRUMEAU, Conseiller, Monsieur LOTTIN, Conseiller.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame TLECUYER, Greffier.
DÉBATS : À l'audience publique du 25 mars 2004, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 mai 2004.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE, Prononcé à l'audience publique du 13 Mai 2004 par Madame BIGNON, Présidente, qui a signé la minute avec Madame LECUYER, Greffier présent à cette audience.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 1] Exposé du litige :
En contractant un emprunt auprès du Crédit agricole d'un montant de 207.000 Francs pour une durée de 15 ans, destiné à financer l'acquisition d'un appartement, M. X. a adhéré, le 16 septembre 1999, au contrat d'assurance de groupe souscrite par l'établissement bancaire auprès des sociétés d'assurances CNP assurances, CNP IAM et Prédica et dont la société CNP assurances est l'apéritrice, en vue de garantir le remboursement de l'emprunt en cas de décès, invalidité absolue et définitive, incapacité temporaire et perte d'emploi.
Ayant perdu son emploi au mois de janvier 2000, M. X. a demandé à l'assureur l'exécution de la garantie.
L'assureur lui a opposé la clause du contrat selon laquelle la garantie perte d'emploi est soumise à un « délai d'attente » d'une durée de 365 jours et a dénié devoir sa garantie.
Par acte du 8 février 2000, M. X. a assigné les trois sociétés d'assurance pour obtenir leur condamnation à prendre en charge 65% du montant des échéances de remboursement de l'emprunt immobilier pendant deux ans à compter du délai de carence de 120 jours partant du début de prise en charge par les ASSEDIC de la perte d'emploi.
Par jugement rendu le 20 novembre 2002, le tribunal d'instance du Havre a :
- mis hors de cause les sociétés CNP IAM et Prédica,
- débouté M. X. de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
- condamné M X. à payer les dépens.
M. X. a interjeté appel de cette décision.
Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions signifiées le 11 septembre 2003 par M. X., et le 21 janvier 2003 par les assureurs.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Sur ce, la cour,
Attendu que, pour conclure à l'infirmation du jugement et à la condamnation des assureurs à le garantir, l'assuré expose, en premier lieu, que la clause garantie perte d'emploi est ainsi définie à l'article 9, paragraphe « définition », des conditions générales : « la garantie perte d'emploi est soumise à une période d'attente d'une durée de 365 jours, qui débute à la date de prise d'effet de l'assurance. Un licenciement notifié au salarié durant cette période ne donne jamais lieu à prise en charge même si la situation de chômage se prolonge au-delà de 365 jours » ;
Qu'il soutient que cette clause est en contradiction avec l'article 3-2 des conditions générales de la police, intitulé « date de prise d'effet de votre assurance » ainsi libellé : « votre assurance prend effet à la plus tardive des deux dates suivantes :
- date mentionnée dans le contrat ou l'offre de prêt
- date d'accord de l'assureur noté au prêteur.
Pendant les 90 jours qui suivent la date de signature de votre demande d'adhésion, tous décès accidentel donne lieu au versement de la prestation prévue en cas de décès sauf décision de rejet ou d'ajournement déjà notifié par l'assureur au prêteur. L'accident s'entend de toute atteinte corporelle résultant directement de l'action soudaine d'une cause extérieure et non intentionnelle de l'assuré.
Attention : si une évolution de votre état de santé survient avant la date d'acceptation de votre demande par l'assureur (date de notification d'acceptation ou, à défaut, date de prise d'effet de l'assurance), vous êtes tenu de renouveler les formalités médicales d'entrée, sous peine de nullité de l'assurance (art. L.113-8 et L. 113-9 du Code des assurances).
Si vous l'avez souscrite, votre garantie perte d'emploi prend effet à la même date que la garantie décès » ;
Que l'assuré soutient qu'en vertu de ces dernières dispositions, la garantie perte d'emploi prend effet en même temps que la garantie décès, soit en l'espèce, le 22 novembre 1999 et prétend que cette clause est en contradiction avec l'article 9 ; qu'il en déduit qu'en présence d'une telle contradiction, la clause du contrat qui fixe la date d'effet de la garantie perte d'emploi à la même date que la garantie décès doit prévaloir sur celle qui stipule un délai d'attente d'un an ;
Attendu que l'assuré prétend, en deuxième lieu, que la clause litigieuse s'analyse en une clause d'exclusion de garantie ; que, faisant valoir qu'elle n'est [minute page 3] pas apparente, mais qu'elle est noyée dans un paragraphe intitulé « définition » et qu'elle n'est ni formelle, ni limitée, il soutient qu'elle contrevient aux dispositions d'ordre public des articles L. 112-4, alinéa 3, et L. 113-1 du Code des assurances ;
Attendu, enfin, que l'assuré invoque les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation selon lesquelles sont abusives et réputées non écrites, les clauses qui ont pour objet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu'il invoque aussi la recommandation de la Commission des clauses abusives du 10 novembre 1989, et soutient que le contrat d'assurance litigieux comporte plusieurs clauses qualifiées d'abusives par cette Commission ; qu'ainsi, il fait valoir, d'abord, que le contrat d'assurance de groupe prétend proposer une garantie «perte d'emploi» qui ne garantit, en fait, que le risque de licenciement et dans des conditions particulièrement restrictives en sorte que le libellé de la garantie ne correspond nullement à sa portée effective, ensuite qu'un emprunteur ne peut adhérer à la garantie perte d'emploi qu'autant qu'il souscrit également aux garanties décès, invalidité et maladie et, enfin, qu'il est prévu un délai d'attente d'un an pour la garantie «perte d'emploi » ;
Que l'assuré soutient que le délai de carence a pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat dès lors qu'il n'a bénéficié d'aucune contrepartie durant un délai d'un an puisque la garantie « perte d'emploi » n'avait vocation durant ce délai à ne couvrir aucun sinistre ;
Attendu, ceci étant exposé, d'abord, que la contradiction alléguée entre les articles 3-2 et 9 des conditions générales n'est qu'apparente ; qu'en effet, même si le droit à indemnisation est subordonné à l'expiration d'un délai de carence de 365 jours, la garantie « perte d'emploi » a pris effet à la date de souscription de la police, à compter de laquelle le délai d'attente a été décompté ; que l'assuré n'a pas pu se méprendre sur l'étendue de ses droits ;
Attendu, ensuite, que la clause litigieuse qui énonce que la garantie perte d'emploi est soumise à une période d'attente d'une durée de 365 jours, qui débute à la date de prise d'effet de l'assurance et qui fixe une condition permanente d'indemnisation du risque garanti, ne stipule pas une exclusion et n'est pas, de ce fait, soumise aux exigences des articles L. 113-1 et L. 112-4 du Code des assurances ; qu'il s'ensuit que les conclusions de l'assuré relatives aux conditions de validité des clauses d'exclusion de garantie sont inopérantes ;
Attendu, surabondamment, que cette clause, qui stipule un délai de carence d'un an pour la garantie du risque perte d'emploi alors que le contrat a été souscrit pour une durée de 15 ans, et qui laisse dans le champ de la garantie tous les [minute page 4] autres risques, est mentionnée [N.B. : ajouter sans doute « en caractères »] très apparents, tant à l'article 9 des conditions générales, qu'aux conditions particulières ; que les conditions particulières définissent clairement le délai d'attente sous l'intitulé « définition de la période d'attente » ; que, formelle et limitée, cette clause permet à l'assuré de comprendre exactement l'étendue de ses droits à garantie au titre de la perte d'emploi et ne contrevient donc pas aux exigences de l'article L. 113-3 du Code des assurances ;
Attendu, enfin, que le contrat d'assurance a été souscrit pour garantir le remboursement d'un emprunt pendant une durée de 15 ans ; que la durée de 365 jours du délai d'attente auquel est subordonné la garantie perte d'emploi n'est pas excessive ;
Qu'en outre, la clause litigieuse n'exclut de la garantie ni le décès, ni l'invalidité absolue et définitive, ni l'incapacité temporaire pendant l'année suivant la prise d'effet du contrat ;
Qu'il s'ensuit que c'est vainement que l'assuré soutient que la clause litigieuse procure à l'assureur un avantage excessif et constitue une clause abusive ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que le jugement ayant débouté l'assuré de ses demandes sera confirmé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement entrepris ;
Vu l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,
Condamne M. X. à payer à la société CNP assurances la somme de 1.000 euros ;
Condamne M. X. à payer les dépens et dit qu'ils seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.
- 5816 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Clauses abusives - Illustrations : Loi n° 95-96 du 1er février 1995
- 6017 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Notion d’objet principal
- 6362 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances de groupe - Assurance-crédit - Obligations de l’assureur - Présentation générale
- 6365 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances de groupe - Assurance-crédit - Obligations de l’assureur - Perte d’emploi ou chômage